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Dominique Tissot

samedi 28 septembre 2013, par Cécile Guivarch

Extraits de Città, travail en cours

Au long du bassin froid, la course du cormoran. Peut-être es-tu en chemin dans la lumière d’hiver. Peut-être près de la lampe à brûler tes visages. Ou à sauvagement. Peut-être le silence, fermé pour travaux. Le frère que tu n’as pas. Pavés jaunes, chiendent lune


Ces jours manouches. Qu’ils claquent au vent. Qu’ils renient l’abandon, l’odeur de pneus brûlés, les chiens, les gris, et les Capharnaüm. A la rechape du monde. Neurones nébuleuses, carrossés d’infinis. Et les enfants hardis se jouent de la lumière. D’une tout autre façon. Comme de saisir l’ultime noyau, brisé, brûlant, vivant


A l’est les grues, les gris. Ce que l’on prend pour des envols. Ce que promettent les détrempes. Qu’importe, la pluie coulisse, nous laisse les heures froides. Avec nos vies d’avec. Et les mots nés sous x. Etre : l’irréparable. Comme vaquer aux rues sales, aux ruptures syntaxiques


April in Paris. Le cœur zodiac bondit. Soleil volleyé loin. C’est ce flot d’existence. Noueux, brassé. A cela que nous nous mesurons. Tu elle, brins d’univers. Métrique super nova. La vie manquante et ses embruns Afrique ; embruns Salif Keita et Gill Scott Heron, jusque vers Château Rouge. Embrasse-moi la ville mots ville roncier de comètes


Longtemps la ville. Longtemps c’est nous, c’est un mot noir. De chevauchées. D’avant savoir. La matière noire. De résonnances, de pas perdus, ce que jamais, tous nos jamais. Les gris citronnent. Canal de l’Ourcq. Nos chemins d’eau, chemins longtemps, d’éclabousser


Il ressemble à la pluie. Au premier métro. Il croise des hommes, et il croise leurs regards, qui lui disent : toi aussi. Parfois c’est la tristesse. Il déplie des oiseaux, se réchauffe à des grilles, et il rejoint sa vie. Ville préméditée. Juste il : un sillage


Il marche et les visages. Parfois quand même d’un rire, ou d’un éclat plus fort. Vie brève permis de séjour. L’éternité ? Une méchante cicatrice. Les oiseaux maladroits sur la glace du canal. Il reste avec l’hiver et quelques soient les heures. Il marche au commencement, sous un crachin lucide


En nos quartiers d’hiver. Là où glisse le sang. Où dansent les grues orange. Il fait si froid vent gris. Ce que nous dit le jour, ce que nous, un jour elle. A traîner la colline en manteau d’insomnie. A naviguer une ville, dérégler le hasard. Un temps d’aucun secours


Cette nuit de planches, le cœur jeté à des cloisons. Bruits de pas d’ascenseur on est une ville et l’heure vient seule, des corridors nous traversent ce sont des fleuves des bras ou ne pas être là mais jaune la nuit jaune. Se fondre serait une langue, un mouvement raclé au fond, des respirations de l’autre côté


Etranger, est ce mot qui nous longe et nous. Jour, est ce piéton avec des feuilles et un pont. Loin, est une focale, un oiseau que l’on n’avait d’abord pas vu. Aucun mot n’oublie. L’ombre vient vers nous en déployant des pagnes. Est ce visage inverse, de l’autre côté de la terre. Cette langue qui nous revient et nous roule en déserts, en fauves, en deltas


Mini entretien avec Cécile Guivarch

D’où vient l’écriture pour toi ?

Du désir d’aller dans une langue. Pour tenter de voir, au moins de voir, le moindre, la trace, le brin d’herbe, les rejetés, elle, il. Multiplier les angles morts. Saisir le feulement dans l’air du grand corbeau. Englober la matérialité, pierres vent pluie et objets dans le vivant. Une langue pour entrer, un peu, dans l’intimité du monde (Philippe Lacoue Labarthe).

Comment travailles-tu tes écrits ?

Je travaille sur un thème, chaque jour je marche, je regarde, je lis, j’amorce avec un mot, ou un tesson de prose, et je laisse venir les phrases, je tire le fil. Puis sur cette trame je vais au fragment, j’élague, je procède par faux-pas, bribes, sonorités, syncopes, j’aimerais parvenir à des collisions infimes, de brefs bosons de Higgs, pour capter un peu de la vie manquante. Ensuite j’attends, je jette, j’élague de nouveau, je densifie ou j’échoue, je rythme. Encore et encore.

Quelle est ta bibliothèque idéale ?

C’est le temps, celui de la lecture. Une respiration, où d’autres livres entrent en résonance. J’aime entremêler lectures de poètes et de philosophes, ceux qui doutent, créent, et questionnent, comme Spinoza ou Ph. Lacoue Labarthe. La lecture crée des rhizomes, des répercussions, des enchaînements de livres. Pour les livres au long cours, comme La recherche du temps perdu ou Au-dessous du volcan, c’est d’une autre manière, pas forcément dans le même temps. J’aime aussi chercher et découvrir des voix nouvelles, ou moins connues.


Bibliographie :

Dominique Tissot est l’auteur d’un premier livre de poésie, Oiseaux-sables, paru fin 2012 aux Editions de l’Amandier. Il a également publié en revues (Décharge, Petite, Rehauts, N4728) et au printemps 2013 dans la revue en ligne Remue.net. Les textes ci-dessus sont extraits d’un travail en cours.

Photo : Copyright : Adrienne ARTH


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2 Messages

  • Dominique Tissot Le 20 octobre 2013 à 12:47, par Colette Leinman

    Présence dans l’intimité des choses, mais vécue-dite d’une manière jamais définitive pour conjurer la tentation de l’enracinement. Cela crée un retournement qui fait que l’infidélité aux choses devient inévitable.

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  • un des textes de Dominique Tissot Le 17 janvier 2016 à 18:07, par René Chabrière

    a provoqué chez moi celui-ci... écrit il y a un instant et qui sera présent dans quelque temps sur http://ecritscrisdotcom.wordpress.com

    • Ça ressemble à l’oubli.
      C’est une rue vide .
      On ne croise aucun regard.
      Juste, celui des affiches.

    Qui s’affichent pour qui.
    On ne sait.
    Il y a des endroits
    où de la vapeur sort,
    au niveau du sol.

    C’est peut-être
    qu’il y a
    une vie souterraine,
    et les hommes,

    ( s’il y en a encore )
    auraient déserté la surface :
    un quartier prémédité ,
    l’abandon des fluides
    et sa part de hasard .

    Sur le bitume,
    une trace de freinage
    quand il y avait
    des autos.

    Elle est bientôt effacée,
    annulée....
    comme la mer quand elle
    se referme sur le sillage
    des bateaux qu’elle a portés .

    On peut se demander
    ce que je fais là ,
    devant cette étendue
    où rien ne se passe :

    Pour reprendre l’image de l’eau,
    je verrais bien un oiseau,
    du genre héron, immobile,
    comme l’est cette surface lisse,
    qui ressemble à l’oubli.

    • RC - janv 2016

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