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Gérard Noiret

dimanche 21 octobre 2018, par Cécile Guivarch

Né en 1948, Gérard Noiret a été formé par la décentralisation culturelle plus que par l’école. Après avoir travaillé en usine, il devient animateur en 1972. Grand lecteur de poésie, c’est par un hasard de la vie que Gérard Noiret collabora à la revue Esprits en 1978 avant de rejoindre La Quinzaine littéraire.

Il met en poème depuis 30 ans des faits, des figures, des enjeux de la banlieue. Dans le même temps, il s’est battu comme critique, contre « la communication généralisée » et dans ses ateliers pour que des voix surgissent de là où on ne les attendait pas.

Ses poèmes ont paru dans une quarantaine de revues (NRF, Poésie, Action Poétique, Digraphe, Nouveau Recueil....) et divers journaux (Le Monde, l’Humanité, Le Figaro).

Il est édité chez Actes Sud et aux Éditons Maurice Nadeau mais depuis Pris dans les choses en 2003 d’autres textes souvent écrits pour les lectures publiques ont paru aux Éditions Obsidiane.

Plusieurs textes Les régions tempérées, Le pont de la morue, ou Chatila ont donné lieu à des adaptations à la radio (France-Culture) et à des mises en scène au théâtre (Maison de la Poésie de Paris, Théâtre 95 de Cergy, Théâtre Paul Eluard de Bezons, ...)

Il a publié plusieurs livres d’artistes en collaboration avec des peintres (Paule d’Héria, François Ferré, Anne Delfieu, Dominique Fajeau, Frédérick Cubas-Glaser). Depuis 2011, il participe à des expositions d’arts plastiques avec des collages réalisés à partir de ses brouillons.

Un entretien avec Gérard Noiret par Hervé Martin sur Terre à ciel

Extrait de Chatila – Actes Sud -1986

12

Comme les bruits de la rue envahissent
la cuisine par la fenêtre mal fermée
ceux de la mort gagnent son sommeil
Souvent tu la retrouves
dressée, pleurant dans le noir
mais ne sais pas joindre
les deux battants de sa nuit

Le commun des mortels - Actes Sud – 1990

(1) ORPHÉE

Sous le voile couvrant nos anciennes dispositions
tu es ce membre
dans un brouillard de nerfs trompés

Tes plaques de rue vieillissent avant l’âge
Des pierres dans la mémoire dont des crotales
Dors ma ville, dors sous tes scellés, dors de plomb

C’est à l’intérieur de soi désormais que marcher
Marcher d’incapables phrase de faire dix pas
sans interroger son reflet dans les vitrines

J’habite un lendemain de fête qui n’a jamais eu lieu
Une rue de confettis mouillés
une traînée de meuble sur le rire

(septembre 88)

Dans le nouvel appartement, les bouquins s’entassent sur les étagères. J’écoute les occupants précédents. Je me heurte à leurs gestes. La bibliothèque est impénétrable comme une forêt non débroussaillée. Je mettrai longtemps avant de reclasser par ordre alphabétique. Avec les meubles séparés de « ma génération », des grands textes du siècle ( Les cinq grandes odes, Alcools, L’Homme approximatif, Capitale de la douleur, Le Parti-pris des choses, Les feuillets d’Hypnos, Le Roman inachevé, Les Sorcière de Rome, mais Terraqué, Usage du temps...)

Dans ce fouillis, j’ai Henry, gardé ton livre. Ceux qui, dans une revue, se précipitent sur leurs poèmes sans se préoccuper du verso et concluent que la solitude est essentielle au poète, ont-ils une idée du bonheur de diriger une collection, de faire paraître, de rencontrer, de participer au débat, d’accoucher le présent ? J’ai emporté ton livre dans ce F3 qui domine le stade, comme sur une ile déserte. Combien de fois l’ai-je parcouru muettement, délivré à voix haute. Combien d’années suis-je resté à attendre que ta poésie prenne son envol, rejoigne l’importance de ton œuvre de directeur de revue, me séduise à égalité d’intelligence, de novation prosodique, de présence ? Combien d’années à guetter ce qui est le livre qui te met au sommet de la génération que tu as tant portée.

TAGS – Edition Maurice Nadeau – 1994

        BERGES

Les trains s’échappaient de Saint-Lazare

Les voisins les pommiers semblaient Et le chat
Eternels

A vélo nous allions Jouer aux ricochets Lançant
des mots sur la Seine

Des rires tenus entre pouce et index Comment
aurions-nous deviné

Que les poissons morts Bientôt seraient nos
emplois Et qu’ils troubleraient

Nos reflets

        Avec leurs ventres blancs ?

Toutes voix confondues - Edition Maurice Nadeau – 1998

        L’OFFENSIVE

L’œil du lapin, dont la gueule est sur la
table, encore chaude, encore douce

L’œil du lapin avec sa paupière mal fermée,
l’iris tournée vers le rien

Voilà ce qui habite quand la mort vous
brandit au-dessus des tranchées

Laissant griffer la lumière, une ultime fois,
aux membres postérieurs

Polyptyque de la dame à la glycine - Actes Sud – 2000

Accompagné à l’accordéon
par son père, son frère, un oncle ?
l’enfant tzigane fait passer le frisson
parmi les voyageurs, et les jambes
touchent à d’autres jambes
Il n’y a qu’une princesses aux cheveux blonds
pour sortir une épingle d’or
dans le secret de son âme
et s’approcher de la cage
où le rossignol chante, des cernes sous les yeux

ATLANTIDES (heroic poésie) – Action Poétique éditions – 2008

        FÊTES

        HÉROS ET PERCUSSIONS

Dans cette ville soumise A l’atmosphère de triomphe
militaire Les gardes le promènent en charrette
- Bidons fouets et jambières
Dépoitraillé il se tient droit

Immobile en dépit des batteurs qui changent de mesure
Aux changements de lumière
- Gongs maracas et boucliers
Exacte une femme lui sourit

Au-dessus des têtes elle agite un mouchoir blanc Un
mouchoir comme s’ils devaient se rejoindre
- Tambours cloches de bois et cuirasses
Où s’enflamment les oiseaux

De carrefour en carrefour De parvis en chapiteaux
L’histoire éperdue se répète Car toujours

  • Marteaux lamelles de fer et casques
    On reporte le supplice

Pris dans les choses (1985 – 2002) – Editions Obsidiane - 2003

D’AMANTS

Dans le verger, ils s’étreignent

Échangent un noyau, de lèvres

En lèvres

Lui, étudiant laïque

Elle, adolescente et juive

Pendant qu’une scie

Quelque part, attaque la matière

Autoportrait au soleil couchant – Editions Obsidiane - 2011

UN PAYS RICHE

À Joussac comme ailleurs, prêter attention
aux ex-voto de la chapelle,
rendre visite aux disparus des deux guerres,
parcourir la Grande Rue
surveillés derrière les volets par les yeux
d’un historien local, auteur
d’un recueil de cartes anciennes
ou d’une monographie sur un notable
misogyne mais complexe...
Enfin, au bas d’un paradoxe hercynien
s’allonger dans le règne des criquets.
Un règne appelé à disparaître, que le futur évoquera
comme celui d’une dynastie
dont on n’a pas su reconnaître à temps les mérites.


Bibliographie

Poésie

  • Autoportrait au soleil couchant, Obsidiane, 2011 (Prix Max Jacob, 2012)
  • En passant, Editions de la Lune bleue, peintures et collages de Lydia Padellec, 2011
  • Atlantides, Action Poétique, 2008
  • Maélo, L’idée bleue, 2006 - Prix jeune public
  • Pris dans les choses, Obsidiane, 2003
  • Polyptique de la dame à la glycine, Actes Sud, 2000
  • Toutes voix confondues, Maurice Nadeau, 1998 (Prix des découvreurs, 1999)
  • Tags, Maurice Nadeau, 1994
  • Chroniques d’inquiétude, Actes Sud, 1994
  • Le commun des mortels, Actes Sud, 1990 (Prix Tristan Tzara, 1991)
  • Chatilla, Actes Sud, 1986
  • Le pain aux alouettes, Temps Actuels, 1982

Anthologie

  • Je ne mange pas de ce pain là, Anthologie contre le racisme, Messidor, 1985

Essai

  • André Velter, Ouvrir le chant, essai. Editions J-M Place, 2004

***
Ses poèmes ont été édités dans de nombreuses anthologies, notamment dans Orphée Studio (Poésie/Gallimard).1999.

Choix de poème par Hervé Martin


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