Cher Antoine, cher Hiroshi, J’aime beaucoup ce travail écriture / peinture - la place du cerisier - dans notre vie humaine - ou bien notre place dans la sienne - J’ai senti combien nous étions peut-être intimement liés avec l’arbre. Quelle en est votre perception ?
Hiroshi : Le Cerisier. Les fleurs s’épanouissent pendant la floraison et se dispersent rapidement. C’est donc un arbre particulier pour les Japonais. C’est aussi un symbole de la vision du monde bouddhiste « Rien n’est permanent sauf le changement » et un symbole des pilotes kamikazes pendant la guerre. Nihilisme et héroïsme…
Antoine, quelle vision du monde et du soi l’écriture du cerisier s’est révélée (ou confirmée) pour toi ?
Antoine : En premier lieu, il y a forcément une attention particulière portée à l’environnement à la nature et à l’arbre. Une observation au fil des jours puis des saisons. Observation des détails, du petit, du minuscule. Et quand on prend un peu de recul, on réalise que tout cela fait partie d’un « grand tout » et que moi je ne suis qu’un élément, rien de plus, de cet ensemble. Ce n’est pas fausse modestie car en fait chaque élément est important et j’ai mon rôle à tenir.
Pendant l’écriture, une relation s’est nouée entre l’arbre et moi, relation intime, que d’ailleurs Hiroshi a très bien sentie et exprimée dans ses peintures pleines de sensibilité. Je dois bien admettre que je partage souvent mes émotions avec le cerisier. Certains jours un peu sombres sa présence me réconforte, et les jours de fleurs et d’oiseaux bruyants nous partageons la même joie, innocente. C’est du moins ce que je ressens !
Hiroshi, les mots d’Antoine sur son cerisier a-t-elle approfondi une vision du monde différemment qu’avec la peinture ?
Hiroshi : Quand j’ai lu les poèmes d’Antoine, j’ai d’abord été très surpris. Ces mots disent la bienveillance, l’attention à l’autre et ils sont souvent pleins d’humour.
J’ai pris plaisir à peindre ces toiles en me laissant surprendre et gagner par les émotions. Ce livre a une énergie tranquille. Et c’est un vrai cadeau issu de la rencontre des cultures. Je pense qu’il est très adapté à notre époque.
Antoine - est-ce que pour toi, lorsque tu as commencé à écrire sur le cerisier, une idée précise de ce que tu allais vraiment écrire était présente, ou bien as-tu pris conscience de que le cerisier produisait dans l’écriture, en toi, en écrivant ?
Antoine : Tout part simplement de la contemplation de l’arbre. Il trône au milieu du jardin face à la fenêtre de la salle à manger. Il est là, imposant. Une réelle présence physique. Les premiers poèmes liés au cerisier viennent parmi d’autres. Et le nombre au bout d’un certain temps donne l’idée d’un ensemble. Le découpage en saisons s’impose tout naturellement et par la suite, la rencontre (à distance) avec Hiroshi, m’a conforté dans l’idée que le cerisier devait devenir un livre.
Sur le fond, je suis conscient de ce qu’il y a de moi dans le cerisier, même si je prends garde de ne pas verser dans l’anthropomorphisme. Ce recueil, c’est aussi un an de ma vie, un nouveau départ après un déménagement.
Une belle rencontre que la votre. On sent entre mots et peintures une telle proximité, qu’Hiroshi et Antoine, êtes-vous prêts à collaborer de nouveau ensemble et sous quelle forme ?
Hiroshi : Si Antoine veut, je pense qu’un nouveau livre verra le jour. Mais avant tout, je suis très heureux de cette réalisation commune. Merci à Antoine et à tous. Du Japon. Antoine : La rencontre s’est faite par hasard, sur Twitter, réseau sur lequel nous publiions, lui ses peintures, et moi mes poèmes. Ça a été pour moi un plaisir et un honneur de recevoir les peintures de Hiroshi, suite à nos premiers échanges. Et s‘il devait y avoir une nouvelle collaboration, ce serait magnifique. Mais Hiroshi continue avec talent d’explorer son propre univers et je ne sais pas quelle forme prendront mes nouveaux projets.
ANTOINE MAINE
Né en Picardie en 1960, il vit à Amiens. Il grandit dans une ferme en pleine campagne au milieu des animaux et des arbres. Il étudie les Beaux-Arts, voyage beaucoup, parcourt les montagnes et observe les oiseaux. Il est tour à tour brancardier, instituteur puis graphiste. Il dessine et peint, mais peu à peu c ’est l ’écriture qui prend le dessus. Des poèmes et des nouvelles qui seront publiés sur le web jusqu’au premier recueil Une Vie avec du ciel (Cahiers de Poésie Verte), prix Troubadours / Trobadors 2016.
Antoine Maine est membre du collectif de poètes amiénois Meteor.
Facebook : Antoine-Maine
Instagram : @antoinemaine
HIROSHI TACHIBANA
Né en 1967 à Kobe au Japon où il vit toujours. À 16 ans, lors d ’une exposition, il découvre la peinture de Francis Bacon et il décide alors de commencer à peindre. Il suit les cours au College of Art de Kyoto, puis, attiré par la littérature et la peinture sud-américaine, il poursuit ses études à Mexico à la Escuela Nacional de Pintura, Escultura y Grabado « La Esmeralda ». De retour au Japon, il travaille comme manutentionnaire sur le port de Kobe ou comme ouvrier agricole dans la ferme de son frère. La peinture de Hiroshi Tachibana explore les relations complexes entre l ’homme et le monde vivant, dans un pays où montagnes pierres et arbres sont souvent tenus pour sacrés.
Facebook : Hiroshi-Tachibana
Instagram : @tachibana7550
Twitter : @HirosiTachibana