Marlène Tissot, Sous les fleurs de la tapisserie
Éditions Le Citron Gare, 2013
Sous les fleurs de la tapisserie, qu’y a-t-il ? La rage, sans doute. Marlène Tissot égratigne ce qui se planque derrière les bonnes mœurs, l’apparence parfaite. Et en profite, au passage, pour régler ses comptes avec sa mère, son père, ses blessures d’enfance. Son regard acéré égratigne les travers de nos semblables, mais sait aussi se poser avec douceur et compassion sur leurs faiblesses. Les mots touchent juste, que ce soit pour dénoncer la futilité dans laquelle nous baignons (nos petits jeux / futiles) ou pour avouer son désarroi :
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les adultes sont juste des enfants
qui ont appris à faire semblant
et cachent leurs larmes
et tout un tas d’autre choses.
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Il y a une sensibilité à fleur de peau, prête à exploser, ou bien à se dévoiler doucement, acceptant de baisser les armes.
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Je ne sais pas trop pourquoi
je mens et ce ne sont pas réellement
des mensonges mais plutôt des choses
que je passe sous silence
[…]
comme si parler de moi
me faisait froid en dedans.
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L’écriture est clinique, mais savamment maquillée : il y a du glamour dans la poésie de Marlène Tissot, et c’est ce qui rend son recueil si intéressant : les fleurs de la tapisserie sont le fard et le rouge à lèvres qui camouflent l’usure, les cicatrices, les néons du quotidien ordinaire.
Hélène Dassavray, C’est gentil d’être passé Le pédalo ivre, 2013
Dans un style vif, ciselé, Hélène Dassavray aborde la passion amoureuse, et ses lendemains qui déchantent. Chaque page est une facette de ce que peut être la relation amoureuse entre un homme et une femme. Le prince charmant n’existe pas, pas plus que dans la vie. Le point de vue est ici celui de la femme :
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Il fut
Son homme
Son amour
Il demeure
Son aimé
Son danger.
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Hélène Dassavray parle sans doute beaucoup d’elle-même à travers ces textes. Elle parle de l’addiction, comment un homme peut laisser son empreinte au plus profond de sa chair, et des chagrins noyés dans l’alcool, mais sans pour autant tomber dans le misérabilisme. Il y a au contraire une bonne dose d’humour dans ces textes lucides d’une amoureuse qui connaît bien l’histoire entre les hommes et les femmes. Ce sont des histoires qui défilent ici, comme dans un road movie américain, histoires de femme éconduite, prise dans les rets de l’amour, ou aventurière qui veut aller jusqu’au bout d’elle-même :
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Elle aime sans filet
Elle veut la vérité
Elle mange la poussière
Des sentiments broyés
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L’ensemble du recueil est au fond assez touchant, on sent chez Hélène Dassavray une sensibilité ancrée dans la peau, en dépit de ses envies, parfois, de tirer une balle dans ce qui bat à la place du cœur de son homme...
Andrea Moorhead, Géocide Éditions du Noroît, 2013
C’est un recueil de toute beauté que nous offre ici Andrea Moorhead. Un regard posé avec douceur sur la souffrance de notre planète. À l’instar du photographe Sebastião Salgado qui, avec Genesis, nous offrait une exposition et un livre de photographies publié chez Taschen, rendant compte de l’infinie beauté de notre planète, Andrea Moorhead nous emmène aux confins d’un monde mystérieux et infiniment vivant, où chaque parcelle a un pouls et un battement de cœur. Elle nous emmène à l’écoute de notre propre organisme, pour mieux nous faire ressentir combien la nature est vivante.
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Des pierres ultramarines autour de ton corps
cicatrices ou étoiles perdues
qui saurait la réponse à l’énigme,
[…]
quelque chose de bleu marine ou en pierre vaporisée,
les légendes nous racontent des épisodes tristes
des mystères de chair et d’os
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Andrea Moorhead nous invite à écouter la souffrance à laquelle notre planète terre est confrontée. Elle nous rappelle l’accident nucléaire de Fukushima, la violence des guerres. Chaque cratère creusé par les bombes est une plaie dans la peau de la terre. Elle nous rappelle la fonte des glaciers. Notre planète a un visage, des dents, des yeux, elle saigne : tes dents gardent la trace des sons / ta lèvre inférieure des gouttes de sang.
Elle nous donne à écouter de l’intérieur cette inexorable démolition.
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Viens, ne pleure plus, la nuit est douce
et la mélodie du jour à venir reste
dans la musique de la mer indomptable
les feux radioactifs sont éteints
et le croissant de lune touche la terre.
Cécile Oumhani, La nudité des pierres Al Manar, 2013
C’est un livre sur le dépouillement. Sur l’ascèse d’une terre qui rappelle des contrées désertiques. C’est un livre sur l’espace. Celui que l’on s’invente, à la limite des confins.
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Tu fis ce voeu de nudité
âpre et lumineuse
tu allais à tâtons
assourdie de murmures et de chants
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Le texte s’écoule avec paix, formant un chant ancien et harmonieux, rappelant un texte sacré. C’est un livre sur le mystère, sur un ailleurs que l’on devine, auquel on accède en rêve.
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Etroite la gorge de ronces
brûlée de sel et de braises
tu t’enivres du seuil
enfiévré de mots et de pétales
collés à ta bouche
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Ira-t-on rejoindre la nuit du miroir, rejoindre ces temps anciens où les enfants devenaient rois ? Mondes anciens rappelant les mille et une nuits, où l’on pactise avec les djinns.
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Le chemin est escarpé, il reste le pas de la terre, le voyage. Cécile Oumhani chante une terre perdue, une terre d’Orient aux doigts de jasmin.
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Il est tard au café
vaincues
des silhouettes d’hommes attablés
rejoignent les fonds marins.
Valérie Canat de Chizy