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Lectures de Clara Regy

dimanche 15 janvier 2017, par Cécile Guivarch

13 poèmes taillés dans la pierre, Patrick Dubost, la Boucherie littéraire.

Ce recueil inaugure la collection « La feuille et le fusil », le chapitre « Origine » adroitement placé en postface, nous en livrera d’ailleurs quelques secrets.
Difficile de désapprendre ce que l’on sait de cet auteur, c’est pourtant d’un œil neuf que l’on veut découvrir ces 13 textes, les mots appuyés en bloc contre, tout contre.
Un « On » posé sur chacun d’entre eux, comme un chapeau, ou plutôt comme un toit.
13 pièces ce qui n’est pas un choix innocent : 13 triangles à trous, trous que l’auteur aurait pu aussi dissimuler derrière une gâche de mortier. Mais non...
Depuis sa résidence d’écriture à la Chartreuse Notre-Dame-des-Prés, il envisage et dévisage le monde : ce grand édifice.
Le pas des moines, leurs muettes silhouettes : « On /sait /que peu /de mots /tombés /dans un lieu/ silencieux/ fortement /structuré font /peut-être un poème » ici c’est le « peut-être » qui résonne.
Face à l’immensité le poète interroge, « On /existe /un peu /plus/ quand /on existe /un peu moins /dit un insecte/ occupé à courir/ sur ma main » oui c’est bien de l’existence dont il s’agit, celle du poète bien sûr : l’homme de mots, mais aussi de celle, de l’homme de chair.
« On /avance/ avec/ trois mots/ à la ceinture/ mais/ sans jamais/ se pencher ou/ s’inquiéter d’en/ savoir la teneur/ » un texte plein d’énigmes, comme la vie.
Puis, plus avant : « ne rien tenir/ ne rien retenir / juste se pencher/ dans le temps/ sur ce qui/ ne fait plus de bruit/ » ou peut-être aussi, comme la mort.
Et dans la dernière stance : « On/ a fait / de/ la lumière/ le centre /de toute chose. »
L’ensemble s’achèvera sur cette métaphore que nous lirons un peu comme nous voulons !

Et si la musicalité de ce recueil peut renvoyer aux Matines ou au Laudes, citons alors la quatrième de couverture pour ne pas se méprendre, on évoque bien...« ces textes[...] écrits en athée respectueux... »
Ces textes, oui, nous réveillent. Nous éveillent aussi et font du bien.

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Double séparation, Patrice Maltaverne, Les éditions du Contentieux /dessin de couverture :Pascal Ulrich 99.

Un recueil en deux parties, tout d’abord « Médaillons d’un regard » est un texte de contemplation urbaine, peut-être un clin d’œil à Zone d’Apollinaire, la ville est bien vivante, c’est le grand manège du monde qui semble y tourner. « Nous voilà pris dans un flux/ Semblable à celui d’une rivière [...] nous nous télescopons. »
Contemplation humaine aussi : « Il serait normal /Que nous allions dans le même sens/Indistinctement vers la nuit/ Sans rien dire/ Ensemble soudés / Comme du métal de portière/. »
Une métaphore bien particulière qui renvoie -semble-t-il - à l’écriture même de l’auteur.

En y regardant de plus près, c’est Truffaut qui apparaît alors, ou plutôt Charles Denner dans : L’homme qui aimait les femmes : ( et plus particulièrement leurs jambes ) « D’elle je ne n’ai vu que ses jambes/ À la fois visibles / Et enfermées dans leur logique mystérieuse », « Il y a d’autres jambes / aussi belles que les siennes » et « Mais ce sont celles-là /Qui m’intéressent pour l’instant » ! Le lecteur assiste amusé au fantasme du marcheur dont on sait qu’ invariablement le regard se posera là, exactement là : « Soudain elle sait que son cul/ Est une ligne de mire » !
Mais pour terminer, citons juste pour le plaisir « Le corps qui est en dessous/ Ne sait pas encore/Qu’il peut servir à forcer / L’épaisseur des choses » ! Une chasse bien subtile, en fait.

La partie suivante : « En pure perte », se montre plus grave, ancrée dans notre quotidien où « Il y a des bonnes choses et des mal choses », surtout des « mal choses » semble-t-il.
Ces textes semblent se prêter à une oralité particulièrement efficace, avec des images et des mots qui frappent et simplement pour illustrer :
« Des plaintes qui se multiplient/ Toujours mieux que les petits pains/ Des phrases mielleuses qui témoignent / De notre confort longitudinal / Avec ces tombereaux de paroles/ Ne devrait-on pas songer à bâtir/ Une nouvelle cathédrale/ Penchant comme la tour de Babel » ! Alors... chut !
Deux textes à priori éloignés l’un de l’autre, mais unis par une même écriture nerveuse et au risque de se répéter : foisonnant d’images... Une pas si Double séparation.

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Faire un trou à la nuit, Sabine Péglion, La tête à l’envers. Les encres accompagnant l’ensemble sont aussi de l’auteur.

Il y a des textes délicats dont il est difficile de parler « haut et fort » tant ils semblent écrits dans le silence et font montre d’une profonde sagesse. C’est le récit d’une marche à pas comptés, vers et comment trouver le mot juste, la « lumière » que Sabine Péglion glisse derrière ce titre.
Les mots, ce matériau fabuleux, elle les sème sur la route, petit poucet courageux, écoutons les : « Reprendre encore les mots/ pouvoir les déchirer/ éclater dépouiller/ entendre ici leur cri » [...] « Est-ce l’ultime effort/ est-ce le chant donné/ la terre ensemencée/ pour contredire la mort ».
Les yeux s’ouvrent sur hier « L’enfant s’avance au seuil/ de la maison blessée », « Mais que répondre au père/dont la voix se disperse. »
Les cailloux multiplient « la flamme de souvenirs/que l’on hésite / à dévoiler / Nul fer/ pour re passer le temps/seule cette odeur fanée / des heures enfuies/ l’aventure des nuits. » Notons aussi la malice de certaines formules...
Ce recueil appelle la confiance du lecteur, son respect aussi, tissé entre la richesse d’hier, l’effroi et la joie des lendemains, un recueil comme un chant qui fait bondir le cœur. Un texte fort et tendre.

____Face au vide liquide
____on risque les sons
____comme on lance légère
____au creux de la paume
____la pierre plate si patiemment cherchée.

Un texte construit dans un ricochet, la joie apparaît, disparaît et revient comme la brillance de la pierre humide que l’on a su lancer.
Un petit Poucet très adroit !

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Signaux d’existence suivi de La Petite Fille et la Pluie, Murielle Compère-Demarcy, illustrations de Didier Mélique, plus, une photographie de Michel Bourbier, Editions du Petit Véhicule.

Il faut être un peu funambule pour suivre tous les chemins de Murielle Compère-Demarcy !
Cet ensemble Signaux d’existence n’y échappera pas !
C’est d’abord une rondeur, « Une femme seule/ fait le tour/ du bassin », « Gicle/de ses arènes de Nîmes/ le cri d’une délivrance » et du sang ?
« Condenser mes mots comme la pluie/ ses larmes sur la vitre/ gelée de l’intérieur », l’écriture n’est -elle pas liquide aussi ?
« Écrire c’est la mer/ qui se retire/ et qui revient / avec son monde souterrain. » Nous voilà embarqués, par une construction implacable et ce n’est pas la suite qui nous fera mentir : « On emballait l’aube/ dans nos ballots/sous nos paletots/ l’essieu solaire dévoilait/la clé du Mécano/le vieux tacot/égaré. » Ou la mécanique sonore de l’écriture.
N’est-ce pas l’écriture le seul véritable sujet de cette poésie empruntant à l’oiseau, à la plume ?
Et pour clore cet opus une chute qui semble cette fois ne plus fuir le lyrisme.

____Même si
____dans le rêve le plus silencieux le plus broussailleux
____la vie ne prend congé
____de rien ni
____de personne

La petite fille et la pluie en quelques strophes et sans les belles illustrations de Didier Mélique, prouve que l’écriture de Murielle Compère-Demarcy est multiple :

____Pluie & l’Enfant ne font qu’un
____pour taire
____le bruit/
____pour
____écouter
____descendre
____sur terre/
____toutes les couleurs de la pluie.

Multiple certes, mais toujours étrangement « intrigante » !

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La fenêtre côté jardin , Bernard Bourel, le Semainier, Editions du Petit Pavé

Il y a des poètes qui partent, qui viennent, ici, nous nous intéresserons à un poète qui reste.
Ce serait résumer bien trop brièvement ce texte, parce parfois la simple contemplation d’un jardin peut être dangereuse « A cause et comme lui à très courtes gorgées, que je viens boire trop chaud, trop fort, mon premier café ! » Eh oui le « Rouge-gorge » peut être dangereux lorsqu’il « lève son drapeau rouge-gorge ». L’humour est bien sûr, présent dans cet opus, il est nécessaire de le souligner. Cependant, si l’essentiel se glisse dans la description d’un jardin au réveil, la micro-vie du bestiaire ailé, ressemble étrangement à celle des hommes !
Le jardin lui-même a ses devoirs du jour : « Le jardin à sa toilette : il a cessé de pleuvoir ».
Et nous alors, serons-nous : merle, coucou, ou tourterelle ?
C’est vers elle(s) que va préférence :

« En suspends dans l’air, un jardin aussi se décline
Et si les tourterelles au sol se posent, s’y déplacent, elles ne touchent pas vraiment terre,
Y ramassent, avant que ça dépose, la cendre du jour consumé,
A l’envol ne répandent de gris que celui doux de leurs ailes ».

Un hymne à la légèreté !
Un texte sur la vie, le respect et l’amour des petites choses tout simplement.
Mais, est-ce si facile d’être « simple » ?

Clara Regy


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