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Ecce homo, fiction suprême de Bernard Bretonnière

samedi 14 décembre 2013, par Sophie G. Lucas

Ecce homo, fiction suprême de Bernard Bretonnière
(Approches, coll. Textes nus, 2013)

Voici l’homme. Voici un homme. Voici les hommes, pourrait-on préciser même.
Comme pour mettre le texte à distance, par pudeur, par précaution, Bernard Bretonnière précise dans son titre qu’il s’agit d’une« fiction suprême », emprunt à Wallace Stevens, qu’il cite en prologue « La poésie, madame, est la fiction suprême ». C’est dit. Quand il écrit « je », le poète se réinvente, (« Je est un autre »), mais on ne peut s’empêcher d’y voir une forme d’autoportrait. Un autoportrait qui ne serait pas complètement narcissique, car le poète nous tend un miroir. Il dit tout à la fois « je » et « tu », et touche à l’universel.
184 vers se succèdent (tout juste 10 pages) commençant par « Je suis cet homme ». Une liste. Une énumération. Et c’est tout à la fois touchant, drôle, poignant, mélancolique, triste, désespéré, malin, tendre, joyeux, fragile.

Je suis cet homme au bord du gouffre
Je suis cet homme qui perd pied
Je suis cet homme libre emmuré en lui-même

« Poète-énumérateur » (selon le bon mot de François Bon), Bernard Bretonnière aime à faire des listes (allez-y voir sur remue.net). Et donc, il liste un homme comme il ferait les comptes et les contes d’une vie, sans les régler. Juste énumérer.

Je suis cet homme déçu
Je suis cet homme décevant
(..)
Je suis cet homme qui en a trop vu
Je suis cet homme étonné d’avoir pu
(..)
Je suis cet homme qui écrit pour sauver sa peau
Je suis cet homme qui écrit pour ne pas tirer dans le tas
(..)
Je suis cet homme à bout
Je suis cet homme qui s’incline

L’énumération a ce pouvoir hypnotique, et l’on est étourdi par ce si beau texte qui brosse la fragilité des hommes, d’une vie. Il y a là aussi de la générosité, de la fraternité, et de l’élégance : le poète termine son dernier vers par une pirouette.

Je suis cet homme crucifié - « la poésie, pardon madame, me fait exagérer »

Approches Editions
72B, rue de la Pinterie
35300 Fougères
3,50 euros


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