Jours encore après | Rémi Checchetto - Ed.Tarabuste, 2013
Ce livre poursuit le travail de deuil entamé avec la publication de Puisement (Tarabuste, 2010), cela est clairement dit p.16 « dans Puisement, le livre écrit et imprimé pour durer et être dépassé nous en étions là… mort qui mène maintenant sa vie de non-retour,
c’est très long, très lent à réaliser
très long, lent de pouvoir fixer en face »
Ce lent et patient apprivoisement de la douleur, l’auteur nous le fait vivre avec lui, au travers de paragraphes, organisés en quatre sections et un texte final dont les titres disent bien le cheminement entre douleur et apaisement : sable, cendres, infiltrations - soleil revient - sous-sol encore - soleil encore - aujourd’hui -
C’est un livre rare, fort et puissant qui ne nous lâche pas, terriblement beau car il met à nu, pudiquement et sans complaisance aucune, les émotions, les doutes, les peurs et les espoirs, à travers les petits riens du quotidien.
Espoir et désespoir se mêlent étroitement, et le combat se livre avec les mots tout simples de tous les jours « …la mort a frappé si près…. Nous voyons mieux le lit d’hôpital... cependant nous avons accroché un petit cœur rose bonbon au rétroviseur… »
La mort touche près, l’auteur nous parle de « deux autres dont nous avons appris la mort… », de « l’amie veuve qui a tant lavé son morceau de monde, qu’elle y a partout des seaux d’eau grise », il observe et nous fait ressentir le fragile, l’éphémère, le lent essoufflement du corps, des articulations, la succession, le sable des jours
jours de basse tension, jours encore après, jours avant encore, jours comme d’habitude… le jardin, les saisons, la terre et l’horloge des jours qui passent, comme les bouffées d’espoir soudaines dans ce constat du quotidien… « aujourd’hui nous sommes bon pied bon œil bon poil nous en profitons pour mettre le sable des jours encore après dans une bouteille bien propre qui nous servira de sablier pour la cuisson des œufs… »
C’est un combat permanent, qui n’est pas linéaire, il se fait à cloche-pied, à reculons, en sautillant et souriant parfois, comme sur une marelle…
La vie est là, elle se manifeste, elle palpite, s’infiltre, par mille petits signes, du plus terre à terre « taratata il nous faut aller aussi parmi les rues pour mettre du beurre dans les épinards… » au plus profond « le baromètre se met au beau fixe, il nous colle des pétales roses sur la peau » « et bien entendu soleil oui ».
Oui, ce Jours encore après, c’est une mise à jour, une mise à nu, une succession de moments brefs, lumineux et intenses qui, par l’emploi pudique du nous, touchent chacun au plus près.
Et de souligner le travail remarquable sur la langue -dans une recherche de dénuement, de simplicité- et l’agencement, l’emboîtement habile des mots et des paragraphes, irréguliers, et l’accroche de chaque partie par un ou quelques mots, avec là aussi une lente évolution, des jours basse tension, perdre, cendres du début, on arrive à beaucoup de oui , bien sûr, on vit dans la dernière section.
Magnifique livre donc dans lequel nous montons volontiers à bord, même si bien sûr « nous faisons souvent des ronds dans l’eau et revenons à la case départ »…..
Jacques Perrot