Pauvre H. Jean-Pierre-Georges. Tarabuste éditionsJean-Pierre Georges continue avec Pauvre H. son entreprise de dérision. Cherche-t-il toujours des réponses à ce qui se rapporte aux affaires humaines comme Montaigne ? Il vit et écrit « à petites gorgées d’amertume intime ». Mais si ces notes personnelles touchent parfaitement leur cible c’est qu’elles sont surtout pleines d’humour. Alors Montaigne mâtiné de Tardieu ? Ce sceptique jamais cynique fait de lui-même l’objet essentiel de son écriture. Pauvre Héros du quotidien ? Mais aussi Pauvre Hère, ou simplement Pauvre Homme !
Il ne s’agît pas ici de faire une analyse du caractère de J.P. Georges, nous n’oublions pas l’écrivain qui, comme d’autres philosophes (Cioran, David Hume, Wittgenstein par exemple) pratiquent l’auto-dérision comme sujet. Jean-Pierre Georges nous livre ses réflexions sur la vie, nos habitudes, nos coutumes, nos lois, sur l’écoulement du temps, la solitude, l’amour, la pensée de la mort en philosophe (ou en poète ?). Est-ce dans la forme que l’on reconnaît l’un ou l’autre ? L’organisation des phrases en prose ou en vers ? Dans ce livre, le travail des mots, s’il surgit d’évènements simples est alimenté par la conscience de notre humanité, par la connaissance, l’expérience de la lecture, l’intérêt pour la littérature. J. P. Georges est un lecteur actif, un penseur de chaque instant. Dans sa manière de dire et de donner forme à ses méditations, « ses petites notes », il se moque gentiment du poète (qu’il est !). Les morceaux de prose, les jeux de mots percutants se succèdent et quand il joue au « poète », c’est-à-dire quand il superpose les phrases, il le fait remarquer en ajoutant : (poème) !
Tant de ces notes nous réjouissent qu’il faudrait tout citer ! Tout lire ! Et relire ! « Je sais que je ne sauriens »- est-ce une réponse au « Que sais-je ? » de Montaigne ?
S’il veut « à toute force communiquer son manque d’enthousiasme », il y réussit fort bien mais on sent pointer le sourire narquois et la lucidité sur la vie, l’âge : « le problème avec la lucidité c’est qu’elle ne rate jamais une occasion de mentir » ! Tout est là : la poésie avec la lumière du rouge-gorge dans la brume ambiante, l’érotisme au passage d’une femme… Jean-Pierre Georges arpente son territoire tourangeau en chasseur d’émotions (même un combat de feuilles dans le caniveau le sollicite). C’est quand même l’idée de la mort qui prédomine dans ce dernier livre, cet évènement inconnu, cette « première » qui sera aussi une « dernière ». « N’ayons rien si souvent en tête » disait déjà Montaigne.
« Ecrire – dit Jean-Pierre Georges – c’est creuser un sillon autour d’un gouffre ». Ce mélancolique ne « broie que du gris », il n’est pas un désespéré /désespérant – ni haine, ni mépris pour l’autre, il s’étonne d’être ce pauvre h. Est-il seulement un homme avec un petit h. au singulier ? Il est l’Homme, le H. pensant. Il pourrait tout aussi bien être ce pauvre Hun solitaire roulant à travers steppes et campagnes sur son vélo, ravageant les paysages de ses pensées sur notre époque. Ainsi, allant, il partage avec nous de longs soliloques avec lui-même.
En se moquant toujours, il souhaiterait que l’on dise de lui qu’il est un auteur « épatant » ! Et bien voilà, c’est dit !
Luce Guilbaud. Mai 2021