Extraits de « Ces pensées qui forment une main & autres crétineries »
(en cours d’écriture)1-
Dehors c’est
la nuit
ici
aussi
&
c’est
plus sombre
encore
(carte postale sans adresse ni timbre)2-
La tête sur l’oreiller
les doigts de pied en éventail
je fais le tour du monde
en fixant un point
(l’auréole au plafond ressemble vaguement à l’Australie)3-
Ecrire un poème
qui parle d’écrire
un poème
(ma vie ainsi résumée)4-
Le nez collé à la vitre
je le retire parfois
pour passer dans l’autre pièce5-
Oui
un tremblement de taire
peut provoquer
des failles de langage
Extraits de « Dans la maison de mon enfance »
(en cours d’écriture)1 - Jamais entendu parler du punk
Papa
il me fout la trouille rien
qu’avec son regard
&
quand il s’énerve
qu’il entre dans une colère noire
parce qu’on ne va pas dans son sens ou
parce qu’on lui répond
mieux vaut rentrer dans le rang
&
arrondir les angles
c’est ce que sait très bien faire maman
qui nous sert de tampon
papa
il a des avis tranchés sur plein de choses
– Le rock, c’est une musique de sauvages
alors à la maison
on écoute Sheila Brassens Michel Sardou
Bach Vivaldi
mais aussi Malicorne
les Tri Yann Alan Stivell ou An Triskel
– Mai 68 c’est une vaste fumisterie
je sais pas trop ce qu’il veut dire par là
maman ne le contredit pas en tout cas
alors à la maison
on ne parle presque jamais
de rien qui m’intéresse
on n’a jamais entendu parler du punk
on parle uniquement des études
de réussite
&
de travail
alors à l’école
j’essaie d’avoir un autre son de cloche
de tirer sur ma première clope
de faire comme les autres
sans trop oser non plus
car
c’est pas facile de jongler
avec ce que j’entends d’un côté
&
ce que j’entends de l’autre2 - Pépé est mort
Quand on m’a dit que pépé
était mort à l’hôpital
j’ai ressenti un peu de tristesse je crois
mais pas tellement
il était déjà très vieux
depuis longtemps
&
je l’avais finalement assez peu connu
mais c’était pépé quand même
puis on m’a dit que son corps
allait venir à la maison
qu’on allait le veiller pendant
quelques jours
j’ai demandé à maman si on pourrait faire la même chose
avec un hamster
mais elle m’a répondu de ne pas raconter n’importe quoi
&
il a fallu l’embrasser sur le front
c’est la coutume on m’a dit
pépé était allongé dans le lit
de la chambre d’ami
son corps imposant était tout raide
ça me faisait sacrément peur de l’approcher
encore bien plus de devoir l’embrasser sur le front
j’ai regardé maman et papa
j’ai regardé mamy et papy
j’ai regarde mémé et mon frère
j’ai regarde par terre et dans le vide
&
j’ai regardé pépé qui ne bougeait pas
c’était à mon tour de l’embrasser sur le front
à mesure que j’approchais de lui
des idées bizarres me traversaient l’esprit
comme quoi pépé allait subitement se réveiller
et me crier dessus de lui rendre son âme
comme quoi il allait me donner le virus de la mort
et que j’allais mourir moi aussi juste après
j’ai récité très fort une prière dans ma tête
une de ces prières que j’avais apprises au catéchisme
et dont je ne pensais pas devoir un jour me servir
&
j’ai embrassé le front glacé de pépé
du bout des lèvres
&
en fermant les yeux
je ne me sentais pas plus rassuré mais
il a pu être enterré en Bretagne
un peu plus tard3 - Lettre à mon amoureuse
« J’ai bien reçu ta lettre
où tu racontes ton voyage en Afrique
&
les animaux que tu as vus dans la savane mais
ici c’est différent
il y a des punaises
qui puent très fort
quand on les écrase
elles se faufilent le long du rebord boisé
de ma fenêtre
il y a des grenouilles
près de la minuscule rivière
en bas du jardin
elles sautillent de joie quand on les approche
tu les aimerais bien j’en suis sûr
il y a des guêpes aussi
qui se posent sur la table
quand on déjeune dehors
certains dimanches d’été
j’ai horreur des guêpes depuis
que je me suis fait piquer
deux fois de suite à la même main
alors j’emporte mon assiette à l’intérieur
de la maison à l’abri des bourdonnements
&
je termine mon repas tout seul
papa et maman se moquent gentiment de moi
il y a des serpents
dans les champs d’en face
papa dit que ce sont des couleuvres
mais il n’en est pas sûr alors on détale à toute vitesse
quand on en croise une mon frère et moi
on aime bien jouer à se faire peur tu vois
il y a des cousins
qui se posent sur l’eau
je ne sais toujours pas s’ils piquent plus fort
que les moustiques
mais ils n’ont pas l’air très sympathiques
il y a aussi
d’énormes toiles d’araignées
près des piquets de thym
&
de laurier
qui poussent le long d’un mur
et maman m’a surpris plus d’une fois en train de pisser dessus
et j’ai reçu plus d’une fois des grosses claques
j’espère qu’on se reverra un jour
parce que j’ai encore plein de trucs
à te raconter... »
Extraits de « Chroniques de la place muette, avec des rivières »
(en cours d’écriture)1-
Les paroles qu’on entend
ça et là
se désagrègent
dans le vacarme ambiant
forment une langue
ça et là
qu’on sait n’appartenir
à personne
et pourtant
apaisante2-
Il y avait une petite rivière
ici
dans le temps
on y jouait à faire des ricochets
les oiseaux s’envolaient
migrateurs
avec de petits cailloux
dans leurs becs
&
les poissons
sautaient jusqu’aux arbres
fruitiers
Oui, c’est un poème m’avoue t’il
mais ce n’est pas
pour autant
un mensonge3-
Il y a des millénaires
mammouths
branchiosaures
triceratops
vivaient ici
sans se douter
une seule seconde
ni qu’ils s’éteindraient un jour
ah les cons !
ni qu’ils ressusciteraient
d’une certaine façon
dans un poème du
12 avril deux mille quinze
à la page 8
dans un tonitruant
Welcome home Buddys !4-
Quelle est cette impression
d’une ville en mouvement
d’une ville imprévisible
désordonnée
vivante
là où les gens se croisent
en pleines parties
d’échecs
où sont les fous ?
que font les pions ?
&
la partie toujours
semble recommencer
(j’avance d’une case en mesurant plus ou moins bien le risque)
Note bio-bibliographique
Né en 1968 en Bretagne.
Parisien d’adoption depuis 35 ans.
Marié à une squaw du Maroc depuis près de 20 ans.
Père depuis 17 ans.
Publié en revues depuis une dizaine d’années (Microbe, Borborygmes, Les Hésitations d’une mouche, Traction Brabant, la Femelle du Requin…).
Ne sait trop s’il écrit des poèmes en prose, des proses poétiques ou autre chose plus ou moins approchant.
Ecrit quand même.
Publications
- 9 bureaux en quête d’employés, -36° Editions, 2011
- Comme un insecte à la fenêtre, Gros Textes, 2011
- Le cow-boy de Malakoff, Le Pédalo Ivre, 2014
- Pleines lucarnes (écrit avec François-Xavier Farine), à paraître chez Gros Textes, 2015
Mini-entretien avec Roselyne Sibille
D’où vient l’écriture pour toi ?
Elle vient de là, elle vient du blues ;-)
Difficile à dire clairement. Sans doute d’un besoin de me sentir exister & d’extérioriser un surplus encombrant.
De sorte de n’avoir plus à me parler tout seul, dans un face à face avec une graine de folie latente, pressentie depuis de longues années et redoutée tout autant.
Comment travailles-tu tes écrits ?
D’abord, ils viennent d’un jet, d’un jaillissement.
Brut, spontané, éjaculatoire ?
Comme ils correspondent rarement à ce que j’ai envie d’écrire & de lire, je fignole assez longuement mes écrits… mais je les retravaille toutefois moins que par le passé, pour éviter de trop les « dénaturer ».
J’en accepte mieux les maladresses, les imperfections, les défauts de finition (parfois à contrecœur).
Quelle part occupe la poésie pour toi au quotidien ?
Fort peu de place dans la vie de tous les jours… par exemple quand je passe l’aspirateur ou dans les embouteillages parisiens ;-)
Quoiqu’en sourdine toujours là, présente, cette idée de poésie, plus largement cette idée d’écriture pour sortir du contexte du monde du travail et donner une justification à mon indécrottable manque d’ambition professionnelle.
Une place prépondérante lorsque survient le temps de « raconter » mon quotidien, le quotidien.
À vrai dire, je ne sais trop si j’écris vraiment de la poésie.
C’est davantage le regard des autres sur mes écrits qui détermine en retour s’il s’agit de poésie… ou pas.
À vrai dire, je m’en fous un peu de savoir s’il s’agit de poésie ou pas.
Que t’apporte l’écriture ?
Une parcelle d’équilibre et de sérénité (pendant un temps, plus ou moins court).
Un soupçon de reconnaissance (toujours le regard des autres pour affirmer ma propre existence et les doutes sempiternels sur ce que je suis capable ou pas de faire).
Un sentiment de puissance (non, là, je plaisante).
Quel auteur est fondateur pour toi ?
Pas un auteur mais deux livres ont été déterminants (en matière de poésie) : « Journal japonais » (version bilingue) de Brautigan et « Jouer du piano ivre… » de Bukowski.
Lus il y a une vingtaine d’années.
Autant je lis encore Brautigan avec énormément de plaisir, autant j’ai plus de mal avec Hank aujourd’hui.
Pas un auteur mais également internet comme élément accélérateur de ma propre écriture (via des rencontres virtuelles, des échanges…).
Quelle est ou quelle serait ta bibliothèque idéale ?
J’essaie déjà de la rendre idéale en ne conservant que les ouvrages qui me plaisent, m’ont plu…ou me plairont.
Qu’il s’agisse de romans, de nouvelles, de poésie, de témoignages, d’aphorismes, de pensées, de foot, de cinéma, d’histoire etc.
Un mélange d’auteurs connus, reconnus, méconnus, inconnus, de styles proches, moins proches, actuels, vivants & morts.
Il y a beaucoup de « feeling » là-dedans. Pas vraiment de rationalité.
Quels sont les trois mots que tu associerais le plus volontiers à celui de « poésie » ?
Narrative, vivante, sincère. Trilogie que j’essaie d’appliquer au mieux à ce que je fais.