Terre à ciel
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Danièle Faugeras

mercredi 24 octobre 2018, par Cécile Guivarch

Danièle FAUGERAS vit et travaille à Liouc, dans le Gard. Elle partage son activité d’écriture entre poésie, traduction et édition.

Son travail de traductrice, d’abord centré sur des textes de clinique psychiatrique-psychanalytique (une trentaine de volumes traduits à ce jour pour la collection “La Maison jaune” qu’elle codirige depuis 1998 aux éditions Érès, mais aussi pour les Éditions des Femmes, Naïve, etc.), est consacré exclusivement à la poésie depuis 2006, date de sa rencontre avec Pascale Janot, avec qui elle traduit régulièrement à quatre mains depuis l’italien (Patrizia Cavalli, Paolo Universo, Leonardo Sinisgalli, Francesco Scarabicchi). Seule, elle s’est engagée sur des chantiers de longue haleine, retraduisant à une seule voix l’œuvre poétique complète d’auteurs espagnols comme Antonio Porchia (PO&PSY in extenso 2013) et Federico García Lorca (PO&PSY in extenso 2016).

En 2008, elle a créé aux éditions Érès avec Pascale Janot la collection de poésie PO&PSY (www.poetpsy.wordpress.com), qui fait dialoguer des textes poétiques brefs de tous lieux et temps avec des œuvres graphiques et photographiques contemporaines.

Son propre travail d’écriture poétique, nourri de silences et de contacts quotidiens avec les éléments de la nature, lui a permis de découvrir que « monde externe et monde interne » ne font qu’un, un réel unique, inaccessible, certes, mais qui se laisse parfois approcher par un regard « détaché », consentant à son incompréhension.

Entre la publication d’un premier recueil, Ici n’est plus très loin, anthologie personnelle parue en 2001 aux éditions La Part de l’Œil à Bruxelles, et celle, en novembre 2014, de Paroles obliques, aux Éditions en ligne Recours au poème, elle a privilégié le dialogue avec des amis artistes et publié :

  • Brèche, avec des monotypes de Jean-Marie Cartereau (plus 20 tirages de tête avec une œuvre originale de l’artiste) aux éditions Encre et lumière, Cannes et Clairan, 2006 ;
  • État de lieux, avec des fusains de Philippe Agostini, Propos2Éditions, Manosque 2009 ;
  • Lieu dit, avec des gouaches d’Alexandre Hollan, Propos2éditions, Manosque 2010 ;
  • Murs, avec des dessins de Magali Latil, Propos2editions, Manosque 2010 ;
  • Quelque chose n’est, suivi de 5 grands poèmes pour voir, sur des fusains d’Alexandre Hollan (plus 11 tirages de tête avec une œuvre originale de l’artiste), éditions Lieux dits, collection Deux rives, Strasbourg 2014 ;
  • Éphéméride 03, avec des dessins de Martine Cazin, Propos2éditions, Manosque 2014 ;
  • Triptyque, avec des dessins de Krochka, Artpromptu PO&PSY 2016 ;
  • À chaque jour suffit sont poème – haïku, éditions Pippa, Paris 2018.

Inversement, dans Ce qui vient profus, paru chez Propos2éditions en 2018, elle propose ses propres photographies à la réflexion poétique de Claudine Bohi.

On trouve de ses poèmes dans les revues Prevue, L’Atelier, Vocatif, Voix d’encre, Littérales, Revue Alsacienne de Littérature, Recours au Poème, Terre à ciel... Certains ont été traduits en italien pour la revue Interpretare.

Extraits de Éphéméride 03, avec des dessins de Martine Cazin, Propos2éditions, Manosque 2014

Midi
comme un couvercle
palpite sur l’ébullition
du jour.

Sous le tilleul un monde
s’endort
dételé de la rumeur lointaine.

Une cigale
solitaire fracasse
l’invisible.
Rend un son à l’immobilité.

(Assourdissant le chant silencieux de l’étreinte.)

27 juin 1985

Ardent
sans échauffer
                 – feu gagnant
du soleil.

Avertit que l’excès
approche.

Rejoindre l’ombre
sachant
la voie.

28 juin 1985

     *

Hiver
sans gel

fait reliure d’un souci au catalogue
des branches.

Les boutons rose-japon, le vent
les décapite
dans sa hâte à feuilleter.

On redoute un printemps illisible.

12 février 1988

Extraits de Paroles obliques, Ed. en ligne Recours au poème, 2014

PARAPHRASE

Le chanteur invisible et véridique s’est tu -au cœur deltographique. N’a pas laissé d’oracle. Et le peuple des morts tient le haut du progrès dans la moelle des vivants.

De l’homme à l’homme égal à lui-même court un délire sans frein qui rapetisse le monde, le consigne dans la marge d’un formulaire étroit.

L’œil aussi s’est éteint. Désaimanté l’éclat qui poussait ses racines jusqu’à mordre sur le cœur.

La peau hors du frisson ne se reconnaît plus. Du fond de l’horizon l’autre sexe ne parle plus que par signes.

Et nous
privés de chant,

plutôt que
nous risquer
d’un souffle im-
proféré

nous perpétuons d’œuvrer
à cette apocalypse
d’un sens
surentendu

qui ne dit

et s’épuise
à ne dire
que

nous-
mêmes.

     *

SANS SOUPIRS SANS SILENCES la chanson trop humaine.

Sans échos l’air du temps.

Sans ombres les lueurs fardées imitées des célestes -minuteries dont le spectre effarouche le pâle reflet des choses au secret de la nuit.

Sans fin l’échevèlement des signes, recouvreurs à perpétuité.

Sans fond, ce malheur de grands fonds qui s’ignore en abîme, s’abîme de s’ignorer.

Extraits de Quelque chose n’est, sur des dessins d’Alexandre Hollan, suivi de Cinq grands poèmes pour voir, éditions Lieux dits, coll. Deux rives, Strasbourg 2014

quelque
chose

 
 
 

n’est

 
 
 

ne se lie se lit pas
 
 
encore

 
 
 

ne se livre
pas
 
 

***
quelque
 
 

chose

 
 
 
 
 
 

objet

ou paysage arbre rocher visage

***
 
 
 
 
 

quelle            que
 
 
 
           chose

 
 
 

n’est pas
 
 
 

rien

 
 
 

***

(pour peu que
 
 
 

pourvu
 
 
 

qu’un regard

la
     traverse

 
 
 

lui donne
corps

 
 
 

corps d’un monde au regard d’un autre monde
pré-
existant

 
 
 

***

qu’un mot la caresse
 
 
 

adresse

l’invitant à
rallier
 
 
 

au revers de la peau

au devers de la page

sa présence
alors
 
 
 

           affluant
 
 
 

***

corps de monde
 
 
 

corps
de mots
 
 
 

dans les mots prenant corps
pour être
 
 
 

                     quelque
chose
 
 
 

           entre deux mondes
 
 
 

                             existant

... /...

Recours (début)

Comme
un briquet battu au centre
de l’épais
de l’obscur
du sans-voix

soleil-prenants

les mots
nés
de la terre

           (la terre comme
elle nous porte)

blanchie
à l’air qui givre
sur le foyer des pierres
 
 
 

Souffle

enserrant à rompre
les ligaments
les os

(le pâle échafaudage
tremblant et roide)
 
 
 

tandis que
sous le front

une marée...

(...)

Extraits de À chaque jour suffit son poème – haïku, éditions Pippa, Paris 2018

II- bourgeons de pluie

fenêtre ouverte -
à lui seul un chant d’oiseau
peut remplir la nuit

     *
de nuit les distances
que je ne vois pas les oiseaux
me les font entendre

     *
fenêtre close -
qu’elle est longue la nuit privée
du chant des oiseaux !

     *
comment ce matin
distinguer gouttes de feuilles
et bourgeons de pluie ?

     *
début de vacances –
nouveaux visages déconfits
sous les parapluies

     *
au fond de la combe
chaque coup de marteau déchaîne
plus de dix mille sons

     *
d’un coup de truelle
ce rustre a tranché le fil
de vie de la vigne vierge

     *
homme sans pause qui crois
porter le monde... ta détresse
sans pause également

     *
un poème par jour
un signe d’un ami suffisent
à nourrir ma vie

     *
sans souci de l’heure
où la langue fourchera
de ne pas à ne plus

Extraits de Ici n’est plus très loin, Ed. La part de l’œil, Bruxelles 2001

Éclats de vue (début)

De bleu
et de vert

         : lumières.

D’immatériels éclats.

     *

Verte la mer
immobile
        à midi.

Chauffée au vert.

     *

Plage poussière
de soleils
        unanimes

(égrenée
perd son compte
dans le découlement d’un identique l’autre
chaque fois différent).

     *

Entre ses marbres
infimes
        s’ouvrent
des abîmes de temps.

     *

Ici
durée
n’est pas
affaire de temps.

S’évalue au
tracé
        (gradation

dégradés
de lumière sur
              le sol.

     *

Ou
encore cette
fracture
        inéluctable

              du bleu.

     *

Entre
mer et ciel

        seul
        l’horizon
sépare

le bleu        du bleu. (…/…)

     *

de Refuge des souffles (gravir)

L’APPROCHE qui raréfie
le visible accroît le ciel
d’un vide tout-puissant d’im- perçus :
toutes les visions possibles...
Que nul pré-
disposé
ne s’avise de soutenir l’appel
du dernier pas
qui vacille
car il faut entre lui et la vision promise
tout l’abîme ascendant sidératif
du blanc pour être
à la hauteur :
de plain-pied avec l’événement.

***

COL-RACCROC de ciel
dru déminéralisant.

Aventés sous le col
              sans que
l’abrupt des bords
n’instigue
ni ne menace
nous redoublons l’instant
d’un retournement
franc.

Sachant
vaine
l’étreinte qui rendrait
              le chemin.

***

... SE FONDRE ENCORE

              glisser couler ramper

renouant le vieux pacte
d’horizontalité

        pour enrayer
l’envol

la chute
en contre-haut
        dans le battement du bleu.

(…/…)

Extraits de brèche, avec des monotypes de Jean-Marie-Cartereau, Ed. Encre et lumière, Cannes et Clairan 2006

griffue
grille

        clair-obstacle

       

                l’horizon
a cédé

        bris
        d’aplats

       
       

                comme le gel expulsé
brise
        l’air

     *

souffles

                échelonnant en apnées
                moribondes

                vallée de souffles attelés

                        vision
                        halète

     *

la terre en bloc
        poudroie.

       
       
       

                Le ciel,
dans ses humeurs

                -stérile

                maladie blanche
                d’échos

                à froid

(…/…)

Extraits de état de lieux, avec des fusains de Philippe Agostini, Propos2éditions, coll. Le mur dans le miroir, Manosque 2009

SEUIL

Mi-
chemin

        entre

l’exubérance radieuse chaleureuse
de l’externe

        et le tréfonds
secret

- replis recoins du cœur

       

Lieu hors place

              aire
du pas

des toujours premiers pas

       

                    que
passer
pour se mettre en
              demeure

       

ou d’absence prendre
              accès
(et réciproquement

       

              par où
rafale
l’hiver

              s’engage

fait irruption intrusion

                    (une percée
pour frayer

       

 : voie d’approche d’inconnus familiers.

***

BASSIN

Tel que
        (voilé encore désaltérant la brume

son secret :
              un murmure
dans l’aride

clapement
vers l’entre-baîllée soif.

       

Encore rien
de visible, à peine
              supposition)

 : un épanchement sourd et entravé
du vert.

       

Aussi ce calme
au dépourvu
              - une pause
dans la fabrique
du temps.

Extraits de murs, avec des dessins de Magali Latil, Propos2éditions, coll. Le mur dans le miroir, Manosque 2010

pierres
       s’articulant dictent
à mes mains

le mur

     *

page d’écriture
dressée

tablette montant
du sol
       au ciel

     *

façade
       (pour nous – êtres
de surface)

se contentant
d’informe

            terre en arrière
ramassée
     *
à toute épreuve
ancrée
par voie d’informe
            la pierre

(…/…)

pierres en mains
pierres en tête

sans mot dire
            pierres
en bouche

     *
pierres
 : les dents du vent

     *
mur échec
au vent

que le vent remâche
que le vent
contourne

            (une valeur
            allusive)

     *
mur qui va
sans dire

de consentir faisant é
chec
au parler sec
du vent

     *

de pierre
en mur
les mots du vent

ramassés
s’élevant

     *
à main levée
à bouche cousue
se dressant

            (changement
            de plan)

     *
silence dressé de la pierre
face au vent

(…/…)

Extraits de lieu dit, avec des encres d’Alexandre Hollan, Propos2éditions, coll. Le mur dans le miroir, Manosque 2010

      
      
      
      
      
      
      
      
      
      
      
      
      
      
      


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