Chronique d’une extinction - Lucetta Frisa
Puntoacapo éditions, 2020
À ma mère La mer a mangé la moitié de la plage
et j’ai rêvé de toi
assises au même endroit
l’une à côté de l’autre il y a mille ans
quel visage avais-tu
cheveux blonds ou gris
même souriredans mon rêve un instant tu es restée
d’habitude de toi je ne rêve jamais.
Peut-être les gens qu’on aime dans la vie
se tiennent-ils tranquilles dans l’invisible
mais la plage envahie d’algues
me déplaît comme me déplaisent
fantômes et événements passés.
Qui suis-je
si j’oublie ce qui a été
et qu’un beau paysage un coin de rue
n’éclairent plus ma mémoire ?
C’est le moment de m’en aller d’ici
pour revivre les instants lumineux
leur gloire illusoire et solaire
avec toi qui fus vraiment réelle
à présent je vois à peine
ton sourire, presque effacé.Per mia madre Il mare si è mangiato metà spiaggia
e io ti ho sognata confusamente
era il posto dove ci sedevamo accanto
che viso avevi
i capelli biondi e grigi
dentro al sogno sei stata solo un attimo
e io di solito non ti sogno mai.
Forse le persone che nella vita contano
stanno tranquille e modeste nell’invisibile
ma la spiaggia assalita dalle alghe
non mi piace e non mi piacciono
I cari fantasmi e i gli eventi troppo lontani.
Chi sono io
se dimentico ciò che è stato e neppure
un bel paesaggio un angolo di città
vengono a illuminarmi la memoria ?
E’ il momento di andarmene da qui
per rivivere gli attimi di luce
la gloria della loro solare illusione
insieme a te che davvero fosti vera
e ora, incerta,molto incerta, mi sorridi.
Écroulements S’écroulent arbres palais églises usines écoles
s’écroulent les gardiens de but sur le stade les cyclistes
sur la route des hommes à Turin à la Foire du Livre
s’écroulent de fatigue des vieux et des femmes seules
s’écroulent ceux qui font la queue s’écroulent
les ponts géants qui coupent en deux une ville
en faisant quarante-quatre victimes et beaucoup de ruines
je m’écroule tu t’écroules la vie pèse mortellementUne fois une seule avons-nous été d’aplomb ? Droits
comme la raie au milieu des cheveux
Droits
sur nos jambes comme les militaires et les maisons des riches
qui ne s’écroulent pas lors des tremblements
de terre
Nul ne s’asseyait dormant peu prêt à saisir
le fusil la règle ou le peigne Les lignes
douces restaient dans les traits des femmes
de haut lignage souples mais aux corps rigides
obéissant à la ligne verticale des hommes.
Si c’était ainsi, par chance je n’y étais pas
je me serais écroulée criant au scandale
cherchant la lame aiguisée d’un couteau
et tout de suite on m’aurait emprisonnée
( qui étais-je dans les siècles passés ?
Je brodais, peut-être, et jouais du piano
mais pleine de colère).Crolli Crollano da soli alberi palazzi chiese fabbriche scuole
crollano i portieri in mezzo al campo i ciclisti
sulla strada certi signori a Torino alla fiera del libro
crollano di stanchezza certi anziani e signore sole
crollano facendo la fila per qualcosa crollano
i ponti giganteschi che spaccano in due una città
fanno quarantatre vittime molte rovine
crollo io crolli tu perché la vita ha un peso micidiale.Ma una volta eravamo tutti à plomb ? Dritti
come la riga delle pettinature dritti
in piedi come i militari e le case dei ricchi
che non crollano nei terremoti nessuno
si sedeva troppo dormiva poco pronti
a imbracciare Il fucile il righello o il pettine e la linea
morbida restava solo nel carattere delle signore
d’alto bordo flessuose ma coi corpetti rigidi
obbedienti alla linea verticale degli uomini.
Se fosse stato così per fortuna io non c’ero.
Sarei subito crollata gridando allo scandalo
cercando la lama dritta di un coltello
sarei subito finita in galera complottando le strategie
per farla crollare.(Ma chissà chi ero nell’ottocento
forse ricamavo e suonavo il piano però rabbiosa)
Nature morte Sur la serviette tu as renversé du vin
et d’autres choses, quelle saleté.
Je voulais une serviette propre, d’autres plats
pas forcément de noël, mais bien présentés.
Nous devrions déjeuner dans la salle à manger
pas toujours là avec ces odeurs et les sacs
de courses mal rangés. Pas rangé du tout ici
à commencer par moi et toi qui ne savons
pas tenir une maison, mettre en ordre la vie.
Il n’y a plus de café le frigo est sale et
j’ai oublié de payer les factures. Si au moins
j’avais su écrire, vivre cette ruine en riant.
Qui peut nous aider les amis sont à l’hôpital
chacun mène sa vie et tous ont du sens pratique.
Pendant ce temps les souris sautent sur la table
en couinant mangent les restes salissent davantage.
Une nuée de cafards criquettent sur le carrelage
Des foules de syriens afghans africains se pressent
silencieusement sous la table pour mourir écrasés
En vrac des listes et des listes de morts
recouvrent le ciel Personne n’y met bon ordre
À celui qui demande le cessez-le-feu on offre
en souriant une fleur de San Remo. Fuir
dans une autre pièce comment faire quand
moustiques et abeilles commencent rudement
à nous attaquer avec leur kalachnikov, troquant
nos corps contre le pollen de créatures sucrées.
Au moins nous sommes sûrs que jusqu’à demain
nous ne partirons pas à la guerre.Natura morta Sulla tovaglia hai rovesciato il vino
e quante briciole, quanto disordine.
Io volevo un’altra tovaglia,altre pietanze
non proprio natalizie ma almeno pulite.
Dovevamo mangiare in sala da pranzo
non sempre qui, con questo odore e i sacchi
della spesa fuori posto. Fuori posto qui è tutto
a cominciare da me e te che non sappiamo
tenere bene una casa mettere ordine alla vita.
Non c’é più caffè l frigo è da riparare e ho dimenticato
di pagare le fatture. Se almeno sapessi scrivere
di tutto questo ruvido vivere mettendomi a ridere
ma chi può aiutarci gli amici sono all’ospedale
e poi ognuno fa la sua vita ed è nato pratico.
Intanto i topi squittendo salgono sul tavolo
si contendono gli avanzi. Sporcano ancora di più.
Uno sciame di scarafaggi scricchiola sul pavimento.
cumuli di siriani afgani e africani si affollano
silenziosi sotto il tavolo per morire schiacciati
uno sull’altro liste e liste di nomi di ammazzati
coprono il cielo piovoso e nessuno mette ordine
e a chi chiede il cessate il fuoco regalano
con un sorriso un fiore di Sanremo.Dove mettere
i piedi per fuggire in un’altra stanza mentre
zanzare e api ferocemente cominciano
ad attaccarci con il loro kalashnikov scambiandoci
per dolci pollini creature di zucchero. Ma sappiamo
che ancora per domani
forse noi non andremo in guerra
Antarctique, 1 L’Antarctique se brise, ses glaciers
ne sont plus l’Antarctique parce qu’ils se fragmentent
avant de se fondre dans la mer
devenant une seule eau. L’Antarctique
perdra son nom de glace,
ses frontières, sa forme, sa féerie.
Warning : once upon a time ici se trouvait
l’Antarctique- lira-t-on sur un panneau lumineux.
Tout un continent est malade, continent
immense et silencieux qui disait l’éternité.
Je me souviens du monstre fou de Mary Shelley
errant dans les glaces de l’Antarctique
(au moins dans le roman il la découvrait intacte).
Où était-ce en fait ? demande-t-on. Ici et là
autour de nous dans un espace sans fin. Inimaginable ?
L’imagination ne prend-elle pas le pas sur la réalité ?
Elle crée des mensonges superbes pour donner vie à notre désir :
l’espace le gel l’éclat de la blancheur la chair
de poule le cœur qui ralentit. Et des livres
écrits sur la glace pour dire baleines et baleiniers
ours pingouins phoques Croc Blanc Jack London
et la baleine sacrée de Melville.
Bientôt pièces de musée et les musées eux-mêmes
tomberont en morceaux. Il suffit que se brise
une chose pour que tout de suite se brise
tout le reste
entraîné par l’élévation des mers
et leur secrète énergie.Et toi tu pleures sur la fin de ton long mariage
pour toi une trahison – peut-être l’automne
trahit-il l’été ? est-ce trahison aussi
tes premiers cheveux gris ?Antartide, 1 L’Antartide si scioglie, i suoi ghiacci
non sono più Antartide perché si frantumano
poi si tuffano in mare
diventano un’unica acqua. Perderà il nome
il gelo,i confini, il disegno, l’incantesimo.
Warning : once upon a time qui c’era
l’ Antartide –si leggerà su un cartello.
Si è ammalato un continente
immenso e silenzioso che parafrasava l’eternità.
Ricordo il mostro di Mary Shelley impazzito
brancolante tra i ghiacci dell’Antartide
(almeno lui,nel libro,la trovò intatta).
Dov’era esattamente ? – chiederanno. Qui e là
in giro, in questo spazio immisurabile. Immaginatelo.
L’immaginazione non prende il posto della realtà ?
Dice bugie magnifiche per sostituire lo spazio il gelo
il bagliore del bianco il tremito della pelle il rallentarsi
del battito e di tutto quanto era l’Antartide. E i libri
che si scrissero sui ghiacci e le balene le baleniere
gli orsi i pinguini le foche, Zanna Bianca e Melville
saranno presto pezzi da museo,e anche i musei
si scioglieranno in pezzi. Basta lo sciogliersi
di un qualcosa che subito si scioglie piano piano
tutto Il resto trascinato cancellato da questo alzarsi
delle maree da questa energia segreta.E tu piangi per la fine del tuo lungo matrimonio
e lo chiami tradimento - forse che l’autunno
tradisce l’estate ? Tradimento
anche i tuoi primi capelli grigi.
L’ADN canin Anna raconte :
J’ai rêvé
que j’avais l’ADN d’un chien.
Tout était normal pour moi et pour les autres.
Je marchais, travaillais, riais, sereine
avec mon ADN chienne.
Je répondais à un questionnaire pour un travail
livrant mes données personnelles
où se trouvaient mes nom prénom âge
et mon ADN canin.
Tout était normal :
personne ne faisait de remarques
jusqu’au moment où je raconte
très simplement au téléphone
à une femme
l’indescriptible plaisir de la neige
la légèreté de son silence intact
sa beauté subtile qui nous envahit.
Ah non, ça non, non et non,
hurle la femme écœurée
j’ai accepté votre ADN canin
mais je ne peux pas
absolument pas
tolérer
- honte à vous ! c’est inadmissible !
qu’en plus vous soyez poète !Il dna dei cani Anna racconta
ho sognato
di avere il dna dei cani.
Tutto era normale per me e per gli altri
Camminavo, lavoravo, ridevo serena
col mio dna dei cani.
Facevo una domanda di lavoro
esibendo i dati personali
dove c’era scritto nome cognome età
e il mio canino dna.
Tutto normale
nessuno mi diceva niente
finché per telefono semplicemente
racconto a una signora
l‘indescrivibile piacere che mi dà la neve
la leggerezza del suo candido silenzio
la sua bellezza invasiva e discreta.
Ah no, questo no,
urla la signora disgustata
ho tollerato il suo dna del cane
ma non posso
proprio non posso tollerare
- si vergogni ! Questa è una cosa infame !-
che lei sia anche poeta !
Etna L’Etna glisse vers la mer
on dit que les déchets de l’espace
tomberont sur nous mais où
on n’en sait rien. Sottises. Je pense
au moment de l’impact. À partir de ce point
tout peut changer : le temps entrouvert se dérobe
pendant que nous rentrons à la maison épuisés
nous tapons noms et nombres allons promener le chien
engloutissons la première bouchée de pâtes.
Quand le premier avion heurta les Twin Towers
au même instant le dentiste commençait à travailler
la joueuse de tennis concluait un set difficile.
Tous étaient en train de faire quelque chose.
Je crois que j’essayais un nouveau rouge à lèvres
mais la télé m’a requise on diffusait un film catastrophe et je n’en suis plus sortie. Clouée
au fauteuil terrifiée
à voir et revoir
le spectacle.En quel point du temps et de l’espace
l’Etna a commencé à glisser ?
Toi et moi à vieillir ? Etait-ce la nuit ?
A quel moment à nous aimer plus ou moins ?
Maintenant je ne fais plus attention
aux scansions et à la ponctuation incorrectes
aux phrases incontrôlées aux perturbations
imprévisibles ici et là de l’alphabet.
Je laisse aller. Je me laisse aller.
L’Etna continue à glisser.
Sur le sable, moi, je glisse vers la mer.Etna L’Etna sta scivolando verso il mare
intanto dicono che i detriti spaziali
ci cadranno sulla testa ma in che punto
della terra non si sa. Sciocchezze. Penso
all’attimo ustorio degli impatti. Dopo quel punto
tutto può cambiare : il tempo socchiuso svicola via
mentre stiamo tornando a casa stanchi o digitiamo
nomi e numeri andiamo a spasso con il cane
a cena con gli amici inghiottiamo il primo filo di pastasciutta.
Quando il primo aereo bucò le Twin Towers
in quell’attimo il dentista iniziava a trapanarci il molare
la tennista concluse infine un travagliato set.
Tutti stavano mettendo un punto da qualche parte.
Io so che mi mettevo il rossetto ma la tivù mi chiamò
e non uscii più. Rimasi incollata alla poltrona
a godermi atterrita lo spettacolo.In che punto del tempo e dello spazio
l’Etna iniziò a scivolare ?
Tu e io a invecchiare ? Era notte ?
A che punto ci amammo di meno o di più ?
Adesso non faccio caso se il testo
riporta scansioni e punteggiature scorrette
se le frasi presentano una incontrollabile perturbazione
al centro dell’alfabeto e il lessico è sempre sciatto
e non si possono fare previsioni sulla fine della storia.
Lascio andare. Mi lascio andare. L’Etna continua a scivolare.