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P’tites Lectures de Lydia Padellec

dimanche 10 janvier 2021, par Cécile Guivarch

Falaise d’Aval , Michel Duflo, illustrations de Véronique Arnault (Pippa, 2020)

Plus de vingt ans de pratique du haïku, après un premier recueil paru en 2014 aux éditions de la Lune bleue, Michel Duflo nous offre son deuxième livre où se dévoilent toutes ses facettes de haïjin. Composé de quatre parties dont les titres issus de haïku évoquent l’enfance, Falaise d’Aval est un retour aux sources, un « retour au pays ». Avec nostalgie mais aussi beaucoup d’humour, le haïjin peint sa Normandie natale à coups de pinceau authentiques : « maison de famille - / comme elle a grandi / l’araignée » ; « jardin potager - / mon père déguisé / en épouvantail » ; « journée de la femme - / bien avant l’aube / la fermière à l’étable ». Michel Duflo nous invite dans cette Normandie qu’il aime, à travers ses souvenirs et le temps présent, ce temps qui s’effrite comme de la craie : « Falaise de craie - / un ancien monde / s’effondre ». Ces haïkus subtils, drôles, touchants sont accompagnés par les œuvres de Véronique Arnault, où le noir et blanc joue de l’ombre et des reliefs – calligraphies d’images.

Sous la ramée des mots , Georges Cathalo (Henry, « La main aux poètes, 2020)

Poèmes de la fraternité et de l’amitié, Sous la ramée des mots dont le titre fait écho aux vers de Verlaine mis en exergue, est un délicieux recueil qui rassemble une quarantaine de poèmes. Le livre s’ouvre et se referme avec un poème dédié à la femme aimée, celle qui accompagne le poète sur les sentiers de la vie « comme une sonate des âmes / qui s’élève lentement. » Poèmes dédicacés aux amis présents et disparus, tels des clins d’œil, comme celui à Michel Baglin page 41 :
Poétique

à Michel Baglin i.m.

poésie partout
poésie à chaque seconde

aller de partage en partage
au fil des écritures croisées
au gré des genres et des humeurs

et si le monde est poétique
pesanteur et légèreté
s’épaulent pour avancer

poésie de chaque instant
poésie ouverte et fermée
poésie partout.

Rêves de Paysage , Claudine Bertrand, photographies de Joël Leick (Dumerchez, 2018)

Claudine Bertrand nous entraîne à travers ses poèmes vers un onirisme sensuel et délicat d’un paysage où « l’intimité / crie sans bruit » et qui, d’Un tressaillement (…) délivre ses secrets ». Le premier paysage est celui de « l’insolite Acadie », en bord de mer où le corps du désir ne fait qu’un avec les « dunes ondulantes ». Le second paysage nous emmène « Dans un parc » où « l’amour se décline / sur les monts de verdure ». On y croise un « hêtre rieur », « des voix / qui se déploient / traquant l’imaginaire », « un homme au hasard / comme une sorte d’impromptu ». Les photographies végétales et poétiques de Joël Leick s’enchevêtrent sensuellement aux poèmes, sans aucune redondance, faisant ainsi de ce beau recueil un livre rare.

Devant la fenêtre
des branches
enchevêtrées
et inextricables
comme son existence

Elle lit l’histoire
d’une héroïne
emprisonnée

Aperçoit une artiste
dessinant l’âme
de chaque feuille

Éphémérides , Dominique Borée (L’Atelier du Groutel, 2020)

Sur l’idée de l’éditeur et typographe Jacques Renou, Dominique Borée a proposé 365 haïkus et tercets, écrits entre 2016 et 2018, pour une éphéméride en quatre volumes, chacun représentant un trimestre. L’Atelier de Groutel fabrique des livres en typographie traditionnelle, avec des caractères mobiles de plomb. Un travail précieux et rare. Cet ensemble tiré à 35 exemplaires numérotés et signés, avec des vignettes de la Fonderie Typographique Française, sur un beau papier Arche, est rassemblé dans une pochette en toile cousue : du bel ouvrage ! C’est donc dans cet écrin délicat que reposent les merveilleux haïkus de Dominique Borée : « dentelle de givre - / l’araignée / a changé d’adresse » (8 janvier). Des situations cocasses non dépourvues d’humour : « tombé sur les fesses - / le buste du square / n’a rien vu » (20 janvier) ou encore « soleil au salon - / mon haïku sur le bout / de la langue du chat » (20 octobre). Tendresse aussi et humilité devant la nature : « nous partageons / le goût pour les cosmos / la guêpe et moi » (11 août).

Forêts incluses , Gilles Fortier (EO, 2020)

Il s’agit de forêts intimes, incluses en nous, d’arbres ancrés au plus profond de notre corps, des racines à la cime dans un enchevêtrement de sentiments, de souvenirs, de douleurs. Souffrance d’abord de l’abandon, de la perte, de l’impossible deuil d’un amour : « Car c’est la nuit / Que tu me parles / Et l’insomnie fait une absence / Immense. » Le poète nous invite dans une première partie « Vue de dos trois quarts », à travers des poèmes en vers libres, à découvrir ce « vain amour » où il se « surprend à voir la vie continuer / Toujours trouver son chemin ». « C’est seulement quand je chute que je veux vraiment être un oiseau / Comme si soudain des ailes étaient la solution ». Des poèmes beaux et simples, humilité des sentiments :

L’émotion passée
Le souvenir
Surgit sans prévenir
Comme une bourrasque
Une saute de vent
Une humeur imprévue
Chargée de parfums bavards
Une fleur éternue son pollen
Et un arbre expulse sa sève
L’amour est une si fugace
éternité

La deuxième partie du recueil « Forêts incluses », divisée elle-même en deux sous-parties, nous dévoilent deux récits poétiques, celui d’une jeune fille vivant avec son frère et ses sœurs dans une forêt, en marge du village, abandonnée, elle aussi, par son amant ; puis, celui d’un homme et de sa métamorphose, son désir d’être oublié, de s’oublier, de se fondre entièrement dans la forêt – une forêt où « Tout est soudainement incendié dans la lumière et se digère ».

Lydia Padellec


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