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Hep ! Lectures fraîches ! Janvier 2018

samedi 13 janvier 2018, par Cécile Guivarch

Tu es parti sans rien

sauf en toi

le parfum des fleurs de jasmin

Il retire le sol devant tes pas

et tu titubes sous son poids

Diagonales du silence, Roselyne Sibille, Editions Henry

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éparpillement, Camille Loivier, éditions isabelle sauvage

Camille Loivier nous invite à revisiter maisons, objets et les souvenirs que ceux-ci évoquent. Des mots simples, des images nouvelles, l’auteure possède le don de toucher le lecteur en créant un univers où chacun se plaît. J’ai lu ce livre par petites touches, avec lenteur, pour me laisser infuser par le charme de cette voix unique. Eparpillements, une maison que l’on vide alors que tout ramène au passé. À commencer par les objets personnifiés, tellement vivants que le livre en prend une dimension particulière.
je suis la chaise beaucoup plus / tolérante / on ose à peine s’asseoir / car je suis fine et délicate
ou
je ne sais pas ce que je fais ici dans une / maison inhabitée le dehors est là mais / je ne le vois pas je lui tourne le dos
et encore
à chaque fois la maison se remplit puis / se vide / une seule personne garde sa maison / jusqu’au bout

Ainsi, la prose et les vers de Camille Loivier se remplissent et se vident. Quittent une histoire pour en fabriquer une autre ou bien reviennent à ce qui nous fonde. Les meubles prennent voix. Le salon, la lampe, la chaise, s’animent. Ils rendent compte du nombre d’années nécessaires pour habiter un lieu. Le « je », tour à tour narratrice ou horloge, cahier ou petite table, donne aux phrases une force insoupçonnée. Par exemple, à propos de l’horloge : quand je m’arrête / c’est que vous êtes morts avant moi. Réflexion sur la façon dont nous nous fixons quelque part, jusqu’à ce que la maison nous habite.
il faut le silence et ne rien faire / s’abandonner au lieu / au point de disparaître

Au-delà du lieu : les objets et leur histoire, leur capacité à durer, à traverser le temps, la mémoire.
laissez-nous continuer notre histoire est / sans doute la plus longue
comment se forme la mémoire des lieux / par des traces / on de vient des paysages.
L’objet ayant appartenu à la grand-mère, au père, à la domestique est porteur de mémoire. Cette maison dont je suis le début et la fin.
La narratrice, transportée par les mots, devient sa propre mère, sa grand-mère. Elle fait revivre chaque chose, chaque personne ainsi que les époques, d’avant et après guerre. Camille Loivier ravive les ancêtres, les disparus.
je suis la mère la grand-mère disparue / avant de l’avoir connue je suis les générations qui tournent / et retournent sur elles-mêmes
Le « je » de Camille Loivier prend toutes les tournures.
Passage du temps, le temps a disparu, évoque également actualité, histoire, humanité.
nous sommes les objets noirs russes ou bulgare nous / sommes des refugiés partout on nous rejette / nous aimerions tant pouvoir / nous installer ici

De part sa construction, sa forme, une écriture maîtrisée et moderne, on ne peut que tomber sous le charme d’éparpillements. Car chacun possède une maison vide abandonnée / dans un coin de la mémoire. Pour chacun une maison se cache dans la solitude. Se déployant dans trois cahiers, cent-trente-six pages emportées avec soi de maison en maison, éparpillements suppose une écriture dans la durée. Ceci car chacun va et vient d’une maison à l’autre / de ses parents à soi-même parents.
Depuis la première, le ventre de la mère, les maisons voient passer les générations et vivent la nuit aussi. Camille Loivier prête sa voix aux objets, aux lieux pour ainsi venir à ses ancêtres, écouter leurs voix, ainsi quelque chose / en moi est passé en toi.

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je suis l’horloge
je suis restée dans la cuisine
pendant vingt ans
à marquer le temps
vous pouvez penser
une horloge de cuisine
ce n’est pas grand-chose
inutile de perdre son temps
à l’écouter
mais c’est moi qui pousse les aiguilles
accélère le temps
qui prend vos vies
c’est moi
en cette cuisine glacée
hiver comme été
le dos collé contre la porte d’entrée
elle-même fermée d’un mur
pour que rien de l’extérieur
ne traverse avec la peste et ses misères
le monde est immonde affreux laid répugnant
celui des hommes tous vils
qui ne pensent qu’à s’entre-tuer
à l’intérieur de ces murs
règnent la paix et la caresse
ce n’est qu’en affrontant le silence
qui en dit long sur vos vies
que cesse enfin l’effondrement
(tout cela sonne creux)

Petit traité du noir sans motocyclette (sauf une in extremis), Roger Lahu, Editions Les Carnets du Dessert de Lune

Amis lecteurs, avouez que ce titre vous intrigue ! Il s’agit bien d’un traité du noir et aucune motocyclette en vue dans ce livre. La couleur noire, le sombre, le vide, le tunnel, le corps, la mort, les photos. Un livre sur le noir, à priori, rien d’engageant. En broyer, on n’en a pas envie. N’ayez pas peur, cette écriture n’est pas sombre, mais alors pas du tout. Je dirais même qu’elle diffuse de la bonne humeur et que l’humour s’y trouve derrière chaque phrase (ou presque). Surtout, il est intéressant de constater comment à travers une couleur, Roger Lahu parvient à évoquer les différents moments de la vie (et aussi la mort). Les souvenirs d’enfance surgissent, avec cet étonnement des choses qui ont changé depuis. Et quels changements pour Roger Lahu ! À titre d’exemple : Chupa-Chups a varié les goûts de ses sucettes, internet est apparu ainsi que Wikipédia. La peur de la mort est aussi présente avec le face à face avec le pépé décédé. Tout cela vient dans ce livre. Mais rien de morbide ! L’humour, toujours. Et aussi de la tendresse. De la vie.

Je voudrais bien vous y voir, vous, dans « cette » situation : dans un noir si noir que le mot « noir » lui-même prête, pour le moins, à rire.

et si au milieu du noir coulait une rivière / les truites seraient-elles des arcs-en-ciel ?

Quand j’étais petit mon pépé préféré à moi il était déjà proche d’un certain noir / qu’on appelle « la mort » mais je ne le savais pas et c’était très bien / comme ça il était très vivant dans la couleur des jours d’alors.

Et finalement, de ce petit traité, la lectrice, que je suis, retient l’essentiel : la vie. Est-ce une lumière dans le noir ? Est-ce quelque chose qui a de la couleur ? Et si tout était noir, comme le propose Roger Lahu ? En dressant des listes (des choses qui font de beaux bruits dans le noir, des choses dont on n’a pas besoin dans le noir, de ce qu’il y a de bien dans le noir), en essayant des titres avec le mot noir dedans, des citations qui aident à mieux vivre dans le noir. En triturant le noir dans tous les sens, l’essorant, le rinçant, l’essorant de nouveau, en jouant avec les mots (invente le jour : mercrenoir )

« Le noir est toujours impeccablement mis au noir / sans qu’on s’en préoccupe »
« Dans le noir, le temps aussi est noir »

Roger Lahu fabrique sa couleur. Ose. Donne le ton. Une écriture pleine de vitalité pour se lester du poids des mots et cela fait un bien fou (même sans motocyclette)

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noir
en vraie réalité
c’est « façon de dire »

parce que gris
ça « le fait » moins bien

c’est « façon »
de retoucher
« les choses »
(de la vie ? d’une vie ?)

en poussant au max le curseur
« contraste »

Le bruit de la langue, Gilles Mentré, L’herbe qui tremble

je voudrais dire : je vais écrire, et qu’aussitôt la poésie commence

Gilles Mentré écrit un livre sur la langue, son bruit, ses poèmes. La langue qu’on ne peut détacher des mots, des phrases et de la parole. L’écriture proche de la peinture. Gilles Mentré nous conduit à nous questionner sur le sens de l’écriture, de la poésie… Il se dévoile en évoquant son propre cheminement :
Il faut un temps où j’étais aussi attiré par les arbres, la musique, où j’écrivais la poésie sans une seule interrogation.

Écrire sans interrogation ne semble plus être pratique courante pour Gilles Mentré. Au contraire, sa réflexion est profonde.

La langue ne sépare plus la beauté de la laideur.
[...]
aller au bout des phrases (…) précipite (…) la liquidation des mots.
[...]
Peut-être qu’il n’y a pas de réalité sans langage

L’auteur s’interroge sur ce qui a précédé la parole. Aujourd’hui, la parole gère tout. Au-delà de la langue, quel est le poids de la réalité vis-à-vis du songe ? Qui sommes-nous ? Et qui suis-je ?

nous n’existons, ne ressentons, ne pensons que sous forme de fragments

Faudrait-il se mettre à l’écart et retrouver la grâce que le monde recherche ?
Comment trouver un équilibre pour l’homme qui pense de trop ? Peut-être suffirait-il de permettre à la langue de retrouver ses origines, sa forme primaire ?

Gilles Mentré m’a entraînée dans cette quête, ses différents questionnements qui ont en commun de toucher à la métaphysique. Bonne lecture.

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Peut-être le morcellement du langage n’est-il pas dû à la peur, mais plutôt à la multiplication des désirs, kiosques flottant sur l’angoisse de l’eau, et livrant tour à tour le bleu, le rose, le clignotement, le vacarme. A quoi ressemblait le désir quand il n’y avait pas encore le langage ? Avait-il déjà ses objets : l’orgue de barbarie, l’arbre à palmes, la blancheur du paon blanc ? Ou bien était-il plein, tout pénétrant, unique ? Je laisse désormais à la poésie ces questions, préoccupé de ma seule survie. Aux mots, la peur, et à la vie, la brume, l’instinct.

Lycaons, Clara Regy, Editions Henry

Lycaons, en référence à la légende d’Aristote, sont les jeunes loups. A ceux-ci, Clara Regy enseigne le français et elle les observe avec affection. Les prend sous son aile, leur porte un regard attendri, ponctué de l’adjectif « petit », témoin de cette affection. En les observant, aucun détail ne lui échappe. Elle évoque aussi bien les costauds, les grands cœurs, les défavorisés, les amours, les princesses, les cigarettes, les triches, l’internat… Elle dresse pour chacun un portrait sans porter de jugement.

Le professeur doit / capturer à mains nues / la confiance oubliée.

Dans l’écriture de Clara Regy, quelque chose s’invente en toute simplicité. Elle évoque ces vies à peine écloses, les « petits » gestes, l’émergence de ces futures grandes-personnes, les corps qui s’émancipent dans une chair neuve.

L’écriture de Clara Regy me touche de livre en livre. Une fraîcheur mêlée à une certaine gravité. Il faut la lire.

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les petits amoureux décachettent
leurs mains
et leurs joues encore rondes
dans la lumière du lycée

se disent

leurs bouches
s’acheminent doucement

– la cloche sonne –

quittent l’enclos
des jeunes loups

Deadline, Jean-Marc Flahaut, éditions Interzone[s]

Attention, livre à lire d’une traite car une fois la première page tournée, on ne peut plus le lâcher. Originalité de l’écriture de Jean-Marc Flahaut. Elle ne se classe pas vraiment. À la fois documentaire, récit, prose et roman noir. Jan-Marc Flahaut revient sur le 15 avril 2013. Marathon de Boston. Bombes. Trois morts et 264 blessés. Qui sont les suspects ? Jean-Marc Flahaut enquête. Revient sur les aspects médiatiques, reproduit les paroles des témoins, des victimes, des forces armées. Il retrace les événements. Fait preuve d’empathie, imagine les heures, les jours qui ont suivi l’attentat pour l’un des suspects en cavale. Langue orale, Jean-Marc Flahaut donne voix aux personnages de son récit. Cela captive, rend le livre vivant. L’auteur aborde ainsi des questions de société, la perception de l’immigration que ce soit côté population d’accueil ou population accueillie.

Ils ne sont pas venus pour vivre avec nous.
Ils sont venus pour profiter de notre système.
Et nous tuer.
[...]
Un jour
la violence répond à la violence
(suspect)

Il évoque l’échec. La façon également dont un adolescent « ordinaire » devient un terroriste. Les souvenirs de ceux qui l’ont connu et qui ne se sont pas rendus compte d’une possible radicalisation.

Une de mes profs a failli s’évanouir quand elle a su que c’était lui
[...]
Les experts le disent et le répètent, il n’y a pas de profil type.
A tout moment, n’importe qui peut basculer.

Les victimes ne sont pas oubliées :

ton sac à dos a frôlé mon bras.
Je doute que tu t’en souviennes.
Tu as détruit ma vie.
J’espère que ça en valait la peine.
[...]
celui qui a fait ça est un monstre

Jean-Marc Flahaut donne voix également à la mère du suspect :
comment protéger nos enfants en leur évitant de faire les mauvais choix, de prendre les mauvaises décisions.
L’auteur ne prend pas partie. Il se contente de retranscrire ce qu’il a entendu ou lu dans les médias. La construction du livre est originale. Paroles des uns et des autres. On pourrait croire à un méli-mélo, mais l’enquête progresse jusqu’au pardon du suspect :
je demande pardon
les bonnes actions effacent les mauvaises

Marigny (Bewind - Play - Forward), Benjamin Alexandre, Editions La Crypte

Ce livre m’a intriguée dès le premier abord. Marigny, une clinique psychiatrique. Bewind, Play, Forward… Cela débute par de courts poèmes. De ceux qui vont à l’essentiel. Émotion brute. Écriture de l’instant. Peut-être s’agit-il tout simplement de « survie ». Écriture toute en silence. Texte pudique et sensible. Cette première partie du livre couvre sept jours d’une vie.

S’ensuit la seconde partie, Play. Intercalées entre les textes, des sortes de cartes d’identité sous forme de questionnaires. Toujours les mêmes questions :

Prénom ? Age ? Pour quelles raisons êtes-vous hospitalisé à Marigny ? Quel est votre meilleur souvenir ici ? Quelle est la première chose que vous ferez à votre sortie ?

Donner aux patients de la clinique le moyen de s’exprimer. Leur prêter voix. En alternance, des textes plus personnels. Marigny y est personnifiée. J’habite chacun de tes ventres. Marigny devenue, si présente pour l’auteur, abrite des santés noires. Marigny est un cache-cache définitif avec mon ombre. Une clinique psychiatrique, à priori cela ne semble pas engageant, pourtant, on sent une certaine convivialité, une ambiance. On pense à l’homme qui penche de Thierry Metz.
Ici, les arbres sont comme nous : ils se penchent et se penchent encore jusqu’à ne plus tomber. À la fin du recueil, de nouveau des courts poèmes.

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en vérité, il n’y a pas d’autre mur entre marigny et le monde que ce petit écrin dans lequel quelques cerveaux bien propres décident quotidiennement de broyer nos possibles narrations, toutes ces bifurcations qui balafraient pourtant de sourires l’étroit chemin qu’il nous faut aujourd’hui emprunter les trous bien en face des yeux.

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Prénom ?
Philippe
Age ?
43 ans
Pour quelles raisons êtes-vous hospitalisé à Marigny ?
Euh… dépression
Quel est votre meilleur souvenir ici ?
Euh…
Quelle est la première chose que vous ferez à votre sortie ?
J’irai boire un coup

Loin le seuil, Fabrice Farre, Editions La Crypte

Petites choses du quotidien, pensées égrenées au fil des pages. En lisant Fabrice Farre on trouve ce qui est tapi, ce quelque chose de profond qui rejoint chacun de nous. On y lit les deux poids de l’existence à propos du vacarme et de la parole, la présence de soi dans le monde, le temps, la solitude, des boîtes à secret sur le fait de vivre et ce que nous sommes : étrangers plus que d’ordinaire.
Nous devons bien exister pour nous apercevoir que l’absence est l’hôte supplémentaire.
Poésie qui extrait l’essence de ce qui nous fonde. Poésie qui puise mais ne s’épuise pas. Poésie qui apaise et lance des flèches et atteint le lecteur, l’amène à la méditation.

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Saison

Il pleut
ma chemise sèche
ici je n’ai jamais été aussi
étranger - je fais les cents pas,
le mur est mince appuyé au-dehors,
étranger à ce vêtement transparent
qui revient à lui, où mon absence
m’empêche de croire celui qui s’observe
dans cette minute intérieure.

Au cœur du cœur de l’écrin, Anne Kawala, Lanskine

Faire suite à une commande, écrire face à un écrin en or, celui contenant le cœur d’Anne de Bretagne au musée Dobrée à Nantes. C’est ainsi qu’Anne Kawala explore le sujet avec une écriture ample qui comble plus de deux-cents pages. Écrire face au cœur, face à l’écrin, remonter le temps jusqu’à celui où vécu la duchesse Anne (1477-1514). Anne, celle d’aujourd’hui, se souvient de ses leçons d’histoire et se trouver face à cette commande d’écriture l’entraîne à déployer l’écriture. Un objet si petit soit-il et pourtant chargé d’histoire, conduit l’auteure à un véritable travail de mémoire doublé d’une certaine prouesse littéraire. En lisant ce livre, une question revient sans cesse : quelle est donc la place de la femme dans la société ? Cette société dans laquelle Anne de Bretagne a évolué mais aussi à travers les siècles qui ont suivi. À la fois documentaire et travail sur la langue, le texte contient une certaine oralité. L’écriture se déroule, s’enchaîne, va et vient, et laisse la langue s’étendre, occuper l’espace qui lui est donné. Ecriture foisonnante à partir d’un objet qui tient dans les mains. Toute l’ambiance du moyen âge est évoquée avec les croisades et les guerres, la mort et le rôle que les femmes occupaient ou pas. Un leitmotiv, une musique : au cœur du cœur de l’écrin, je cherche ce que je trouve. Ce cœur et toute la réflexion qui en découle, cœur tranché, cœur amour, cœur qui saigne, humanité et guerres. Et les femmes, des combattantes oubliées de l’histoire. Car l’Histoire par des hommes est écrite / en écrivant l’histoire, les hommes en efface les femmes et cela continue aujourd’hui les postes de pouvoir sont occupés en majorité par des hommes. Pourtant, explorant, Anne Kawala rencontre Jeanne de Navarre, Blanche de France, Jeanne de Belleville, et tant d’autres femmes qui ont marqué leur époque. Ces femmes qui ont contribué à la constitution des arbres généalogiques, parfois sorcières ou nourricières, font toutes parties de l’histoire de France. Plus précisément, il est bien sûr question de la vie de la duchesse Anne de Bretagne, duchesse mais aussi reine de France, mariée à l’âge de treize ans par procuration. Puis ses enfants morts, son lit à baldaquin venu de Bagdad. Anne de Bretagne, par trois fois mariée. Mariages qui lui valent le poème du contrat de mariage. Et pourtant, son double titre, duchesse et reine, n’empêche pas Anne Kawala d’écrire : je ne cesse de me demander d’Anne de Bretagne quel a été son rôle, si elle a joué un rôle politique, si et si. Morte très jeune, de ses nombreuses grossesses, le cœur d’Anne de Bretagne est de sa poitrine tranchée, nous sommes au cœur de l’écrin, du secret de ce cœur embaumé et enfermé dans cet objet en or. Anne Kawala écrit avec beaucoup de cœur, à cœur de, au cœur de, et se prend d’affection pour ces femmes. Il s’agit ici d’une plongée au cœur d’une sorte d’enquête historique autant que poétique, et d’un hommage à toutes ces femmes : le cœur de ces milliers de femmes en mon cœur résonne et bat.

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Poème des arbres

au cœur du cœur de l’écrin, je cherche ce que je trouve,
au cœur du cœur des lois saliques, les hommes s’auto-engendrent
alors au cœur du cœur de l’écrin, je couvre des feuilles et des feuilles d’arbres
d’arbres généalogiques restaurant a minima, a minima dans la procréation
a minima une égalité a minima
au cœur du cœur des branches saliques, je rajoute les utérus
au cœur du cœur des arbres, je rajoute les femmes
au cœur du cœur de l’écrin, je couvre des feuilles et des feuilles d’arbres
généalogiques complets, d’arbres généalogiques complets pour comprendre
liens de parentés, a,ini,mitiés, alliances, guerres, héritages revendiqués
au cœur du cœur de l’écrin, je couvre des feuilles et des feuilles d’arbres
pour restaurer historique entre hommes et femmes une égalité
au cœur du cœur de l’écrin, je couvre des feuilles et des feuilles d’arbres
généalogiquement complets pour comprendre
de l’histoire, la multitudes d’histoires
d’hommes et de femmes entremêlé,es

Le Soleil s’est réfugié dans les cailloux, Anne-Lise Blanchard, Ad Solem

Anne-Lise Blanchard donne la parole aux Chrétiens persécutés d’Orient. Engagée dans cette cause, elle œuvre au sein de l’organisation humanitaire SOS Chrétien d’Orient. Elle se rend ainsi en Syrie en août 2014, y découvre les villes fantômes de Qousayr, Homs. Des villes où les Chrétiens sont empêchés de vivre. Tout y est saccagé. Écoles, églises, dispensaires, maisons. Les Chrétiens menacés d’égorgement. Les habitants restés ou revenus là, résistent. Anne-Lise Blanchard écoute les paroles des Syriens, profondément touchée par ce génocide. Face à une telle horreur, comment ne pas rendre compte ? Comment se taire ? Anne-Lise Blanchard fait alors la promesse de dire. Ce recueil lui fait tenir parole.
Il faut bien / que l’autre parle en soi / pour qu’il y ait poème

En regard des poèmes d’Anne-Lise Blanchard, les paroles recueillies… Paroles fortes…
Tu te convertis à l’islam ou on te coupe la tête.
[...]
Tant de gens sont prêts à nous faire partir, merci de nous aider à rester… Partir, ce serait laisser gagner les islamistes.

Les poèmes d’Anne-Lise Blanchard évoquent les décombres, l’incompréhension, l’impuissance face à ce génocide. Poèmes d’humanité, de résistances et de foi. Elle raconte l’enfer, donne parole à la langue emmurée
Elle écrit les enfants pris par Daesch, la terreur et l’inconcevable. Et parmi les prières, cette phrase : Seigneur nous as-tu oubliés ?
Le lecteur lit gorge serrée et salue le courage d’Anne-Lise Blanchard.

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Silence trop lourd sur Araden
au détour de la montagne
des ombres s’affairent
les yeux remplis de neige

Au coin du cœur veille
un coquelicot
qui garde entrouverte
la porte du retour

Présence poésie - Thierry Metz par Cédric Le Penven, Editions des Vanneaux

Lecture intéressante de l’œuvre de Thierry Metz. Cédric Le Penven évoque la force d’attraction provoquée par l’écriture de ce poète, disparu trop tôt, sa simplicité et son étonnante profondeur. Il prend le pari de mettre au jour l’articulation qu’il existe entre limpidité et profondeur. Y parviendra-t-il ? Thierry Le Penven fait l’expérience de prêter des livres de Thierry Metz à des lecteurs non initiés à la poésie et le résultat est que ces livres touchent. Certainement car l’écriture poétique est aussi l’invention d’une langue qui incarne une expérience vécue. Et ceci est d’autant plus vrai avec Thierry Metz qui est fasciné par le travail, celui de la matière mais aussi celui de la langue, de la parole. Cédric Le Penven nous invite à une relecture de Thierry Metz et nous donne envie de le relire, de ressortir tous ses recueils de la bibliothèque, de la compléter avec les volumes manquants. Car Thierry Metz est de ces auteurs qu’on a lu et qu’on lira encore. Il a marqué la poésie contemporaine considérablement.
Le poète cisèle son vers ou sa phrase pour densifier la parole, comme un sculpteur avec un bloc de pierre

La paradoxe de Thierry Metz selon Cédric Le Penven est d’être sans les mots et d’inventer une langue silencieuse. Ce qui en apparence pouvait sembler simple, prend de la complexité. En effet, beaucoup de dédoublement dans la poésie de Thierry Metz. Je dois tuer quelqu’un en moi, même si je ne sais pas trop comment m’y prendre. Cédric Le Penven écrit : la simplicité des textes de Thierry Metz est le fruit d’un long cheminement.

Réapprendre à vivre après la mort d’un enfant, partager le deuil avec la bien-aimée et rester profondément ancré dans les gestes du quotidien, poète des ouvriers, tenir le journal d’un manœuvre. Faire le deuil par l’écriture mais entourer ses mots de silence. Aller à l’économie, concentrer pour éviter le superflu… Cédric Le Penven parvient à démontrer comment cet art de la concentration peut contribuer à rendre un texte difficile à interpréter, incitant à lire avec une attention particulière. Accepter de lire sans comprendre exactement le sens du texte. Penser le poète comme un artisan de la langue. Un essai particulièrement sensible. À avoir dans sa bibliothèque.

Les métamorphoses, Gérard Cartier, Le Castor Astral

Gérard Cartier métamorphose la conception du livre. Les titres entourés de points, les mises en pages évoluant d’une page à l’autre, les blancs sur la page, les non retours à la ligne, les ponctuations visibles ou absentes. Au-delà de la forme, la grammaire, la langue recréée par Gérard Cartier, vient à nous, nous traverse. Tour à tour moderne et langue chargée des langues des poètes fondateurs. Dès le premier texte, la lectrice que je suis est frappée par la forme à la fois contemporaine et la langue qui puise dans la multitude de lectures, des plus classiques au plus contemporains. Une manière de rendre hommage. De l’antiquité à aujourd’hui, une table des matières riche en hôtes. L’index offre une originalité supplémentaire au livre. À chaque hôte son texte. À chaque poème son mets, de l’apéritif aux digestifs, en pensant par hors-d’œuvre, viandes et poissons. Un livre extrêmement construit et pensé avec un projet bien défini. Le lecteur a de quoi se rassasier, entre les mots et les références littéraires. Ce livre ne peut vraiment s’expliquer, il faut le lire pour découvrir l’originalité de sa construction.

Poèmes sans titre de transport, Olivier Cousin, Stéphane Batigne éditeur

Olivier Cousin nous entraîne avec lui dans les transports en commun avec cette question en toile de fond : à quoi songe le mobilier immobile ?
Nous sommes ici dans une poésie du quotidien. Une poésie qui accorde de l’attention aux espaces restreints. Olivier Cousin ne se contente pas de décrire ce qu’il observe, il va au-delà. Il évoque l’individualité dans l’espace collectif, les pensées de l’homme centré sur lui-même et sa solitude.
chacun roule pour sa peau

En découlent les questions de société, la pollution, etc. Le paysage urbain, vu des transports, comme les affiches, les réverbères, les squares, etc. sont évoqués dans de courts poèmes. La ville et ses travaux défilent. Les trottoirs, les passages protégés, les lignes blanches. Écriture simple pour dire l’ordinaire. Poésie des feux tricolores, des giratoires et des bancs publics. Poésie de l’ordinaire, de ce à quoi chacun de nous ne porte plus attention. Voici ce qu’Olivier Cousin parvient à extraire. Une poésie ordinaire qu’il confronte à nous les hommes, à ce que nous sommes. Une poésie qui propose des ramifications. Des associations d’images. La poésie sur les tickets de métro. Et finalement, saurez-vous répondre à cette question ?
Combien de poètes sont entrés / dans le métro en même temps que moi ?

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Lampadaires

Je peux vivre
partout
Toutes les villes me vont
tant que les lampadaires
n’empêchent pas
de voir les étoiles

D’où surgit parfois un bras d’horizon, Denise Desautels, Editions du Noroît

Cycle de la vie et mort sont présents dans les livres de Denise Desautels. Chaque matin la vie se dépeuple. Écriture en prose ou en vers. Phrases courtes. Syntaxe bouleversée. Rythme. Tout ceci pour appuyer l’idée de répétition dans la succession de vie et de mort. Le deuil, qui procure une peur proche du Cri de Munch, ponctue la plupart des livres de l’auteure et donne ainsi une ambiance particulière à cette écriture. Magnifique du reste. Denise Desautels fait partie de ses auteurs que je lis et qui m’ont fait venir à la poésie. Peut-être parce qu’elle sait toucher à une sorte de clair-obscur, une part de cela que nous avons en chacun de nous et aussi car Denise Desautel porte une voix en elle. Une voix singulière : la sienne. La petite morte la suit de livre en livre. Nous avons tous dans notre cœur une petite morte, cette petite morte qui pourtant se généralise à chacun de nous, à ce qui nous attend au bout de notre vie : je perds un monde chaque jour et pourtant : j’existe. D’où surgit parfois un bras d’horizon ajoute une autre dimension à cette écriture : l’urgence de se protéger contre la violence du monde. Sensible, la poète dénonce l’humanité.
Chez moi. Interdit aux humains mâles aujourd’hui. A part quelques uns. Mon amour par exemple.
Ce monde qui l’amène à se questionner sur le rôle du poème lorsqu’à perte de vue le poème pleure. Lorsque parfois il faut faire le deuil de la voix, de l’ombre des phrases et leur surdité de guerre. Lorsque parfois il s’agit de s’exprimer avec la difficulté des mots et leur impact.
Et c’est un livre aussi de colère publique, qui évoque l’Histoire, les fosses par exemples.
Mer et monde attaquent. Et me harcèlent les journaux de l’aube.
[...]
la vie me vole le monde et vice-versa.
Et c’est un éternel recommencement : la douleur de ce qui ne s’arrête pas. [...] Ce que je continue de voir c’est la nuit […] la nuit de l’autre siècle.

Consciente que l’écriture se répète, hantée par une même quête : la main s’y reprend à deux à cent fois. Le soi dans ce monde devient pensée qui ne pense plus. Denise Desautels, dans D’où surgit parfois un bras d’horizon, livre une réflexion profonde, réaliste et sensible, sur l’humanité, mais aussi sur l’amour, celui qui permet de contrer le monde.

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celle qui est là moi moi de moins en moins
d’authentiques guerres reviennent
passé présent cognent poitrine et font pleurer

tu tentes l’impossible tu montres du doigt
toi ailleurs et tout le monde
réciproquement

et leurs bras frêles tordant le destin, Jean Le Boël, Les écrits du nord, Editions Henry

Dans l’avant-dire de et leurs bras frêles tordant le destin, Jean Le Boël écrit « je souhaite que ma poésie soit au service des petits, de ceux qu’on oublie, de ceux que j’admire et dont je me nourris, de chacun dans sa faiblesse et dans sa singularité, hors du temps, contre le temps. » Avant-dire… Sorte d’avant-propos. Mais le lecteur ne sait pas vraiment ce qui l’attend. Cet avant-dire permet d’en connaître davantage sur la démarche d’écriture de Jean Le Boël.

La poésie de Jean Le Boël est sans artifice, mais elle sait émouvoir le lecteur. C’est en cela que je l’aime. C’est une poésie sur nos vies. Ecriture limpide et toute en délicatesse. Le lecteur se laisse porter par le texte. Surtout, il s’agit d’un regard profondément humain dans un monde où on ne sait plus les gens que par les images. Ici sont évoquées les questions de l’exil, il donne le poème comme il ouvre sa maison, avec générosité et simplicité. Poèmes sur la vie qui passe, les petites gens qui vont et meurent et les générations s’empilent.

Notre vie est un songe / peuplé d’images qui se multiplient. L’auteur invite à réfléchir sur le sens de nos vies. Des références à la peinture, la sculpture, des hommages aux poètes élargit nos regards. Lire Jean Le Boël c’est donner la main à chacun.

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les révolutions se passent des poètes
houle furieuse des foules avides et meurtries
les poètes peuvent bien piailler

l’insurrection du poète c’est de se tenir droit
c’est d’être parmi
de donner la main

et de parler sa langue
celle des fleurs et des bêtes
du corps ouvert et du sang qui bat

Faute de preuves, Serge Prioul, Editions Les Carnets du Dessert de Lune

Je suis longtemps allé sans me voir. Le premier vers de Fautes de preuves donne le ton. Aller sans se voir et écrire. Revenir aux mots d’enfants peut-être. Ou mieux, revenir à l’essentiel, aux petits bonheurs quotidiens, au partage. Pour Serge Prioul, il s’agit d’écrire, de laisser les mots faire leur travail et ainsi peut-être élucider quelques questionnements. En exergue, Richard Brautigan et Michel Bourçon et une influence certaine de ces deux-là.

Un jour arrive
Où tu écris
Par curiosité
Juste pour savoir
Où va te porter l’écriture

L’écriture est simple, elle va à l’essentiel et emporte le lecteur. Serge Prioul vit près de Rennes et le livre est coloré de cette région ainsi que de sa langue avec l’emploi de mots gallos. Et dans son bout de pays, Serge Prioul écrit partout et sur tout : dans la voiture, sur un banc, au café, devant l’église, chez le poissonnier, à la clinique… Écriture de mémoire autant que du quotidien.

Tu penses aussi à la fin de semaine
Un peu de repos
L’apéro
Et demain bosser encore

Mais surtout beaucoup d’humanité. Des poèmes pour les gens de la rues, les enfants morts de faim et des allusions à notre monde d’aujourd’hui appauvri par les conflits. Ainsi Serge Prioul est témoin de son temps, et il ne se le cache pas, comme il l’écrit ci-après.

Et comme dit un poète
Il faut nommer les choses
Pour ne pas qu’elles se perdent
De tristesse
Faute de preuves.

Serge Prioul, s’il écrit avec une conscience du monde au sens large, écrit d’où il est et sur ce qui nous entoure. Ce livre est ponctué de rencontres, de l’observation des gens autour de soi. Tu écris / quelqu’un te regarde / puis sort avec son café. [...] La page n’est jamais blanche / Puisqu’il y a toujours ces gens qu’on y croise. Chaque personne est matière à écrire pour le poète, sensible à chacun, aux situations, à la vie qui va là. C’est un livre de vie où chacun est bien vivant, ou Serge Prioul est bien vivant. C’est la vie. Toute la vie autour et la sienne. De l’enfance à l’âge mûr où une petite fille glisse un peu sur (s)es jambes.

De cette poésie se dégage un certain bien-être et le bonheur de vivre, le plaisir de la rencontre et de l’écriture. Lecture très agréable.

_

Quelqu’un t’a dit dans les petits trucs qu’on écrit
Souvent ils sont là les beaux textes à venir

Tu commandes
__Thé vanille tiens
Avec ta veste de coureur des bois
Tu ne ressembles pas au buveur de tisanes
Grignoteur de gâteaux secs anglais bios
Le stylo tient à tes mains de tailleur de pierre
Des mots arrivent comme tu amorces la pompe
Arrêter au milieu du beau mot rivière
Puisque tu es dedans vite nager vers l’autre rive
Mots que tu épuises mais qui te soufflent la suite

Que serais-tu sans ces rencontres qui te jalonnent
L’important est de ne jamais fermer le bloc
De laisser à la chandelle la page offerte
Ce que tu écris s’éclaire
Loin de la confusion des étoiles

Quelqu’un t’a dit

A l’arbre que l’on devient, Michel Bourçon, Editions Le phare du Cousseix

Par la fenêtre, parmi le balancement des arbres chahutés par le vent, il y a le livre qui attend d’être écrit
Les poèmes de Michel Bourçon s’inscrivent dans le paysage au sens littéral du terme comme au sens littéraire. Le lecteur retrouve dans cet opus, l’étonnement de la force de la nature, ce qu’elle a d’avance sur l’homme dans le déchiffrement du monde. Dans le jour de neige, seuls les flocons savent ce qu’ils font. Mais également une réflexion sur la façon dont s’écrivent les poèmes. Comment en observant autour de soi, le moindre mouvement dans les arbres, inscrit le poème sur la feuille. Toujours le mystère de ce que nous sommes, nous humains si petits face à la grandeur du monde : on n’est qu’une feuille s’abandonnant au vent pernicieux. Quel place pour l’homme dans cette immensité ? L’homme dont la vie ne fait que passer : rejoint l’effacement.
La vie nous voit ne pas en finir de nous éloigner, de nous retirer jusqu’à l’absence.
Quelle trace laissera chacun de nous sur terre ? Quel est ce mystère, ce passage. Michel Bourçon nous amène de livre en livre sur ces pistes de réflexion. Le poète avance, mais ne parvient jamais tout à fait au bout de sa quête (pour le plus grand bonheur de ses lecteurs car de nouveaux livres sont ainsi à venir ). Par petites touches, petits fragments, pensées, écrire pour Michel Bourçon serait comme se prouver que l’on n’a pas disparu.

Comme on foule le feuillage perdu des arbres de la futaie, on entre dans le matin la tête vide, avec les mots tombés par terre, morts de ne rien peser contre le mal, on entre pour attendre la plupart du temps parfois pour rêve d’un seuil nouveau où l’on renoncerait à chacun d’eux.

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Una voce poco fa

Sous la table du café - chaussures versées

sur le pavé - elle se caresse les pieds

l’un contre l’autre - et les chevilles - pieds cœurs mains

sexe et tout le tremblement des regards - bouquets

de solitudes - ordinaires meurtres de masse -

lunettes repliées sur son journal - elle ne

lit plus - rien.

Si elle fermait les yeux l’amour viendrait

par derrière - lui dégrafer son soutien-gorge

- la caresser sous les seins - mais elle préfère,

les yeux grands ouverts, partager les hirondelles

avec tous ceux qui le veulent bien - ici comme

ailleurs - partager les hirondelles - ou rester

ce vase plein de lait posé auprès d’un monde

qui meurt

Ghost notes, Christian Degoutte, Editions Potentille

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Cécile Guivarch


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