Béatrice Marchal, née en 1956, a passé sa jeunesse dans les Vosges, qui ont marqué son imaginaire. Etudes de lettres, qu’elle a enseignées jusqu’en 2011, du collège aux classes préparatoires. Ses recherches sur Cécile Sauvage, la mère d’Olivier Messiaen, ont sensiblement corrigé l’image de cette femme et de son œuvre.
Auteure de nombreux articles, elle collabore à différentes revues (Diérèse, Friches, Arpa, le Journal des poètes) et a rédigé plusieurs préfaces, dont celle du Poésie/Gallimard consacré, en 2015, à Richard Rognet.
Elle est présidente du Cercle Aliénor depuis janvier 2013.
Extrait de L’Epreuve des limites
Il aurait fallu s’endurcir
dès la cour d’école
à chaque occasion
rendre les coupsIl est trop tard
La part qu’aucun Styx n’a protégée
réclame un déferlement
ininterrompu de bontéIl n’existe pas de remèdes
Mais d’autres possibles
Chaque fibre assouplie
chaque cellule attendrie
jusqu’au cœur travaillée
dessine l’élan d’une nouvelle voie lactée
Extrait de La Remontée du courant
Mon trouble quand arrêtée par votre conversation
j’ai aperçu en contrebas du trottoir
le tendre visage d’un conducteur sur une femme
embrassée
Etait-ce deux couples côte à côte
ou deux moments d’un même amour ?*
Ce champ de narcisses
du fond de l’enfance
te fait signe encoreProfusion et perfection des fleurs
ton émerveillement reste intactL’ombre pourtant s’étend
Du Jardin de Beauté
on ne cueille jamais
qu’un bouquet
Extrait de Une Voix longtemps cherchée
Il est tard déjà
L’horizon recule encore
Où pourrions-nous arriver ?Le rêve du repos a trop duré
pour à présent y consentir
Nous savons désormais
toute halte passagère
toute victoire dérisoire
tout échec insignifiantSeul importe l’élan
avec les arbres pour sentinellesNous poursuivrons notre marche
Extrait de Équilibre du présent
A bout de branches
le magnolia tient
des fleurs mi-oiseaux
corolles roses
prêtes à l’envolDans la cour obscure
le magnolia
n’a cure d’emplir
un regard, __ content
d’accomplir son être
entre terre et ciel
Extrait de La Cloche de tourmente
Quand le brouillard sur le plateau se fait
épais et que disparaît tout repère,
les deux femmes tombées dans la neige non loin
de l’école reviennent hanter les mémoires
et du hameau tinte longtemps par intervalles
une cloche au son clair qui redonne la force
à qui désespérait de retrouver
son chemin et de s’abriter,cloche de tourmente
remontée d’un continent englouti
d’hommes simplement soucieux de porter une aide
et d’accueillir auprès de leur feu, à leur table,
d’autres hommes dans le besoin,cloche de tourmente
que donnent à entendre
de rares voix que les années n’ont pu fêler
ni les coups reçus par grand gel.
Extrait de D’Absence et de lumière
Toujours menés
de la poursuite au vide
de la confiance au leurre
mais toujours
invaincus
nos rêvescomme un frai de truite musant dans l’eau claire
par les dents du prédateur éparpillé
pour d’autres bénéfices
d’autres délices
milliers d’œufs opalescents
soigneusement récupérés
Extrait de Résolution des rêves
Cette parole
saisie au vol,
étrangère à la pensée claire,
montée d’un centre
aussi stable que les platanes
dans le miroir tremblant
de la pluie qui ruisselle.*
Freiné dans son élan
dépouillé de ses rives
le fleuve dans le lac
subsiste par l’effort
opiniâtre et secret
de poursuivre son cours
dissous et confirmé
en des eaux différentes
au destin immobile.Son chemin se perdra
une dernière fois
dans le delta aux bras
multiples grands ouverts
sur la mer.
Poésie
- Au pied de la cascade, L’herbe qui tremble, 2019
- Un jour enfin l’accès, suivi de Progression jusqu’au cœur, L’herbe qui tremble, 2018
- Résolution des rêves, (L’Herbe qui tremble, Paris 2016)
- D’Absence et de lumière (Delatour France, 2016)
- La Cloche de tourmente (Cahiers de Poésie verte, Prix Troubadours 2014)
- Equilibre du présent (Editinter, 2013)
Aux Editions de l’Atlantique :
- Une Voix longtemps cherchée (2011)
- La Remontée du courant (2010),
- L’Epreuve des limites (2010)
Aux éditions La Porte :
- Tant va le regard (2007),
- La Baguette de coudrier (2010)
Livres d’artistes
avec les graveurs :
- Eva Gallizzi (un poème extrait D’Absence et de lumière),
- avec Dominique Penloup : Où va la route, La neige comme un appel (livre pauvre), Bannières de mai.
- avec Marie Alloy : La Vasque de myosotis (à paraître)
Œuvre critique :
- « Richard Rognet ou Un ailleurs qui veut vivre (1977-2002) », essai sur la quête d’une identité plurielle. L’herbe qui tremble, 2018
- Préface au Poésie/Gallimard consacré à Richard Rognet (novembre 2015)
- Ecrits d’amour de Cécile Sauvage, Paris, Cerf, 2009, 189 p.
- Les Chants du silence, Olivier Messiaen, fils de Cécile Sauvage ou la musique face à l’impossible parole (Delatour-France, 2008), 123 p.
- La Poésie en France depuis Baudelaire (Paris, Dunod, 1999), 127 p.