/ […] ce 11 février / […] aurai pu prendre sur la gauche ce chemin de terre, me retrouver devant la rivière là où / ai pris sur la droite, ai traversé un ruisseau, le bruit de l’eau, ai longé des prés humides suis passé devant les oies invisibles et là / suis passé devant les moutons invisibles et là suis entré dans une chapelle en ruine un moment suis entré dans un moment suis resté dans ce moment, cette chapelle sans toit cela a ressemblé un peu à être en une mère mais une mère qui serait ouverte au Ciel, sur le Ciel / d’une porte dans l’un des murs, la rivière je l’ai regardé / d’une ouverture en forme d’ogive, la Lumière je l’ai regardé / ensuite ai marché, suis passé devant un lavoir, ai pensé tiens je te le montrerai quand tu […] ai retrouvé la rivière / le silence à ce moment l’ai habité pour deux […]
/ au petit port de Foleux, ai assisté à une scène de vie : suis assis je regarde l’eau, l’air et juste devant sur un ponton, un jeune garçon à genoux s’activait à sortir avec précaution l’hameçon de la bouche d’un petit poisson fraichement sorti de la rivière et qu’il venait d’attraper avec son petit lancer… / la perche délivrée (il m’a bien semblé reconnaitre une jeune perche), / d’une main la tenant, le garçon a regardé le ciel, de l’autre se frappant torse, se frappant cœur et remerciant Ciel / il ne se savait pas observé, à ce moment avais les yeux posés sur lui, il a ouvert blouson toujours d’une seule main, il a trouvé son portable et a photographié sa jeune prise puis il s’est penché vers l’eau, vers la rivière et toujours avec précaution il l’a libérée, l’a laissé s’en aller… rejoindre eau, en elle, autour d’elle, beau, n’est-ce-pas…
/ / […] une fois rentré, je n’avais pas de réseau, les yeux vers la rivière, ai tenté sur le haut du champ derrière la maison, il y en avait / […] toujours le regard aimanté vers
la rivière, sa lumière une fois de plus, ai pensé à ces drakkars qui la remontaient terrorisant les paysans du coin / […]
Rencontres et guet-apens. Milo De Angelis. Editions Cheyne, 2019. / coll. D’une voie l’autre
Les chemins de vie des femmes et des hommes qui les racontent, qu’en serait le sens s’ils ne s’inscrivaient pas dans l’Histoire des peuples, s’ils ne contaient pas leurs singularités dans une époque et à travers elles, mille autres trouvant à leur tour à s’interroger sur ce qu’ils sont et deviennent. Des auteurs, des poètes souvent aiment tisser leur traversée de la vie avec ce qui les entoure. / C’est le cas dans l’œuvre de Milo De Angelis avec Rencontres et guet-apens. Une nouvelle fois il trame ses deuils dans un quotidien, les sublime en les frottant à ce qu’il récolte des jours et des semaines… Milo De Angelis, est italien et je le connais un peu pour l’avoir quelque fois écouté lors de ses invitations par la Meet de St-Nazaire, j’avoue avoir souvent sourit tant ce qu’il dégage coïncide dans mon imaginaire à ce que m’évoque ce pays. C’est un homme qui le, la porte en lui son pays, sa langue / une sorte de Sollers de là-bas s’il fallait sans réfléchir offrir un corps d’ici, à ce qu’est être un français. Certes leurs écritures sont différentes et heureusement, aussi ils chantent chacun à leurs manières, la Vie, la Mort et entre ce qui est, tout ce qui est / l’un moins lyrique que l’autre dans la forme, pourtant éprouvant dans le fond une pareille fascination pour le fait d’être là et cela arrive, en une seconde d’y n’être plus. /
Ce sont des corps amoureux, amoureux des corps, des esprits, des âmes / celles des lieux, des gens, des écrits… Lecteurs ils le sont d’abord, ce qu’ils écrivent ils le lisent dans des yeux, dans des rues, dans des événements tragiques ou merveilleux. Voyez, ils sont comme le Monde, tout le monde presque. Juste ils sont ce qu’ils sont, pas très différents / juste un peu différents. Le Monde ils l’écrivent en silence. / Voyez, ils sont juste beaux d’être là, au plus près d’un bord / d’un texte, d’un poème qu’ils nous tendent.
Le vertige, ils le connaissent, ils le célèbrent. Ils pourraient chuter, ils ne chutent pas, ils le regardent le Vide, l’habitent… / Après l’avoir perdu de vue ces dernières années, je suis heureux de le retrouver, Milo De Angelis avec cette fois, il me semble, une écriture plus forte que celle que j’avais entendu lors de précédentes lectures. Ce recueil de poèmes est d’abord sorti en Italie en 2015 chez Mondadori puis chez nous fin 2019 grâce aux talents conjugués de Sylvie Fabre. G et d’Angèle Paoli ses traductrices. Il serait son dernier livre si j’en crois Jean-Baptiste Para l’auteur de sa postface. Postface remarquable, c’est une chance pour un auteur d’être porté ainsi par la justesse d’un texte aimant, il est dit : « Milo De Angélis fait du poème une arène. L’évènement de langage ouvre un espace où convergent et s’affrontent des énergies […] La friction avec des entités ou des forces à la fois inséparables et inconciliables est au cœur de sa poétique, même si elle n’en constitue pas le foyer unique. »
J’apprends encore que l’adolescence de ce poète « fut un moment fondateur » :
L’adolescence est un schisme, écrit Milo De Angélis.
/
Sans doute l’Absolu à cette période aura marqué sa chair au point de ne point désirer de vivre autrement qu’avec des mots et sur la crête de vivre. De quelles sublimations ces poèmes sont-elles le fruit, les fruits. L’œuvre cache une vie autant qu’elle la révèle, ce qui n’est pas dit est là : (l’) Ange, des phrases délivrées d’un corps en douleur, il est là / sur son épaule, ailes repliées l’Ange d’écrire ce qu’un homme a été et ce qu’il devient. L’Ange d’écrire la tension, l’équilibre. Lorsque le silence s’entend, les silences s’entendent comme s’il(s) étai(en)t une Musique retenue(xii.) A la pointe de ce crayon / il y a ton destin, regarde, à la pointe / aiguisée et fragile qui écrit sur la feuille / l’ombre de chaque phrase, qui écrit / les murs aveugles, les circonstances atténuantes et le soliloque / ton destin est vraiment ici, dans cet / immobile déplacement, dans cet imperceptible / sourire qu’un homme offre / au monde avant de disparaitre
/ le Silence est corps est un corps qui attend son heure / le corps est un Silence qui attend son heure / un temps, un corps souffrant, des corps souffrants qui serai(en)t une / notre pelote d’épingles / en lisant cela, c’est presque à mon insu l’image de la couronne d’épines qui me vient comme si elle aussi s’était imprimée dans sa chair, lui avait façonné un corps malgré lui / et qu’il cherchait à s’en éloigner. C’est du / figé en lui, que l’écriture tente de transformer en / un courant en lui / c’est je crois, le récit d’un écartèlement, d’un écartement / ces poèmes.En 2015 dans Thème de l’adieu aux éditions Nous, coll. Now / Milo De Angélis évoquait une survie, en ce qui meurt, celle de celui qui demeure… celle du sur-vivant / du tellement vivant : le vivant pour deux, le / ce qui se déroule encore sous ses yeux. Il racontait une ville, Milan comme fond d’écran / Là c’est toujours le cas, Milan, une ville sur laquelle il projette et nuits blanches et jours noirs. Page 57 Je te retrouve à la gare du Greco / maigre comme un rasoir et ulcéré par un clou / que tu nommais poésie poésie poésie / Page 59 […] les fenêtres du Gonzaga dévoilaient une cour immense / et tout, dehors ressemblait au silence des ormes / Page 61 Elle renait sur une pelouse de la place Aspromonte / la vieille rivalité entre ce rectangle / et les chevaux de l’esprit, entre ce simple / rectangle terrestre et tous les spectres / qui […] Page 63 Je t’ai rencontré dans un pub / de Porta Vercellina, j’ai vu / […] / Les sons des rues et des ruades / les temps, il les mêle / La mort il la raconte avec la Vie, la Vie il la raconte avec la Mort :
Cette mort est une usine, / j’y travaille depuis des années et des années / j’en connais les bonnes pièces et les déficientes . les jours propices, le scorage . de s’appliquer minute après minute[…] / Viens, mon ami, je vais te montrer / te raconter Tout a commencé dans une petite chambre / avec les cadeaux et les bougies / qui en un souffle étreignirent mon père / figé dans sa veste pour toujours / et un cercle de pur néant m’assaillit / en un seul instant il s’effondra sur la table / et fit défiler devant moi un siècle d’anniversaires. / / […] En 1967, après une longue guerre / de tranchées, après une guerre de mètres / gagnés et perdus, j’entamai / des pourparlers avec la mort
Même s’il semble désemparé, dans l’épreuve Angélo De Angelis soliloque, continue de le chanter ce Monde, / de la chanter la Vie en lui, le tragique parfois :
Doux rien / qui m’a conduit au cours des années / du son pur, lorsque tout se diffusait / à partir des vastes nouvelles des parents / puis le monde inconnu nous appela […]et toi au contraire, sombre rien de l’exil / rien des âmes sans réponses, / rien furieux et sanglant, / brûlure de la fleur coupée… / doux rien et sombre rien / vous êtes la même chose pour toujours / il écrit encore qu’en lui : il y a un silence enchanté / […] Proche de la mort tout est présent / il n’y a plus ni enfance ni paradis / tu tombes en un hurlement secret / et tu ne parles pas / tu cherches un arcane / et tu ne trouves que matière, matière / qui ne tremble pas et te regarde impassible / et rapproche muette les deux extrêmesIl est toujours dommage que l’âge venant, la vie, celle que l’énergie cosmique demandait, une jeunesse de vergers / l’art suprême que sa mère souhaitait se transforme parfois en pierraille triturée /
Milo De Angelis rapproche le minerai de ce qui fût à la flamme d’un présent / de son vivant il le médite le Temps ; je crois il ne désespère pas de l’écrire, d’y parvenir au détour d’un texte de le, la surprendre vif et en mouvement / l’Eternité là / et son corps venu s’y désaltérer trouver Eau d’un apaisement possible, de son vivant d’épuiser mots, mental de s’y confondre à ce silence enchanté en lui.
/ […] De plus en plus des écrits là / des performances, des installations dans des salles blanches / des prénoms, des noms qui nous sont inconnus souvent ou presque, ils sortent d’où / d’un peu partout, ils, elles sont juste ce qu’’ils sont, tendant un peu leurs vies, un peu la Vie ils, elles en racontent un bout... cela pourrait bien ressembler à une œuvre totale ce truc-là / La Vie s’écrit, des intimités se dévoilent / une atmosphère, en contours d’une actualité chahutée s’en dégage. / là où d’aucuns s’égosillent et rejouent, miment dans des rues des scènes d’insurrections / là dans des livres, des poèmes, là des vidéos underground, des installations… des femmes, des hommes ne font pas mine de... elles, ils l’ont engagée cette transformation en eux, ils la vivent cette révolution à (de) l’intérieur, par le corps et individuellement et ô paradoxe collectivement… / elles, ils se dressent, dressent leurs travaux... par elles, par eux une œuvre intime se dresse. / / Oh ce n’est pas L’Iliade, L’Odyssée toujours ce qu’ils tendent au Monde... / souvent ce qu’ils nous montrent ressemble à ce que chacun nous vivons, à la vie d’un monsieur Bloom... / souvent ensemble ils l’écrivent par le quotidien ce grand Livre, / ils - elles s’en approchent de cet Ulysse rêvé et amorcé par le vieux dublinois...
La preuve par 99 / Easy listing, 3 (67-99). Jacques Norigeon. Propos2Editions / coll. Propos à demi / 2023.
Les livres sont des anges je crois, ils volent parfois et se posent là où ils doivent se poser / là entre les mains j’ouvre ailes / l’auteur Jacques Norigeon ressemble à ces vivants étonnés d’être là je crois et dont je viens de dresser les portraits. / J’ai mentionné dans un précèdent numéro de Terre à Ciel, les deux premiers livres d’une trilogie / ce jour, je reçois le dernier.
Tant c’est étonnant le fait d’être là entouré de choses-là, de sons, de noms / tant un simple étal de poissons sur un marché nous donne à entrevoir de formes, de chairs arrachées à la Vie, tant celui d’un boucher, celui de corps tués eux aussi arrachés à la Vie, alors oui probablement tout cela au jour le jour, nous les avalons, les ravalons ces présences arrachées au visible, tel ce cher Leopold/ « Monsieur Leopold Bloom se régalait des entrailles des animaux et des volatiles. Il aimait une épaisse soupe d’abats, les gésiers au goût de noisette, un cœur farci rôti, des tranches de foie panées frites, des laitances de morue frites. Plus que tout il aimait les rognons de mouton grillés qui lui laissaient sur le palais la saveur légèrement acidulée d’un délicat goût d’urine. » / Et à un moment cela arrive chez quelques-uns d’entre nous, toutes ces disparitions, cela devient une obsession / et pas seulement celles des chairs, des corps mangées, pas seulement le manifesté, le visible… non tout… l’invisible également, ce tout là et là entre les choses, les êtres, ces liens…ce qui est cordes entre les solides les liquides, entre les corps / ce pluriel dont on ne décline jamais ou rarement les sons, les noms…. chez quelques-uns cela devient même une manière d’être : traquer la moindre perte, la moindre apparition, le moindre souvenir, signe en soi, les pensées en trop, le trop plein du Vide… / alors pour certains ce sera le, la raconter / la Lumière avortée… pour d’autres classer les fonds de cranes, ce qui les traverse et ce n’est pas sans humour que cet auteur le tente et amorce son livre / dans les premières lignes, in soixante-sept certitudes : / Il est sûr que si jésus revenait, il multiplierait les plombiers / Woody ALEN aurait pu…la tenter celle-là / Norigeon il en dit… / des slogans, des pipes il les raconte : celle de Maigret de Rimbaud, de Van Gogh, de Monsieur Hulot, il ne veut pas en oublier… il les raconte les papes celui de la soul, du rap, de l’arte povera… plein de papes… / des escaliers pareillement des rues, des rues, des rues oh la rue Monsieur-le-Prince, celle où habitait le cher Pierre Béarn (hommage à lui, là, à son œil vif…) / des passions littéraires : Mon mari hurle sur Christine Angot à longueur de journée. / /[…] ma belle-fille veut nous tenir à l’écart de Bataille. /
Des injures… des saintes… Sainte-Zélie, autre zélatrice du mariage virginal, sur passe Marie en ayant huit enfants. / […] Sainte-Cécile, « musicienne du silence ». / […] Sainte-Roseline amenait des roses à manger aux pauvres, suite à la transsubstantiation du pain qu’elle leur portait. / […] Sainte-Emilienne se venge d’un mari brutal en le soignant avec sourire et délicatesse lorsqu’il tombe mortellement malade. / […]Sainte-Véronique, proto artiste contemporaine, produit bien avant Yves Klein l’empreinte corporelle la plus célèbre : « le voile de V »
Des aveux… Des confusions possibles… Akim et Zembla […]des et des… / des bruits celui du frigo, celui des tondeuses le samedi […] celui des pièces qui tombent dans un tronc d’église… des… / des grands sages de l’Inde ancienne : Tsarbaripa, une fois ses parents changés en statues de pierre, obtient le « pouvoir de la Prise d’Essence par l’anus »… s’il le dit Norigeon, il faut peut-être le croire / ceux-là : Naropa vole de la salade et s’en trouve béni / Tilopa se débrouille toujours pour être nourri sans faire grand- chose / on le voit des sages pas trop sages, d’autres… Sarwabhakcha ayant dévoré l’univers, médite qu’il n’y a plus rien / le Merveilleux a qui là il manque, un bras, une roue… Norigeon s’y emploie, c’est une attention particulière au monde / ne rien omettre de ce qui va, de ce qui lui traverse tête / là, éclairé par / la brièveté de la vie / le surligner ce qui lui semble important de l’être… / dans ce bouquin-là, cela y ressemble bien… étalée là, une mémoire autre / Norigeon s’invente un inventaire, monologue avec quoi
En Art, en littérature, tout peut s‘envisager des lors que la démarche est sincère, Jacques Norigeon, je le crois l’est, aussi cela autorise beaucoup… avouer ses faiblesses, son bavardage, ses craintes, avouer un peu ce qu’on est… en s’offrant (en) contours de quelques phrases, d’un livre… c’est à nouveau une sorte d’autobiographie : dans une suite de listes, l’auteur nous dévoile ce qu’il vit, ce qu’il perçoit et comment on le perçoit… / / c’est à qui le tour… là page 71, les librairies qu’il a fréquentées… quatre-vingt- sept… il a compté : celle disparue, celle de son enfance boulevard Saint-Marcel et ses premiers albums de Tintin, / […] La Rumeur des crêtes, à Cadenet, la petite dernière-née – et la dernière où j’ai acheté un livre au moment ou j‘écris, / ainsi la boucle est bouclée et l’auteur c’est possible se l’imagine cela : qu’il l’a fait le job, le sien… / c’est sans fin, lorsqu’on commence à l’écrire l’infini… c’est sans fond la Lumière et ses déclinaisons, la Lumière là en Tout, les ombres, bien-sûr il va aussi les écrire, les convoquer les Saints et les dérives… les recenser les leçons, les possibilités de perdre / les Démons que l’on trouve au Japon : […] Name Onna – femme qui lèche les hommes de partout il va les écrire : les yeux… Le troisième œil L’œil du Chien andalou et même une liste de lites qu’il aurait pu établir… Manifester sa présence au monde avec les mots, cela peut ça… /
Manifester sa présence au monde muni de son seul corps cela peut-être debout écarter bras, être ainsi en croix, sans être sur la croix, juste sacrifier heure et heure-là dans une salle blanche d’un centre d’Art contemporain désert…. Comme ça comme ça, pour rien, parce que tout va… le montrer le battement en sang, en cœur le corps dans un corps là une heure, et une autre là symboliquement le cœur de ce qui bat et va, le Temps, le Mouvement le temps d’être là dans un corps qui va / Norigeon à sa manière lui également pisse dans un violon / c’est surréaliste pisser dans un violon, ça ne tranche pas complètement les liens de l’ignorance mais c’est possible cela y participe… ouvrir les bras, c’est une manière d’embrasser le Monde, / Peut-être en le lisant vous trouverez dans son, cet espace ainsi strié, balafré, saturé de mental peut-être aussi le sentirez-vous qu’il vous parle du Vide qui l’habite, vous habite / oh on ne devient pas ami du Vide comme ça sans l’avoir vraiment médité… c’est un travail sur soi, le trouver Soi /
le Vide en soi, pacifié rendant ses armes, ses larmes, / le Silence après avoir vécu des choses, écris des choses, le Silence en Lui en NOUS / C’est épuisé à un moment ou l’on s’y attend le moins, qu’il peut surgir… se montrer bienveillant
A la lumière d’un / au bout du bout, il y a quoi qui commence quoi / ne rien jeter de ce qui s’invite, c’est un parti pris / qui a ses auteurs et pas des moindres, je pense à John Fante, à Mon chien stupide / avec lucidité traduire l’étonnement d’exister, s’en émerveiller / pour d’autres tout cela est absurde / et certaines fois, avec quelques phrases éclairées, pourtant se consoler d’être là et même de s’entrevoir ne plus y être /
Nous sommes nombreux à le vivre cela, aussi ces dernières années de plus en plus e d’écrivains portent haut des petites scènes d’ici-bas, ne cache rien ou pas grand-chose de leurs petites vies, de leurs petites choses…Rim Battal, et ces riens roses, Delcourt dandy flottant et ses petits bouts de lui dressés, d’autres… pleins d’autres que pour ma part je découvre là ou là / c’est une sorte de vide-greniers / cela y ressemble un peu, pour celles et ceux qui en manqueraient, des souvenirs de deuxième mains, des petites histoires qui campent les atmosphères de différents milieux dans différents lieux, ça a la force d’un vécu souvent, ça / c’est bien plus beau qu’un roman, parfois la vie ça suinte, ça écoule jus, ça aime vivre, ça aime l’écrire ce qu’on vit… / souvent c’est touchant comme dans ce livre présenté comme un / roman-poème et qui semble m’avoir choisi
La Grande Aventure. (roman-poème).Victor Pouchet. Préface de Hervé Le Tellier. Editions Grasset et Fasquelle. 2021.
Peut-être bien les Grandes Textes de l’Inde ne mentent pas, il y a bien la haut ces vaches sacrées qui broutent le Ciel et ces pies chargés de Ciel et parfois oui lait de Cela nous tombe du Ciel / des textes, des poèmes comme autant de sons de grelots, de cloches accroché(e)(s) à leurs cous… nous faisant entendre ainsi dans ces moults gesticulations ce qu’est le Grand Geste et ne voir que Lui et mouvements de, par Lui… rien d’autres dans la multiplicité des interventions, des performances. / Pour Hervé Le Tellier « les poèmes de Victor Pouchet sont vraiment des vrais poèmes car / un poème doit être modeste et un poème doit être ambitieux, un poème doit être particulier et un poème doit être universel […] un poème doit avoir l’air simple en étant moins simple qu’il en a l’air…. / » jusque-là rien de bien neuf mais il poursuit et cela m’invite à aller voir : « un poème doit oser douter d’être un poème et n’avoir peur de rien, […] on doit pouvoir se demander si on n’est pas en train de se faire avoir… » / encore il est indiqué que « […] Victor Pouchet déroule en vers […] »
les enroulements d’un homme et d’une femme, les petits miracles des faces à faces, leurs miroitements…I. Le fil c’est peut-être une histoire simple : tragi-comédie en cinq-actes et deux personnages. L’un régulièrement menace de partir. L’autre se contente d’écrire des poèmes, dans l’espoir de l’en empêcher. […] / Peut-être que chaque jour / il y a une chose qui /mérite un poème, / un non-événement / qui laissera une trace / plus forte qu’une tempête / de pluie et de grêle / Quelques jours après / le ruisseau d’en bas / deviendra torrent / on saura pourquoi. / […] un retour aux sources…, cela y ressemble Il faudrait sans doute / décrire la maison / et puis le village / et cette impression / d’être au bout du monde . […] Tu crois qu’on va / rester ici / pour toute la vie ?
Vivre, se regarder vivre / goûter ce qu’il y a / d’il y a / goûter ce qu’on est, ce qu’on fait n’en demander pas plus, recevoir un peu et s’en satisfaire c’est mon ressenti à la lecture de La Grande Aventure : […] J’ai oublié mon rendez-vous / avec ma psy au téléphone / […] à la place j’ai mangé des chips en buvant du vin / Les jours ressemblent beaucoup / aux autres jours[…]
/ […] Je ne sais pas bien pourquoi / je dis souvent dans mes poèmes / ce que je bois ce que je mange […] Ce serait mieux de connaitre / ce que je pense de l’existence / de l’amour et des métaphores sur la grandeur de l’âme humaine / mais ce sont des mots pour lesquels / il faudrait un permis spécial / que je ne compte pas passer […]L’homme est honnête, ce n’est pas s’en rappeler Vinau, une simplicité se dégage de l’ensemble, un parfum doux, celui d’exister faiblement, comme s’il s’agissait d’une méditation dans tous les actes d’un jour et d’un autre, de le méditer le fait de vivre avec la barque de quelques mots, de se laisser / flotter, devenir une simple embarcation et laisser faire le courant / […]on dirait bien qu’il nous le raconte son confinement, cela y ressemble : La mort est si proche / enfin on ne sait pas / tout le monde en parle / on ne la voit pas […] / cette période de retrait, cette période où apprendre à exister a pu donner des lignes au jour le jour / a pu laisser apparaitre une ligne de Vie / a pu donner à quelques existences la petite lueur qui leurs manquaient / […] Aussi à un moment cela arrive celle qui menaçait d’aller voir ailleurs, va voir ailleurs
si elle se trouve lui reste, il est seul avec
/ […]Le chien noir et blanc / de la grande ferme… avec marcher un peu dans la montagne avec des fruits qui pourrissent dans la cuisine avec / […] les aboiements des chiens / se répondent dans le village / /
il l’imagine celle qui… / tout en haut d’un échafaudage avec un / casque de chantier trop grand / […] pour elle, disant des mots très techniques à des gens / capable de les comprendre Elle lui envoie une photo d’elle seule dans un métro vide et souriant comme un enfant /
à un moment cela arrive elle revient, celle qui… elle se dit[…] qu’elle pourrait[…] à nouveau derrière la montagne / à un moment, une nouvelle, la mort de son grand père, elle le console : Tu m’as pris / dans tes bras après / sans rien dire et c’était doux
Il lui en faut peu à ce personnage, à Victor Pouchet peut-être pour se sentir là presque et écrire : C’est vertigineux la vie
09 mars, / […] « Une fois tombés dans ce monde nous sommes des êtres qui, ayant perdu leur nid, logent au hasard des couches. » Pascal Quignard / Parfois cela arrive, quelques-uns d’entre-nous, nous inventons un entre-nous, nous le créons / nous nous créons un Temps, un Corps autre plus vaste / un corps, on le dirait qui a un peu d’avance sur l’époque / un corps qui est autrement vécu, autrement habité et cela nous va et cela nous fait écrire des choses que sinon on n’aurait pas écrit / on vit des choses au plus près de ce que l’on est / cela donne moments marqués au Soleil, à celui, là-haut / également à celui d’une chair, d’une autre / chacune s’ensoleillant de leurs propres empreintes réciproques.
Parfois cela arrive à quelques-uns d’entre-nous nous nous inventons un entre-nous et nous y entrons / […]le corps, c’est l’une des voies possible pour s’atteindre et à un moment cela arrive il y a rencontre avec un vide, il est Lumière, que cela, il est aimant / tout se lit alors par Lui, à partir de Lui le Vide - par Elle, à partir d’Elle la Lumière / il y a alors / juste le Vide, la Lumière qu’il faut… pour éclairer ce qu’est une Présence dans une chair / à un moment donné, tout se lit alors entre les lignes, entre les faits et gestes / quelque chose s’offre naissance / re-naissance / (s’offre essence, s’offre sens) des vécus apparaissent, comme autant de présences au monde possibles… / / l’un choisira d’écrire sa vie à la manière d’un roman, l’une choisira de la révéler à la manière d’un conte :
ETREINS TOI. Kae Tempest. L’ARCHE. Collection, Des écrits pour la parole (bilingue). Paris, 2021.
C’est le cas avec ETREINS TOI, la, le britannique Kae Tempest à partir d’éléments autobiographiques nous ballade dans un conte contemporain, donne du merveilleux à quelques séquences de son histoire. Le speach : « Un jeune garçon, baskets aux pieds et écouteurs sur les oreilles, se promène en forêt. D’un coup de bâton, il délace l’union de deux serpents. Il est aussitôt transformé en femme. Ainsi débute son errance sublime d’être en être, se délestant de sa peau pour une renaissance à soi[…] »
Voilà comment l’auteur.e campe l’affaire… en ancrant la première partie de son livre à ce personnage Tirésias. / Mais quel est ce Tirésias…j’avoue, j’ignore beaucoup… Merci Wikipédia… l’anecdote est belle, je vous la livre : « Le bain d’Athéna : Selon la version de Phérécyde […]Tirésias, adolescent, était en train de danser et de chanter quand il surprit Athéna se baignant nue dans une source du mont Hélicon. La déesse, dont la chasteté est absolue, vit comme une atteinte à sa pudeur cette indiscrétion de Tirésias. « Athéna lui mit alors les mains sur les yeux et le rendit aveugle » (Apollodore III, 6, 7). […] la mère de Tirésias, faisait partie du cortège divin, elle supplia Athéna de rendre la vue à son fils. La déesse refusa mais consentit à alléger sa sentence. « Elle lui purifia les oreilles, et ce qui lui permit de comprendre parfaitement le langage des oiseaux ; puis elle lui donna un bâton de cornouiller, grâce auquel il marchait comme les gens qui voient » (Apollodore III, 6, 7). […]
Bien-sûr cela lui parle, elle l’habite ce destin, l’actualise même en choisissant de commencer son recueil avec ce long poème. Dans les Inrocks elle, il a confié : « Oui, j’écris pour ces autres qui me ressemblent. Ces autres qui n’ont pas trouvé leur place, et qui ne l’ont jamais trouvée. » / […]le corps, c’est l’une des voies possible pour atteindre le SOI / de transes menues en transes menues, texte après texte, une transformation surement chez Kae Tempest / unir ce qu’elle, il porte de pluriel, de disparate, seul cela semble lui importer.
Les superposer les pages de sa vie, à commencer par ses premières années dans une banlieue au sud-est de Londres (au sein d’une famille modeste ou l’amour heureusement équilibre un quotidien difficile) / à une dysphorie de genre, elle se forge âme, se trempe. Sa créativité est très tôt remarquée et encouragée… / d’abord le Rap pour l’exorciser ce qui la trouble, trouble sa chair. Elle le clame le désordre, le déclame, elle s’exclame, slame ses mots, les oralise. Également elle, il écrit pour le théâtre, se fait reconnaitre avec un premier livre : « Tu trimes, tu bouffes, tu dors, tu baises, tu bois, tu danses, tu crèves » / elle, il le chante le courage : « Trouve ton talent. Traque-le, enferme-le dans une cage, donne la clé à celui qui a le pognon et félicite-toi […] » / Iel apprend à s’aimer, elle apprend à semer ce qu’elle devient : IEL ne s’est pas fait en un jour, aussi page après page, Iel les élève les heures où il a fallu suer l’étroit / entremêler les trottoirs et les divinités, les regards vers les caniveaux et les vers des grands classiques / les jours où il a fallu les rapprocher ses natures plurielles, les faire coïncider dans un seul corps… Car il faut savoir que Kae Tempest fut Kate Tempest, Né.e en 1985, ce n’est qu’en 2020 qu’il fait son coming out non binaire et annonce son nouveau prénom. Elle a cette singularité de chanter aussi bien la féminité en elle et il, que la virilité en il et elle : […] elle aimait glousser avec les beaux gosses et embrasser les toxicos solitaires / Et tisser des rideaux exquis pour les petits greniers miteux / Ou ils se reposaient la nuit / Faits de perles, fils de plastiques. Elle réchauffait par sa magie chaque coin qu’elle habitait. […] / / Iel le réussit ça, je crois / être ce point en elle, en il / les fondre les siècles passés, ceux à venir, être ce possible là… je crois désormais la faire parler cette Nature autre en Iel, le faire parler ce couple fort en son corps… indifférencié, inébranlable
Dans la seconde partie de son recueil, Kae Tempest signe séquences, scènes de vie… Dans Pour ma nièce : […] te confierai tout de même une chose, / ne serait-ce que ça : / N’en faire qu’à sa tête / n’a rien à voir / avec faire ton devoir /
Des serpents, enfant elle en a vus… dans un parc, c’était un couple enlacé, allongé, il était sur elle / ils étaient nus elle s’est accroupie pour parler de chiens[…] elle a caressé leur chien. / Demandé son nom / Expliqué que certains de mes meilleurs amis étaient des animaux / L’homme lui a dit : / [… va te faire foutre / […] il l’a sifflé plein de venin
Voilà, l’innocence puis l’innocence un peu moins puis encore un peu moins. Pas facile alors de garder en soi, cette part de non-né… Celle seule qui pourtant en nous est en mesure d’éclairer une vie. Les pièces du puzzle, K.T nous en livre quelques-unes… Dans le poème / La fille d’à côté :J’avais set ans, / ma voisine huit. / Elle a fourré une paire de chaussette dans mon pantalon / m’a enfourchée et m’a appelée mon grand / […]
C’est presque un second livre, cette seconde partie… elle égrène une série de portraits. C’est cru et c’est beau, ça la raconte bien la vie comme elle est parfois… comme ça hait, comme ça aime parfois… ça chie la force souvent / dans Brute :
J’étais assise à côté d’elle sur le banc. […] les garçons jouaient au foot. […] / De temps en temps elle poussait un grognement et disait / des trucs du genre / « lui je me le ferais bien » / Elle avait eu ses règles, elle disait que c’était comme être malade la chatte. / Elle avait été doigtée / et elle avait des boutons / et elle connaissait des gros mots / et elle avait des nichons / et elle suçait. […].
La brute désignait mon entrejambe / et demandait ce que j’avais / Et je ne comprenais pas / mais je rougissais, je rougissais, je rougissais.
Parfois c’est son autoportrait, c’est dark, dans certaines pages ça tempête / pourtant cela aussi Tempest le souffle, le fomente : Elle sera prophète un jour.
K.T dit s’être droguée en écoutant Chopin, en lisant Joyce… s’être senti moins seul.e ainsi accompagné.e / K.T sait l’écrire sa vie comme elle est, également la chanter. Son dernier album sorti il y a un an environ, The Line is a curve / lui aussi le proclame à sa manière ce / Etreins -toi / ce, Embrase-toi fait un grand feu de toi, et raconte-le…oralise-le.
Nous le voyons, créer souvent c’est… / s’autoriser vivre, se donner Vie c’est participer à une œuvre Totale, c’est un Merci qu’on projette sur ce qui nous entoure / Puisse la diversité de nos notes, recensions donner un aperçu de l’étendue de cette communauté allante. Car c’est aller, créer… juste marcher vers quoi / pour le moins, c’est cela : un quoi aimanté. Pour d’autres encore, ce quoi porte un son, un nom et ce sera le Soi. / pour ma part, j’aime applaudir sans qu’aucune de mes mains ne se touchent pourtant, j’aime applaudir… / Entends le son d’une seule main proposait le sage Haikuin, probablement quelque chose dans le genre, communiquer ainsi… sans la béquille des réseaux, juste aimer être là au M /monde et le partager… souvent sans n’y rien ajouter, parfois oui en la chantant un peu cette putain de vie… comme elle est. Là envie de vous l’annoncer ainsi le gars Ferlingetti, le californien… le libraire de San- Francisco / lui qui la chantait juste un tout petit peu… sa Vie de bonhomme… / plus de 600 pages pour 12 euros… in
La vie vagabonde. / Carnet de route / 1960-2010. Lawrence Ferlinghetti. Editions Points, coll. Signatures. 2021.
Je ne sais pas si cela a été voulu et décidé ainsi, ce format Poche est-ce une sorte d’hommage qu’on lui rend là, car en son temps, il en fut l’instigateur alors qu’il était lui-même éditeur. Lawrence Ferlinghetti est mort fin février 2021 et ce journal de bord est paru en avril de cette même année / au passage un grand Merci à son traducteur Nicolas Richard qui a su maintenir un souffle vivant tout au long de ces pages. / On apprend beaucoup, Ferlingthetti a bien vécu, aussi c’est un précieux témoignage qu’il nous transmet là… Sur cette sortie / Patti Smith y est allé de son petit commentaire : « Inspirés et sensuels, les carnets intimes de Ferlinghetti se lisent comme une lettre ouverte au lecteur… » de même Bob Dylan : « Un homme et un poète valeureux » / c’est en effet un peu tout cela / Ouvert, l’homme l’était, c’est ce qui s’impose en parcourant ses lignes et pareillement valeureux, courageux cela le définit bien. Car il en a fallu probablement du courage, de la passion pour ne jamais mollir alors qu’un à un beaucoup de ses amis disparaissaient… et continuer sans eux. Bien évidemment on pense à Ginsberg et son Howl qui lui doivent beaucoup, à Kérouac… dont il parle si bien car il le connait si bien : […] Et puis d’ailleurs qu’est-ce que je fabrique ici avec lui, quelque part en pleine éternité ? […] j’éprouve une sorte d’empathie de grand frère vis-à-vis de lui / Toujours est-il que Jack n’a rien de Beat ni de Beatnik hormis dans l’esprit de milliers de lecteurs de Sur la route persuadés que c’est une espèce de rebelle fou déchainé alors que ce n’est en réalité qu’un « bon gars de chez nous » ( New York, 1er avril 1960 ) -----
le 28 avril il note : être allé écouter Thelonious Monk au Blackhawk à San Francisco. Il a joué des chants funèbres abstraits […]---- le 17 novembre de cette même année, lors d’un retour à Chapel Hill, son ancienne université en Caroline du Nord ou il avait obtenu sa licence, il écrit : […] et l’air est le même, le même air épais et doux. C’est le genre de détails qui donne à un journal une tenue… l’air cela vous pèse un homme, un écrivain…/ Porto Rico, Port-aux-Princes, Haïti, Cuba les années soixante, l’homme voyage, il est habitué… / dès son plus jeune âge, orphelin de père, sa mère plie sous le chagrin et c’est sa tante qui l’emmène en France vivre ses premières années à Strasbourg avant de retourner aux Etats-Unis et lui trouver une famille adoptive. / La France il la retrouvera puisqu’ il choisira la Sorbonne pour son doctorat. C’est à Paris qu’il fera la connaissance de sa payse, Kenneth Rexroth qui l’encourage à profiter de l’effervescence de la côte californienne. Il l’écoute et se rend à San Francisco. Aussi lorsque qu’il ouvrira une librairie, ce n’est pas sans pensé à ses années vécues dans la capitale, s’inspirant de celle tenue par George Whitman dans le 5è arrondissement (le Mistral devenant Shakespeare and Company ). Pour l’anecdote : En 2018, Kate Tempest fera une intervention dans cette même librairie reprise par la fille de ce dernier, (voir vignette plus-haut).
Voilà s’il fallait encore donner preuve que tout est en lien, partout… tout le temps / qu’il y a en nous, un Nous. Il est sommet de toutes présences, celles passées, présentes et celles bien évidemment à venir, chacune point d’un seul cercle jusqu’à l’atteindre ce sommet fictif, comme le sont toutes nos enveloppes le temps juste de s’en apercevoir… et hop / une autre prends le relais, dans un corps un autre heureusement perdure quelque chose de bien vivant, bien chantant… / C’est aussi cette puissance, cette envie de vivre là, qu’on retrouve chapitre après chapitre dans le carnet de route de Lawrence Ferlinghetti, il n’omet pas pas de mentionner ce lieu mythique de la Beat Generation / Big Sur : Au-dessus du Bixby Canyon,
12 septembre (1961) / Je suis là-haut dans les champs dorés au sommet de Big Sur, sur l’une des plus hautes collines surplombant l’océan, les longues herbes de blé sont jaunes d’or par ici, ses ivraies s’agitent au vent, je suis […], nu sous le soleil brûlant. Homer le chien s’est trouvé de l’ombre sous un buisson, […] C’est le début d’après-midi – […] en contrebas, à l’ouest […] une voiture […] je crois que je pourrais vagabonder ainsi le restant de mes jours […] l’Inde un jour. 14 septembre / […] suis assis en position du lotus, et contemple une longue tige dorée. Elle a peut-être une vingtaine de piquants qui pointent et penchent tous dans la même direction, dans le sens du vent où […]Voilà c’est simple, L.F la dit la petite vie de tous les jours, sur son petit lopin de terre lorsqu’il y séjournait dans la cabane qu’il s’était construite, entre les biches, les geais, les cailles / sa petite présence… c’est une succession de notes qui rendent compte de ses voyages, des années qui filent… / La Colombie – Britannique / L’Afrique du Nord, Tanger, Marrakech / L’Europe, Londres, Lisbonne / à Nerja il souligne :
2 avril Un troupeau de chèvres a élu domicile dans les champs derrière la maison, de l’autre côté de la rue. / Tous les matins, elles sortent par la maison et […] lâchent pléthore de raisins secs dans leurs crottes […] / L’Italie, à Spolète : Teatro Melisso[…] soudain j’ai aperçu Ezra Pound pour la première fois, immobile telle une statue de mandarin dans une loge du deuxième balcon, au fond du théâtre[…] mince, cheveux longs, profil aquilin à quatre-vingts ans, […] perdu en une abstraction permanente… / sa voix s’est fait entendre. D’abord la mâchoire a bougé, puis la voix est sortie, inaudible. Un jeune Italien a approché le micro au plus près de son visage et l’a maintenu ainsi, et on a pu entendre la voix, frêle mais déterminée, plus aigüe que je m’y attendais […] La voix m’a sidéré, si douce, si fragile, si frêle […] J’ai posé ma tête sur mes bras, sur le rebord en velours du balcon. J’ai été étonné de voir une larme tomber sur mon genou.
à Paris / j’aime beaucoup cette page du 9 décembre 1968 : […] il y a des jours où j’aime tous ceux que je vois, rencontre, touche ou connais d’une façon ou d’une autre. […] j’éprouve un sentiment profond, presque pur, d’attirance ou d’affection, voire d’amour pour tout le monde[…] Il y a une Identité désirée ou une Unicité d’être, tout pulse ensemble avec l’univers lui-même, une entité de tout…/ tout enveloppé dans un immense Souffle de l’Etre, Om. Retour à quelque source, à quelque silence de silences, où tout s’achève et tout commence. Il n’y a rien à craindre… Où commencent les pointillés……………………….
Et ce poème qui pourrait bien à lui seul raconter ce qu’a été cet homme / Cinco de Mayo / 1962 : Passant d’étranges montagnes / & déposant des aiguilles de pin / dans une enveloppe / Je t’envoie / certains de mes os…Consentir de son vivant à ce que l’on devient, c’est pas mal… là des aiguilles de pin / Des moments de contemplation, une présence au monde tantôt dans l’immobilité, tantôt en déplacement, c’est un livre sans prétention La vie vagabonde, un livre ouvert sur son époque et probablement sans cet anarchisme tranquille qui habite Ferlinghetti, quel meilleur accueil aurait été donné au manuscrit transgressif de Ginsberg, qu’il publia pourtant… Lui et bien d’autres lui doivent d’avoir été entendu, je crois. C’est une onde bienveillante qui traverse ces pages, l’homme on l’a vu capable de s’émouvoir devant la lecture de Pound vieillard. / C’est pour ma part ce que je retiens, un poète ému d’entendre un autre poète, c’est touchant. Il regarde le monde, le capte :
in Journal de Berlin, 22 juin 2004 / […] Passé par le musée du Bauhaus[…]Il y a une installation intitulée Fallen Leaves (feuilles tombées), qui se compose de lourds disques en fer de plus d’un centimètre d’épaisseur, chacun ayant la taille et la forme d’une tête humaine, avec des trous pour les yeux, les oreilles et la bouche, mais parfaitement plats. Trois couches environs sont étalés au petit bonheur, empilées les uns sur les autres, sur un sol en ciment d’une pèce rectangulaire toute petite et les gens sont invités à marcher dessus. Lorsque je le fais, les lourdes plaques grincent l’une contre l’autre dans un bruit métalliques mat, le même bruit que des pieds dans de lourds godillots. / Dehors un très gros corbeau ou une corneille, caché quelque part là-haut dans les arbres, fait retentir son rauque « Plus jamais-ça ! » / Rue Auguste[…] Nous avons continué dans Auguststrasse, avons croisé un chien qui buvait de la bière dans une soucoupe devant la porte d’un café. Plus loin des policiers montaient la garde devant un musée juif et une galerie qui nous avait été recommandée s’est révélée n’avoir que des murs totalement blancs, le manifeste postmoderne ultime. / Nous nous sommes installés à une table, dans un grand café vide, et avons commandé du vin blanc et de la bière, nous avons pensé à nos amis restés au pays, nous nous sommes dit / how many roads must a man walk down / et pourquoi sommes-nous sur terre ? / Entre-temps, les arbres dehors[…] vent déferlant sur la plaine, en provenance de la Mer du Nord. Et il ne soufflait nulle réponse. / 23juin / L’impression d’etre comme un des anges des « Ailes du désir » de im Wenders, […] je bois une Pilsner en obsevant les passants. Je suis étonnée par la similitude de toous ces visages, pas tous allemands, comme s’ils étaient du même moule […]
/ Lawrence Ferlingetti termine avec des pensées fuyantes… Page 593 : 8. Ô vain le rôle de l’homme, le long d’erre-revie au fond du crépuscule J’entends les lointaines voix appelant et l’écho dans les collines Ô les bras blancs des routes Bienvenue Ô Vie Le Passé n’est qu’illusion mais l’avenir nous appartient et à l’infini les montagnes et rivières les lucioles immobiles dans les nuits calmes des collines et l’aube qui se lève sur les prés Seigneur quelle beauté Allongée la fille dans l’herbe du pré et ses pâturages en revière et quand cela se terminera-t-il Dans la chaleur du jour le soleil cogne sur les amants dans le foin Les lis féconds s’épanouissent Les libellules attirent la flamme et la nuit tombe à nouveau […]
// et ça continue et ça continue comme ça comme ça sans ponctuation ça va ça y va où je ne sais pas c’est beau c’est barré complètement éclaté c’est du / je ne sais pas / c’est de la confiance en quelque chose en lui en nous c’est cela pourrait durer durer comme ça raconter le rien en Tout le Grand Tout en chaque chose qui se présente à nous à chaque nudité / page 607 à 609 / L.F revient sur sa rencontre avec George Whitman avec qui il entretenait une belle amitié… il pensait que sa librairie à S.F était une sœur naturelle de celle de George… La boucle est déroulée, cet homme je crois a bien vécu, il me semble… sous l’œil du soleil / sous l’oreille du ciel
Tourner rond, Cécile Guivarch. Editions du centre de Créations pour l’Enfance de Tinqueux. Coll. Petit Va ! 2023.
En février dernier, Cécile Guivarch fut l’une des invités à la 10ème édition de la Fête de la Poésie Jeunesse de Tinqueux / afin de partager avec le public et des élèves de collège ce qu’elle vit. / Aussi touché, je le suis, en recevant un petit livre, quelques pages reliées (type carnet à spirales) de cette poète, Tourner rond / oh ce ne sont quelques lignes mais elles portent en elles, tout ce que cette auteure a su déjà nous montrer dans ses parutions précédentes, son envie d’accompagner au plus près ce qu’elle traverse, ce qu’elle est / pas du tout insensible au Monde lorsqu’il ne tourne pas rond, à l’actualité déstabilisante parfois pour quelqu’un de si sensible qu’elle…
/
[…] Des corps allongés sur la route / ils ne dorment pas – ils sont mots / Pour quel crime ?Il n’est pas toujours aisé au quotidien de conserver le fil de nos vies… elle dressée, Cécile Guivarch y parvient, ne négligeant rien de ce qui peut lui amener, ne serait-ce qu’un filet de Lumière là… un autre là… que ce soit / tout là-haut dans le vol d’un milan ou ici-bas sous ses bottes dans un peu d’herbe ramené du jardin / récoltant avec l’outil de l’intime, ce qui donne Souffle, Sens au fait de vivre… On le dirait bien là comme sorties de quelques gouttes de sang, condensé là dans quelques mots, ce qu’elle a de plus précieux elle nous le tend : ce qu’elle reçoit du Ciel, ce qu’elle perçoit du Ciel
En montagne -ce silence / et juste le vent / Un milan dans le ciel / Ce blanc (ce blanc) les cimes / Je respire du ciel / Je dis : c’est mon océan / je suis toute petite
Des passerelles, les mots pour relier les femmes et les hommes, c’est ainsi que Cécile Guivarch présente ses poèmes. Alors lorsque qu’elle écrit : […] En toi coule une rivière / peut-être la rapprocher elle aussi de Kae Tempest et son Etreins toi car c’est s’étreindre trouver en soi, de quoi tenir bon / par la seule beauté d’être-là, Tourner rond / Plusieurs fois elle le martèle / Je me sens toute petite… Puisse en elle toujours le ressentir cela, sa part petite, sa part pépite / c’est son Or cela.
Ça veut dire quoi partir. François Coudray. Editions Alcyone, coll. Surya. Saintes. 2022.
J’ai commencé ces notes avec Milo del Angelis qui nous traduit avec des mots ce qui pourtant est sans mots presque… les heures, les jours, les semaines lorsque quelqu’un qu’on aime quitte la scène… et sa scène à lui ce sont les rues d’une ville /
Avec Ça veut dire quoi partir, François Coudray lui emboite le pas. Il a vécu, il vit la même chose, à un détail près c’est que sa scène à lui : ce sont les Alpes et c’est à travers elles qu’il le perçoit, qu’il l’approche le vide / C’est un endroit de montagne qu’il arpente, qu’il grimpe parfois / s’approchant ainsi, juste un peu plus d’une absence en lui, de l’ Absent, de l’Absence / s’accrochant à elle, l’étreignant même lorsqu’elle s’offre lieu pour y déposer quelques souvenirs. D’ailleurs c’est quoi un souvenir, ce sont quoi les souvenirs rassemblés en quelque chose en soi qui forme comme un point. C’est quoi ce point, c’est quoi d’ailleurs tout ce qui reste là, / tout ce qu’il y a devant, derrière, autour de soi, quand l’autre n’est plus… /
ton absence réinvente / la géographie de mon corps / cherche / mon chant / les lieux de ton corps disparu / à travers le mienSe retrouver par la douleur se retrouver, s’éprouver / […] l’évidence de toi dans le manque de toi […]préférer la blessure L’entretenir un temps même la douleur, car il manquerait plus que ça / on l’entend / que l’auteur l’oublie quelque part en chemin, / la douleur / devenant même un temps, le corps qui n’est plus / Elle est centre et bord, elle est cet espace nouveau à explorer, à sonder / à la place d’un : / courir projetés de tout notre poids par la pente / dévaler prés et bois (partout la roche affleure sous / l’herbe grasse les feuilles mortes) / sauter le mur de pierre sèches / […] grand chahut de nos corps emportés ça […] jouit / comme chute
/ à la place : ton corps n’a plus de poids / à la place : ta main remonte avec la nuit le froid me / saisit je te respire / efface
/ à la place la douleur d’être encore, la douleur de demeurer, la douleur, elle est une somme d’ondes une somme d’actes : tu grimpes comme écrire / on prend la place de l’autre / l’autre nous tend sa place on pourrait le croire ça, on voudrait le croire ça y croire : qu’un corps devient l’ombre de la falaise, le miroitement du massif avec nous cela l’herbe humide avec nous / qu’un corps devient l’Avec ce qui fait lien, ce qui nous tient la main au quotidien ce qui nous tend écho (s) lichens terre faines fougères […] éclairs de granit hypnes sphaignes brindilles
/ […]feuilles de cyclamen une feuille de frêne / […] ton absence me respireLa chair devenant toutes les matières « la langue des matières » / le son des matières, des forces, de l’énergie en elles, du Ciel en elle(s) les matières toutes, / / La Chair en Matière […] et petit à petit, c’est ainsi le / quoi ainsi La Chair ainsi en voie de / la mousse sur le tronc noir du cerisier sauvage et le duvet des noisetiers
Le / faut-il accepter que tu sois sans lieu ? pour mieux embrasser le monde,Offrir un corps plus ample à celui qui peut être n’a jamais pu vivre avec le sien trop étroit, ces lignes y ressemblent / s’avouer fragile : on est tous des oiseaux blessés / non ? / et la langue du poème pour tisser / quelques pas chanter / bancal chanter quand même / sourire à la lumière
Ça veut dire / que c’est devenu vrai (partir)
A un moment cela peut s’entendre, s’entend partir, le son partir, le son quoi / tous les sons n’en deviennent qu’Un,
c’est donc possible / ça /
et ce matin dans la lumière / son baiser sur la nuque / ce peu de cendre / mais toute la lumière / à grimper / à grimper
Les livres servent à cela aussi, à y loger le génie des êtres et des lieux, ceux qui en sont allés avec ceux qui restent, à nourrir l’invisible, là et là / à nous rappeler qu’il nous ressemble, nous rassemble l’invisible…
Voilà on le voit tout s’habite, tout s’entend, résonne, devient… De l’oralité de sieur Céline (son langage) à celle de frèro Kae (son spoken word )… c’est kif-kif bourricot… le monde va avec la langue, la langue va avec le monde, cahin-caha / quelques langues se perdent (au passage une pensée pour celles des Esselen, des Salinan désormais éteintes (tribus amérindiennes de la côte californienne ) / Quelques autres se trouvent renforcées, quelques langues s’enroulent, se rapprochent, s’enlacent / Le monde bat matière, bat langage, bat silence… dans quelques corps la langue se réinvente, s’enrichit de ce, ces battement(s), d’un Souffle allant… / / Puisse t’il éternellement ainsi s’enrichir de ces vies brèves.
/
Des villes, des sols, des endroits pour camper les corps, pour aimer les corps, pour s’aimer / pour aimer cela la partager la beauté avec quelques-unes, quelques-uns, s’aimer beaux / traverser la Life ainsi, s’aimanter ainsi : / ce qui est, le regarder ainsi… beaux-aimants (bohémiens) s’aimer ainsi allant(s), allante(s)…Dans un même corps être capable de légèreté, être capable de profondeur, de les superposer les moments où / une présence simplement venue est capable de tout… se sent capable de tout…même d’apprendre à aimer presque… / là dans une chambre en ville, fenêtre ouverte sur une rue piétonne / ou dans une chambre dans une petite maison de pays, fenêtre ouverte sur les arbres s’inviter à un peu de Ciel, s’embrasser / Si ! c’est de la poésie, si je vous le dis ! Avec le corps entier… se surprendre en flagrant délit de Vivre, de vibrer… et d’aimer ça,…/ être en parce que
07 mai, 08h51 / […] parfois oui l’écrire l’Aimant, le Ciel aimant / cela ressemble à écrire un rêve… un rêve qui serait mêlé, entremêlé à nos jours et ce qui les fondent / c’est un Mystère qui nous ai donné à méditer, à regarder heure après heure, jour après jour… aussi se laisser faire, défaire et / parfois l’envisager le rêve d’un Soi qui serait enfin la loi de tout ce qui est et gouvernerait nos actes, un Soi qui porterait une réalité autre, augmentée de toutes nos utopies / un rêve autre, accordé à tout ce qui fait matière et / matière(s) en chemin
tu vois rien n’est vraiment séparé / tout est dans tout et s’habite, tout est en voie, solidaire /
[…] alors dans le Geste, je crois à ma manière, sans réfléchir je pose et dépose mots, des mots / te les envoie, te les tends parce que / c’est beau et c’est fort un / parce que / cela ne sait pas et cela sait cela sait et cela ne sait pas / écrire ce rêve-là, le rêve d’un Soi qui unirait tout ce qui divise / c’est remercier la Lumière de nous le laisser entrevoir ce rêve-là : que tout soit elle, soit amour pareil à elle indéfinissable et pourtant réellement là /19 mai, 09h36 / […]ces lignes parce que / le / PARCE QUE il faut le chanter le, les / parce que / sur / tiges parfois le, les / parce que / fleur(s) en fleur parfois les couronnements, les silences à leurs termes, à leurs extrémités les désirs même […] ô te parce que
20 mai […] / au courrier ce midi,
Cahiers Sade / numéro 2 / dir. De la publication : Axelle Felgine et Jean-Sébastien Gallaire / Editions Les Cahiers. 2023.
/ […], une grosse enveloppe blanche et, in / une couverture noire cahiers 2 / Sade, je la retourne, en quatrième de couv / : « Le passé m’encourage, / le présent m’électrise, je crains peu l’avenir » / la citation est du Marquis / une revue s’invite… Pas certain que je possède l’outil pour résonner avec justesse à ces contributions, au moins souligner sa sortie. La présentation : La pensée de Sade est partout. Elle est avant tout un outil de compréhension de l’être humain, au même titre que la philosophie, la sociologie, l’anthropologie, la psychanalyse. Bref, tout ce qui a trait aux sciences humaines. Il n’y a cependant pas de « sadologie » pour nous permettre de passer au crible de cette pensée telle ou telle action, tel ou tel fait, telle ou telle posture. Cette science, qui serait une « science de l’indicible rendu dicible » pourrait peut-être, sans apporter toutes les réponses, nous permettre toutefois de penser l’horreur, de lui donner une structure, un fondement, une cause, et de comprendre quelques-uns des enjeux fondamentaux de nos sociétés contemporaines. / Les « Cahiers Sade » ont pour ambition d’offrir une série d’éclairages originaux sur l’œuvre de Sade et de la faire dialoguer avec des œuvres du temps présent et d’autres continents. /
Cette deuxième livraison des « Cahiers Sade » est placée sous le signe de l’imagination dans l’œuvre de Sade. / en exergue, il est écrit : in memoriam Bernard Noël
/ Les protagonistes : Elles, ils, sont universitaires, écrivains, artistes / poètes, photographes, peintres, actrice, acteur, comédien metteur en scène et chroniqueur transgressif de poésie contemporaine / ce dernier vous le connaissez puisqu’il nous livre outre ses lectures dans Terre à ciel, quelques-unes de ses heures. Christophe Stolowicki , dans ce cahier signe : Faire rire Hitler /IL A PLUS DE TROIS ANS MAINTENANT, j’ai perdu mon amour, aimée comme seul peu aimer un homme aussi peu aimant un texte qui ne le trahit pas et qui nous conte / sa survivance / sa manière à lui de vivre sans celle qui n’est plus / avec celle qui n’est plus… sa compagne. Apres Deuil sur deuils / ( Lanskine. 2018), ou sans fard, il livrait l’éprouvant épisode des derniers moments d’une vie qui en portait deux / là, cette fois il récidive, en s’inscrivant dans ce thème, libérant anges et démons… Ai noté sa survivance / iI faut ajouter qu’il nous la dresse sa solitude, c’est son matériau / / Oui, seul, enfin seul, à ma main d’écrire au long, à l’unique cours
/
c’est en elle qu’il la loge (sa) Joëlle / qu’il la veille, qui lui est fidèle. / c’est également en elle qu’il loge / on le dirait bien, une mémoire : âmes et corps niés / à un moment de l’histoire… / et pour quelles raisons, Sade traverse et ponctue son texte, nous ne le saurons pas / même si là et là panser l’horreur, « penser l’horreur, / lui donner une structure, un fondement, une cause […] » et pour ce faire : sonder une onde, fusse-t ’elle chargée d‘ombre (s) cela peut s’entendre, se tenter / sadien pour le salut de mon âme […] Sadien juif écrit-il
/
Dard en chair / La solitude, c’est en elle qu’il la loge son histoire dans l’Histoire, qu’il le loge le Silence d’un corps venu et non venu / La solitude, c’est tout l’espace entre une Présence et une Absence, c’est beaucoup d’espace dans un corps, de force reçue et tendue au Vide : heureusement, sons là / Musiques / notes là / même après la mort, ondes encore, certaines bienveillantes, invisibles et là / Traversant ce texte, un ange musicien / invisible et aimant, Monk, une fois de plus ouvre ses ailes, couvre le poète, l’aimante à celle qu’il aime au-delà de sa disparition. Mieux, Stolowicki la mêle, l’entremêle Joëlle à ce qu’il traverse… éprouve : […] une aile prise dans le brasier, de l’autre j’évente mes fous et mes folles faisant résonner le jazz d’une vie -Thelonious Monk et quelques autres
/
Par jets, Stolowicki souffle phrases, les pulse vers / cette Absente, présente en lui / il l’apprend La Nuit en l’écrivant / c’est la peau étalée d’une nuit et d’une autre / d’une seule et grande insomnie, la durée d’une vie, de / ce qui en reste / de ce qui, dans l’imaginaire ne se différencie plus guère / ce qui est rêvé, fomenté et ce qui est réellement vécu, c’est un tout zébré d’épreuves et ce qui nous est livré là / Est Chant / n’est qu’une partie d’un Vaste Chant, d’un Nous / Interroger une œuvre, se laisser interroger par elle, Christophe Stolowicki en joue / en Jeu vise la Vie, le Vide / Il vit.D’emblée il m’a semblé intéressant de resonner à la participation de cet auteur dans ce numéro qui a pour thème / Sade / afin de vous donner envie d’en poursuivre sa lecture. Je vous laisse imaginer, la revue a 300 pages, chacune portant la même passion pour le Marquis, il me serait difficile alors en une note de rendre compte de la richesse (études, articles, poèmes) qui la jalonne : Un préambule d’Isabelle Goncalves puis ce sont des entretiens, Michel Delon et Patrick Wald Lasowski / suivi de mises en perspectives, celles de Virginie Di Ricci, de Dominic Marion, chacune voisinant les fortes créativités d’un Jacques Caudal ou d’un Christophe Stolowicki présenté plus haut… / les études d’Antonio Cebrian Flores et Lydia Vasquez tour à tour commentant la fiction sadienne / les portraits, par Armelle St-Martin, celui d’un divin marquis politisé, en temps de révolution / aussi ceux, l’un d’Éric Marty entre déraison et guérison ciblant la part obscure de Sade, un autre sur sa singularité, sa liberté… signé Philippe Nouzille / enfin Yanan Shen, très documenté raconte dans une chine continentale, une élite culturelle chahutée et divisée au fil des ans par les diverses tentatives de diffusion de l’œuvre de ce personnage réactionnaire et cela le plus souvent au sein d’éditions pirates. /
Par ce sommaire nourri, je vous laisse juger de la lente maturation qui semble avoir profité à cet ensemble, tant le choix des intervenants mérite, je crois qu’on s’y penche / A suivre un extrait de la préface de Silvain Martin (directeur de la rédaction) in
/ Le pouvoir de l’imagination : / […] La question de l’imagination a particulièrement préoccupée Sade. Il en question à maintes reprises, aussi bien dans son œuvre romanesque que dans sa correspondance. L’approche en est d’ailleurs parfois paradoxale. Si elle est qualifiée « d’aiguillon des plaisirs » et du siège de « tout le bonheur des hommes » dans La Philosophie dans le boudoir / elle est aussi un outil dangereux lorsqu’elle arrive dans le cerveau d’un Durcet ou même dans celui de Sade[…]. En effet, lorsque ce dernier écrit à sa femme en juillet 1783 : « Vous m’avez fait former des fantômes qu’il faudra que je réalise »Les mots, les mots les mots… / leurs pouvoirs, les forces en eux, oui bien sûr ils portent magie / aussi offrons nous d’être humbles face à quelque chose de plus vaste que nous / et si la tentation d’affirmer nous vient… d’affirmer / ce qui nous semble une vérité, de chanter ce qui nous semble vrai : alors offrons-nous de le faire qu’à la Lumière d’une marche en nous, d’un Mouvement… d’un Geste en nous / d’un Soleil en nous. / En disant cela j’aimerais rendre hommage à Sollers, lui récemment ensoleillé…
et Bim ! Ce 25 mai j’apprends que lui aussi, parti Murat, le Jean-Louis… putain, il avait son génie ce gars-là et je ne lui ai pas dit… ai aimé, aime l’entendre l’entendre Mustang et encore Mont sans-Souci […] oh ces premières mesures au piano, cet harmonica, cette intro / il avait un timbre ce gars-là, une voix « [….] condamné à mourir demain […] » écrivait -il dans Sentiment nouveau
et encore / « J’ai fréquenté la Beauté tout le mois de juillet, preuve que je manquais d’Amour [….] je n’en ai rien gardé […] j’ai fréquenté la santé […] n’en ai rien gardé […] j’ai fréquenté la gaité tout un mois de janvier nuit et jour, il neigeait autour […] mais je n’ai rien gardé » / Vous me touchez Monsieur, avec vos Zibeline Tang, ring ring / […] à la grande horloge j’entends […] V’la le bleu le calme est troublant /
là, 15h31 : un (je) ne dis pas : / la prochaine fois bb te ferai l’amour en écoutant Zibeline Tang, tu l’emmèneras avec toi, hein / ton petit appareil branchouille avec dedans tous ces petits génies. hein ce sera ainsi nous le célèbrerons ainsi en lui disant Merci, Merci à ce gars-là qui chante si bien ring ring ring… / dis-moi que tu veux bien qu’on lui offre des libellules pailletées… quand nous allons nous voir…juste un peu du, d’un trop-plein d’un nous lorsqu’il reçoit trouble et trouble lorsqu’il reçoit tant et tant […] là j’entends in Le monde intérieur / […] On voudrait être fourbu / Pour le grand tintouin / La plongée vers l’inconnu / Vers le grand rien / Quittons fissa idéaux / Quitter tout / Quitter l’âme et voyager / On voudrait être poussière / Poussière pour savoir ce qu’il en est
puis 15h53 / […] l’écouter le corps en route, le Jean-Louis vers / puis 19h 03 / […] toujours c’est là, ça l’accompagne / […] J’en pinçais pour une infirmière / Une brune plutôt jolie / Je suivais comme Davy Crockett / Son large parapluie / Au Ciné Vox elle m’emmenait / Voir un Guitar Johnny / Je n’avais qu’une idée en tête Le Mont Sans-Souci / J’aimais déjà dire je t’aime Je t’aime je lui dis / Je savais que dans une semaine Elle serait loin d’ici / Tous ces amours de courte haleine / Embellissaient nos vies / D’un éclat mauve de bruyère / au Mont Sans-Souci / Les baisers, le doux manège / Viens donc je te suis / Sauras-tu tenir ta promesse / Et m’aimer cette nuit / Quand s’entrouvraient à la lumière / Les portes du Paradis / J’aurais passé ma vie entière / Au Mont Sans-Souci /
/ […] ce 03 juin, une gamine a choisi de ne plus souffrir / s’est ôtée la Vie parce qu’un (je) entends ça /
/ […] ailleurs, un (je) regarde rivière puis à l’étage d’une petite maison sur le bord du chemin qui mène à cette rivière, il regarde bois des meubles et poutres et blanc sur les murs, / […] il y a un lit et traces d’elle une femme parfois donne à cet endroit, ce qu’elle est, ce qu’elle porte de corps de nudité en elle / et alors son corps blanc son Or / à ce (je) / parfois cela lui suffit pour trouver beau ce qui l’entoure, pour la supporter mieux la Vie, même la mort d’une gamine abimée par
la Vie même
/ […] / Tisser quoi / le tisser / nous entrevoir in / corps avec ce qui ne va pas, ce qui va / parfois le parapet d’une minuscule fleur /ce 10 juin, / […] début d’après-midi / le confier cela aussi c’est important il y une quinzaine de minutes je rentrais à pied / ai croisé un ange se balançant tranquille au bout d’une tige / une petite fleur blanche en forme d’ange soit ce ne sont que quelques centimètres dans le manifesté / but […]quelques centimètres là flottants /
ce 12 juin, […] dans l’après-midi ai marché dans la ville ai flotté dans les rues / rue Ledru-Rollin, dans une fente entre un mur et un trottoir des coquelicots des rouges des pavots oranges eux aussi flottaient eux aussi aux extrémités de leurs tiges semblaient porter anges / ai pensé à ce livre qui vient de sortir, à sa couverture […] /
Sa mémoire m’aime. Cécile Guivarch. Les carnets du dessert de lune, coll, Pleine Lune. 2023.
[…] est le récit bouleversant d’un effacement progressif. Celui de la mère de l’auteure, venue d’Espagne il y a bien longtemps. Parmi les fleurs, on découvre une mère aimante et aimée, une femme d’une grande présence qui disparaît, une femme parmi les fleurs de son jardin, perdue dans ses pensées. […] / des pages magnifiques de tendresse et de force mêlées. Le lecteur s’enroule dans la mémoire, l’émotion, les bras de la mère et de la fille. Dans une langue singulière et pleine de poésie, Cécile Guivarch nous donne à voir avec une sensibilité hors du commun des images au plus près du corps, et de nos émotions profondes. / Face au drame de cette maladie devenue si partagée, Sa mémoire m’aime nous trouve, nous porte, et nous berce.
C’est un bon résumé, il ne ment pas / qu’ajouter à cela… vous le confirmer, ce livre est / ce livre est BEAU / vous le raconter un peu. /
A un moment cela arrive... une femme oublie des choses, elle est une mère, elle une mémoire / elle en porte des choses en elle, Cécile Guivarch la regarde, rendre mémoire lentement / la regarde lentement s’oublier, s’effacer et ô
c’est paradoxe au fur ou à mesure qu’une mère se vide, une enfant s’emplit, s’enrichit d’elle / Le tresser ce corps de passage.J’écris ma mère. J’écris maman. J’écris mon sang. Je viens en elle où le bruit de l’eau bat plus fort que le cœur […]
elle écrit un territoire, celui de sa maman / En cascade d’elle là où l’eau, ruisselle, ravine… elle écrit un commencement / une part de cette nature, de ce sol et sous-sol en sa mère, en elle, la Galice elle écrit un sous le ciel, un climatElle raconte son pays. J’imagine tout en noir et blanc. […] Je sonde et questionne. Elle n’oublie rien. J’archive dans ma mémoire. Chaque petit détail.
[…] / Sa mémoire m’aime / c’est de l’amour, beaucoup d’amour, c’est terriblement émouvant / avant que l’absence… / puis dans l’absence, une mère sème amour, mémoire / une mère offre des mots à son enfant / une mère à nouveau re-donne vie / mémoire aimante, une mémoire vivante : une mère offre à sa fille de se rappeler
Les draps la lessive. Petits oiseaux alignés sur les fils. / Dans les jambes de maman bras tendus. Linge au vent. / De ma main à la sienne épingles et petites culottes. / Papillons étendus […] / / Elle me dit le nom des fleurs. Pensées roses rudbeckias dahlias […]. « Sens l’humus » […] Elle me parle des chênes et des hêtres […] J’apprends les chanterelles les girolles. « Les trompettes de la mort »
Elle m’a dit « regarde comme elle est belle ». Je n’avais jamais vu de mort. Et ma mère me dit « regarde comme elle est belle ». Je l’ai trouvée belle. J’ai cru qu’elle respirait encore. Cela sentait fort les fleurs et donnait une bonne odeur à la mort. Je suis restée longtemps à la regarder […]
/ Les mots leur reviennent en bouche, elles n’en perdent pas une bouchée, chacune… / c’est une mémoire ancienne qui s’entrelace avec l’oubli, une mémoire nourricière qui la tient sa maman jusqu’à ce que… / car cela arrive, une présence oublie, s’oublie / dans le même temps une présence même, une enfant se rappelle de, d’un Tout / / Tout lui revient.
/ Tu me parles de toi petite maman de ta mère de ta grand-mère. / Tu me parles de toi et tu es souvent petite. Moi aussi / je suis petite. Tu parles de toi petite. Es-tu / toujours ma petite maman ? Si tu continues, je vais te bercer dans mes bras.ce qu’il en reste est Am-our, une âme, un nous, mémoire ainsi / au fil de Sa mémoire m’aime, c’est ce long processus d’effacement que Cécile Guivarch avec cette qualité d’écriture qu’on lui connait nous confie / l’art de rendre belle l’adversité, de lui donner des lettres / Les moments-sans elle les transforme en moments-avec /
Ma mère arrose les fleurs comme elle l’a toujours fait. / Avec amour. Respect pour la vie du jardin. […] Ma mère et les fleurs se sont toujours bien entendues et elle les arrose chaque jour et même plusieurs fois par jour. Maintenant qu’elle ne se souvient plus si elle l’a fait ce matin ou bien hier / ou si ce matin c’est déjà le soir ou peut-être demain. […] / Ses pensées en terre se mélangent un peu. / c’est beau, c’est /Le médecin a écrit le mot Alzheimer. Je lis le mot Aimer. /[…] Toute la mémoire que tu m’as transmise. Matin après matin. / Avec tartines beurre et confitures de fraises /[…]. Cécile Guivarch mêle les instants du passé avec ceux d’aujourd’hui, mêle leurs cimes. Vivre s’apprend, voir s’apprend, voir le présent s’apprend. / A son tour elle transmet ce qu’elle a reçu, tend ce qu’elle est : Ma fille avec moi dans le lit. Je lui montre des visages / dans les arbres. Elle les voit elle aussi. « Tu en as de l’imagination ma petite maman ». Je pense quand j’allais dans le lit de mes parents. Je mettais mon oreille contre / leur cœur et on jouait à / je te tiens par la / barbichette. /
Des mots enlacent, des mots pour enlacer ce qui est, ce qui va, s’en va… / Comme / dans un poème mal taillé te parler du temps qu’il fait[…] Je voulais te parler ma petite maman mais tu n’as plus toute ta tête / / /là, je vais me répéter, il n’est pas si fréquent de rencontrer une expression si pure, il n’est pas si fréquent d’être ému / Cécile Guivarch lorsqu’elle parle des siens a cette grâce, elle nous parle / Une mémoire m’aime / cela pourrait se traduire par / une mémoire m’aimante, / Une enfant voit sa mère lentement rendre, perdre mémoire perdre le fil de sa vie, perdre Vie… là et là une enfant regarde sa mère semer trouble, du trouble en elle, autour d’elle perdre pied / une enfant regarde sa mère se perdre, l’accompagne dans ses derniers pas, dans ces dernières marches une enfant regarde / une mémoire s’en aller /
Une mémoire en elle, sa fille, remplacer une mère, remplacer un corps / lentement assiste à cela, un corps, une présence s’oublier / […] / puis des mois, les derniers… une enfant rend visite à sa mère / Elle voulait vivre au sud pour mieux respirer […] / Là-bas on voit la mer mais aussi les montagnes et tout au / fond là-bas s’il fait beau on aperçoit même Saint-Tropez. […] / une enfant, une mère, un père préparent le repas ensemble, chacun à sa place, chacun se racontant : « Toute ma vie je me suis occupée des petits vieux. Ils m’aimaient bien j’étais gentille avec eux ». C’est à son tour maintenant de se faire bichonner. Je l’inscris aux Libellules. / Joli nom pour ma mère virevoltante. / […] / Tu es partie avec une bénévole des Libellules[…]Tu disais que tu ne voulais pas y aller puis tu t’es laissée prendre par la main. / […] Sur le sentier des douaniers / ma mère avance en tanguant […] Mon père prend la main de ma mère. « Donne ta main petite fille » / et / à un moment cela arrive, corps devient cendres, prend ailes / à un moment c’est sein au ciel, une maman. /
dans le chagrin c’est sein du ciel qu’une enfant trouve et étreint / c’est mémoire au ciel, en elle / c’est ciel en elle – c’est mémoire en elle qui devient corps pour deux, c’est un livre qui s’écrit, un corps qui se trans-/ forme en sans forme, c’est un corps qui se transmet, le transmet le / Cela / désormais cela se passera par les fleurs ce qu’il y a en elles, entre elles ces femmes de vie même / cela se passera par le ciel, les mots passeront par le ciel / le traverseront ils seront là entre les fleurs, dans les fleurs
mémoire de lune, d’un soleil désormais sein là-haut / et là et là seront, sera un corps avec elle / sa fille là une mémoire entre les fleurs, un ciel – un corps entre les fleurs sera une mère dans les fleurs et entre sera une mère ainsi plus vaste qu’un seul petit contour, qu’un seul petit corps sera celui d’un amour mémoire là aimantée / donnant à voir, à percevoir ce qui demeure lorsqu’ une mémoire s’en est allé / ce qu’une mémoire plus grande qu’elle, est capable d’offrir de fleurs, d’heures encore, de jours encore à son enfant resté là et là sur des bords de routes / est capable d’offrir de parapets de coquelicots à son enfant devant le vertige / devant quoi / là et là, c’est une mémoire même que Cécile Guivarch nous chante c’est beau comme parfois les coquelicots le répètent / le coquelicot / le coquelicot quelque part, le coquelicot où / celui-là oui le coquelicot quand il part lorsqu’il disparait le coquelicot quelque part qui sème mémoire, essaime de partout corps d’elle, de lui là et là en de multiples endroits coquelicots en forme de mémoire, mémoire en forme de coquelicots / ( à noter que la couverture de ce livre par Pascale Marbot illustre parfaitement ce chant ) / / / une fille offre échos / même en langue des oiseaux, offre jeu(x) de mots : Elle est fée ma mère. […] J’ai pris ma mère et dans ses yeux fée ma mère la lueur d’un je t’aime. […] Ephémère ma mère en fleurs […] / Sa mémoire m’aime / c’est un vide m’aime, Cécile Guivarch l’approche lentement, elle apprend le Vide, l’Amour / à un moment en soi cela s’entend, la langue d’une mère s’invite / c’est en galicien que l’auteure nous donne à lire la page 61 / à un moment en soi cela s’entend, cela se capte, par le silence d’une mère le Silence cela s’entend la source d’une mère la Source d’une vie en une autre / / cela s’entend La VieLivre après livre, avec pudeur Cécile Guivarch partage ce qu’elle vit, elle nous confie ses heures, ses heurts, ses joies… / là cette fois elle nous raconte cette maladie et combien elle déborde sur les proches / Cécile Guivarch, c’est dans les mots, qu’elle trouve et puise force, par l’écriture qu’elle apaise ce qui doit l’être. / Est une chose rare cela / une (Sa) mémoire est son imaginaire / elle l’entretient, la pare, la partage. / C’est grand art cela, transformer du chagrin en beauté, de lui greffer des ailes / des phrases… elle y parvient / elle-fée.
A un moment cela arrive le silence devient chant, en soi un quelque chose devient chant avec / A un moment cela arrive le Vide / devient corps. En fermant les yeux de son vivant, on l’entend son silence / , il source, il nous communique quelque chose de vrai…
Bruno Normand
Illustration : B.N / techniques mixtes. 2009
Photo de Tempest : Foule venue écouter Kate Tempest en juillet 2018 devant la librairie Shakespeare & Co