Mention spéciale pour le livre de Christian Degoutte, des oranges sentimentales , paru aux éditions Gros Textes. Poésie sentimentale ? Pas tant que cela, je pense plutôt à une poésie bien charnue comme le serait une belle pêche, juteuse comme une orange. Et il en serait ainsi de l’amour à une femme. Les textes présents dans ce recueil, même si écrits sur une période assez longue, ont une belle unité et se répondent, comme le font les amants, s‘interrogeant l’un et l’autre. Un dialogue amoureux, pas seulement pour dire l’amour, ou le corps mais aussi pour puiser au cœur la raison de l’attirance entre deux êtres. Des poèmes où le quotidien, présent ou celui gravé dans la mémoire, côtoie naissance et mort, mais serait aussi comme une ode à la femme, à l’amante mais aussi à la mère, la grand-mère, les disparues. Mais au-delà de tout cela, ce que l’on a envie de retenir de ce livre, comme « un fruit à murir / entre [nos] mains », c’est toute la lumière qu’il contient. Lumière et soleil, fruits, corps, fleurs, soif, terre et abeilles.
- Ce que je sais de tes seins c’est à boire vite
deux essaims de papilles le miel des sagaies
dont mes mains sont brûlantes
le soleil versé en cuisses sur mon visage
ou sous l’eau tumultueuse des lampes la salive
des nébuleuses les oranges dont mes lèvres crépitent.
Mais sous tes seins c’est quelle grosse pêche tombée
du souffle ce que je sais de ton cœur ?
_- Pêche ou orange, ce que tu sais de mes seins
c’est plus que tout ce qu’on sait de soi :
pêche ou orange
bouche tout couleur brûlant dehors
mais tournée vers les viscères bouche blême
qu’on ne sait ni combler ni faire taire.
Et pour continuer dans la série des coups de cœur, je nomme Lucie Taïeb dans tout aura brûlé paru aux éditions Les inaperçus. Dès les premières lignes de cette écriture aussi bien verticale qu’en prose, on s’interroge, sur les trois personnes qui relient le livre : père, mère et enfant. Ces trois personnes qui se parlent, mais qui s’emmêlent, chacune s’adresse à une autre, mais ce n’est jamais la même personne qui parle. Et ça s’enroule, ça s’embrouille, on ne sait pas très bien de quoi il s’agit exactement car l’auteur ne le dit jamais, tout est en sous-entendu. Parfois on croit s’en approcher mais la langue se replie et retourne vers la suggestion. Ce qui est intéressant dans ce livre, ce n’est pas d’essayer de comprendre ou de savoir, mais c’est justement de suivre cette langue qui travaille pour ne pas en dire de trop justement car la « bouche, elle est bien fermée ». L’écriture n’est cependant pas silence, elle s’écrit avec des blessures et une révolte qui sourd avec l’absence et ce que l’absence rend aux autres, à ceux qui sont toujours là et pour qui la vie continue, doit continuer. « cicatrice fine et profonde qui ne cicatrice pas, ou mal ». L’ensemble est une confusion dans les pronoms, car l’auteur l’écrit elle-même « de vider la douleur un peu, par les mots, on mélange tout, les je et les tu, lui, elle, on mélange les souvenirs et on en invente de faux, pour que surtout le vrai ne soit pas décelable », « ne pas se mettre complètement à nu ».
je ne suis plus ton fils récalcitrant ni ta femme échappée, je ne suis plus celui que tu as aimé sans savoir, je ne suis plus la mère que tu ne sais pas pleurer, l’espoir perdu.
je ne suis plus que « ce qui manque ». tu n’as rien pour me saisir.
Le titre du livre de Jean-Jacques Marimbert, paru aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune m’interpelle, un seul mot : Jour. A l’apparence un titre calme. Mais les poèmes ne le sont pas et ceci d’entrée de jeu : « au pied du mur d’enceinte / tourné vers les pierres / il a jeté son corps ». « Jour » est au singulier et dans le recueil, il ne se raconte pas un seul jour, mais ce serait la mémoire de tous les jours qui seraient réunis en un seul. Outre le titre, la forme des poèmes m’interpelle. J’y étais déjà un peu habituée car je suis les publications de Jean-Jacques Marimbert sur son mur Facebook. Des vers courts, comme le titre du recueil. On ne s’attend pas toujours aux retours à la ligne, qui évoquent parfois une prose découpée en vers et souvent un vers final, isolé et fulgurant. La poésie de Jean-Jacques Marimbert a un caractère narratif, le rythme est important, proche de la syncope du jazz et parfois du blues. La conjonction de ces deux aspects est au cœur de la poétique de l’auteur : Histoire et musique, narration et prosodie syncopée. Quand le poète écrit « je me mets à marcher », on pense à cela, celui qui marche et qui observe, non pas les oiseaux, le ciel bleu et les arbres, mais celui qui marche dans la ville et qui se met face au monde avec parfois une envie de le fuir. Car s’il marche dans ce « jour » là, entre rêves et désillusions à la visite des souvenirs, il n’hésite pas à dire le moche comme le beau. A faire surgir le rapport entre dedans et dehors, entre l’intériorité et l’extériorité des lieux, des choses, des êtres, et plonger des personnages au cœur de ce qui en eux leur échappe.
Me voici sur un banc,
flocon tiède égaré chantonnant
dans l’air gris.
Je voudrais dire deux mots, ne sais si
c’est au monde réuni
en mes reins, ou au petit
moineau
dont mon rire coud
les ailes.
Je saisis seulement
que traversant la ville,
entendant les chicots
d’un vieillards
étonné d’avoir si long
tourment sans taudis
ni couvert, tout juste décrépi
au regard des normes,
- en cette rue passante j’ai eu désir de fuir.
Un homme de Jean Le Boël, paru aux éditions Henry en 2010 n’en est pas à sa première édition. Et je tiens à saluer ce livre à la mémoire de ceux qui ont fait la guerre 14-18 (je suis bien désolée de ne pas l’avoir lu plus tôt). Ce carnage, cette guerre-là avec débris de chair et éclats d’obus, Jean Le Boël l’évoque avec beaucoup d’humanité dans ce livre.
là où tu t’abrites
doucement la terre s’éboule
ce mouvement sur le visage
du cadavre qui t’accueille
les vers, tout simplement
Avec la vie au front, ces champs de corps avalés par la terre depuis. La fraternité entre ces hommes, qui pleuraient ceux qui tombaient et relevaient ceux qui pouvaient être sauvés. Ceux qui n’y sont pas restés ont gardé une « gueule cassée / à vie » Ces hommes se raccrochaient à la vie à l’arrière du front, où personne ne savait rien de ce qui s’y passait. « Celui-ci récite / des paroles d’enfants / comme on prie ». Comme le dit Jean Le Boël dans une note, il a écrit ce livre le « ventre noué par les émotions anciennes », et c’est tout à fait cela que l’on peut ressentir en lisant ce livre qui me touche énormément. Ce livre ne se contente pas de décrire ce qui a pu se passer il y a déjà très bientôt un siècle. Mais il va au plus près de l’homme et de l’insoutenable.
« ce n’est plus une terre / pas même un terrain vague / le lieu où vous combattez »
« mais de l’ancien monde / tout est détruit / et d’abord en vous »
« chaque matin / à fermer les yeux trop ouverts / à se confiner le cœur / horreur ordinaire »
« pestilences tièdes / c’est la vie qui pue / les vieux morts ne sentent plus »
« courir avant d’avoir compris / comme les bêtes / changer de trou »
Travails d’Hervé Bougel, suivi de Arrache-les-carreaux , aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune : ont retenu mon attention de lectrice. Déjà pour le travail d’écriture, la forme que prennent les textes, des vers que l’auteur a pris soin d’écrire en vers très courts et même si le lecteur peut penser de prime abord à des histoires découpées en vers, il y a un vrai travail sur la forme. Puis un rythme, avec pour un grand nombre de poèmes, une date, un lieu. L’ensemble se situe dans les années 70-80, années où le travail n’était pas celui d’aujourd’hui, où les outils étaient différents, l’état d’esprit aussi. Et puis il y a aussi les relations, au travail, avec les gens qui passent, collègues, clients et patrons. Les actualités, les hits à la radio. Les prénoms des uns et des autres, leurs dialogues. Le texte est vivant. Un texte de mémoire, petits travails, attention particulière portée aux paroles et aux gestes des hommes. Et tous les lieux qui sont évoqués.
[…]
Je ne sais pas s’il convient
De regretter ces temps
De dureté
Mais nous avions
Le cœur rouge
Et des cerises
À même l’arbre
Le ciel d’été
Et le beau son
Des armes de
Nos tronçonneuses
Empoignées
À pleines pognes
Pour que nos vies
Se tiennent debout
[…]
Petit livre, pour les enfants cette fois, paru aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune : Qui va là ? de Luce Guilbaud. Trente animaux à deviner à l’aide d’indices : quelques vers et une illustration faite de collages et des lettres des mots à résoudre. J’ai essayé auprès de mes enfants et cela fonctionne très bien, aiguise leur curiosité, les incite à chercher et enfin à trouver avec éclats de rire parfois. Trouverez-vous qui se cache derrière celui-ci ?
S’il fait naufrage
parmi les nénuphars
ce n’est pas un hasard !
paresseux et pataud
il dort dans l’eau
il baille dans les roseaux
c’est le cheval des eaux.
Dans Zugwang , de Jean-Marc Undriener, paru aux éditions Centrifuges, le corps est lourd, « corps pierre fonte », dès la première ligne. Tout est lent et pénible, tout tient avec la tête, une tête comme vide. Les phrases sont hachées pour aller au mot le plus juste, celui qui dit l’épuisement, une économie des mots comme pour signifier la lenteur. « entre les mots / amputés par syllabes »
« du noir à perte / de vue du noir » avec la question de comment en venir à bout. Et la syntaxe bouleversée, le « on » pour ne pas s’évoquer soi ou qui, le « on », celui qui reste impersonnel.
« écouter le bruit / pas de soi quand / dedans on parle » L’infinitif aussi qui permet la distance « évacuer la surface / on n’imagine pas ».
Construit en chapitres avec titres : soude, remue, voit, éloigne, touche, crève. On suit la progression du corps, de la tête au milieu des illustrations de Fusco : corps et têtes pleins de fils et de nœuds. Ces sensations entre les murs, quand cela passe. Quand le corps est mal qui peut donc l’abriter ? « les murs abritent / le corps mal ». Ou est-ce que l’écriture pourrait soulager le corps alors que « sans quitter rien / on se retourne / dans la même peau ». Le corps progresse et puis pourtant à la fin du recueil, cela revient au point de départ « dessous rien qui sèche / cicatrice ».
écouter le bruit
pas de soi quand
dedans on parle
juste le bruit
autour nulle
part partout
– entre les murs
Une fois n’est pas coutume, mais petit détour vers deux romans, celui de Sabine Huynh, La mer et l’enfant et celui de Perinne Le Querrec, Jeanne L’Etang.
La mer et l’enfant de Sabine Huynh, roman paru aux éditions Galaade. Déjà on s’interroge sur le titre « mer » et « enfant », et pourquoi pas « mère » et « enfant ». Faut passer le titre, entrer dans le livre, dans le journal, celui d’une mère à sa fille qu’elle n’a pas vue depuis trente ans. On est happé par les mots, on lit de bout en bout, on ne s’arrête pas, on lit d’une traite. Car l’écriture de Sabine Huynh nous entraîne et tangue comme en pleine mer. C’est la mère qui écrit et c’est parfois à mi-mots, elle ne dit pas tout, ne se livre pas d’un coup et c’est bien pour cela que cela nous tient en haleine. On ressent dès les premières lignes que quelque chose s’est passé, mais on n’arrive jamais à savoir vraiment quoi, même si on se forge nos propres idées. En effet, Sabine Huynh revient toujours à un point de départ, quelque chose qui s’est passé dans un même laps de temps, un même lieu. De nouveaux détails s’ajoutent à chaque fois mais ne nous permettent jamais de vraiment reconstituer l’histoire, si ce n’est à la fin du roman qu’on se prend une claque, car on ne s’y attendait pas.
Au-delà de ce procédé d’écriture vraiment intéressant, c’est l’histoire d’une mère, pas vraiment une mère, plutôt une femme, de celles qui portent le poids de leurs ancêtres sur les épaules, de celles dont l’enfance a été un mal d’amour à reproduire. De celles qui reproduisent quelque chose de leurs ascendants. De celles qui voudraient rester femme. C’est aussi de mal amour dont il est question ici, de non maternité, un sujet tellement dur que Sabine Huynh ose pourtant aborder. On suit la narratrice qui s’enfonce dans la folie au fil de son journal et on s’enfonce avec elle et l’enfant dans la mer.
L’écriture est pesée, on sent l’importance de chaque mot, chaque phrase. Le tout est bien mené, bien ficelé. La dimension psychologique, le remuement au profond de l’être et des racines est remarquable. Quand sortira le prochain roman de Sabine Huynh ? J’en suis déjà fan.
On peut perdre pied alors qu’on croit être encore là, gobant l’air à la surface. On est assis devant une fenêtre en train d’écrire, on voit son reflet, mais en réalité on est déjà sous l’eau. On s’enfonce. On assiste à sa propre noyade. Je suis en train de couler. En disparaissant, je deviendrai peut-être essentielle aux yeux de tous ceux qui n’ont jamais cru en moi.
Perrine Le Querrec aborde dans son roman Jeanne L’Etang (éditions Bruit Blanc) le thème de l’enfermement. La petite Jeanne vit ses premières années dans l’étroit comble d’une maison parisienne dans les années 1850. Une relation particulière se tisse avec sa mère, folle. Quand elle sort de cette étroite chambre, c’est pour être enfermée à la maison des folles de la Salpêtrière, orphelinat, puis dans une maison close avec retour encore à la Salpêtrière. Ce qui fait la richesse de ce livre, ce sont les précisions de la vie quotidienne dans ces maisons à cette époque. Perrine Le Querrec a passé des heures dans les archives, les bibliothèques pour reconstituer pas à pas ces décors, la façon dont on y vivait et nous restituer l’histoire fictive d’une de ces pensionnaires Jeanne L’Etang. Petits chapitres rythment ce livre. Listes de toutes sortes pour reconstituer les différents univers. Alphabets aussi pour restituer l’état mental de Jeanne. On se prend d’affection pour cette pauvre Jeanne qui côtoient Degas, Charcot ou Freud. Le pouvoir des mots font qu’ils demeurent dans la tête une fois le livre refermé et même encore après.
Le tourment de Jeanne : la voix qui hurle sur Maman, qui la moque et l’insulte, la secoue et la pousse.
Ces bruits de l’autre côté du mur.
Ces cris.
Le silence de Maman.
Sa peur qui est sa compagne, l’engrais de son secret.
Le secret de maman s’appelle Jeanne L’Etang. La peur de Maman s’articule en mots qui se marchent dessus, qui n’écrivent rien, qui ne parlent qu’à Jeanne. Une langue inventée qui fait dire à Maismaman :
– Dora, cesse de marmonner !
On entre dans le livre de Marilyse Leroux, Le temps d’ici paru aux éditions Rhubarbe avec « cette douceur de l’air ». Poésie calme, à lire paisible. Poésie de contemplation, y lire ce qui nous entoure et se trouver tout petit dans l’immensité du monde.
« ciel / sans partage »,
« capture improbable / d’un œil »,
« pour que le poids de nos ombres / sur la terre / soit la balance du monde »
La nature est évidement très présente, avec l’arbre, le ciel, le soleil, les oiseaux qui gravitent en images.
« nous avançons / dans l’espace bleu / pour l’amour d’une image »
« le matin / le silence coule bleu / sur les prairies du ciel »
Marylise Leroux est « étonnée que la terre / ait tant de couleurs » et ses poèmes mentionnent aussi le temps, le silence, l’amour et le désir de vivre. Car même si le recueil s’achève sur un deuil, il est aussi question de la vie qui continue.
Le ciel en nous
est un arc
infiniment tendu
Il vibre du poids
des silences retenus
Un corps d’oiseau
dans la trouée de l’air
lui renvoie
son appel perdu.
Lambert Schlechter écrit 99 neuvains pour dire la vie, Enculer la camarde , aux éditions PHI. Et s’il l’écrit autant la vie c’est parce qu’écrire « c’est choyer la respiration / échapper à l’étouffement » et donc se prouver que la vie est bien là pour faire un pied de nez à la mort. Ce recueil comprend l’ensemble des questions que l’on peut se poser quand l’âge avance, sur les jours que l’on regarde passer et ce qui restera après « rien, absolument rien ne subsistera », où chaque jour peut être le dernier. Mais même si la mort guette chacun de nous, « il y a tout alentour le gazouillis de la vie », avec le paysage qui nous entoure, les fleurs, les oiseaux, les chats et puis surtout l’amour, même si cet amour est destiné à une femme de « cette terre et des autres planètes ». C’est un livre écrit sur une année, on y sent passer les quatre saisons, ceci à l’image de l’homme dont la vie pourrait être ramenée aux saisons. A l’automne, le poète écrit « je n’ai jamais eu autant le temps de vivre ».
Ce qui me touche dans l’écriture de Lambert Schlechter, c’est la sincérité de sa poésie, de sa parole. Les mots vont comme ils doivent l’être sans rechercher un quelconque effet de style et c’est sûrement ainsi qu’ils doivent être pour dire la vie, enculer la camarde.
chaque ligne, à peine écrite, t’échappe
et est déjà posthume
chaque page, si sublime, si triviale soit-elle
est déjà hors du temps
impénitent scribouillard
tu remplis feuillet après feuillet
et sans que tu le veuilles
tu fignoles dans l’ « aere perennius »
à chaque syllabe tu te venges de ta mort
Le paradis de l’oiseleur de Sylvie Durbec (éditions Al Manar) est semble-t-il (et même c’est certain) une suite à La huppe de Virginia paru aux éditions Bremond. Dans l’écriture de Sylvie Durbec (tout comme dans ses collages, dessins et broderies), il y a quelque chose de l’enfance qui demeure, et ce côté-ci côtoie une écriture toute en finesse et ciselée. Dans la huppe de Virginia, la petite Virginia s’adressait à la très vieille Virginia. Dans le paradis de l’oiseleur, l’enfant côtoie la mort, l’absence avec ce retour en arrière, ces souvenirs d’un autre temps, dans les quartiers de la mère, à Marseille. Le ton est donc plus grave et moins dans le jeu que dans le précédent recueil, la mort rôde et même le silence. Tout cela avec beaucoup d’oiseaux, du pays et de la terre. Un très beau recueil.
IV, l’iris
tu n’entends jamais quand se répète la mort
dit l’iris
au cavalier de soie noire virevoltant sexuel
comme un printemps au bord des chemins
tu n’entends jamais le mot mort répète l’iris
au bord de la route joyeux d’un petit rien
oublieux du reste
Arrive la petite : d’un mot fait un bouquet
s’en va sur les chemins et la mort avec elle
Une nouvelle maison d’édition est née, L’Atelier contemporain, sous la direction de François-Marie Deyrolle, et avec elle, ce livre A vol d’oiseaux de Jacques Moulin avec des illustrations d’Ann Loubert. Format agréable, élégance de la couverture et de la pagination. Comme le titre l’indique, les oiseaux sont à l’honneur. Certains poèmes sont en rimes, d’autres ne le sont pas, les textes sont soit courts, soit plus longs et les oiseaux y passent comme dans un inventaire, chapitre par chapitre. A travers ces pages, on imagine le poète, regard vers le ciel, à observer les oiseaux et se laisser prendre au « piège à poèmes ».
Les oiseaux de passage espacent l’habitude
on dit d’eux qu’ils font cycle
ça nous rassure
nous qui demeurons sur la margelle de pierre
à guetter l’entrée des petits matins
Si d’aventure on voit passer de ces oiseaux
sautons le pas dit de saison
sous le temps de leurs plumes
un vent qui nous espace
Pour terminer, Quelques mains de poèmes de Philippe Leuckx, paru aux éditions de L’arbre à paroles. Petits poèmes fulgurants. Chacun portant une flèche pour nous atteindre au cœur, nous permettre de nous questionner, car ces poèmes ont leur part de mystère. Plusieurs parties composent ce recueil, autour du mystère du cœur et puis du temps : orage, brouillard et puis un peu de soleil. Le poète évoque aussi la souffrance et la solitude, « mi-soleil, mi-ombre ». Assurément, Philippe Leuckx « écoute le cœur du monde », et « entre par la petite porte qui mène droit au cœur ». C’est l’impression que me laisse ce livre : c’est un recueil de cœur, les textes vont de la nuit à l’aube et de l’aube à la nuit. Une belle façon d’aborder ce temps qui passe entre les deux. Avec beaucoup de cœur.
Ce n’est après tout
Qu’une légère tempête
Sous la peau
Tu n’es pas mort
Ou presque.
J’ai reçu d’autres livres qui m’ont beaucoup plu ces derniers mois, et je vous en parlerai dans mes prochaines lectures fraîches, je pense notamment à un très beau livre de Nathalie Riera, Paysages d’été. Et d’autres encore.
Cécile Guivarch