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Rati Saxena, poète indienne, traduite de l’anglais par Raymond Farina

lundi 20 octobre 2014, par Cécile Guivarch

UN FIL EST FILÉ

Un fil est filé
Une semence germe
Une terre/un sol se réveille
Un ciel se change en arbre
Et un petit moineau/oiseau
Descend se percher sur
Le doigt de ma main gauche

*

Toi qui es un brin de lumière,
Toi, la rosée à la pointe d’une épine
Une pousse sur la terre desséchée
Comme un secret sur un frisson
Comme l’acuité de la vision
Tu es venue vers moi
A l’encontre de toutes les âmes
Qui furent détachées du ventre

Pour ces milliers de sons
Tombés au fond des eaux

Un ver s’enfonce dans son terrier profond
Une conque écrit un mot
Le fil d’une toile

Clic… est brisé

*

Je veux lire
Les lettres des rêves
Ecrits sur tes paupières
Et en connaître le manuscrit
Écrit longtemps avant
La civilisation de la vallée de l’Indus
Écrit avec le cours des fleuves
Entre montagnes et fleuves
Je veux donner à mon pinceau fané
Les couleurs de tes rêves
Ravis par des arbres venus des cieux
Avant de prendre vie dans le monde

Je veux écrire un poème
Qui s’est imprégné
Du gargouillement de ton âme
Comme d’une huile la mèche aux flammes Dansantes

Et ainsi réveiller
Le Anahad naad*
Caché au fond de mon nombril

*

Comment reconnais-tu
Les airs et des Rasas cachés*
L’esprit et l’âme
Les sons
Contraires aux classicisme
Comment deviennent-ils doux comme lait
Dès qu’ils te parviennent
Que tes paupières deviennent lourdes
Quand tu écoutes ma berceuse

Comment tisses-tu des rêves
Avec les mots du sommeil
Et comment trouves-tu
Le sens de ceux qui ne sont pas là
Mais se déploient comme
Le dédale d’un tunnel
Jusqu’au moment dans le passé
Où toi et moi
Convergeons en un point…

Je reste perplexe !

*

Je file tes pleurs
Comme des fils
Je brode ton sourire
Sur la trame de la toile
C’est alors que je vois en toi le visage de ta mère
Qui étend ses pieds au soleil
En comptant les moments de paix
Les yeux clos

Assise elle filait
Les rayons dorés du soleil
Je l’ai toujours vue de loin
Avec peu d’intérêt
Avec une étrange hostilité
J’étais incapable de comprendre la raideur dans ses doigts
Ou la douleur dans ses genoux
Je n’ai jamais désiré la serrer dans mes bras

Tu souris entre tes pleurs
Je t’embrasse sur le front
Comme si j’embrassais les doigts douloureux
De ta mère

Ta mère dont le drap à demi tissé
Descend les quatre marches
Et s’assied sur mes genoux

Je trouve dans mon armoire
Deux masques
Vieux de presque 30 ans,
Un peu sales mais solides comme neufs

Ta mère les époussette
Les décore
Et les pend au mur
Ils commencent à sourire
Libérés après 30 ans d’emprisonnement

Je me demande si
ta mère aussi souriait de cette façon
Quand elle se levait
Pour les pendre au mur

Tu as appris à répondre au sourire

Je veux me débarrasser
De tous les débris du monde
Et retirer tous les clous
Pour que ton sourire puisse
Irradier comme les rayons de soleil du matin

*
Je t’ai bien dit
Que tu es une parcelle de rayons de soleil
Je t’enfermerai dans mon poing
Puis l’ouvrirai, assez lentement
Pour que tu puisses tisser une épine soyeuse
Sur ton corps
Puis je te lancerai doucement
Vers le ciel
Pour que tu puisses ouvrir tes ailes toi-même

Tu voleras
Sans oublier de ramper
Puis ramperas en volant

Et chercheras les réponses
À toutes ces questions
Dans les yeux de ta mère
Comme des point d’interrogation
Quelques instants avant sa mort

A THREAD IS BEING SPUN

A thread is being spun
A seed is germinating
An earth/ a ground is waking up
A sky transforms into a tree
And a little sparrow/ bird
Flies down and sits on my
Left hand’s finger

*

You, who are a piece of light,
You, the dew on the tip of a thorn
A sprout on the parched up earth
As a secret on goosebumps
Like sharpness of vision
You have come to me
Against all souls
Which were severed in the womb

For those thousands of sounds
Which sank into deep waters

An earthworm enters a deep burrow
A conch writes a word
The thread of a web

Snap… it’s broken

*

I want to read
The letters of dreams
Written on your eye lids
And learn the script
Written long before
The Indus valley civilization
Written with streams of rivers
Between mountains and rivers
I want to color my faded paintbrush
With the colors of your dreams
Rapt by trees from the skies
Before taking birth in the world

I want to write a poem
That has been soaked
In the gurgle of your inner soul
Like an oil wick with Dancing flames

And so rouse
The Anahad naad *
Hidden deep in my navel

*

How do you recognize
The tunes and hidden Rasas
The mind and the spirit
The sounds
Produced against classicism
How do they become as sweet as milk
As soon as they reach you
Your eye lids become heavy
As you listen to my lullaby

How do you weave dreams
With the words of sleep
And how do you find
The meaning of those
That are not there
But are spread like
A tunnel maze
Up to the moment in the past
when you and I
converge into a point…

I am perplexed !
*
I spin your cry
As a thread
I embroider your smile
On to the interlaced weave
I then see your mother’s face in you
Who stretches her feet under the sun light
Counting the moments of peace
Eyes closed

She sat spinning
The golden rays of the sun
I have always seen her from a distance
With least interest
With strange enmity
Couldn’t understand the stiffness in her fingers
Or the pain in her knees
I never longed for her hug

You smile between the cries
I kiss you on your forehead
As if kissing the paining fingers
Of your mother

Mother’s half woven sheet
Descends down four steps
And sits on my lap

I find in my cupboard
Two masks
Almost 30 years old,
A little dirty but firm as new

Your mother dusts them
Decorates them
And hangs them on the wall
They begin to smile
Freed from a 30-year imprisonment

I wonder if
Mother too smiled the same way
While getting up from the cot
And hanging on the wall

You learnt to respond to the smile

I want to get rid of
All the debris of this world
And remove all the nails
So that your smile can
Spread like morning sunrays

*
I did tell you
That you are a parcel of sun rays
I will close you in my fist
And then open it, so slowly
That you can weave a silky thorn
On your body
Then I will toss you gently
Towards the sky
So that you can open your wings yourself

You shall fly
Without forgetting to crawl
Then crawl while flying

And search for all the answers
To all those queries
In the eyes of your mother
Like question marks
Moments before her death…..

Biobibliographie

Rati Saxena est poète, traductrice et directrice du festival de poésie Kritya. Spécialisée dans l’étude des Védas, plus spécialement de l’Atharva Véda, elle a obtenu un Doctorat de sanskrit auprès de l’Université du Rajasthan, à Jaipur. Elle a publié deux recueils de poésie en anglais, un en Malayalam (traduit), quatre de ses propres recueils en hindi et un essai en Hindi sur le poète malayalam Balamani Amma. Ses poèmes ont été traduits dans de nombreuses langues, notamment en italien et en ouzbèque. Son ouvrage sur l’Atharvaveda est paru sous le titre de « The Seeds of the Mind » avec le concours de l’ Indira Gandhi National Center for Arts ». Traductrice en hindi de douze œuvres, poétiques et en prose, écrites en malayalam, elle a participé à plusieurs séminaires et publié des articles dans des revues. Elle a obtenu le prix de traduction de la Kendriya Sahitya Akademy pour l’année 2000. Éditrice en chef de la revue de poésie en ligne bilingue « Kritya » www.kritya.in, elle a organisée, pour la Fondation littéraire du même nom, six festivals de poésie (quatre internationaux et deux nationaux) et a participé à de nombreux festivals tels que ceux de Monza (Italie), Struga (Macédonie), Vienne et Medellín en Colombie.

Notes de l’auteur :
* Anahad naad : musique céleste
* Rasas cachés : enchantements


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