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Chevalier ! Montre-moi tes seins ! Par Bruno Normand (Juillet 2024)

mardi 2 juillet 2024, par Cécile Guivarch

28 janvier / [...] / le regarder, tige et tige d’air là / si invisible, si nu / si troublant vertige / là tellement là, le VIDE […] avec les heures, les jours s’avouer en […] / ce 29 janvier, / le Vide si présent / Du sang s’il fallait là donner titre à ce qui s’écrit, à ce qui m’est dicté / s’il fallait prendre drapeau en souffle / […] s’il faut avouer le parti de vivre sur / la crête de Vivre / […] / [...] avec des mots, des sons s’avouer un peu quoi […] ce 02 février / […] si corps il y a / si livres il y a, c’est grâce Cela / […] il y a des corps, des livres / beaucoup de titres, Cela :

La vitesse de l’Ombre. Annie Le Brun. Editions Flammarion, 2023.

Ce n’est pas si loin, la découverte de sa propre écriture naissante / chacun de nous apprenant, s’appliquant, s’impliquant dans cet apprentissage / ce n’est pas si loin, et déjà se dessinait, se reconnaissait âme, une âme. Sans bien s’en rendre compte, chacun ainsi s’offrant tracés, offrant une origine lumineuse et sacrée à ce qui en lui l’amènerait à trouver plus tard / image(s) en lui, à développer un (son) imaginaire. Par la lecture d’abord avec les illustrations qui accompagnaient parfois les premiers contes. Pour Annie le Brun ce fut La Belle au bois dormant « dont jour après jour, chaque image me parut approfondir selon les heures de ce que la réalité devait au rêve. » / et toujours concernant les images, elle ajoute : « Je leur dois de m’avoir emportée au-delà des mots pour me ramener dans la profondeur des mots. Plus exactement, à cette profondeur où / ne conduisent pas les mots mais dont ils se nourrissent sans cesse. La poésie vient de là. » / Puis cela survient : lorsque yeux ouverts ou fermés / on se laisse surprendre à entrevoir une situation / en l’augmentant de ce que nous avons reçu ici ou là / l’enrichissant ainsi. C’est le propre de L’Image et de ses reflets en nous, (sortes d’aurores boréales) de nous offrir du temps, du merveilleux, d’offrir de l’inattendu à nos quotidiens pourvus qu’ils soient eux-mêmes vivants et dressés. Fut un temps, l’image alors était plus rare, elle s’avançait nue et pouvait avoir ce don / émouvoir et même montrer chemin. / Tout cela a bien changé nous sommes désormais gorgés, égorgés / les images publicitaires, les images d’actualités et autres se superposent, s’immiscent dans nos récits, mitent nos intimités sans qu’on les ait invitées. Les vents solaires émerveillent moins / les Signes seraient même menacés, deviendraient invisibles à beaucoup, il semblerait. Peut-être allons-nous en mourir,

La vitesse de l’Ombre , Annie Le Brun, en lanceuse d’alerte, une présence comme elle est, « Avec internet et le mé-tavers, le capital est en train de réaliser son rêve jusqu’alors impossible d’un imaginaire où / tout s’achète. Événement sans précédent, contre lequel nous n’avons pas grand-chose à opposer / si ce n’est d’énigmatiques images en fuite / mues, par l’urgence de ne pas se laisser déposséder de leur secret, c’est-à-dire de la part d’ombre dont elles sont porteuses. Afin de recouvrer ce que ce monde est en train de nous voler, il ne tient qu’à nous de recourir à cette vitesse de l’ombre /

qui ne cesse d’approfondir l’horizon vers, l’infini qui nous habite. Si nous, nous encombrons encore de bagages, c’est sans doute qu’ils contiennent les voyages, que nous n’avons pas faits. / Celui-ci, je l’ai commencé sans savoir où j’allais et je l’ai poursuivi jusqu’à découvrir, quelque chose, la singularité des désirs rejoint les plus lointains mouvements de l’univers. Il m’est impossible de croire qu’au plus profond de sa nuit chacun ne possède pas de telles images filantes susceptibles de changer le paysage. Je ne connais pas de meilleure raison pour ne pas en finir de, prendre à revers un monde qui chaque jour un peu plus, oublie le monde. » / Il se pourrait bien en effet qu’on nous vole nos devenirs, que / le Désir, l’Eros, nous soient confisqués, que des loisirs, des et des trucs en tous genres nous, engluent et nous aveu-glent / au point d’oublier ce qui est, fait / GESTE en nous. Annie le Brun dans son essai nous convie à partager ses rencontres, ses fantômes, ce sont des œuvres et, au-delà du Temps, / des vies, / elles continuent de vibrer, d’orienter des corps. Dans / Blanc sur blanc / avec Duchamp, Matisse, / Annie Le Brun s’étonne, se laisse étonner, accepte Mouvement. Dans / Trois barricades mystérieuses de Jarry, de son regard elle répond, comme s’il était sien / d’un portrait d’enfance de Raymond Roussel, de l’étrangeté de /

cette photo : un enfant serrant un cygne / ainsi que d’un autoportrait de Parmigianino, elle fait lien, elle les source d’infini. / Dans / Un regard sans alternative / Pareillement elle signe texte, mariant échos d’une photo de Lartigue, Bibi à Marseille (1928), d’une gravure anonyme pour La Nouvelle Justine ou les malheurs de la vertu, / de deux toiles, celle de Carpaccio, Deux dames vénitiennes (1490), / celle de Picasso, Environnement vaginal (1902). Cela en est touchant, elle tourne autour du rien / elle disserte, elle déballe blabla, / elle est comme quelqu’un / en quête d’un, nous / en cela, elle nous ressemble, je crois […] elle questionne et répond à quoi :

« A mesure que j’interroge les images qui, soudain font constellation, moins je sais où je vais. D’autant que se regrou-pant, / elles compliquent le jeu. Elles en acquièrent un pouvoir d’égarement qu’aucune d’elles n’avait à ce point. Quel lien y-a-t-il entre la rêveuse Bibi / […] / et la redoutable Juliette de Sade, qui secondée par Mme de Clairville, est en train de précipiter dans l’abîme leur amie commune, la princesse Borghèse ?

Qu’ont-elles à faire avec les Deux Dames vénitiennes de Carpaccio ? / Alors, qu’ont-elles donc en commun ces trois images si dissemblables de propos et de facture ? Apparemment peu, sinon / une indéfinissable charge érotique […] »
Voilà, nous y sommes, rapprocher des existences, des forces. Que cela nous émeuve au plus haut point : nos disparités / nos disparates formes et en elles, une seule et même Source, une seule et même Ombre semée, là et là, tant de poudre de l’Astre quoi / en nous, cela en mille et mille stations du chemin. Annie Le Brun l’a compris, chapitre après chapitre, elle entretient, / ce qui la dresse, la tend vers / et
il me semble avoir saisi ce qui la porte à commenter l’étrange combat, celui avec nos ténèbres qui inspirent tant et tant les artistes. / Probablement elles sont béquilles, ces œuvres, toutes ces œuvres, toutes ces heures à les confondre, les distinguer, les explorer, à les lier / mais béquilles indispensables / en attendant un véritable face à face avec La Lumière, avec son feu / Ne pas en finir, vous écrivez Annie Le Brun et vous l’aurez fait le job, l’aurez amorcé, vous avec d’autres, l’aurez transmis le flambeau, l’Ombre comme elle donne matière / la Lumière comme elle veille à ce qu’elle projette en nos crânes.

Vous aurez écrit, vous l’écrivez le Temps / le Dire du Temps, in / Le Passage secret / le temps entre / le Temps entré dans / La Chasse nocturne, dans / La Nuit espagnole. Vous l’aurez montré l’Obscur, / quoi / et entre,
/ et ailleurs dans le Temps et l’Espace / le corps blanc, le corps noir, / la nudité, la présence cible et corps montrée ainsi en / plein jour / la pleine nuit. L’étreinte à mort, à Vie.

Annie Le Brun aime, elle aime la Beauté et la Beauté lui rend bien. In, Paysages à Clefs, elle offre un bouquet à son livre / car ce sont / Antea de Parmigianino / et / Les Affinités électives de Toyen / soit un peu plus de quatre siècles qui séparent et / unissent ces deux toiles / Zibeline ou hermine, peu importe […] deux petits carnivores, vivent de la même vie inquiétante […] / cette phrase est d’une grande force / elle dit, la proie et la proie / la chair et celle imaginée et imagée.
Avant de clore ce chapitre, elle s’arrête, se penche sur / Source de la Loue et sur / L’Origine du monde de Courbet, et y voit, y entrevoit un paysage, / elle planche, pleine bouche sur / Terre érotique, de Masson, lui-même rendant hommage et écho à ce peintre, à cette rivière. / On le voit, en ces rapprochements / intimement mêlés, entremêlés, / et la Terre nue, et les sols et, l’humidité de la terre et celle des corps. Là, faisant source commune - eau commune, les matières, nos matières en voies / là, faisant œuvre commune les sources et nos envies. C’est un texte sur ce qui embellit nos vies. Et la / Naissance de Vénus,/ pour clore cet essai. / Pour ne pas en finir, conclut-elle très bien, Annie Le Brun.

Cela parfois vivre, et écrire cela semble une sorte d’éloge de l’ombre, une ombre on le voit en forme d’animal, de Zibeline ou d’hermine, cela ressemble à une Lumière allongée, à une peinture, une ombre inventée, une solitude représen-tée. Parfois il y a une grande confusion, on ne sait plus bien, si on craint le noir qui nous hante / antre de ce qui nous terrifie, le noir qui mord / ou alors une Lumière qui nous hante / antre de ce qui nous éclaire. Une Lumière si vraie qu’elle brûle ce qui ment là et là. A tel point d’ailleurs que certaines expositions d’art contemporain ne résistent pas à ces faces à faces / où l’évidence d’une supercherie et d’une autre, souvent placent, laissent les visiteurs dans une sorte de gêne. Parfois vivre est s’inventer peurs, terreurs / est s’inventer vie. / Parfois vivre c’est se vanter, se venter de / Cela / qui joue avec nous. Cette force-là, introuvable et pourtant là et là. Parfois vivre c’est / vouloir les confondre l’Ombre, la Lumière / s’apprendre à les regarder, nues / une(s) / à la regarder La Nuit / La Vie, en.

En revoyant la couverture de La vitesse de l’Ombre, m’est venu cela : que certains sangs pourraient être violets, de ce violet là et que cela voudrait dire quelque chose, avoir en soi du sang violet. Entretenons nos imaginaires. Entretenons le Vivant, / parlons lui, entrons en communication, en lien. / Tant qu’il y aura du vivant dans l’Art, nous n’en finirons pas d’être en lien avec ce qu’il tait de nous – ce qu’il dit de nous / nous resterons vivants, par lui, par la part la plus subtile qui héberge en ses flancs, un féminin possible, nous n’en finirons pas d’être en lien avec tout ce qui se tait, je crois. J’entends une Onde Mère / vibrante. Une Onde mère de toutes les heures, les marches, les vies, les œuvres en marche.
Une extrémité, cela commence par le Ciel, l’Espace / nos corps, nos présences sont des extrémités, des extrémités sensibles. / Elles reçoivent des informations, des Signes. En regardant la couverture de

L’autre jour. Milène Tournier. Editions Lurlure, 2020.

/ m’est venu cela : que certains sangs pourraient être mauves, de ce mauve là et que cela voudrait dire quelque chose, avoir / en soi du sang mauve / ensuite cela : « J’ai pleuré dehors devant des pierres » / ai ouvert ce livre, suis tombé sur cette pépite, cette phrase m’a trouvé / elle me touche, elle m’émeut […] pourquoi, je ne sais pas
Peut-être parce que les pierres dehors, elles sont habituées à recevoir pluie, les pluies / alors ce ne seront pas quelques larmes qui vont les impressionner, elles en ont vu d’autres, des preuves d’eau, des preuves de présences humides / bref / une fin d’après-midi, cette ligne en bas d’une page s’est invitée la première au bal de quoi / j’ai regardé encore cette ligne, / juste au-dessus il y a celle-là « Ouvre-toi comme une pierre. » / et au-dessus de celle-ci « Je t’en prie, ouvre-toi, » / c’est à la page 105, le livre en comporte 150, / je vais le lire ainsi ce livre, une page en amont, une page en aval, je vais voir ce que ça donne, je vais me laisser lire, voir ce que ça donne, lâcher l’affaire. / in, page 101 : Même ce qu’on ne peut pas, je peux. Ce qui n’existe pas, je peux. Justement ce qui n’existe pas. Je coule le long. Je nage longtemps. Je nage profondément. / […] me noie. Mille fois, me noie. La lumière une si belle noyade. J’avais oublié ! […] / Tout n’existe pas encore. Je lèche ce qui, n’existe pas encore. / Je suis abandonnée, c’est merveilleux ! C’est grâce, elles sont belles ces lignes, j’adore, « La lumière, une si belle noyade. J’avais oublié ! » et ça continue et ça continue ainsi, rien que dans cette page, les pépites sont là :
/ La Terre. Belle et verte et bleue et grosse, et mélancolique et vivante. / Juste énoncée La Terre, juste cela, suivi d’un / […] Tout vit et meurt ensemble et vit. / suivi d’un / Moi, prêtée à la vie. /

c’est simplement beau, Milène Tournier, je la découvre, l’approche lentement, je la lis lentement, je remonte L’autre jour / vers sa source / en amont, page 99 : La main imagine la main. Ou bien la main meurt. / Ou bien la vie meurt. / Cela aussi : Ravin devant rainettes. Ces syllabes, ces sons, ces images me trouvent, / L’atelier d’abîme. / […] Les escaliers dans l’eau. / cela m’inspire ce / Noir plus mûr. / Et en avançant un peu plus encore de la source, page 97 / 98 : Je te demanderais comme ça. Qu’est-ce que tu dirais avant de mourir si tu pouvais ? / Moi, j’arrive juste à croire qu’on est sur terre. / Je sais pas ce / que c’est, être mort. J’essaie d’imaginer, je sais pas. Qu’est-ce que tu vou-drais dire encore, toi, aux vivants ? Mais à part je vous aime. […] /

/ Et si par jeu, je reviens sur mes pas / pour reprendre un peu en aval la lecture de ce livre, pour voir ce que dit, la page 113 : En un hiver tout changea / Les humains organisaient leur survie / Celle en tous cas / De l’espèce ou l’époque / Et devaient sortir prendre l’air écrire / J’atteste sortir prendre l’air / Et signer / ou, la page 115 : On baisse négligemment / Le masque pour fumer comme / Relever ses Ray-Ban sur les cheveux, l’été […] / Milène Tournier, ce confinement, elle aussi, / l’a vécu, comme nous tous cette quarantaine, ce n’est pas si vieux, la Vie mise en suspens, un temps autrement vécu / elle le confie : ces lignes d’un coup éclairent l’ensemble, on comprend mieux de quoi il s’agit là / la Vie menacée / pour soi et les autres, / d’un coup, les mêmes interrogations. Chacun s’organisant / Télétravail alors / Le garçon s’octroie / une omelette-jazz / cela est arrivé oui, sur des balcons, partout des musiciens ont joué pour des inconnus, pour la rue, elle nous les rappelle ces jours. Milène Tournier a eu cet outil pour la traverser cette période / Bien sûr, poésie c’est écrire blanc sur blanc. / J’ai rêvé / elle a rêvé tant de choses alors. A des nuages, à des grains de sel, à un grain de sel sauvage / à Antigone, à l’amour / aussi elle a consigné e qui l’a traversé alors, tous ces nouveaux sons, ces nouveaux mots : Coronavirus, Gel hydroalcoolique, Masque FFP2 / Pour le plus grand nombre cela n’avait été jamais aussi évident, aussi prégnant la possibilité de partir, de / s‘en aller, d’un jour à l’autre, emporté par la, cette Maladie.

L’Art / la Poésie ont ce pouvoir de traduire, de peser dans un même geste / ce qui a été vécu, réellement et par l’imaginaire : l’âpreté d’un quotidien et paradoxalement les crues d’un corps, (ces trop-perçus d’être qui se sont invités souvent en chacun de nous lors de ce confinement, ces jours) / Jour de crue, nuit de cure, /
Nuit de cure, jour de crue, / Petite comptine cruelle, / Le temps. Elle-en-crue-elle / elle ainsi Milène Tournier se dé-couvrant, mortelle : Jour de crue. / La catastrophe ou l’ombre / De la catastrophe / […] fait / Ma récolte de glace / Mon amour mon amour mon amour. /

sa récolte de grâce dans, par l’excès / des mots, des mots, des mots, des retours en arrière dans / des corps des formes autres, / des matières. Une présence au monde comme elle ne l’a jamais été : / Vénère l’après-midi entier / Regarde
le ciel la grande réalité / Son abondance et bleu
/ cela page 129, en allant vers l’estuaire donc, / mais revenons sur nos pas / voir ce qui se passe un peu, en amont de cette présence / d’elle extraite, d’elle extraits / page 91/ 92, in POEMES EN DIEU : Que cherchez-vous Milène, m’a ce matin demandé / Airbnb, avec mon prénom – et le premier à, ce matin

/ m’avoir nommée alors / J’étais à tout rien de lui répondre que, écoute Airbnb, / Dieu je crois Dieu. / Cela fait ça par-fois, / être dans beaucoup, dans / trop d’être / ça enivre / Dieu, je sais, on est sur terre mais / C’est comme courir dans un ciel qui / n’existe pas. / Cela donne de ces fulgurances… on se prend au Jeu d’être, / Je serai je te jure / Pour les cents années encore / Ta pèlerine aux yeux fluorescents. / On ment, on écrit de la poésie pour la bonne cause, / on devient presque vrai. Installe-toi / Dans mon visage - / Ta respiration/ regarde, sinon, comme il est vide. / on se prend pour le Vide presque, on se coltine siècle et scènes de lui et encore / on, (elle) vit des scènes d’amour :

/ Viens ! Avec tes doigts tout doucement, / Dégonder mon cœur / Comme on vient, dans / La petite église, nettoyer l’orgue. / Ses demandes sont belles : Aime-moi doucement comme / On restaure / Un clocher. Celle-là : Je me tiendrai longue entre / Un goutte-à-goutte et / Ta respiration, pour tout vivre. /
[…] J’ai marché un temps avec elle, avec vous lecteur(s) / suis allé un peu vers sa source, suis allé un peu vers son estuaire. Ai entrevu les premières pages, les dernières / ai lu : Aimer des gens et / ai lu […] je hissais le ciel comme un petit matelot Je sais qu’à un moment, j’y trouverai une Mère, sa mère, ses ruisseaux / j’y trouverai à la fois plus d’elle et moins d’elle / surement du dieu à la fin, de la matière de nuit pareille à celle de jour / y trouverai un Père, le sien, y trouverai de l’Amour. Je vais vous laisser lecteur(s) continuer cette lecture. De mon côté je vais y aller à mon pas, c’est-à-dire lentement, méditer ce livre et surement encore tomber sur ce qu’il recèle de pépites, j’entends par pépites, ces phrases d’une simplicité absolue auxquelles on ne peut rien enlever :

On ira dans la toute petite pièce / Faire, si tu veux, / Le ciel à ton idée. / Ce sont des paroles d’amour : Je t’aime facilement comme / Un déménagement en rez-de chaussée / Et se passer les cartons par la fenêtre de la chambre. / Il y a beaucoup de / sensualité dans ce livre, il y a beaucoup de Vie / elle parle aussi de la Mort Milène Tournier / il y a beau-coup de Tout, du :

[…]Prouve-moi avec tes mains et mes mains, si prouver c’est au moins ça de mélanger nos mains, prouve […] / explique-moi que peut-être rien n’existe, ni le temps, ni l’espace, mais en serrant ma main fort, en m’embrassant entre chaque mot / il y a du, Je te parlerai / du, silencieusement / et du, quand tu me penseras rivée seulement à ta queue./ Il y a quelqu’un qui aime l’écrire la matière-vie. C’est un livre sur / écrire ce qu’un (je) voit / sur la chance d’exister pleinement en vivant et revivant des moments, en les transcrivant, en les traduisant en quelque chose qui questionne / qui mord un peu la mort, la mordille… C’est un livre sur
le fait de / marcher avec le Mystère bras dessus bras dessous, de / le laisser répondre : Rien et ses choses / Rien et ses roses. Je crois, elle en fait métier, Milène Tournier.

un seul moineau sur la tête de pilier, un seul puis zéro sommes ce 08 février, il est 08h08 / […]

09 février, 08h09, [...] le romarin n’en finit pas d’être là, fidèlement là / en retour un (je) lui est fidèle / certes il vieillit but / il a beau prendre temps en lui, cela lui va bien, prendre du bois, et en ses extrémités, il n’en finit pas de m’étonner, il dresse brins vers […] il se dresse, il est la Vie, il est le ciel, même par les racines, il est le ciel, / sa matière quoiqu’elle fasse, porte en elle Ciel / et désormais je crois bien il s’octroie cela : plus de Cela, il s’octroie d’être un peu plus que lui : cela d’être lien / en lien avec quelques moineaux, quelques envolées, je crois parfois il s’absente un peu et puis il revient

/ tu vois j’invente des trucs pour te parler encore, pour patienter / attendre que tu m’invites à te […] /

si (je) lui invente une vie à ce romarin, c’est que (je) l’entends plus grand que ce qu’il montre de lui, (je) le vois Ciel et […] Voir les heures, le monde ainsi, c’est de la petite monnaie qui tombe du ciel, de quoi être riche un peu / de pas grand-chose […] /

un romarin cela se termine par du Ciel, cela se commence par du Ciel / peut-être même qu’au faîte de vivre, il n’est que ça : un point invisible, un invisible point chantant, chanté par son de lui, quelques syllabes / par un lien
avec un petit gars, lui aussi, là, attiré par quoi en / tenue de plein de choses, en tenue de Lumière, en prière même / par quoi, chanté par silence de / lui - par extrémité de / lui

10 février, 9h05, […] / les infos répètent la mort hier de monsieur Badinter et également les Victoires attribuées à / Zaho de Sagazan, Zaho de Saint-Nazaire, je connais son regard, ce regard, / l’ai croisé où ces derniers temps, c’est tout récent […] / à la salle des ventes, au port, / ou alors weekend dernier, à la terrasse de ce petit café face aux jetées[…], vais me rappeler / C’est ça, être d’une ville, on croise des regards, des ondes, des regards forts d’un, nous / on les enregistre quelque part /

là encore tout à faire comme aimer ce jour, /
comme aimer tout court, aimer rien et quoi, / c’est un couple ces deux-là, […] 17h19 / oh la télé tourne, ne m’en n’étais pas rendu compte / « Nadine a commencé à sortir tous les soirs, elle s’est mise à boire […] j’ai trouvé qu’elle nous manquait de respect, à sa mère et à moi […] lui ai mis une claque, je n’en suis pas fier / […] seulement elle en a parlé à Peter […] / il est venu chez moi / […]m’a insulté, […] pied sur la nuque […]devant ma femme et ma fil[…] » in Le Mentalist / […] sommes un samedi, tu n’es pas loquace ma Muse en ce moment, ben merde ! […] heureuse-ment un ciel sympa, les jours allongent / et toi, tu fais quoi / […] et blablabli, blablablou, me, with la zapette (je) zappe / sur C. News, en direct de Saix (Tarn)
A69 : GRETA THUNBERG DENONCE UNE FOLIE / […] sur BFM, DROGUE : DARMANIN DEFEND SON AC-TION A BESANCON / bah (je) ferme clapet, là juste envie d’écouter ressac(s) / son(s) d’Océan
et petite nudité d’un corps ému […] cette fois une c / ouverture rouge, à sang ouvert une écriture

Connexion. Kae Tempest. Editions de l’Olivier. 2021.

Quand la connexion s’établit, tout est relié et converge vers un moment d’émotion partagée, vers une affinité créatrice qui arrime chaque personne à un présent vécu comme une expérience collective.

« Printemps 2020 : alors que la crise du Covid-19 impose au monde de se calfeutrer et prive de scène des milliers d’ar-tistes, Kae Tempest nous livre une réflexion toute personnelle sur la créativité et ce qui la nourrit, à l’heure où les réseaux sociaux nous poussent à la représentation perpétuelle, où l’apathie nous gagne au point de nous faire oublier qui nous sommes,

Tempest crie l’urgence de nous reconnecter. À nous-mêmes, aux autres, à la réalité, pour que jaillisse l’étincelle vitale de la création. On retrouve dans ce texte tout ce qui fait sa force : une voix qui porte, cogne parfois et une grâce hors du temps. » / Dans un précèdent Terre à ciel, je vous avais présenté le récit d’une belle transformation / Etreins toi, de cet(te) auteur(e). Un livre fort qui n’élude pas les épreuves difficiles, qu’il lui a fallu traverser avant d’arriver à goûter une vraie respiration, / […] le bon artiste a droit à la déférence et à la considération du public. […] / Il persé-vère en dépit des ratés et puise une fierté muette / dans le fait qu’il s’acharne à échouer et que, avec un peu de chance, / pour reprendre la formule de Samuel Beckett, « il échoue mieux ». /

Une période nécessaire où il avait fallu se battre et apprendre à s’accepter, à s’aimer / Kae Tempest a réussi à rendre compte pleinement de ce travail sur sa nature. / Là, cette fois dans un autre genre, un récit en forme d’une autobiogra-phie en cours / (pages comme arrachées d’un journal intime), elle continue avec beaucoup de lucidité, de franchise à nous raconter cela, sa vie, là où iel en est désormais. C’est même avec une certaine distance qu’iel en parle. Surement Kae Tempest, le reconnait / : /Bon, j’ai passé pas mal de soirées mémorables et, grâce au « spoken word », […] j’étais imbue de moi-même. Je manquais de modestie. Je déboulais, je faisais mon truc, je partais. Et je recommençais à l’endroit d’après […] j’empochais le cachet. Ciao la compagnie. […] J’exploitais chaque situation pour mon profit per-sonnel. / Là, elle l’avoue :

son égotisme à un moment du parcours, cela, apprendre à s’apprécier jusqu’à / trop s’aimer, s’aimer trop, jusqu’à en oublier, l’autre, les autres, le Monde. Un besoin de reconnaissance tel, une soif de célébrité telle, qu’un temps, iel en oublie la vie. / Iel en oublie l’essentiel, aussi in Connexion , c’est avec des phrases simples que Kae Tempest fait le point sur ce que sont et seront ses jours dorénavant. J’ai appris, tout au long de ma vie, à accorder une valeur démesurée aux biens matériels, au statut social, à l’adhésion du public. J’ai dû me défaire de cela pour m’habituer à chérir ce qui est immatériel / […] comment me recentrer ? / D’abord en accordant une attention particulière à ce qui m’échappait jusqu’alors. /

un livre sans prétention donc, quand même c’est une belle ambition, marcher à son pas, à son rythme / Attendre très peu du monde lorsqu’on considère avoir beaucoup reçu déjà. C’est toujours agréable de lire ce que l’Art peut amener aux âmes et / corps en souffrance. Il arrive que des présences trouvent beaucoup d’espace en elles : du, un corps respi-rable, Kae Tempest, en est un bel exemple avec / son éloge de la créativité, son éloge de la musique et du théâtre, / des rassemblements humains et du partage des émotions. / avec empathie, Je suis quelqu’un qui aime profondément les gens / […] Oui, j’écris pour ces autres qui me ressemblent. Ces autres qui n’ont pas trouvé leur place […] / Iel se con-necte, /

A l’instar d’une Patti Smith, avec ce nouveau livre, Kae Tempest se pose / tente cela, de poursuivre son chemin, en s’aidant des mots, et du silence / tour à tour les alternant afin qu’ils s’ouvrent plus encore qu’ils ne l’ont fait et lais-sent fleurir en elle, une forme de tranquillité.

Kae Tempest se souvient de cet instant / alors qu’elle s’apprêtait à commencer une lecture dans une librairie, / cet instant où, ce face à face avec / Le Livre rouge de Jung / j’ai senti ma respiration changer de rythme : quelque chose dans cette langue me parlait. Une découverte, elle y trouve texte / carburant pour continuer sa quête, parvenir au « siège de l’âme » / Ce sont des phrases qui lui parlent, même s’il faut pour cela s’éloigner de ce qui fut sa came, un temps : l’égo et ses kermesses.
Iel pige des choses, médite sur sa vie. Iel l’écrit la place de l’artiste, la sienne, le sein du Monde. C’est un bel état des lieux, du corps et il ne peut qu’encourager celles et ceux qui cherchent un sens à leur vie.

/ et peut-être également / elles, ils se laisseront, entrevoir une société plus bienveillante, juste ça / le recevront, le vivront, ce quelque chose de plus vibrant en connexion avec tout ce qui est.

/ Nous ne sommes ni des saintes, ni des saints, cela se verrait, éclabousserait d’Or ce que nous sommes : les actualités, etc / Mais parfois, ne serait-ce que quelques minutes, nous pouvons peut-être l’imaginer cela, croire à / quelque chose d’agréable à vivre / quelque chose qui sentirait bon, le tao / l’air, l’eau, les chairs pareilles à / ce qui source partout lorsque élan de vie / trouve écho en son sang, en sa sève. / Souffle et Souffle. Quelque chose qui sentirait bon le juste, le ciel sur la peau.
Parvenir au siège du silence, avec des lignes, avec les vôtres ou pas, à un endroit en vous, parvenir à Soi, certes ce n’est pas rien, mais assurément, le Feu en vaut la chandelle, je crois. / Nous sommes de si petites choses et l’Amour est grand ! […] / Il y a de si belles absences […] ce onze février, 15h53, encore je flotte, le long des trottoirs, à l’extrémité de quelques tiges, il y a du / j’ai fréquenté la beauté / il y a du / je voudrais de toi, un baiser, du Jean-Louis Murat /

dans mes pas, dans le jour sans toi, dans le manque il y a / un ruisseau t’attend là-bas et un autre et un autre jusqu’à ce que rivière touche Ciel, jusqu’à ce que rivière déborde de, d’un / nous

là c’est déjà là : le / ce qui s’écoule du Soleil, les cheveux rais de lui, les yeux en lui, le pareil à lui, […] partout sur la peau, / les pores, le corps ainsi précieux et / aimanté encore / à plus de corps, à moins de corps / à plus de corps, à moins de corps, les alternant les corps superposés, les corps visibles et invisibles, les ajoncs en hiver, les ajoncs au printemps / en tout début de l’été, en tout début de l’automne, tout ça sur tiges, dansant en / là :

les troubles beaux, les faiblesses belles dans quelque chose autrement, là / nous imaginant, nous imageant […] sphère en / prairie, une seule sphère invisible nos corps nus […] se dévisageant les visages beaux dans quelque chose d’autrement, là /
[…] / Tout se répète tout le temps, j’écris Tout, je veux dire : la Lumière, celle qui sonne Vie dans chaque ième de seconde, dans chaque atome / […] / il est maintenant 18h06 / la Lumière est là, / à travers elle j’écoute, je t’écoute Muse, on le dirait, / muselée presque ces temps, ton chant il est où / […] à force de patience je vais le retrouver ton chant, ton petit ruisseau, le petit ruisseau de toi / ta petite part de quoi

Pour Robert Redeker, « Le silence est, à l’instar de la nuit, l’écrin de l’âme. » / C’est peut-être cela que tu fabriques dans ton coin, un bel écrin pour quelques moments précieux, pour un lieu qui les porte tous, pour quelques moments d’un / nous / en et hors d’un nous / extase ainsi, je crois ce que nous vivons quand […]
/ eau et air et chair(s) et chevelure(s) sont une seule et même chose là / C’est de l’aurore alors qui se meut et s’actualise en / émotion(s), les nôtres, alors alors l’épousant éternellement le Temps dans ce qui fuit, dans ce qui luit, d’un degré de jour et / d’un autre / cela fou et Roi / obéissant et libre / Ô en tenue de paradoxe, à peine ce pagne, à peine ces quelques lignes sur, là

Ô signe encore l’aurore, à 17h14, ce douze février, sur fond rouge, en lettres Or

Ma philosophie du voyage. Ella Maillart. Editions Payot & Rivages. / collection, Petite Bibliothèque Payot / 2022.

L’art, peut être une voie. Le voyage, peut être une voie : J’ai eu de la chance. J’ai pu satisfaire mon besoin de voyager en allant cinq fois en Asie et cela après avoir passé de nombreuses saisons à naviguer sur de petits voiliers. Quand j’ai quitté la maison j’avais 18ans et ne faisais que suivre mon instinct. / […]Dès le début, j’ai voulu vivre ma vie propre et, patiemment, contre vents et marées, j’ai affermi ce désir. En quelques phrases tout est dit, est résumé dans, « le sens du voyage » / le premier chapitre de cet ouvrage Ma philosophie du voyage , d’Ella Maillart (soit, une quinzaine de textes inédits, peu connus ou introuvables, précise l’éditeur). Autant vous prévenir, c’est petit trésor de fraicheur, la suivre, être dans ses pas, au Monde avec elle, c’est également goûter du Temps. / Probablement elle aura souhaité entendre son cœur battre, entendre Vie battre en son sang, aussi elle est allée loin et loin, écouter des cœurs afin de l’entendre le sien en son corps, afin de les entendre en son corps les pulsations de ses sœurs et frères humains. En cela elle fait partie d’une belle lignée de présences : les Alexandra David-Neel / Odette de Puigadeau / Alain Gerbault et j’en passe… / Se solidariser à une aventure commune / celle de terriens, là où ils sont, comme ils sont / rechercher traces d’une unité oubliée semblent les postulats d’Ella Maillart.

Je l’imagine, au cœur de, consentir à vivre pleinement, il y a eu probablement à un moment un véritable face à face avec la pensée de disparaitre. Je l’imagine, en forme d’un / je t’invite à (t’) explorer, être. Je l’imagine, en forme d’un / je t’invite à marcher en tes plaines, à la rêver ton existence. / Des vies semblent répondre à un appel : elles se dressent, juste elles visent en elles quelque chose d’immuable, / et oh paradoxe elles choisissent le mouvement, d’être en mou-vement pour y parvenir / « Pour jouir de la vie il lui faut donner rendez-vous dans l’action. »
/ Ella Maillart l’a reçu cet invisible signe et / l’a traduit par le corps, cet élan qui au fil des années lui a offert un terri-toire de jeu. Elle mentionne Equipée, le récit de voyage vers le Haut Yang-Tsé de Victor Ségalen / et nul doute qu’il l’aura conforté dans son envie de parcourir le monde et de raconter des lieux, des quotidiens, des âmes, avec ce qu’elle est au plus profond d’elle-même : Celui de nous qui est un chercheur, aura un autre Tibet- son propre vide- à traverser. Il est le seul qui puisse trouver ce trésor enfoui au bout du détachement. Notre trouvaille est déterminée par notre be-soin.

Route à l’Est / donc et : Dire adieu à la Suisse et via le lac de Garde, Trévise, Trieste atteindre la paisible Yougo-Slavie / puis Zagreb, Belgrade et tous ces kilomètres en auto, Les Balkans / la Bulgarie, la vallée des Roses et Soudain voici une colline […] que nous contournons […] et là-bas une vision éblouissante […] Un immense dôme doré par le couchant flotte dans un ciel nacré où s’élèvent comme une forêt de mâts, des minarets minces, blancs et si hauts, qu’on n’en croit pas ses yeux. C’est la ville d’Andrinople et la mosquée de Sinan et encore et encore s’éloigner de / se rappro-cher de / juste vibrer…

in Le culte du serpent / […] Je séjournais alors à Trivandrum, ville du sud de l’Inde, mot dérivé de « Tiru Ananta Puram » : Lieu du Serpent Sacré. (Ananta ou infini, tel est le nom du serpent sur lequel dort Vishnu l’Être suprême.) / J’appris qu’à la campagne, dans la partie sud-ouest de chaque propriété, un bosquet touffu, le « Kawu », est réservé au culte du serpent. Tous les soirs, on y allume une mèche de lampe à huile. Une fois par mois au jour de l’étoile Ailiam, on y fait une offrande de lait […] / au cours de mes démarches je récoltai […] histoires […] / : Assurément dans la maison où j’habitais, j’ai vu le calme avec lequel on découvrit un jeune cobra dans un tiroir ; on le souleva sur un petit balai de riz pour aller le déposer au jardin. On raconte que ceux d’entre eux qui descendent de Vasuki et de Taksaka ont dans leur tête / un joyau bleu qui a le pouvoir de combler les vœux. Les chapitres s’enchainent, chacun riche d’anecdotes / au Turkestan, dans les monts Célestes, à Karakol, nous achetons des chevaux […] nous partons pour la « syrte » […] Il y aura même au printemps1965, au Népal, une expédition dirigée par le commandant Kohli. Ella Maillart est dans les parages aussi dans / Vers l’Everest / elle en témoignera. Nous n’applaudirons, célébrerons jamais assez cet autre forme de patrimoine que sont les biographies, les témoignages de nos ainés, / elles, ils portent souvent entre leurs lignes, la force, le courage, l’audace qui étaient les qualités indispensables pour ce genre d’aventure. je crois.

Le voyage, le fait d’aller est une sorte de vocation / le fait de créer, d’écrire est très proche du fait d’aller / on approche une Présence, on approche une Absence, il arrive qu’elles se confondent en grâce, le mental se tait, on capte du pay-sage et / on trouve matière à s’émerveiller juste dans le fait d’être / on trouve matière d’être dans l’émerveillement, tout se nourrit d’une VOIE, on écrit du / chemin, de la matière-chemin

on marche juste dans ça, la Lumière / elle nous pense, on pense par, en elle / on devient lentement une chose et une autre, / un être et un autre, une apparition et une disparition. Plus on se distribue là et là, plus on reçoit, à un moment cela arrive on plante de l’infini, on plante regard en ce qui est. On s’assied ému de cette beauté / mêlée à des drones, des bombardements / on l’entend l’actualité, on ne pige pas tout … on se dit, il y a des chairs éclairées, des sangs qui pointent une direction, il y a heureusement des compagnons, des compagnes de routes, heureusement de bien belles présences. A un moment on devient simple, on cueille, on accueille des esprits / on pose regard sur des bouts d’infini, cela nous suffit entrevoir, juste entrevoir
19 février […] yeux, Lumière en l’arbre là, en cet autre-là / écorce mauve d’un pin et d’un autre, c’est en mémoire écorce de pin, c’est détail, cela est deuil qui s’éternise peut-être : communiquer avec la Lumière / là c’est entre ses pas, cela lui vient / un (je) / ne dis pas, cela le traverse un /

j’aime St Erasme et en ses terres de doux légumes, j’aime ce qui l’entoure […] en Lagune et en ses eaux de doux cime-tières / ai trempé silence, un carré de papier blanc sur les quais de Fondemente Nove / […] l’ai fait sécher et l’ai envoyé
[…] sur le bord de quoi / j’avais trouvé entre des barques à sec de quoi nous nourrir / j’avais trouvé à ce moment, en un lieu / pour corps, Air et Eau, de quoi rendre inutile toute connaissance / ni agneau, ni âne bleu en plein corps / au-cune frise de ce genre / juste une belle tristesse en ma chair, mon corps

du corps autre ! me suis-je dit alors, encore plus de corps - encore moins de corps, ô paradoxe […] cela ce fut avant de vous rencontrer et de vivre avec vous des heures autres, Muse Rivière et muse même bord de Rivière /

avant d’être en vos plis amis, Amie / avant d’être en vos chairs et tout cela en rive d’un Vide si bon, d’une Lumière si belle, / [….] c’est et cela demeure, cela attend à nouveau son heure / [...]

ce 20 février, [...] tu vois, là m’en remets à ta joue si vaste sous ma main / là, (je) joue seul à aimer aimer / à aimer mémoire / à aimer semer de l’impensable état, du lumineux / à semer du, demain

ce 23février, 17h55 / un (je) écrit ça : tu ne t’en aperçois pas trop, pourtant texte après texte il y a du je reviens te chercher,
du / je reviens nous chercher, il y a du / silence, là un

La symphonie des éclairs, Zaho de Sagazan / Warner Chapell éditions. 2023

/ […] silence après avoir écouté en boucle, en live Zaho de Sagazan, sa voix grave / oui c’est cela sa voix grave jetée dans
la chair, les chairs / sa voix habitée déjà : Dès sa plus tendre enfance / Elle ne savait pas
parler autrement / Qu’en criant tout bas, pas faute d’essayer / De les retenir, ces cris et [...] /

sans doute des larmes l’habitent, celles d’hier et ce ne sont pas que les siennes, elle le sait, elles sont aussi, celles d’un M /
monde reçu en héritage / elle, jeune âme le découvrant cela, il faut faire avec –

les passer au crible d’un Chant les cris tout bas, et entrer en partage / maintenant elle sait le faire, planter son corps au
Large, se deviner, se rêver éléments […] / c’est si beau l’entendre être-avec / et entremêlé

l’entendre être seule, l’entendre se tendre vers le Ciel, l’entendre être en vol / en mémoire d’elle, de ses fêlures, c’est ça
une voix aussi, on y entend le / ce qui ne sera pas dit… pas cette fois

/ […] avouez / Il y a des raisons de pleurer / Elle a ses raisons, mais / Il fait toujours beau au-dessus des nuages / Mais
moi si j’étais un oiseau, j’irais danser sous l’orage / Je traverserais les nuages comme le fait la lumière / J’écouterais sous
la pluie, la symphonie des éclairs /

Quand la tempête a su / Que des mélodies pouvaient s’échapper du vent / Et se retrouver dans le cœur des gens / Celle-ci
s’est dit / Nulle raison d’envier le soleil / Je ferai danser les gens au rythme de mes pleurs / La tourmente de mes chants
viendra réchauffer les cœurs / Réchauffer mon cœur / Il fait toujours beau au-dessus des nuages / Mais moi je suis de ces
oiseaux qui nous font danser sous l’orage / […]
Merci petit signe des étendues de nous tendre un peu de vous, c’est lave,
j’entends / c’est lave de vous, cela brule tant… et tant, vous entendre être, vous, Zaho, matière dans / matière de vous en /
Ciel comme vous êtes, en voyage dans votre corps, je crois / en voyage dans votre voix, dans votre souffle

c’est si beau l’entendre, tendre sa voix, son souffle Zaho à qui veut l’entendre / parfois elle ferme les yeux et elle voit en
elle, Souffle, souffle(s) / en elle/ ruisseau(x), des mots, des sons la traverser / elle en pur devenir / elle en chair

elle vit - elle brûle, ses flammes, elle les chante, les prononce cette fille, je l’entends, elle l’entend l’essentiel, (l’ess-en-ciel)
elle l’entend la Vie comme elle réclame le vrai / la légèreté, elle est une forme de connaissance.

https://www.bing.com/videos/riverview/relatedvideo?q=zaho%20de%20sagazan&mid=B781CCD7ED4247C28A43B781CCD7ED4247C28A43&ajaxhist=0

c’est autrement autre, ce n’est pas si courant de recevoir une mélodie, une voix comme descendue du ciel, comme montée
du sol / quelque chose d’autrement entre. Laissez-vous simplement l’écouter s’écouler, sang et sang, brûlante et brû-lante
Zaho. / La symphonie des éclairs, c’est aussi le nom de cet album, d’autres titres :

Les Garçons / je suis amoureuse de tous les garçons / je les trouve bien tous bien à leur façon / d’autres / Les dor-mantes /
Langage / Mon inconnu
/ cela tourne autour de l’amour, de la morsure des jours, elle l’écoute le, (son) petit génie en elle,
en sa chair, Zaho, la pleine conscience

en hommage à Françoise Hardy

/ […] ce
20 juin […] dans la rue Alfred Nobel qui est en pente / le (je) à un moment a sauté dans la voiture, a enclenché la 2ème et
après quelques soubresauts, elle a démarré la petite Corsa rouge / puis il a fait le tour du quartier, histoire de la dé-gommer
un peu et afin de trouver un emplacement, impasse Martin Luther King / maintenant le (je) a coupé le moteur, il reste assis
au volant et le traverse, cela : vous dire / sans vous il aurait manqué vous / c’est une onde qui le traverse peut-être parce que

[…] c’est ce matin même l’adieu à Françoise Hardy, la cérémonie au Père-Lachaise […] dans l’actualité mouvementée qui
prend tout, sa disparition est passée presque inaperçue, discrètement elle a pris envol / comme beaucoup ce (je) l’aimait
bien, l’aimait beaucoup ce petit minois, il lui faisait penser au petit minois de sa petite lady dans ces années-là / / entre

Mon amie la rose à Tant de belles choses… / une vie fortement habitée, / entre On est bien peu de chose / Et mon amie la
rose me l’a dit ce matin / A l’aurore je suis née[…] Déjà je ne suis plus / Tu m’admirais hier / Et je serai poussière

/ Pour toujours demain / On est bien peu de chose / Et mon amie la rose / Est morte ce matin / La lune cette nuit / A veillé
mon amie / Moi en rêve j’ai vu / Eblouissante et nue / Son âme qui dansait / Bien au-delà des nues / ET qui me souriait /
Crois celui qui peut croire / Moi j’ai besoin d’espoir / sinon je ne suis rien
/ et

Même s’il me faut lâcher ta main / Sans pouvoir te dire « À demain » / Rien ne défera jamais nos liens / Même s’il me faut
aller plus loin / […]Même si je veille d’une autre rive/ Quoi que tu fasses, quoi qu’il t’arrive / Je serai avec toi comme autre
fois […] Dans l’espace qui lie ciel et la terre, se cache le plus grand des mystères/ Comme la brume voilant l’aurore, il y a
tant de belles choses que tu ignores […] Dans le temps qui lie ciel et terre se cache le plus beau des mystères / Penses-y
[…], l’amour est plus fort que la mort / […]
/ c’est simplement dit et bien dit, le / nos corps de passage […] est-ce signe là,

sous les yeux, une friche entoure un jardin partagé / un (je) ne médite pas, juste il est là, devant / sont-ce des moineaux, non
(il) ne croit pas / non je ne crois pas / ils en ont pourtant la couleur mais pas vraiment la forme, ils sont plus fins et semblent
sans poids, vont d’une herbe haute à une autre herbe haute, parfois ils en sont les extrémités et parfois pas, ils se ba-lancent
ainsi / et je trouve ont la forme d’une main, de ma main, de mes doigts lorsqu’ Amie touchée, vous me touchez tant et tant
lorsque je vous touche tant et tant […] lorsque le Mystère veut bien nous offrir un peu de Temps autre […] un (je) se laisse
traverser par cela, par ce qui vient / là maintenant il voit un crépi récent, taché d’humidité, de pollution, un local, une vanne de gaz / un panneau signalant la fermeture de cette vanne en cas d’urgence, l’inscription est en rouge, [..] là, le (je) pense à / Thomas Dutronc, à son père, leur envoie ondes pour que tout se passe bien

Ce 21 juin / […] il n’est pas 9h, avant de les envoyer pour parution, un (je) jette un œil sur ses lignes, les relit et est-ce son
en lui / relit / qui l’accorde à ce même son en lui / relie

/ […] une énième fois des mots s’invitent, un (je) les laisse le traverser / les phrases ressemblent un peu à celles qu’il a déjà
reçues / aussi dans une fine marge blanche sur un prospectus, il les transcrit entre / une promotion sur des bières / sur de la
litière minérale / sur des boites de thon entier / avec un stylo rouge, vite fait il gribouille à la vitesse de la Lumière presque,
il note :

la vacuité / le Vide et la beauté ensemble / dans une rose dans juste un regard sur / un regard sur la rose / un regard posé sur
la rose / cela est, lorsque juste voir est penser vif, lorsque penser est juste vivre / avec et sans les choses / cela, le / cela

un coup avec, un coup sans / alors alors ce genre de phrases simples nous atteint, nous parle, nous dit : / [...] sont sœurs de /
quelque chose les Annie, Milène, Zaho, Ella, Françoise et j’allais oublié Kae / d’un quelque chose où / d’une onde en toute
chose et entre / et peu importe la chose lorsque le Vide sème dans des corps et entre le / ce qui Aime, le / ce qui Aime entre

et, dans les choses / […] sont sœurs quelque part d’un même Vide, d’une même Lumière / les corps qui se voient et ceux qui
ne se voient pas, qui ne se voient plus / la vacuité seconde après seconde, elle est là, elle demeure,

elle est une demeure pour ce qui va et demeure et encore va en ce qui meurt – en ce qui vit / […] Etrange est cette lueur

Bruno Normand
Vignette : Sans titre / Photographie, St-Nazaire Janvier 2007.


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