Entrer dans la poésie d’Erwann Rougé, c’est entrer dans une écriture dense, et en même temps très épurée. Signifier beaucoup avec peu de mots. Beaucoup de « on », parfois le « tu », rarement le « je ». Discrétion. Les poèmes disent le temps, le silence, la fragilité de sa présence au monde, la chaleur d’un autre pays, le vent. Et puis l’écriture insaisissable dans ces éléments.
les mots ne sont plus là
on prend la pluie en pleine face
on atteint le dessous de la gouttière
qui déverse un torrent
Il y a ce fameux blanc (couleur des murs ? lumière ?), et puis beaucoup d’autres couleurs « rougeoiements », « lumière de vert d’ocre », « le bleu et le noir-soir/des arbres », « piments rouges », « éclatement du vert »… . Là où le regard viendrait s’accrocher.
pourtant c’est autre chose
que nous voyons quand tout se tait
c’est là à travers
comme une lueur muette
un bleu plus blanc qui se resserre
Une écriture nue qui demande à y revenir, comme on rongerait un os pour atteindre la moëlle.
Sophie G. Lucas
(Editions Potentille, 2013, couverture Ilann Vogt)