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mille mots entre nous et le cri estompé des mouettes lente répétition qui commence à noircir mille mots ne suffisent pas pour défaire le tissu de notre regard |
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devant la fleur d’iris ils se taisent, ils se ressemblent cet édifice à l’angle précaire, fureur d’un avant-monde coupé en deux |
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ainsi, on se croise dans les yeux verts de la pluie cette cérémonie irréductible qui donne du sens la cadence avide des racines |
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le soir a l’odeur des raisins, tu me racontes une histoire de nuages déguisés en squelettes de poissons qui voguent à pleines voiles (juste comme ça) vers le Babel intime des mots |
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le centre du poème est un endroit plus seul que la respiration perceptible des vagues, une brèche pour avouer la douceur exténuée des mots |
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les arbres en décembre, le vent lèche leur écorce noire de pluie (corps de tendresse et d’inquiétude) il faudrait que tu devines les mots jamais dits (signes incrédules) à la dérive vers les nuits tièdes du printemps |
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alors, lis pour moi ! l’irrésistible pulsation des voyelles, la phrase pliée aux orbites des comètes lis pour moi jusqu’au lever du soleil quand la lumière devient plus réelle que l’eau salée de l’oubli |
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j’habite le verbe fragile (matière première d’un pays blanc, innommé) je guette la naissance naïve des nuages pour déjouer le prochain mouvement d’un métronome au bras maigre, décalé |
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on est bien au chaud, couverts par le son calfeutré de la pluie (interférence qui grésille et se cogne sur la vitre) ne dis rien, on invente ce continent friable sorti de la parole disjointe |
La poésie :
En poésie la nature m’inspire comme les notions abstraites (la solitude, le temps, la distance qui permet de connaître les choses et les gens d’une manière tendre, en douceur).
La poésie représente une manière de (se) connaître. Les mots, beaux en eux-mêmes, deviennent une matière première, comme les idées platoniciennes. Je les accorde souvent au changement de saisons, au vent, à mes états d’âme ou à ceux des gens qui me sont proches. Grâce à la poésie l’instant est multiplié ou au contraire arrêté (le paradoxe du zéro ou l’infini).
La forme du haïku japonais m’a complètement conquise, mais pas le fait de compter les syllabes. Je pratique l’économie des mots. Avant de finir un poème, je me demande si je peux couper encore des éléments qui n’apportent rien à l’ensemble. J’ai lu quelque part que dans la Rome antique, les gens redoutaient que les poètes lisent de longs poèmes aux banquets.
J’habite au Canada, depuis quelques années déjà, dans la région de Toronto et j’utilise l’anglais tous les jours. J’ai commencé à écrire en roumain, ma langue maternelle, puis je suis tombée amoureuse du français qui est devenu ma langue d’écriture.
La photographie :
Quelques bons conseils m’ont aidée : « trop de ciel ! », « garde la ligne d’horizon droite ! », « zoom in ! », « fais attention à l’arrière-plan ! ». J’ai beaucoup pratiqué la photographie pour éduquer mon œil. Avec le temps, on apprend à choisir des angles particuliers, des proportions harmonieuses et on apprend aussi de briser les règles.
J’aime la spontanéité de la captation. Je travaille longuement sur un poème. La photo est parfois un cadeau, une chance : le monde se dévoile à un instant propice, magique.
J’utilise deux appareils photo (un compact et un appareil réflex numérique). Je n’applique pas de filtres et je publie très peu. J’aime beaucoup la lumière du soir ou celle du matin tôt.
Je poste quelques photographies sur mon blog et sur Facebook que je perçois comme un espace d’émulation et de partage artistique grâce à la nature interactive de ce réseau.
La plupart du temps je cherche une image pour accompagner un poème. Je n’aime pas les associations directes. La photographie doit être liée au texte d’une façon sous-entendue, symbolique, et parfois, exceptionnellement, j’aime associer poème et photo quand leur similarité est frappante.
Elis Podnar
Photographe et poète, Elis Podnar est née en Roumanie en 1973. Depuis 2002 elle habite à Toronto, Canada.
Recueils de poèmes et photos disponibles en ligne : Quod Manet (2015), Ici (2016), Autrement (2016), Babel Intime (2017), Agapé (2018) et Séparation (2019).
Son blog : https://quodmanet.blogspot.com/
Proposition mise en page grâce à la complicité d’Isabelle Lévesque