Quand la consternation le dispute au découragement, que faire, vraiment ? Regarder ailleurs, ou tâcher (une fois encore) de se mettre en route autrement : changer la donne, laisser sa chance à la chance, au milieu des aléas.
Les 9 et 10 juin derniers, Place Saint-Sulpice, au hasard des rencontres ou presque,
j’ai proposé à cinquante-trois poètes de prélever une carte à jouer dans un éventail soigneusement brassé. L’idée était que chacun.e, en regard de la carte tirée, écrive un poème d’une vingtaine de vers maximum, et que d’une manière ou d’une autre (prétexte ou argument) il soit fait allusion à sa valeur ou à sa couleur. Puisqu’il s’agit de « brasser les cartes », libre à chacun.e d’exprimer ce vers quoi il/elle aimerait se tourner, ce qu’il/elle espère voir venir, comment, aussi, il/elle voudrait (peut-être) que ces mêmes cartes soient redistribuées.
Au demeurant, certaines cartes, au sens propre, l’ont été, car sept poètes, pour diverses raisons, n’ont pu donner suite à leur engagement premier, et un groupe d’enfants, tout heureux de rejoindre l’aventure, a pris le relais cet automne lors d’un atelier d’écriture dont l’intitulé était « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant » : les poètes en herbe, désignés par leur prénom, ont pu ainsi croiser leurs rêves et la carte tirée... Grâce à eux, cette anthologie peut complètement se construite en forme de patience - qui est l’autre nom de la réussite : aucune carte, et c’est heureux, n’a été laissée de côté.
F. Saint-Roch
Serge BONNERY
C’est l’heure
où les vieux mondes
autour de nous
s’émondent
Ton cœur l’as-tu
entendu battre
au vent sourd de la peur
et de la barbarie ?
Va
Il y a
là-bas
un horizon peuplé d’arbres
qui parlent aux oiseaux
Il te faudra
du temps
comme il en faut
au cœur de l’homme
pour surmonter
l’absence
et sa cohorte
de silences
3 novembre 2023
***
Sanda VOÏCA
LE DEUX DE TOUS LES CŒURS
Quelle poésie au-delà de la poésie
pour avoir toutes les cartes en main ?
Pour accomplir le Jeu.
Quel jeu – sinon celui d’avancer
parmi les règles, autant celles des autres que les siennes.
Et comme dessein : une émotion foncière,
avec sa duplicité :
la légèreté et la profondeur d’une passion.
Je suis la deuxième mais toujours la première.
Je suis la première parce que la deuxième.
L’écriture à qui perd gagne ?
Pas question de compétition,
mais plutôt d’un double, d’un dédoublement,
et d’une multiplicité :
il faut avoir eu beaucoup, beaucoup de cœurs
dans un même corps,
les avoir tous bien traversés,
pour arriver à leur décantation :
Le deux de tous les cœurs.
*
LE DEUX DE L’ENTONNOIR ROUGE
Je m’enfonce, coïncide
avec moi-même, voire avec mon ombre :
cœur rouge sur cœur rouge,
sans ignorer toutes les autres couleurs,
sous le regard d’un œil inconnu, inédit :
immense œil sans corps.
L’amour comme entonnoir :
cœur qui se verse dans un autre cœur,
qui à son tour se verse dans le premier,
se suivant sans se quitter.
Deux entonnoirs communicants.
Leur danse : une ronde
en glissement sans fin.
***
Cécile GUIVARCH
J’ai trois cœurs à écrire
Un pour tous les jours – les gens que j’aime
Les gens qui s’aiment et moi qui vous aime
Ici et dans la rue – dans ma maison et dans mon cœur -
Un autre pour ceux que je n’oublierai jamais
Mes grands-mères Mes grands-pères Ma maman Mon amie disparue
On se disait Je t’aime parfois juste en s’asseyant sur leur genoux – tête contre le cœur –
Oui C’est pour toute la vie un cœur pour ceux qu’on aime
Tous ceux que j’ai perdus de vue mais avec qui nous nous sommes offert cœur -
Un troisième pour mes enfants que j’ai fait naître et qui deviennent
Pas forcément comme on aurait imaginé Pas forcément dans notre sillage
Mais de si belles personnes - Quoi qu’il en soit c’est mon cœur qui bat
Au rythme tic-tac de tous les autres cœurs que je voudrais bien écrire
***
Muriel DENIS
Les 4 M (extrait)
Sur la lande le sable le rocher
toujours montagne
Michel
Dans la langue
avec le feu brûle
Muriel souvent
Dans le vent Mila
l’émotion qui jaillit
tout près
du jamais vu
Maia
avec raison
Mila Maia à l’orée de l’âge adulte
vous souvenez vous de la forêt
de la lumière que nos visages
les 4 M gravés sur l’arbre
vous parlez de votre enfance
le soir autour de la table
de ce moment du générique
où chaque sœur trace en courant
son chemin de désir
dans les herbes hautes
donc
les 4 aiment
la petite maison dans la prairie
les cœurs sur des post-it
les clichés à l’eau de rose
format carte postale
c’est juste ce qu’il faut
(Écrit dans le cadre de l’atelier « Les mains du livre » organisé par Terres d’encre et les éditions Isabelle Sauvage en septembre 2022, imprimé sur papier à l’eau de rose en 7 exemplaires)
***
Anne-Lise BLANCHARD
Ô cœur espace de chair
espace de lumière
espace sans bordures
et pourtant
seul au monde
qui rêve de nourrir les oiseaux
cœur patient cœur porteur de croix
à l’ombre de la tendresse
où germinent (sous noyaux de lave)
arpents de liberté
je m’incline devant toi
***
François COUDRAY
6 de COEUR
on était 5 en famille (avant que la vie
ne redistribue les cartes) 6 c’était la place
de l’amour à venir mon amour (absolu
va s’en dire) et tous mes rituels (6X6
en vérité car à toute magie il faut
un peu de rythme) à la 6ème (X6) voiture
ils seront là c’est sûr (les parents en retard)
et s’il faut 6 de plus pour conjurer le sort
(éloigner l’accident) alors X6 encore
au 6ème (X6) pavé sans marcher sur les
lignes (du trottoir en granite) si j’ai atteint
les quais il m’aimera toujours (mon +1 fan
tasmé) dois-je une ou deux fois une dalle enjam
ber (petits arrangements avec le destin)
et au 6ème (X6) … (là j’ai tout essayé
allant jusqu’à écrire 6X6 demi vers
(+1) de 6 syllabes) le monde sera sauf*
(calculs idiots sans doute ou ce besoin d’y croire
à notre vie sur terre)
* sauvé serait plus juste (à 1 syllabe près)
***
Danièle FAUGERAS
(Hommage à Abbas Kiarostami, poète)
7
heures
moins
7 *
battant
toujours
au cœur
l’ami
en mots
broyé
à mort
brouillées
les cartes
(pas pour autant battu)
rabattre
l’horreur
rebattre
les cartes
jusqu’à
7
heures
moins
7
cœurs
plus
être
* titre d’un recueil de poèmes d’Abbas Kiarostami, traduit du persan par Tayebeh Hashemi et Jean-Restom Nasser, in Des Milliers d’arbres solitaires, éd. érès, coll. po&psy in extenso, Toulouse 2014.
***
Claire DELBARD
Huit de cœur
Plein de ferveur
Pique le cœur
Été brûlant
Le feu
Ravageant
Tout sur son passage
Cœur brûlant
Andros lunaire
Et calcinée
Sirènes
Désorientées
Désolation
J’ai rêvé encore
Au bleu du ciel
Bataille livrée
Au bleu des mots
À fleur de peau
Au bleu de la mer
Transparente Égée
Au bleu des yeux
Enfants émerveillés
De l’un à la quiétude
À l’autre certitude
Que Vitali
Verte et fertile
Garde le flot
De mes pensées
Garde la vague
Espoir ancré
Que les cigales
Silencieuses
Stridulent
À nouveau
Andros, été 2023
***
Cécile OUMHANI
Neuf de cœur
long cri tremblé de la chouette en automne
et tout ce vent avide de moissons nouvelles
étrange chamade d’ombres et de mots à la fenêtre du rêve
pêle-mêle les feuillages s’éparpillent entre l’or et le pourpre
étoiles au faîte inversé d’une nuit nouvelle
entends-tu ces kyrielles d’années cogner au volet
suffira-t-il de couleurs et de bruits
pour franchir un autre seuil
sans cesse passé et présent se croisent
et tu n’en finis pas d’espérer là-bas aux marges du jour
***
Clara RÉGY
Comptine c’est une comptine…
Le 10 de cœur dort dans ma poche, ronfle même, quand je l’étouffe bougonne aussi : Alors combien de cœurs dans ta vraie vie ? Combien ? Je ne sais pas, je réfléchis !
C’est notre jeu et nous rions…Un cœur de poisson rouge et d’artichaut. Un cœur gros quand il est vide (ça c’est drôle il me dit) ! Parfois il court dans mon ventre quand je dois être courageuse… Aussi.
Plus de 10 si je compte les amours les amis les chats le hamster le pinson. les marguerites les tulipes les pommes les poires et les scoubidous (ça c’est bête il me dit) !
Le 10 de cœur n’a pas de sens comme souvent la vie debout assis couché assis mais 9 cœurs de rechange çà peut toujours servir me dit une petite voix bien essoufflée ! Puis, s’endort à nouveau dans ma poche toute contente de le cacher !
***
Sylvie FABRE G
Tes mots pour éclairer mon cœur
À Marcus, le petit page
Petit valet de mon cœur
les mots sont tes alliés pour grandir
pour nommer pour sentir
que tu es un enfant de la terre
et que les noms soleil pluie neige
sans oublier le vent fragile aventure
déclinent tous les visages de la vie
Petit garçon de mon cœur
les mots sont des rebelles
qu’il faut apprivoiser comme les animaux
les rochers le ruisseau et les fleurs
comme les autres humains
pour que l’amour caché dans leur silence
éclose sur tes lèvres
Petit page de mon cœur
tes mots sont mes gardiens
ils battent au pouls de ton enfance
rougeoient dans l’ombre de mon âge
et de source en cascades
de fleuve en nuages ils glissent
dans le poème pour éclairer ma voix
***
Florence SAINT-ROCH
D’aussi loin qu’on regarde
On préfère
L’avoir au ventre
(Dame !)
Plutôt que la peur
**
Germain ROESZ
Au hasard
Les cartes sont brassées
Tu sais la carte à venir
Tu ne sais pas comment tu sais
C’est le rouge qui t’attire
Tu ne sais pas pourquoi
Ton cœur bat plus vite
Tu vois juste la couleur de l’épée
Ta joue se colore
Tu tends la main
Tu saisis la carte
Tu ne la retournes pas
Tu la montres aux autres
Ils sourient ils rient
Tu sais alors
Pourquoi tu as choisi
Le roi de cœur
Sylvie DURBEC
Habillée comme l’as de pique disait ma mère de moi
Toujours vêtue en garçon que dirait-elle aujourd’hui
Me voyant en vaste salopette bleue cachant ce qui
Me corsète et
Me soigne à la rigueur elle acquiescerait à la couleur
Mais ni à la forme ni à ce négligé incompatible avec
La féminité pourtant je pourrais objecter les boucles
De Murano
À mes oreilles tout à l’heure un peu de rouge à lèvres
Qui sait un collier un foulard ce qui agrémente un peu
Revenant vers les cartes à jouer et l’as de trèfle il fait
Quoi au corps
Des femmes il leur assure argent réussite et félicité
Du moins c’est ce qu’affirmait ma mère à ses amies
En leur tirant les cartes pour leur décrire un avenir
Comblé de bienfaits
***
Françoise DELORME
Pas qu’un jeu
Une p’tite carte
pour quelque chose
plutôt que rien
deux mêmes signes
de quoi faire l’amour
ou bien la guerre
trois lobes attachés
apparition du divers
1, 2, 3, nous irons au bois
je prends ta main
qui prend la sienne
et même jusqu’à la ronde
entre la fleur mauve
et l’argent « sans odeur »
toute la pourriture
toute la nourriture
allons dans l’herbe douce
et au conseil municipal
1, 2, 3, oui, mais c’est difficile
mais à tâtons il fait moins nuit
***
Océane, 12 ans
C’est un rêve
Sûrement
Trois fois rien
Qui doucement pénètre
Un étrange tapis qui envahit l’herbe
Une patience
Une colonie
***
Florence NOEL
nous sommes de la quatrième
heure ballotés au petit bonheur
la chance d’un ressac à un sursaut
nous sommes les cavaliers de Neptune
les chevaucheurs de prés bleus
les scribes d’écume les lèvres au
vent
et demain hisse la grande aube
nous sommes la carte qui sera tirée
ou pas qu’importe nous avons fait
tapis ainsi nos corps orange roulent
dans la cacophonie des vagues
où dieux anciens jouent la Fortune et le
Destin
boutés par foi, folie, effroi : êtres
fagotés cent par rafiots atouts mineurs
pour le grand jeu étoiles jonchant la plage
noire
***
Alain FREIXE
Pentatrèfle
J’ai tiré le 5 de trèfle.
J’ai fait quine en une riflée de trèfle.
*
J’ai décidé de ne pas me perdre dans les symbolismes des fleurs de trèfle et du nombre cinq dont j’imagine leurs profondeurs kabbalistiques.
J’ai juste posé ma carte sur la table, entre le peuplier blanc et l’épicéa.
*
Je regarde ma carte, défraîchie au terme de quelques voyages et transferts puis je jette mes yeux sur ce coin de jardin que j’ai abandonné à son destin de prairie alpine et si quelques scabieuses le bleuissent tandis que les camomilles des chiens dressent leurs corolles blanches au soleil, c’est le trèfle des près qui fait champ avec ses fleurs-boules violacées, aimé des azurés, ces petits bleus des prés ; des demi-deuils, ces échiquiers volants et des syrphes ceinturés, grands chasseurs de pucerons au vol stationnaire qui disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. Ensemble, ils donnent un rythme fondamental à ce carré vert, cinquième élément qui tient, porte et retient ses quatre coins, points cardinaux de mon regard.
*
Ce jour, de la carte à la trace, si le glissement passe par l’œil, c’est par l’oreille que rentre la coulée de ce qui du monde vibre sans bruit. Présence sensible. Loin.
*
J’ai retourné le 5 de trèfle.
J’ai rangé la carte tire-langue.
(Valberg le 29 juillet 2023)
***
Carole MESROBIAN
Il était six comme un trèfle à trois fois deux feuilles
mais c’était l’hiver
sous une page neigeuse sa présence irréparable
sur le manège absorbant débordant
dans le jeu circulaire de ses apparitions
noires de vin
il espérait en l’air
car n’a jamais poussé
dans le sein des forêts.
***
Angèle PAOLI
Cachée dans le foin de l’enfance tu rebats
les cartes des vieux rêves papilles chatouillées
par le piquant des herbes folles
nez en l’air tu suçotes une tige sûre
tu la mâchonnes du bout des dents tu roules
entre tes doigts les lobes doux de la feuille
tu rêves à l’alchimie des nombres trinité d’un côté
septain de l’autre tu rêves à leurs inépuisables
combinaisons 3x5 2x3 7x3 2+1…
la pulpe de ton doigt se faufile dans le dessin
vert rainures et corolles tu es loin du noir
assemblé au loin pour l’orage
loin aussi des noirceurs grandissantes de l’âme
tu rêves au noir de la nuit aux sept étoiles
qui clignotent à la croisée des lignes
tu ne cherches pas dans le fouillis des herbes
la feuille mystérieuse au pair tu préfères
l’impair plus vaste et plus ouvert empli de
promesses folles comme l’avoine
dans son champ libre et virevoltant
au vent.
Canari le 6 juillet 2023
***
Gérard CARTIER
FUTUR ANTÉRIEUR ce qu’on nous promettait
perfectionné par la science le bonheur
ce qu’on imaginait non le plaisir des choses
mais un élan vital secouer la poussière
& faire de tout vertu soumettant
cette étrange machine qui bat éperdument
devant rien un mont vide un nuage une femme
aux cheveux bouillonnants noués à la Cypris
qui verse à l’oreille sa jusquiame ce qu’on a cru
si longtemps en arrière devançant
le siècle en esprit nous y sommes nous
y sommes qu’on ne peut plus rêver ni
en strophes constructivistes живые шествуп ni
en ïambes élégiaques sourd & boiteux
le monde aussi âgé
dans son san-benito embrasé que soudain
inexplicablement le sommes devenus...
***
Jean-Pierre CHAMBON
Aux pieds des chevaux
où croît l’herbe tendre
aux très frêles feuilles
on cherche à tous crins
parmi le crottin
la tige aberrante
qui portera chance
dans un futur neuf
du moins le croit-on
on l’en extraira
de l’infinité
des herbes flétries
à moins qu’une rosse
ne l’ait piétinée
sous ses gros sabots
ou qu’un vieux lapin
n’ait déjà croqué
comme trois fois rien
l’obscur quadrilobe
***
François DE CORNIÈRE
Ils jouent aux cartes
Il est tard. Je suis couché.
Fenêtre ouverte je les entends parler.
Ils jouent aux cartes dans le jardin.
Ils ont entre 25 et 30 ans.
Dans la journée sur la plage
en guise de jetons pour leur poker du soir
ils ont ramassé des coquillages
(ces petits bruits qui crissent sur la table).
Je pense à leur jeunesse d’aujourd’hui.
À la mienne d’autrefois.
Le rire de ma petite-fille traverse la nuit.
C’est elle.
Je la revois il y a longtemps
cherchant des trèfles à quatre feuilles
au bord de la rivière avec moi.
Son rire à la bougie.
Cette chose légère d’un dix juillet.
Ces petits bruits de coquillages
si proches si lointains.
Ils jouent aux cartes.
***
Mohammed, 11 ans et demi
je suis heureux souvent
la nuit
je fais de grands voyages
je joue au mistigri
mais à sept heures pile
mon chapeau perd sa plume
le réveil a avalé mon rêve
je n’ai plus mes beaux habits
***
Nathalie SWANN
À l’endroit d’une larme.
Tout ce qui respire suffit à la rêverie
Allons à la prairie, amis !
Écoutons le poulpe et l’abeille
Humons les dames et les trèfles
Coupons nos souffles et nos moteurs devant l’éclosion
rouge poudrée du coquelicot
Regardons les routes de l’ailleurs se tailler du ciel
D’entre les brins d’herbes, respirons le silence
Des fluctuations du marché, soustrayons le paysage, l’air, l’eau
et les céréales
Trouvons l’étalon de la justice
dans le regard des animaux qui souffrent
Pensons comme une forêt, comme une montagne
Sentons comme tout est lié
Du fragile protégeons la puissance
De tout ce qui vit, portons la responsabilité
Consolons les chiens à l’endroit d’une larme.
***
Yves-Jacques BOUIN
Si l’avenir a un sens
Tant de jours à écrire
Par tant de mots à vivre
Et l’éclat d’un seul mot
Pour le sens d’un seul jour
Ajoute une autre feuille
Au trèfle du bonheur
Renaître alors halo
A l’horizon des voix
Dont l’aube rouge ou bleue
D’or couronne l’espoir
D’un poème au-delà
De sa respiration
Quand un seul mot à dire
Par tant de jours à vivre
Ajoute une autre feuille
Au trèfle des candeurs
C’est l’éclat seul d’un jour
Le mot seul d’une voix
De cet instant le chant
Donne au jour tout son sens
07/08/2023
Marilyne BERTONCINI
Dans la rue étroite où chantent les façades
au son de la trompette de Louis Armstrong
le soleil de cuivre dessine une frontière
en biais
Qui rythme l’alphabet coloré des façades
Keep your steps on the sunny
side
of the street
Un vieil homme à sa croisée t’appelle
et sa bouche articule des paroles inaudibles
Une main dans l’ombre le saisit
et ferme la fenêtre sur le silence
intérieur
Tu es souvent repassée devant cette maison
et jamais la fenêtre n’a plus eu de visage
Tu te rappelles alors écrasé au carreau
celui de cette enfant avec des yeux immenses.
Ton souvenir te plonge
dans le fond de ses yeux couleur de Mer du Nord -
que regardaient-ils vraiment ?
L’ombre qui passait avec toi dans la rue -
cet elle-même que tu es ou qu’elle sera à ton âge –
Le petit intervalle qui vous sépare
et le temps de passer en reflet dans ses yeux,
sans doute elle t’aura oubliée.
Mais tu repenses à elle
à celle que tu fus, tout comme elle étonnée
du monde comme il est
de l’autre côté de la vitre embuée
à travers le carreau qu’elle essuie de sa main
en effaçant le monde et ton passage inquiet.
Just keep your steps on the sunny
Side
Of the street.
***
Cédric BONFILS
Rouge sonne rouge.
Une urgence
sur fond blanc.
Mais n’en garder sous la peau
(réussir)
que l’élan.
Et puis là,
entre deux carreaux
de douleur,
laisser les pensées à cloche-pied
dans le jeu
des nuages.
Un espace lentement
s’ouvre et s’ouvre
davantage.
***
Jean-Claude MAILLE
Trois de carreau
Sur une page vierge
J’ai jeté trois carreaux
Trois carreaux rouges
Rouges comme l’amour
Sur une page vierge
À cloche pied j’ai sauté
Un, deux, trois,
Jusqu’à toi
Jusqu’au ciel
Tes lèvres
Rouges cœur
***
Sabine DEWULF
Au centre de la donne
Quel cadre pour le gouffre ?
Quel corps embrassera
ce qui existe à peine ?
Il pleut sur les carreaux.
Les doigts cherchent encore
d’autres atouts qu’un rouge vif,
tâtent la courbe
d’un cœur battant.
Quatre pieds sous la table.
Jouer puis s’allonger
sur le lit de la chance.
Au centre de la donne
résolument couper.
Goûter, aussi frêle soit-il,
le point jailli
de source sûre.
***
Christine DURIF-BRUCKERT
Carreau de cinq
Rouge carreau
Le cinq rougit
Dévoilé, dérangé
Un courant d’air glisse sur la surface lisse
Tout rouge tout flamme
Il fait le fou
Cabriole
Prend le sens du vent à rebours
Tombe dans les précipices
Se loge dans les coins
Rêve le centre
Une étrange sarabande
Sur cette piste de danse
Quelque pas de cinq, du vacarme et des chants.
Il s’insurge contre le roi
Lorsqu’il remonte les courants
Compte ses forces
Face à l’adversaire
Carreau cassé, carreau manquant
Il manque un carreau
La nuit s’y enfourne
Avec ses odeurs de brise
Les images et les tumultes de l’esprit
Le goût des chevauchées
Le jeu des silences
Enfouis
Carreau cassé dans le cinq
On pourrait le croire têtu
Désinvolte
Peut-être conquérant
Rien de tout cela
« Je n’ai rien fait de mal » répète-il
Rompu à la rudesse des vents
Il se tient à carreau
Attend le signal
Œil de biche
Séducteur
Œil de sphinx
Souverain
Œil miroir
En reflets dans l’image
Accusant sa défaite
Tombé au sol
Le carreau se brise
La fenêtre s’ouvre
Sur la pluie
Et la nuit
toute la nuit, d’un bleu profond
Envahit la fenêtre.
***
Luce GUILBAUD
Avec une carte dans la main
dont je ne sais que faire
c’est un six de carreau
une petite carte à carrés rouges
une carte perdue
tombée d’un jeu
je pense aux Joueurs de cartes
une belle peinture de Cézanne
ils sont à la table de jeu
des joueurs ordinaires
la table un peu relevée
le silence de la peinture
la représentation des figures
ou Georges de la Tour et son tricheur
le jeu des regards
les enjeux du hasard
l’argent sur la table
l’annonce toujours incertaine…
Tu perds ta place
Tu passes ton tour
Tu joues le mort
silence et signes furtifs
le hasard à cheval sur ton dos
beau joueur et bonne joueuse
enfermés à la plus haute tour
par la meurtrière tu attends
tu lis dans la poussière
ne sais s’il reviendra
à Pâques ou à la Trinité
tapis vert à carrés rouges
la roulette enrayée
sur la verdure passée
c’est l’offrande du cœur
où à mon seul désir
la dame compte ses soupirs
Rien ne va plus…
***
Zoé, 11 ans
C’est un rêve étrange et pénétrant
Les oies qui tricotent
Les animaux qui courent
La joie qui cogne au carreau
On me dit
Tout ça c’est dans ta tête
Et si c’était le jour bientôt ?
***
CHANTAL DANJOU
La candeur du retour
(opéra-poème / recueil inédit en cours de travail), inspiré par Innocence de la compositrice finnoise Kaija Saariabo.
Nous essaimons la poussière des lieux. Nous accrochons les buissons à nos épaules. La terre argileuse s’agite comme de la soie devant nous. La cascade vient dans un grondement. Nous rapprochons les éléments les uns des autres. Géographie de taches bleues et vertes. La carte se dresse. C’est l’impression qu’elle donne. Comme un champ sous nos pas. Au lieu de se creuser, s’arrondit. Impulsion sismique. Herbes hérissées. Vaste mouvement parmi les coquelicots et les mauves. Minutieux dessins des pétales. Ne cessent pas de se dessiner. S’affiner. Se froisser. S’assombrir au centre. Une goutte d’encre dans chaque corolle qui… Le phénomène a lieu sous nos yeux : la fleur s’aplatit sur la terre durcie. Des centaines de corolles reproduites. Émaux rouges. Huit de carreau. Chiffre couché comme l’herbe. Nouvel infini. Carrés d’herbes et de papavéracées. Et de malvacées. Et de malveillance. Et de pierre de sanguine. Nous sommes saisis. Renversés. Alignés comme des rangs de vigne. Agrippant la terre. Retenant notre souffle. Aussi nombreux que si nous avions été pris dans des filets.
***
Didier GAMBERT
mots lancés
roulant sur une nappe à carreaux
parmi raisins et verres de vin rouge
ayant achevé leur course dés pipés
creux
évidés en leur milieu
étaient-ce ces mots-là ceux qu’engendre la duplicité
de la veille et du sommeil
ou bien de cette carte
rouge atrocement
et tout en angles droits
le souvenir
impaire de surcroit
qu’on t’a tendue dans un café
parisien
tu y a lu
tarot quelconque
destin tout en contrariété
retardements
des phrases se formaient
la sonnerie du réveil a tout renversé
de ce brillant édifice de cartes
chu dans l’obscur
***
Claudine BOHI
Voici la mer son grand pavillonnement
la mer et son histoire qui n’a pas de bord
qui n’en eut jamais
un homme seul y bat des cartes
une à une trouées jetées tombées
la mer son gouffre dans l’azur et le retour lent des amours
leur ressac comme épuré
la mer n’existe pas et son jeu est l’envers
un homme ce fut cette fenêtre au fond de l’eau
ouverte sur ce qu’on ne voit pas
et qui revient
***
Gabriel, 12 ans
il faut le voir pour le croire
les fleurs colorent le ciel
les forêts grandissent et se rassemblent
chez moi les branches du grand arbre
frappent au carreau
et si le vent secoue mon rêve
cela valait le coup
***
Soline LHÛ
Vers toi
Juin resplendissait de lumière.
Nous déambulions toutes sur le marché
nous arrêtant de temps à autre
sous le regard de Saint Sulpice.
L’une après l’autre au hasard des rencontres
mes amies me quittaient.
Je tenais encore par le bras ma sœur de cœur.
Elle partit à son tour.
Un chapeau de paille sur la tête
me donnait une allure de Reine.
Je portais ma robe du premier jour
- t’en souviens-tu ?
J’avais un rendez-vous.
Mes pas me dirigeaient vers toi.
Je ne le savais pas.
Le dessin d’un trèfle sur la couverture d’un livre
aurait pu m’alerter.
Pourtant c’est à travers la vitre du café
où je m’étais arrêtée
que je t’aperçus.
***
Mathias LAIR
Le carreau a du trèfle à revendre
Je brasse les cartes je tasse les cartes je coupe les cartes
Je tire César qui m’dit je suis le roi avec moi on se tient à carreau
Moi l’éditeur le plus riche le plus influent je suis prêt à tout
Publier de vous mais attention à mes conditions moi je suis prêt
à tout accepter pourvu que je voie mon nom sur les couvertures
par milliers il me dit voyez mon directeur de collection
Je brasse les cartes je tasse les cartes je coupe les cartes
Je tire Lancelot le valet de César il me dit je vous mènerai
Au Graal ayez confiance (mais je sais qu’il trompe César
Avec sa femme Guenièvre quel monde l’édition…) il me refile
Le sept de trèfle gain d’argent assuré il me dit
Je brasse les cartes je tasse les cartes je coupe les cartes
Je tire l’as de trèfle qu’en dit la cartomancienne
L’as de trèfle parle de contrats vous concernant il indique
Toujours le début d’un nouveau partenariat
Associé au roi de carreau il annonce un succès financier
On croit rêver
Nancy R. LANGE
porte-guigne un jour
souverain le lendemain
imbattable aux côtés d’un roi
minuscule dans l’ombre du deux
pointé du doigt
mal fagoté
à chaque échec
ton saut de l’ange
en ta nature noire
forme hallebarde
velours intérieur
maître des lances
rappelle-toi
deviens la flèche
brasse les cartes
vise le ciel
élance-toi
***
Chantal DUPUY-DUNIER
La langue du pique noir
Elle dit les réussites solitaires
quand la pluie frappait les vitres de son bec,
les châteaux au fragile équilibre,
le premier tour de cartes
dont le secret cachait quatre mots magiques,
modèle du poème, parole mystérieuse et agissante.
Mes figures préférées étaient les valets aux fiers visages,
Lancelot fut mon premier amour.
J’avais peur de tirer la funeste dame de pique,
Pallas, déesse de la guerre,
comme si la guerre devait être adorée par les hommes…
« Deux de Pique »,
dualité : la gémellité me colle à la peau.
Ma mère affirme que j’ai dévoré un jumeau dans son ventre.
Il m’a fallu vivre avec ce crime impuni,
mais le glaive de la justice demeure au-dessus de moi.
Pic et pic et colégram.
Que sera, sera…
***
Christine DUMINY-SAUZEAU
In(dis)pensable !
Une carte à jouer
Glissée sous le rabat
Transparent, côté pile
Pile offerte, j’ai piqué
Un deux trois j’ai choisi
Au hasard…
Tout l’été solitaire
En attente de mots
En attente de jeu
En attente des autres
Cette carte,
La plus petite ou presque
Qui vaut peu compte pour rien
À la bataille elle se
Fait prendre à tous les coups
Sans joie sans peine sans gain
Au tarot on la compte
Par deux pas pour de bon
Mais on ne peut jouer
Si manque mon trois de pique !
***
Michaël GLÜCK
dans la quadrature
d’un cercle jetez
un semis d’ortie
***
Isabelle LEVESQUE
Neuf
Cinq dans ta main qui s’ouvre.
Pique impair et trouve une voie.
Il se peut qu’une carte
inverse le signe
et révèle un cœur.
Chaque carte peut se retouner
pour cartographier
le relief neuf du poème.
***
Claire DUMAY
Qui sont les cinquante et un détenteurs des autres cartes, ces inconnus que je ne croiserai certainement jamais ? Juste une danse de noms, et par-dessus, une main, un visage, pour orchestrer l’œuvre collective.
Pour l’heure, mon désarroi, une grande incomplétude : je me resserre sur mon Six de Pique, esseulé, sans voisinage ; rien qui puisse modifier la donne. Il ne m’inspire pas grand-chose : l’épée, la lance, le glaive … partout, trop de lame, de tranchant.
Ma vie enchaînée à un croc de boucher, coincée entre ces six enseignes ? Certainement pas. J’entends ma résistance, une volonté obstinée de ne pas céder. L’enjeu se dérobe, je respire. Juste défaire, accoucher de la stérilité.
Mon aversion pour les jeux de cartes, mon absence de dextérité, le refus de soumettre mon destin à ce que je lis : mauvais présages, dissensions, désaccords. Une engeance toxique, blessée ; la sale guigne. Une seule envie, insuffler de l’air, déplacer les signes. Les arracher à la symétrie, au tatouage qui les racornit ; les mettre à nu, les ouvrir à tous les vents. L’accident creuse le désordre.
Déjà les piques s’attirent, forment des trèfles, des osselets, se repoussent. Les dés titubent, volent en papillons et escarbilles.
Je finis par jeter la carte au fond d’un puits, l’observe depuis une margelle ronde. Elle gondole à la surface d’une eau trouble. Quelques points, des formes aléatoires, mouvantes, mêlées. Une bizarrerie mouillée. Le pique bave, l’œil coule. Tout s’immerge, s’efface. La vue est sans mémoire. Ne demeure que l’asile du noir.
***
Mathis, 12 ans
quelle mouche me pique ?
il ne faut pas que j’oublie
ce rêve étrange
des oiseaux sans ailes
des abeilles endormies
la terre tourne encore
mais jusque quand ?
***
Raphaël MONTICELLI
Aux montagnes russes
La crémaillère joue son cliquetis tranquille
et tire le wagon vers le haut de la côte.
C’est le train-train du train en amuseur de ville,
placide sur sa chaîne il égrène sa note.
On se détend ; crispé on cherche à ne penser
qu’au plaisir des sommets où toute vie s’allège :
ce lieu où tout effort sera récompensé.
On ajuste son corps aux volontés du siège
Au plus haut du chemin c’est la sérénité ;
c’est le temps suspendu, la grande plénitude.
On s’accroche au moment qui vous fait léviter.
On récite : ô bonheur ! Bonheur que nul n’élude !
Ça s’élude pourtant un bonheur dure peu.
Si haut qu’aille le train il lui faut redescendre ;
redescendre ou tomber, le vent dans les cheveux
a pris un air funèbre et des parfums de cendre
***
Jeanine SALESSE
9 de pique
me piqueras-tu
si je t’extirpe du jeu ?
Allonge ton bec
Es-tu pic vert ou pic noir
qui tambourine son appel
Neuf fois ?
Je t’entends cogner le tronc
Appelles-tu ta maisonnée
rois dames valets et la piétaille ?
Tu ébranles ma mémoire
extraies ma voix d’enfant
des vieux jours de connivence
où deux cousins battant les cartes
riaient et se lançaient des piques
Au moins neuf
le temps d’une bataille !
***
Enzo, 12 ans
dans la nuit chaude,
l’étrange zonzon,
l’impact pénétrant
tu viens déranger mon rêve,
cruel impétrant
en un mot comme en dix,
sors de là,
va-t’en sale moustique !
***
Béatrice AUPETIT-VAVIN
Valet de pique mauvaise pioche
attendre que le vent tourne
ne pas se laisser abattre
rebattre les cartes
***
Lilou, 11 ans
Je fais souvent ce cauchemar étrange et pénétrant
Dame lune s’éteint
La terre devient brune
Les ronces dévorent le château
***
Arnoldo FEUER
À la manière de qui-vous-savez
(et à remettre dans l’ordre adéquat)
Ne mérite-t-elle pas
elle aussi un poème
l’inlassable sillonnant
la place St Sulpice
avec son jeu de cartes
de station en station
s’appauvrissant
Saint Roch préoccupée
du ciel presque autant
que de poésie ?
28 juillet 2023
Michel MÉNACHÉ
Souvent manquèrent cartes à mon jeu…
joker aujourd’hui je joue en maître
bouffon je tiens la clef des victoires
à la Pyrrhus
fou à l’affût j’ai la fièvre fauve
des Waterloo sur table
Adjuvant solitaire
des destins les plus hauts
je change le cours
j’ébranle les règnes
Rois reines et valets tremblez
car je suis
le perturbateur héraldique endocrânien
des tarots de haute lignée
le ravageur des fins de partie
la terreur des cartomanciennes
*
Envoi / brassé / coupé :
Joker tombeur des têtes couronnées
je te salue frère encarté
des révolutions permanentes…
***
Marc-Henri ARFEUX
Joker
Puis, sans l’horripilant grelot,
Ni le bonnet de la démence,
Ni le rictus de part en part
Faisant poignard d’un nu
Cinglant sourire de sang, Joker
N’est pas valet de tout valet.
Ni Dame, ni Roi, ni aucun nombre,
Ni même un as fermant carré final
À la victoire flambante ainsi que punch,
Mais lame, un seuil, un signe faisant mat
Et dessinant l’outre contrée de son secret,
Tout à la fois vantail, serrure et clé,
Ouvrant sur les arcanes en corridors
Dallés de vingt et un blasons, et lui,
L’ultime et vingt-deuxième ouvrant,
Ou bien le seuil avant tout autre,
Œil océan du seul zéro alliant la source
Au paysage de Maison Dieu lunaire
Et d’autre part solaire en crépuscule
De tout matin ôtant le gant d’étoiles
Et le posant sur la table mentale
Du chevalier au luth constellé de silence,
Tandis que la blancheur et l’or agrandissant
L’espace écrivent les portées d’hirondelles
Dans la fraîcheur où tout est forme de naissance
Et mélodie de flamme à la bougie, fidèle,
Devant la haute pâleur ivoire de l’horizon,
Tandis que lentement regarde, aime et répond
Sans un seul mot de lèvres articulant le vide,
Le veilleur délié à la main nue tenant la clé.
L’instant a le visage intemporel d’un lac
Entre les deux paupières de l’infinie patience.
La Dame arme ses cils de la rosée première
Qui brille ainsi qu’un chant de merle noir
Dans l’arbre d’embellie brûlant de perles
Qui sont les yeux nouveaux de son poème.
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