Entrevoir le bout, c’est presque rien
Le recueil s’ouvre par le poème Jubilation ; la petite mort y rejoint la grande. La première est celle de l’oubli de soi qui préfigurerait la seconde, l’oubli final. La typographie, les espacements, les italiques ou l’absence de ponctuation amplifient l’impression d’équilibre instable entre les deux plateaux, le second est, par nature plus chargé que le premier. Le lecteur prend les mots pour ce qu’ils sont, des coups plus que des caresses, des distorsions plus que des « bonnes raisons ». La « chair joyeuse » ponctue, jusqu’à son terme, un parcours fait d’obligations et d’étouffements. Dans ses ruptures et contretemps, le poème est le reflet de ces éclats de vie, long prélude à la mort, la seconde. La réalité « purée » est compensée par le besoin récurrent de jouissance à travers les premières car, de petites morts, il peut y en avoir de nombreuses, heureusement.
La fin s’allège
elle ne pèse plus alors qu’elle
s’annonce comme déliaison
peut-être on se voudrait
enfin libéré du sort
D’évidence, il s’agit de poèmes métaphysiques, même si pointe l’épicurisme à chaque incise, chaque changement de rythme, chaque demi-soupir, chaque pause. Le subtil mélange d’angoisse et de jouissance assumée donne à cette parole une authenticité profonde. Devant tant d’acharnement à se définir, ou plutôt à définir l’humain, le lecteur pourrait penser à une sorte de suicide permanent. Mais la vie, par delà la mort petite ou grande, reprend ses droits et c’est sans doute plus flagrant dans la deuxième partie du recueil, « Pourquoi pas/ne serai poète ». Y aurait-il renoncement ? Renoncement à écrire ? Certainement pas. À vivre ? Pas forcément.
Comme un crime
à froid je ne me souviens
pas d’être mortÀ la fin des fins suivi de Pourquoi pas / ne serai poète, Mathias Lair, Éditions Les Lieux-Dits, Coll. Les parallèles croisées. 70 pages. 12 €.
François Thiéry-Mourelet
François Thiéry-Mourelet a publié du théâtre, des nouvelles, des romans et de la poésie. Son dernier recueil, Brise dans le Miroir, publié aux éditions Sans Escale, vient de recevoir le Prix du recueil de poésie 2022 des Jeux Floraux de Toulouse.
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