Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Elsa Hieramente

samedi 14 octobre 2017, par Cécile Guivarch

sur le fil tendu
d’un rasoir
mouillé

je sèche
en attendant
de t’écrire

autre chose

l’odeur des choses
peut revenir

celle des roses
peut être celle
d’un souvenir

qu’il faut que
je m’apprête à
partir

a abandon a
je ne veux pas

pas pour toi
pas pour moi

une échelle est
près de la douche
sous l’odeur de la pluie
les sons sont plus crépus
et les putsch amoureux
déjà déshydratés

va savoir ce qui est
va savoir ce qui est

une échelle est
près de la douche

pas pourquoi pas
dire ainsi dire
c’est pas peu
des enjeux joliveurs
calculez les tempêtes
aux voleurs des vagues
des pas mous des pas lourds
pas pourquoi pas
dire ainsi dire
des pieds drus du soleil
sous le sable à la cime
calculez les tempêtes
aux voleurs des vagues
le limon vous emmène
va dehors la barrière
pas pourquoi pas
dire ainsi dire
la buée vous embaume
le placard d’horizon
sous le vent grenadine
calculez les tempêtes
aux vagues des voleurs
le brouillard se trimbale
à nos poignets glacés
et de l’eau transparente
foule pourquoi foule
dire ainsi dire
c’est pas peu
des enjeux joliveurs
calculez les tempêtes

ma robe du feu de bois
de toi du feu des glaçons toi du plancher
du plafond et du fond du fond

tendrement mon prince ma forêt mon arrêt
ici je plonge à la seconde
mon abyme et ma ronde

à la minute à la minute où je te touche
les touches désaccordées d’un piano bord de route
jouent contre joue et
bottent en touche en doute en do

dont je ne sais pas jouer un piano borderline
et qui se joue de nous dans un champ
une page blanche au galop où je m’épanche
désarçonnée

serais-je la tâche le trait la trace de lait
où tu te penches
une goutte un doigt de lait une goutte

l’eau est tendresse entre nos tresses entre nos doigts
entre nos peaux et les marteaux amour
martèlent ce chant
amour
qui nous attèle

qui de nous
quitte à nous
qui de nous sépare
et part
et par-dessus
qui a la part
qui s’est servi
qui par hasard

qui a l’autre
l’autre à qui le dessus
qui est dessous
qui est qui

qui je traverse
qui me traverse
et tes revers
et mes travers

ce qui me porte
et que je porte
ce qui m’importe
et que j’emporte
et nos impairs
de part en part est-ce un dard
qui nous perce
qui nous lie
nous féconde
et nous berce

et se monde
et ce monde
et ce lit
esseulé
sans nous

ce lit qui
nous infuse
où l’indicible
fuse
ce lit qui
nous affuble
d’une indicible
fable
celui qui
celui qui

est-ce moi d’où
est-ce moi dont
et ce mot doux

l’un dit cible
l’un dit non
est-ce les
est-ce lui

qui de nous
quitte à nous
qui de nous sépare
et part
et par-dessus
qui a la part
qui s’est servi
qui par hasard

ton amour glisse sur la chapelle
du quartier des maisons des jardins des démons
souviens moi de toi si souvent descendu
sur le parvis où je parviens où tu commets

la soupe de nuage que servait ma grand-mère
a l’odeur de ton âge et le doux sans l’amer

depuis toi je suis l’enfant d’autrefois chaque fois où le chemin fait terre
est fait de pieds est fait de nerfs est fait de boue entre les doigts
est fait de tout est fait de toi tu es debout
droit devant moi

ma bouche est un souvenir de terre raflée sucrée
de tes baisers gercés roulés ta moue ta joue

éraflée

la peau de tes pensées sous les groseilles abeilles
dorées à lézarder s’envole en bulle au dessus du jardin
et du framboise de nos genoux égratignés

beauté silence brouillée de cette odeur canaille
des pieds de groseillier d’un plaisir noctambule
qui sous la lune débraille et fume et déambule

près du puits marronniers prêt à compter les feuilles
prêt à compter les jours et le muret de nos amours

le parfum sombre épais le temps de la remise
derrière des portes lourdes
saute au corps et grise un monde de trésors
de baies sauvages éprises
et prend le soleil poussiéreux à travers des carreaux vitreux
des mystères poussifs
des mystères heureux

depuis toi je suis l’enfant d’autrefois et chaque fois où le chemin fait corps
qui sous la lune débraille et déambule
je t’aime s’envole en bulle encore

je suis la fée
je suis la folle
je suis l’envol
je suis la nuit
je suis la toile
je suis l’étoile
je suis je suis
je suis l’envie

je suis le monde la terre est ronde
mais où m’emmène cette fronde

je suis l’amer
je suis l’acide
je suis l’éther
je suis le vide
je suis le lourd
je suis le creux
je suis le sourd
je suis le pieux
je suis je suis
je suis l’envie

je suis le monde la terre est ronde
mais où m’emmène cette fronde
j’ai des fenêtres plein mon cabat
et des cabats plein les mirettes
remplis de babioles et de fioles
et de sottises secrètes

je suis la fée
je suis la folle
je suis l’envol
je suis la nuit
je suis la toile
je suis l’étoile
je suis je suis
je suis l’envie


Petit entretien avec Clara Regy

Poésie/dessin, dessin/poésie l’une ou l’un se nourrit-elle/il de l’autre ?
Peux-tu nous parler de cela ?

La poésie qui m’inspire me touche est dans la vie de tous les jours, le quotidien, les détails, les gens que je rencontre, les corps… tout peut être poésie. Le dessin, l’écriture, la danse, la relation à l’autre... sont autant d’occasions d’exprimer une poésie. En ce sens, un projet d’écriture peut initier et nourrir un projet de dessin, et vice et versa, une danse peut nourrir un rêve, un rêve un dessin, un dessin une envie d’aimer, une envie d’aimer l’envie de faire un gâteau, un gâteau un gourmand… mais tous ces médiums, en quelques sortes, se nourrissent directement et essentiellement de mon expérience de la vie. Je ne sais pas s’il y a de la poésie dans tout ce que je crée, et cela n’est pas très important à mes yeux, ce qui est sûr c’est que cela fait partie d’un tout.

Comment écris-tu ?

Souvent un jet une phrase une émotion me vient et je déroule un fil
c’est comme quand je saute dans une flaque d’eau, ça peut être jubilatoire, ça peut être maladroit, parfois je ressors couverte de boue
je dis le texte

Que t’apporte l’écriture ?

Quelque chose d’essentiel, une forme de méditation, la joie de donner aussi quand un texte rencontre quelqu’un

Vers qui se portent - ou se sont portées - tes lectures ? (poètes ou non d’ailleurs)

Vers quoi… vers des écritures qui sont directes et sincères.
Pour citer quelques noms, en vrac, Albane Gellé, Prévert, Laurence Vielle, Carl Norac, Marguerite Duras, Antoine Boute, Yann Kerninon…
Les univers d’auteurs pour enfants comme Philippe Dumas, Gabrielle Vincent, Tomi Ungerer… me portent encore aujourd’hui
Pour élargir à la création en général, Olivier Dubois, Pina Bausch, Bashung, Bill Viola, Marina Abramovic ou Sophie Calle, par exemple, sont des artistes qui m’interpellent.

Pour écrire as-tu des lieux secrets, des objets secrets ?

Je n’ai pas de lieux ou objets secrets
j’aime particulièrement le soir la nuit pour écrire, créer
je rêverais de ne pouvoir dormir que quelques heures

Et tu devais résumer le mot « poésie » en 3 courtes phrases quelles seraient-elles ?

Une tomate éclatée au soleil
Un baiser dans le cou
Un petit pois en lévitation


Elsa Hieramente

Née en 1977, vit à Romainville (93)

Je dessine et j’écris, des corps des visages des gens. Des choses peut-être crues, peut-être cuites. J’aime le simple merveilleux. L’incroyable ordinaire. Je crois au père-noël et au quotidien. Formée dans des ateliers (IAV, Beaux-Arts, artistes…) et à
Olivier de Serres (école d’arts appliqués), je travaille sur des projets institutionnels, événementiels et culturels et déploie un univers graphique tendre et expressif pour des projets d’édition, du dessin de presse ou de l’illustration jeunesse.

site : www.ledejeunerducrocodile.com


BIBLIO
• « Les gens qui s’aiment  »
textes Marcella / dessins Elsa Hieramente
Éditons Les Venterniers (2017)
• « Dictionnaire passionnel de la modélisation urbaine »
sous la direction de Céline Bonhomme, Hadrien Commenges,
José-Frédéric Deroubaix / illustrations Elsa Hieramente
Éditons L’Oeil d’or (2017)
• « Un jour », Album jeunesse à paraître aux Éditions Cépages en novembre 2017
auteur / illustrateur

Des textes sont parus dans les revues Verso, La Piscine, 17secondes, sur le site de Décharge, d’autres à venir dans Friches, Triages (2019 !) et Cabaret.


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