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André Romus

mardi 3 février 2015, par Cécile Guivarch

Né en 1928 et décédé en 2015. Poète, critique, féru en psychanalyse freudienne. Prix Saint-Pol-Roux 1950. A entretenu une longue correspondance avec le poète français Patrice de La Tour du Pin, dont rendent compte Lettres à André Romus (Seuil, 1981, préfacé par le destinataire de cette correspondance).
Une vingtaine d’œuvres de 1951 à 2013 : Livres de poésie essentiellement, un récit, Une sorte d’enfance, plusieurs essais et préfaces consacrés à des poètes (Hubert Dubois…) et à la poésie.
Critique littéraire au Journal des poètes, à la revue L’Arbre à paroles et à la Revue générale. Il a offert là ses bonheurs de lecture, liégeois et autres : G.Linze, J.Izoard, K.Logist, P.Leclercq, F.Saenen, S.Delaive, M.Coton…
Prix de l’Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique pour Demeure de l’été, 1993. Prix de la ville de Liège, Pyramides 2000.
Figure dans plusieurs anthologies d’Yves Namur et/ou de Liliane Wouters, entre autres, La poésie française de Belgique/Une lecture parmi d’autres, Yves Namur, Recours au poème, février 2015.
Il a été résident à l’Academia Belgica (cf. Déambulations romaines, D.Devillez, 2012, contributions pp.159/166). Et l’invité de plusieurs festivals de poésie au Québec (Trois-Rivières…)
André Romus, au-delà de sa place importante en littérature belge, a aussi une palette de peintre, d’acryliques entre autres. Grand cinéphile, il a une ferveur pour l’œuvre de S.M. Eisenstein, d’Orson Welles, de G. Van Sant…Ses préférences musicales : éclectiques.

Extrait de Demeure de l’été/ Dimora dell’estate, L’Arbre à paroles, 2003

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T’aimer n’est pas me retourner
vers les avenues vaines du souvenir
seul à présent parmi d’autres jours éclatés
mais me nourrir – le dépassant – de ce qui fut
demeure de l’été que j’habite en ton nom
pour que survive
le partage du pain de la lampe et des armes
et qu’encore me guident
ces traces de clarté que tu laisses en moi

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Le mot de Philippe Leuckx...

Survivance de l’être grâce au poème. Traces de l’autre.
Ecriture souveraine, tissée d’allitérations, d’assonances, où les « t » relaient l’été, lui aussi souverain, garant de la mémoire, partage des émois denses. T’aimer. Me retourner. Éclatés. Partage. Ton nom. Traces. Clarté.

Extrait de Lettres à André Romus, Seuil, 1981

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28 octobre 1950

Mon petit André, merci de votre lettre. Peut-être serez-vous fixé sur votre travail quand vous recevrez celle-ci. N’ayez crainte de devenir homme, même dans ce monde où les hommes apparaissent souvent si affreux. Peut-être là verrez-vous la différence entre le monde d’enfance humain –et l’enfance que nous devons toujours garder en Dieu. Là, vous verrez que l’art et la poésie peuvent être utiles, mais ne sont pas essentiels. (…)
Ne craignez rien, n’ayez seulement pas trop la nostalgie de l’enfance, il y en a qui prient pour vous afin que vous trouviez votre prière, la prière que vous êtes au fond de vous. Cherchez Dieu hors de toute beauté, de tout frisson de beauté maintenant…(…)
Patrice

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Le mot de Philippe Leuckx...

L’enfance. L’amitié épistolaire. Le poète aîné donnant conseils rilkiens au jeune poète. La présence du divin, de la beauté, de la prière.
Oui, l’enfance des créateurs, pourvoyeuse ? Refuge ? Terreau sacré ?

Extrait de Une sorte d’enfance, Tétras Lyre, coll. Hors-Chant, 2012

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Les photos ne mentent pas.
Aujourd’hui, je regarde à nouveau celle de 1931.
Décor : le jardin ; l’angle au pied du mur de l’atelier de verrerie ; l’étroit hangar surmonté d’un linteau de bois sur lequel quelqu’un a écrit à la peinture blanche : « Amon nos-ôtes » (« Chez nous », en wallon).
Personnage : enfant portant chaussettes blanches, petites chaussures blanches à boucle, tablier aux poches appliquées brodées ; le bras gauche, potelé, abandonné le long du corps ; l’autre bras replié pour tenir ouverte une ombrelle de dentelle blanche sur laquelle se détache la boule sombre des cheveux lissés sur une oreille, et se relevant en boucle sur l’autre joue.
Au verso de l’image, aucun prénom.

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Le mot de Philippe Leuckx...

Le poète dans son grand âge se retourne vers le passé. Ses trois ans.
La description est cinglante – sa marque. Loin de lui, comme en ses poèmes, cette mièvrerie de certains. Les notations objectives, descriptives, entomologiques presque.
Distance quasi brechtienne. Vous avez devant vous, lisant cette note sèche, l’enfant que je fus. Déguisé pour l’office d’une photographie sérieuse.
Composition.
Anonyme.
L’enfant dévoré par l’univers recomposé de blanc, de pureté angélique, d’enfance trompeuse, trompée.
Photo lisse. Adulte scrutant, scrutant.

Extrait de Bourreaux, couteaux, L’Arbre à paroles, 1993

Ainsi sans doute aurai-je vécu avec l’ombre,
moi jadis écolier sage sous le préau
qui le protégeait mal des larmes, de la pluie
sur Liège quand en vain les horloges
lacéraient le temps immobile et noir
dans les rues hagardes souviens-t’en de l’ennui

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Le mot de Philippe Leuckx...

L’ombre pourvoyeuse de passé écolier et mélancolique. Le temps, thème récurrent d’un univers blessé, même par la pluie, même par celles de mots.

Extrait de L’aube, l’aubier, L’Arbre à paroles, 1995

Sous l’écorce des mots
Court le sang de l’arbre
S’accroît la neige du silence
Jusqu’à l’aubier
Sous l’écorce des mots
Se lit la houille : S’écrit la mort
Mais j’épelle : « graines »
« racines »
« durée »

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Le mot de Philippe Leuckx...

Aller au plus nu, sous l’écorce. Rappel, si l’on veut, du beau livre de Lacarrière. La voix maîtresse de sens, de sang : les mots tombent sans apprêts ni fioriture.

Bibliographie ( Poèmes sauf indication)

Les promesses du jour, La Maison du poète, 1951
Voix dans le labyrinthe, PJ Oswald, 1954
Hubert Dubois, poète écartelé (essai), Le Thyrse, 1965
Le dieu caché (essai), André De Rache, 1978
Lettres à André Romus de Patrice de la Tour duPin (avant-propos d’André Romus), Seuil, 1981
Demeure de l’été, L’Arbre à paroles, 1989
Bourreaux, couteaux, ibid., 1993
Le temps à peine, Tétras Lyre, 1995
Encre(s), Presses de l’Acasoir, 1995
L’aube, l’aubier, L’Arbre à paroles, 1995
L’huile des lampes, ibid., 1996
Si les dieux meurent…, L’Arbre à paroles, 1998
Les quatre vents, Groupe Impressions, 1998
Stèles de cendres, Phi et Ecrits des Forges, 1999
Le corps en archipel, La Fourmilière, 1999
Avril sous roche, Phi et Ecrits des Forges, 2001
Demeure de l’été/ Dimora dell’estate, L’Arbre à paroles, 2004
Toi terriblement, Le Noroît, 2004
Un visage parfois, Tétras Lyre, 2009
Une sorte d’enfance (récit), Tétras Lyre, 2012
Hubert Dubois (préface d’André Romus), Le Taillis Pré, 2013

Page proposée par Philippe Leuckx


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