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Marielle Hubert

mardi 14 janvier 2020, par Cécile Guivarch

Extraits de Sept pavés pour survivre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Entretien avec Clara Regy

Dès notre première lecture, le choix de ce titre Sept pavés pour survivre nous interroge. Dire qu’il est singulier alors qu’il y a sept unités autonomes serait un peu curieux, cependant c’est bien ce qui m’est tout d’abord venu à l’esprit...
- Alors sept pavés à jeter ? Sept pavés pour construire ? Un choix esthétique ?
Voici le premier thème que nous aborderons, si vous le voulez bien.

J’ai conçu cet ensemble comme une barricade : il s’agit d’éléments prélevés en urgence dans le quotidien pour faire face à une menace. Les pavés sont entassés de façon réfléchie, il s’agit d’éviter l’écroulement. Pour pouvoir se protéger derrière le mur mais aussi pour repousser l’assaut du monde et riposter, il faut que le rempart soit pensé, solide, ample : agencé. J’ai toujours un rapport extrêmement concret au texte, les poèmes sont de longueur irrégulière mais ils sont massifs. Ce sont bien sept pavés pour survivre mais rien ne dit qu’ils sont efficaces.

Si l’on s’en tient au nombre sept, nous pouvons encore progresser dans la réflexion : perfection dans la Bible ou péchés capitaux ? Ou tout simplement les sept jours de la semaine ?
Vous nous proposerez ainsi un cheminement « éclairant » sur cette mise en forme toute particulière.

Le chiffre n’a pas été choisi au préalable, au septième pavé, j’ai senti que le but était atteint, une forme de sécurité sans doute. Je suppose que « sept » découle du rythme d’une semaine qui est une pulsation absolument assimilée. Je suis très attachée au décompte des choses vécues, aux dates, aux poids des objets, à la distance entre deux points. Je dessine des calendriers spécifiques pour chaque événement important et les poèmes sont pour moi des unités de mesure de l’existence.

Puis « survivre » un terme fort s’il en est, ce texte constituerait alors un ensemble de conseils donnés, offerts à vos semblables ?

Oh non, je ne donne pas de conseils, surtout pas ! J’essaye plutôt de définir un territoire, une limite à celui-ci, un monde avec des contours, une identité propre, une cadence aussi. C’est ce qui constitue à mes yeux le geste de l’écriture : tracer la ligne de partage du langage avec de part et d’autre le dedans et le dehors. Si certains de mes semblables se sentent en sécurité dans ce lieu construit, tant mieux. C’est de cette façon que je lis les autres écrivains, parfois comme des frères de territoire, parfois comme des étrangers que je visite, souvent comme des voisins hostiles.

Votre écriture se veut acérée, ponctuée de termes forts : « suicide », « trahison », « pendaison » seule la tristesse se pose entre deux adjectifs tendres, mais aussi sans limite « gentille tristesse infinie », peut-être aussi, sans espoir de consolation ? Pouvez-vous nous en dire davantage ?

C’est exact, il n’existe pas de consolation au fait d’être né(e), tout effort dans ce sens est vain. Reste à dire et à redire l’incompréhension d’être sortie du néant et la vanité de tenter de vivre. Il est difficile de se faire entendre avec un tel projet car beaucoup recherchent la rédemption, le mieux, l’expression du moindre bruissement de la vie et sa beauté. Je me sens étrangère à ces univers, préférant de loin ce qui fait du bruit, les écritures qui débordent, qui cassent sans proposer de solution de remplacement.

Alors ce texte : sept monologues ? Sept tirades face à un personnage muet ? Sept « apartés » ?
Que répondez-vous ?

Sept discours dont chacun chercherait à épuiser le monde en une fois. Sept échecs. Mais sept tentatives.

Et pour terminer quels sont les trois mots que vous mettez (ou cachez), spontanément, derrière celui-ci : « Poésie » ?

« Salaud. Choucroute ». (Maïakovski).


Marielle Hubert est née en 1983 à Maisons-Laffitte. Elle est auteur, scénariste et metteur en scène. Après des études de lettres puis d’édition, elle part vivre à Oxford en 2005 où elle travaille pour la Voltaire Foundation. De retour en France elle fait d’abord parler les autres (Artaud, Vian, Michaux, Maïakovski, Ford) en fondant la compagnie de théâtre la Folie Nous Suit dont elle est le metteur en scène jusqu’en 2014 à Lyon. Entre deux spectacles, elle écrit essentiellement de la poésie. En 2015, elle entre à la Fémis en section scénario, en sort diplômée et auteur d’un premier long-métrage Hôtel des Voyageurs. En 2019, elle achève la rédaction de son premier roman et rejoint la revue de poésie contemporaine l’Écharde pour son troisième numéro.


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