Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

Accueil > Terre à ciel des poètes > Patricia Castex-Menier

Patricia Castex-Menier

lundi 30 mars 2020, par Cécile Guivarch

Née à Paris, où elle réside toujours, en 1956.

Extraits de Questions de lieu, Cheyne éditeur, 1985

Pleine

pente d’herbes hautes

 

puis

terrasses

où s’appuient les promesses :

 

rien

d’immédiat dans la beauté.

 

°°°
Dans

l’usure du corps

 

ce

désir d’aller, cette famine

d’être,

 

cette

battue avec le souffle

plus rare,

 

quand

la paix des villages
est sans réponse.

Extraits de Chemin d’éveil, Cheyne éditeur, 1988

 
S’il

convient maintenant d’ouvrir les yeux,

 

ce

sera comme on remonte du fond d’un lac,

 

brasses

lentes de la pensée,

 

vers

la surface enfin

où nous attend d’une seule vue

 

l’étrangeté

des commencements.

 
°°°

 

Sur

la table,

les choses simples restent pour la nuit.

 

Le

bol et le pot ont leur éternité,

 

une

bonté peut-être de repères,

pour les errants que nous sommes.


Extraits de Passage avec les voix, éditions du cygne, Paris, 2013

 
Peut-être ai-je trop sacrifié

aux dieux des portes.

 

Des petits dieux, si peu connus.

Leur modestie me plaît.

 

Ils n’ont pas de noms,

ne réclament que des offrandes mineures.

 

C’était suffisant pour la parole pusillanime.

 

Il est temps

de me tourner vers ceux des fenêtres,

 

à travers lesquels, aux jours fastes,

sont visibles les arbres,

 

et aux jours néfastes, la violence du monde.

 
°°°

Il

faudrait que la voix à présent

monte en puissance.

 

Ses chemins sont profonds depuis toujours,

 

je les ai suivis en surface,

me fiant longtemps à leur écho souterrain.

 

J’en ai tiré, de temps à autre, quelques bienfaits,

 

comme on prend à la source juste ce qu’il faut

pour boire au creux des mains.

 

Mais maintenant j’ai tant de choses à dire,

puisque tu les attends.

Extraits de L’instinct du tournesol, éd Les Lieux- dits, Strasbourg, 2020

Je

ne veux pas,

 

résolument,

 

de

cette pente toujours possible,

 

et

naturelle, dit-on,

 

qui

nous entraîne vers les ténèbres.

 

J’aurai

l’instinct du tournesol.

 

°°° 

 

Résolument

du parti des fenêtres,

 

des

balcons, des terrasses,

 

des baies

et des verrières,

 

des

toits ouverts.

 

Pour

la clarté

 

qu’on

espère immédiate.


Extraits de C’est si simple un poème, éditions Pippa, Paris, 2019

Il

ne se passe

vraiment rien.
                           Nous

                           sommes vivants

                           dans la paume du temps.

 

°°°
Que

le regard

ne soit que fleur éclose.

                           Jusqu’à la fin

                           les yeux grandiront.

 

°°°

Le

pas, le sol, leurs épousailles.

                           Tous

                           les chemins méritent d’être aimés.

 

°°°
Tout

entier le corps

heureux de marcher sur terre.

                           L’âme

                           dans le sac à dos à déballer en arrivant.

Extraits de Adresses au passant (épitaphes ordinaires), éd Henry, Montreuil sur mer, 2018

Ci-gît le jour,

 
dans sa splendeur encore,

et nous nous retournons trop tard

sur aujourd’hui.

 
Regrets,

en fermant les persiennes.

 
°°°

 
À

la douce matinée,

que le soleil faucha en plein midi.

Au soir fragile,

que les ténèbres prirent à revers.

 
°°°

 
C’est

l’absence d’un regard,

et non le grand âge qui l’acheva :

hier s’est éteinte la beauté,

dont plus personne n’avait faim.

 
°°°

La

dixième heure fut sa dernière.

Tué à la légère, le papillon.

Et pour ceux qui surent voir,

la lumière de ses ailes tira sa révérence.

 
°°°

 
Au

regard attentif,

au cœur consentant,

au salut ordinaire,

aux gestes délicats,

à la pensée émerveillée.

 

Les simples choses reconnaissantes.

 

°°°

 
Je

t’ai abandonné, toi l’étranger qui jamais n’as de nom.

(stèle du droit d’asile, XXI siècle)
 

°°°
 
In memoriam le clandestin,

Requiescat le réfugié,

Miserere pour le migrant.

De profundis le disparu si près des côtes.


Extraits de Chroniques incertaines, éd Petra, Paris, 2019

Un ange, c’est fascinant. À condition de ne pas croire aux anges. Dès l’enfance, on devrait se le promettre : n’y croire jamais. Un programme de vie, une assurance sur le bonheur. Ainsi, des anges, on en rencontrerait partout, souvent, de toutes sortes. Sans avoir à se demander si ce sont des anges, ou non. On leur donnerait des prénoms, les conduirait à la promenade. On en humerait la senteur dans le bouquet, se laisserait frôler par leur passage à travers les persiennes d’été, en goûterait tantôt le sel tantôt le sucre dans le plat mijoté, surprendrait leur musique dans les gouttes de pluie. Cela peut prendre, en effet, toute une vie. Jusqu’à ce qu’enfin on imagine le temps à leur image, le temps à son terme, qui un jour vient nous prendre en repliant sur nous ses ailes doucement.

 

°°°
 

Depuis quelques jours, Baudelaire est revenu en ville, Baudelaire a retrouvé sa ville. Je l’ai croisé plusieurs fois, à un carrefour, dans le hall d’une des grandes gares, adossé à la grille d’un parc, derrière la porte vitrée d’une librairie, et même à l’entrée d’un restaurant. J’en profite. Son nœud papillon, son large revers de redingote, son front dégarni, sa bouche amère, et son regard, son regard ! Que voit-il ? Puisqu’il faut bien que je traverse la rue ou que je prenne mon bus, je ne peux pas m’attarder sur cette question. Je me dis simplement : il regarde sa ville. Et moi je le regarde qui regarde sa ville. J’en profite. Dans deux mois, quand l’exposition aura fermé ses portes, on décollera les affiches, pliera le poète sur lui-même, et tournera son regard vers l’intérieur du rouleau.

Nous sommes à la lisière, inédit

Avec

lenteur,

depuis des millénaires.

 

Ici

bien avant nous,

 

les

animaux nous observent.

 

Nous

approchons

de la terre inconnue.

 
°°°

 

Sans

efforts,

 

comme

en passant on remarque

 

une

chose sans importance,

 

ils

nous regardent un instant,

 
puis

se détournent pour longtemps.


Lettres à mon corps, inédit

Salut, mon corps ! Fais comme le soleil ; lève-toi, couche-toi, mon corps. Rappelle-toi au matin l’aube droite du premier cri, dresse-toi. Puis chatoie, ondule, prends tout le ciel comme tant d‘aurores boréales dans l’amour. Ensuite resserre-toi, referme le poing sur le trésor de tant de crépuscules comme taches de lumière sous les paupières. Enfin, selon ton habitude, ne te presse pas, l’ultime soir, pour te coucher lentement, lentement, avant de livrer d’un coup tes derniers feux.

 

°°°
 

Comme
tes semblables d’il y a des millénaires, tu es venu de la mer. On peut imaginer tes efforts, pénibles sans doute, de mutant. Au départ tu rampais. Tes branchies paniquaient. Hier une sortie, un échouage. Aujourd’hui, tu te souviens, mon corps, debout sur tes deux jambes au ras des vagues. Est-ce le souffle ? Une houle jumelle monte et descend en toi, allers-retours de tes narines à ton ventre et de ton ventre à tes narines, une marée docile par laquelle tu respires.


Bibliographie

Poésie

  • Chez Cheyne éditeur, Le Chambon-sur-Lignon :
  • Questions de lieu, 1985
  • Chemin d’Eveil, 1988.
  • Infiniment demeure, 1992.
  • Ce que me dit l’ensevelie, 2001.
  • Bouge tranquille, 2004.
  • X fois la nuit, 2006.
  • Aux éditions Vincent Rougier, Soligny la Trappe
  • Achill Island, moutons et cetera, 2006
  • Révisions, 2009
  • Rimbaud design, 2014
  • Soleil sonore, 2017
  • Aux éditions La Porte, Laon
  • Episodes, 2010
  • Octobre déjà là, 2013
  • Le dernier mot, 2016
  • Notes d’Égée, 2018
  • Aux éditions du Cygne, Paris
  • Passage avec les voix, 2013
  • Al Andaluz, (avec Werner Lambersy), 2019
  • Aux éditions Henry, Montreuil sur mer
  • Suites et fugues, 2014
  • Bleu baleine, 2016
  • Adresses au passant, 2018
  • Autres maisons d’éditions
  • Lignes de Crète, éditions de Vallongues, 1987
  • Tablas, éditions Théâtre Vesper, Paris, 1989
  • À ton nom d’archange, La Bartavelle Éditeur, Charlieu, 1997
  • Occupation du sol, éditions Vent de Terre, Frontignan, 2009
  • Reconnaissance, éditions Al Manar , Paris2009
  • Quatre saisons en un jour, éditions l’Amourier, Coaraze, 2009
  • Jardins publics, éditions Aspect, Nancy, 2011
  • Instantanés, Aux éditions Tipaza, Cannes, 2018
  • Miniatures, éditions Tensing, Le Pecq, 2015
  • C’est si simple un poème, éditions Pippa, Paris, 2019
  • Chroniques incertaines, éditons Petra, Paris, 2019
  • L’instinct du tournesol, éditions les Lieux dits, Strasbourg, 2020
  • Les mots du silence, (numéro spécial, collection empreintes), éditions À L’Index, Épouville, 2017

Récit :

  • L’éloignée, éditions La Dragonne, Nancy, 2001.

Livres d’artiste, tirage limité :

  • Chez B.G Lafabrie, Paris : Claires-voies, 1990
  • Chez Sarah Viame, Céphélides , Paris : Entrepas (avec W.lambersy), 2006
  • Chez Maria Desmée, collection « les révélés » : Interstices, 2007
  • Avec Jacques Bibonne, Miniatures, 2014
  • Chez Brigitte Dusserre-Bresson, Notes d’Égée, 2018

Théâtre, pièce pour enfants :

  • Le Roi Berdagot, (Avec Werner Lambersy), éditions Vincent Rougier, Soligny la Trappe, 2005.

Entretiens

  • Avec et pour Pierre Dhainaut, À travers les commencements, éditions Parole d’aubes , Grigny 1999.


Bookmark and Share


Réagir | Commenter

spip 3 inside | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 Terre à ciel 2005-2013 | Textes & photos © Tous droits réservés