Écrivain et poète, Mérédith Le Dez, née en 1973, vit et écrit à Saint-Brieuc.
Après des études de lettres et d’anglais à Nancy, initialement professeur de lettres modernes (1995-2007), très marquée par les mouvements sociaux de 2003, et la destruction des services publics dont en particulier ceux de l’enseignement, elle interrompt sa carrière de professeur et reprend des études à l’occasion d’un congé sans solde. Après un Master Métiers du Livre et de l’Édition (2004-2005) et un stage à Cheyne éditeur (avril-août 2005), elle démissionne de l’Éducation Nationale et crée les éditions MLD (2007-2013) autour de cinq collections de littérature et poésie principalement. À partir de septembre 2014, elle s’engage à plein temps, toujours bénévolement, en faveur du livre et de la culture au sein de plusieurs associations. Elle poursuit parallèlement son travail d’écrivain, participe à des rencontres et festivals en France et à l’étranger (Haïti), anime parfois des ateliers d’écriture. Elle a été poète invitée en résidence par les Itinéraires Poétiques de Saint-Quentin-en-Yvelines de janvier à mars 2016. Publiée depuis 2008 d’abord chez Folle Avoine, outre des publications en revue, des articles et des préfaces, elle est l’auteur d’une dizaine de livres, alternant prose et poésie.
Elle a reçu en 2015 le prix international francophone Yvan-Goll pour Journal d’une guerre (Folle Avoine, 2013) et en 2017 le prix de poésie française Vénus-Khoury-Ghata pour Cavalier seul (Mazette, 2016). En 2018 paraît aux Editions La Part commune son second roman, Le Cœur mendiant.
À paraître aux Editions Mazette en 2018 : La Nuit augmentée (poésie) et Mes amours leur ressemblent – Impressions fantômes, livre d’artiste avec Floriane Fagot.
Extrait de Journal d’une guerre, Éditions Folle Avoine
I.
Je pourrais écrire
Journal d’une guerre cela s’appelleraitmais la guerre est morte
et l’on meurt sans cesse à soi-même
de nostalgie de manque et d’horreurje pourrais écrire sur la guerre
cela s’appellerait La guerre n’est rien
qu’y a-t-il quand la guerre est finie
puis-je parler de paix
si je détruis impitoyablement le mondeles jonquilles fleurissent sur les décombres
je remarque aujourd’hui leur intime parfum
entre colza et obsessionla jonquille est une fleur épaisse
elle ne froisse pas entre les doigtsla jonquille n’est pas subtile
et guerrière solide
elle triomphe de loin
en bouquets
sur la verdure pauvre
de l’hiver qui meurtson odeur
entre colza et obsession
ce même effluve
aujourd’hui seulement
je le remarquela jonquille n’a aucun pouvoir
la jonquille fleurit sur les décombres
elle triomphe sur l’absencela jonquille vibre
du jaune de sa corolle
et meurt
d’une écrasante vanité
la jonquille
son siège lapidaire
la jonquille
tapie dans l’ombre
et javelot tout à coup
pour poignarder l’hiverj’ai connu un pays pourtant
où la jonquille sauvage
conquiert sans peine
des terres âpres
sous le ciel
un pays que j’aimais
rude et secret
comme une crinière mêlée
de sel et d’herbe
sème le désordre
et réclame la prière
Extrait de Cavalier seul, éditions Mazette
Je suis à l’arrêt devant
l’horizon immobile
et les deux chevaux
tout pareils
dans ma tête
dorment
chacun de son côté.Par moments
je pense au poids
de mémoire brûlée
qui pèse dans la marche.Je devrais peut-être ôter
le sac de mes épaules
puisqu’il ne contient
rien de vrai
que du vent fait
du bruit de tant
de pages envolées.Mais
est-ce que je pourrais
encore avancer
privée de l’équilibre
de son corps
inerte.
Extrait de Quatre chevaux de hasard, éditions Folle avoine
Fatigue mal déguisée
sur la route de décembre
j’ai peine à marcher
je marche et je pourrais tomber
ou bien m’appuyer sur le mur
et attendrela tristesse est une robe ancienne
et l’habitude une autre tristesse
sa doublure lissemais le chagrin profond sais-tu
toi qui marches près de moi
qu’il s’enroule
comme une corde serrée à mon cou
de toute sa force encore neuve
et brutalesais-tu toi
s’il faut toujours que les blessures
se creusent
à mesure que l’on avance
et s’il faut toujours plus se défaire
de soi
jusqu’à la mortsais-tu toi qui marches près de moi
que je n’ai d’autres armes
que celles de la tristesse ancienne
et d’un profond chagrin
pour entre dans l’hiver
Extrait de Paupières closes, éditions Mazette, avec des peintures d’Emmanuelle Boblet
Ce qui saigne et vient signer par mystère
ta parole dans la litanie des forêts bleues
entre les temps anciens et l’âge nouveau
parfois dans l’instant pris pour le miracle
tu l’entrevois sous la fente des paupières
fougère violente et crue de vérité révélée
et si parfois en herbe dénouée tu respires
allant pâle et noire traverser l’air et l’eau
d’un geste éperdu vainement tu t’épuises
encore de vouloir atteindre le corps blanc
d’une autre en exil dans ton cœur éloigné
du siècle à ciel court sur de maigres élans
Bibliographie
Romans
- Le Cœur mendiant, La Part commune, 2018
- Baltique, roman fantôme, Le bruit des autres, 2015 (épuisé)
Récit
- Polska, Folle Avoine, 2010
Poésie
- Paupières closes, avec les peintures d’Emmanuelle Boblet, Mazette, 2017
- Cavalier seul, Mazette, 2016, Prix Vénus-Khoury-Ghata 2017,
- Chanson de l’air tremblant, poème caraïbe, avec les gravures de Chantal Gouesbet, La Lune bleue, 2016 (épuisé)
- Quatre chevaux de hasard, Folle Avoine, 2015, Bourse de création du CNL 2012
- Journal d’une guerre, Folle Avoine, 2013, Prix Yvan-Goll 2015
- Les Eaux noires, Folle Avoine, 2008
Livre pauvre
- Passage du feu sur la paroi, avec Chantal Giraud, Daniel Leuwers, 2017
Dernières parutions en anthologie/revue (2016 - 2018)
- Inna geografia/Une autre géographie, 12 poètes contemporains de Bretagne (Côtes d’Armor) traduits en polonais par Kazimierz Brakoniecki, choix et préface de Mérédith Le Dez, Convivo, Varsovie, mars 2018.
- Anthologie “ Duos ” 118 poètes nés après 1970, sous la direction de Lydia Padellec, Bacchanales n°59 - Maison de la Poésie Rhône-Alpes, mars 2018
- Gisant, blancheur - Mirage d’une paix (poème) Apulée numéro 3 (Zulma, mars 2018)
- Angèle Vannier, L’invisible ou la nuit éclairée, éditorial i rouge numéro 2, décembre 2017
- Sablier, poème inédit, in Voix vives de Méditerranée en Méditerranée 2017 (éditions Bruno Doucey, juillet 2017)
- Le Corps perdu (poème) Apulée numéro 2 (Zulma, mars 2017)
- Spered Gouez numéro 22 (novembre 2016), Eloge de la frontière, deux poèmes inédits
- Salah Stétié - D’eau et de feu : poésie, langue lampée, éditorial i rouge numéro 1, septembre 2016
- L’âge des forêts, poème inédit, in L’eau de la poésie est son feu, Mélanges offerts à Salah Stétié, Editions de l’Université Antonine, Beyrouth, Liban, 2016
Photo : Pascal Glais