Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Simon Martin

lundi 25 octobre 2021, par Cécile Guivarch

Né en 1978. Travaille dans une radio associative à Chartres, Eure et Loir.

Extraits de Dans ma maison, images de Jacques Bibonne, 2103

Ma maison
ressemble à toutes les maisons.

Elle a un toit
posé sur quatre murs.

Un toit tourné vers le ciel,
quatre murs plantés dans la terre.

 

***

 
Deux portes
s’ouvrent sur mon jardin

une pour les humains,
une autre pour les chiens,
les chats, les puces
les araignées.

C’est derrière
cette seconde porte
que je me creuse la tête
pour y loger mon poème.

 

***

 
Ma maison
est faite de terre
et de pierres mêlées.

Elle est de la même matière
que les chemins
qui conduisent à elle.

Elle suit sa route
à travers les siècles.

Elle a l’âge des atomes
qui la composent.

Elle n’a rien à envier aux étoiles.

 

***

 
Le soir
ma maison ferme ses paupières.

Les portes bâillent,
les parquets font craquer leurs jointures.

Aucun train ne siffle,
ne de près,
ni de loin.

Souhaitons-nous bonne nuit.

Extraits de Avec mes deux mains, images d’Estelle Aguelon, 2015

Deux mains
autrefois pleines d’avenir

Deux mains contemporaines
des voyages sur Mars
des minuscules téléphones portables

Deux mains parfaites
pour écaler un œuf
jouer de la guitare
battre un jeu de carte

Deux mains pas tout a fait inutiles
mais presque

Deux mains décoratives
comme le sont les beaux perroquets
qui somnolent derrière les barreaux
de leur cage

 

***

 
Au bout de mon doigt
il y a la lune
ou toi

Au bout de mon doigt
je pointe
l’origine de l’Univers

Du bout de mon doigt
je touche
l’origine du monde

Au bout de mon doigt
il y a peut être
le bout du monde
(pour une coccinelle)

Au bout de mon doigt
il y a surtout
le bout de mon ongle

 

***

 
Avec mes mains
je prend l’empreinte
de mon visage

Ici du chaud
du piquant

Là du rêche
beaucoup de rêche

Du solide aussi
du rude

Du mou
de l’humide

Du vivant
quoi !

Une immense
réserve de vivant

Où puiser
pour toute la mort
à venir

 

***

 
Je ferme les mains
Je les rouvre

Tu vois
je n’ai rien

que mes deux paumes
à t’offrir

Extraits de Qui es-tu, dessins de Rochegaussen, 2017

Tu n’es ni tout à fait ceci
Ni tout à fait cela

Mais pas vraiment ci
Ni vraiment ça non plus

Pas complètement comme ça
Pas totalement comme ci

On pourrait dire que tu ressembles à ça
Mais pas tout à fait

Que tu fais penser à ceci
Mais pas toujours

Parfois tu es comme ci
Parfois tu es comme ça

Tu peux te réveiller le matin
Comme ça

Et te coucher le soir
Comme ci

 

***

 
Il m’arrive parfois
De penser à la première grenouille

À ce matin d’avril
Où pour la première fois
Ses yeux crevèrent la surface
De l’eau

Et regardèrent le soleil en face

A quelques brasses devant elle
Se trouvait la terre ferme
Où une poignée de carex
Se balançaient au vent
Du paléozoïque

Et je me dis qu’il fallait être
Une petite personne
Pleine de courage

Pour oser poser sa patte
Sur le premier rivage du monde

 

***

 
Toi
Tu es l’Autre

Moi
Je suis qui je suis

Un peu de Toi de Toi
De Toi de Toi
De Toi

Et de Toi aussi

Il y a tant d’Autres
En Moi

Que parfois
Je m’y sens un peu exclu

 

***

 
L’Autre
Est pour Moi une énigme

À quoi pense t-il
De quoi sont fait ses rêves

Croit-il en la vie éternelle
Ou en la réincarnation

A t-il une fois dans sa vie
Rencontré l’amour
La vengeance ou la haine

Mais le temps de formuler
Ces interrogations

L’Autre est déjà loin
Englouti par la foule

Et il est trop tard
Pour songer à le rattraper

Extraits de La fille de l’autocar, images Anne Laval, 2021

De la fille de l’autocar,
je ne connais
que le profil gauche,

la moitié
de la chevelure,

Ses mains
tantôt ici tantôt là,

ses cuisses
qui ne bougent jamais

et rien
en-dessous du genou.

 

***

 
La fille de l’autocar
lance des regards de pie,
méfiants mais curieux,

bien trop curieux
pour se dérober...

Ils avancent à découvert
puis s’envolent à tire-d’aile
sur la plus haute branche du jour.

 

***

 
Le matin,
je vide ma tête
des cendres accumulées
pendant la nuit.

Ça fait un petit tas
de pensées carbonisées,
de remords recuits.

La fille de l’autocar
souffle dessus.

Il s’envole.

 

***

 
Dans les yeux
de la fille de l’autocar,
je me vois devenir.

Qui ? Quoi ?

Devant nous,
une buse trace des cercles
additionnant du silence
au silence.

Tourné vers le couchant,
je suis déjà à demain.

Mes publications :

  • Jours sans pain (cahiers « le ciel du côté de Rochefort », 2000)
  • Ecrits au pied de la lettre (Donner A voir, 2010)
  • Dans ma maison (Cheyne éditeur, 2013)
  • Avec mes deux mains (Cheyne éditeur, 2015)
  • Comment je ne suis pas devenu peintre (Cheyne éditeur, 2015)
  • Qui es-tu ? (Cheyne éditeur, 2017)
  • La fille de l’autocar (Cheyne éditeur, 2021)

Albums jeunesse :

  • Ma Grand-mère chante le bues (Rouergue, 2012)
  • La grande guerre de Pépé Célestin (éditions du Mercredi, 2017)

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