Mini-entretien avec l’éditeur Marc Granier par Roselyne Sibille
Comment est née votre maison d’édition ?
A 14 ans, j’ai quitté le collège. Voulant être peintre, je me suis retrouvé apprenti peintre en bâtiment au Vigan dans l’Hérault.
De 13 à 20 ans, je suis allé au cours du soir d’un professeur de dessin, Mme Bouzereau. Un jour, elle est venue dans mon atelier, elle a vu des grands personnages partout et elle m’a dit : « Tu dois partir, tu ne peux pas rester à Roquedur au fond des Cévennes ».
Quelques temps après, je suis allé avec des copains à un concert d’Alan Stivell à Montpellier j’ai décidé d’aller en Bretagne. Je suis parti en stop de chez moi et trois jours après je suis arrivé à Lorient. J’y suis resté 10 ans. J’avais découvert un atelier de peinture, yoga, poterie, etc. J’y ai tout appris. En 1983, je suis revenu dans le hameau de ma famille dans les Cévennes. Pendant 20 ans, j’ai été peintre-paysan et en 2003, j’ai arrêté l’agriculture et j’ai commencé à faire de la gravure : de la linogravure puis de la gravure sur métal.
Et puis j’ai créé mon premier livre. Nous avions fait un voyage en famille de Roquedur à Cadaquès. A chaque étape, j’avais dessiné. J’ai extrait 10 de ces dessins pour les adapter en gravures. Puis je les ai données à Alain Bellet qui a écrit des textes pour elles et j’ai publié cet ensemble. On m’a prêté une presse typo et des casses de caractères. J’ai fait un second livre avec Chantal Brossard. J’ai commencé ainsi, par hasard ! J’ai pris goût à mettre des vignettes sur des textes. J’ai acheté de plus en plus de matériel typo. J’ai fait des salons qui m’ont fait rencontrer d’autres écrivains. J’adore créer ensemble. J’adore faire des livres dans mon atelier sous les arbres.
Quelles sont ses particularités ? Comment choisissez-vous les textes que vous publiez ?
Tout est fait à la main. Je grave les vignettes sur bois. Pour le texte, je prends les lettres une à une dans les casiers. Je compose chaque mot, puis la page. Je fais ensuite tous les passages des pages sur la presse. Je prends le livre en main des dizaines de fois. C’est très manuel comme travail. J’ai un contact physique constant avec le livre. Je lis le texte tout le temps, je le lis des dizaines de fois (et à l’envers en plus). Enfin je couds les pages. Je tripatouille le livre dans tous les sens ! C’est une vraie création de faire un livre en typo avec des caractères en plomb mobiles…
Il faut donc que le texte me plaise, et qu’il aille à l’essentiel. Je ne prends rien de léger, du blabla pour remplir les pages ! Le conte poétique correspond bien à cet enjeu.
Certains livres sont fait de façon simple (les gravures ne sont pas signées, les papiers sont moins chers, les tirages plus élevés) : ils permettent à plus de personnes d’accéder à un livre artisanal gravé. Les autres sont des livres d’artistes, sur papier 300 gr, avec des eaux-fortes parfois.
Quel est votre meilleur souvenir d’édition ?
Le premier livre que j’ai créé du début à la fin dans mon l’atelier. Mais c’est aussi beaucoup de souffrance. Quand je montre le livre au poète, je suis toujours très anxieux : avec cette façon de travailler, il peut y avoir beaucoup de coquilles que je ne vois pas sur le moment : des lettres positionnées à l’envers par exemple ; des catastrophes sont possibles. C’est donc bonheur et anxiété à la fois.
Et le pire ?
J’avais fini un livre. La poète est venue le signer : j’avais tiré toutes les gravures à l’envers par rapport au texte du verso ! J’ai du recommencer tous les tirages.
Des projets, des publications à venir ?
Je suis peintre et graveur (je fais entre autres des gravures de 80cm sur 2m de long). J’ai en ce moment des expositions dans des galeries à Lunel, Chambéry, Bordeaux. Une exposition est prévue à l’automne pour « Forcalquier des livres ». Et bien sûr toute une série de livres pour l’an prochain.
Pour voir les détails d’un livre créé à l’Atelier des Monteils : http://www.terreaciel.net/Mon-nom-d...
Extraits de recueils du catalogue
Paysan découpé dans l’air pur
Texte Yvon Le Men - Gravures Marc Granier
Format A /4 - 2016Le soleil et les hommes
et la pluie et la terre
ont jeté sur le ciella betterave la carotte et le poireau
des manifestations de légumes
avec le jour fatigué et nerveux
faisaient des ricochets sur la route de
Trégornan samedi à six heures…
L’ïlle Wrac’h
Texte Chantal Bossard - Gravures Marc Granier
Demi A/4 - 2015J’ai été petite, tu sais
Une enfant au milieu des enfants
Et déjà sans le savoir je chérissais la solitudeMon père m’avait fait une barque de bois …
Le psaume à deux visages
Textes Catherine Boudet - Gravures Marc Granier
Demi A/4 - 2016Il fait sombre
Entre les montagnes
Découpées au couteauD’un grand peintre
Zébré de Bleu