dans la condensation du silence
une épaisseur de souche lente éventée par endroit
laisse émerger les étoiles
ta trace ne fait pas de bruit
parce que ton ombre a disparu
peu à peu effacée
par l’espace naufragé dans une mer d’encre
aucun temps ne révèle encore sa lumière
et demain dans le feu éteint du crépuscule
ressemble aux souvenirs
pliés dans des images que l’eau d’un songe allonge
jusqu’au loin de tes yeux qui s’effacent
démunis
par la simplicité de l’oubli
un miel laiteux fertilise les lisières mauve mort
l’odeur éparpillée d’épis grelotte
un carillon fané
de ripailles d’oiseaux
étend l’obscuritél’ambre mate
du sillon des dégels
sirote les paysages
imprimés sur la lame des lignes où se délite
une géométrie pendue de toute trace
sur l’espace
où la vie sporadique étincelle son nom
lorsque tout peut se tairedans l’obsidienne lourde
de la fenêtre ouverte
parfois alors le don
d’une empreinte de lune posée sur l’horizon
je connais l’arbre en toi
et tes mains de l’enfant
et les feuilles de roche qui recouvrent tes pas
empreints de liberté
cette forêt de mangues feu
le lichen des luttes
et la trame fleurie aux lèvres des matins
où ta respiration d’humus en neige blanc
ensemence le temps
je connais l’arbre en moi
comme un socle de lunes
qui trace sous la peau
la couleur du nombre
comme un seul drapeau
le peu
sonore encore
s’amenuise si haut qu’un tonnerre d’acier
crie le nom de la nuit
enfermé dans un temps étiré sous le cielbientôt chaque désert
sera d’agrume rougeon ne parle à personne comme à l’ombre dedans
dans la soie rebondie des déserts
tes mots offrent le vent
à un sable plus noir
que l’ombre des mémoiressur le cône italique
Des dunes
pèse une couleur de céramique lourde
caressée par une pluie inconnue
qui plonge dans le présent
sa couleuvre de métal immobile
sens inverse alignéediurne est l’obscurité
Entretien avec Clara Regy
Qui es-tu Carole ? Ce sera ma première question !
Je suis poète, revuiste, éditrice, critique littéraire et artistique, réalisatrice de contenu radiophonique. Auteure d’une quinzaine de recueils poétiques, je participe à de nombreuses anthologies et à des ouvrages collectifs qui concernent aussi bien le domaine littéraire que celui des Arts plastiques. Je suis également auteure de textes critiques pour de nombreuses revues papier et en ligne. Secrétaire générale du PEN Club français, je dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème, suis secrétaire générale des éditions Transignum, produit et anime l’émission radiophonique littéraire mensuelle L’ire Du Dire sur Radio Fréquence Paris Plurielle 106.3 FM et dirige les éditions Oxybia.
Pourquoi écrire ? Quels sont tes sources d’inspiration ? Raconte-nous.
J’écris pour m’échapper du langage, en agençant les mots, comme des bruits rythmés par le poème. Je cherche un mantra, une voie miraculeuse, un seuil ouvert sur d’autres dimensions, grâce à la puissance du poème.
C’est avant tout le rythme qui arrive. Ensuite, ça fait sens, ou pas. « Ça » vient comme un balancement qui serait celui de l’avant naissance, lorsque l’enfant est bercé par la marche dans le ventre de sa mère.
Ce lieu du poème je le trouve souvent près de Guy Viarre, qui est une présence incompressible, irremplaçable, essentielle. Sa poésie est celle de la conscience, celle du témoin, celle de l’embarras dans le corps. Je fréquente également les poètes de Moriturus qui ont tous cette conscience, quelle que soit sa finalité. Leur écriture est celle de tentatives réitérées pour ouvrir le langage à toutes ses potentialités, vers tous les possibles.Tu parles de « démarche politique », peux-tu nous en dire davantage ?
Ma démarche est avant tout politique, elle prend racine dans une posture de résistance, et dans cet aller-retour incessant entre une réalité et son questionnement. La poésie est un lieu en soi, un en-soi du lieu. Je ne souhaite jamais aiguiller les lecteurs vers un sens prédéfini, je brouille les pistes, je les mets en demeure de croire en leurs perceptions, en leurs émotions, en leur capacité d’établir un sens, à eux, dont je ne suis absolument pas dépositaire. La liberté est avant tout ici. On la trouve en élaborant nos propres perceptions, en autonomie. Personne n’en est l’initiateur, personne le détenteur.
Écrire a toujours été politique. Mais la politique ce ne sont pas ces systèmes archaïques que nous connaissons, outils de répression et d’exploitation. La politique devra devenir un outil qui servira à édifier des sociétés justes et fraternelles. Écrire c’est guider vers cette conscience, en laissant l’autre créer son sens, le sens du poème, dans une liberté permise par la nature du langage poétique.
Carole Carcillo Mesrobian est poète, revuiste, éditrice, critique littéraire et artistique, réalisatrice de contenu radiophonique. Auteure d’une quinzaine de recueils poétiques, elle participe à de nombreuses anthologies et à des ouvrages collectifs qui concernent aussi bien le domaine littéraire que celui des Arts plastiques. Elle est également auteure de textes critiques pour de nombreuses revues papier et en ligne. Elle dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème, est secrétaire générale du PEN Club français, et des éditions Trasignum, dirige les éditions Oxybia, produit et anime l’émission radiophonique littéraire mensuelle L’ire Du Dire sur Radio Fréquence Paris Plurielle 106.3 FM.
Elle est l’auteure de Foulées désultoires paru en 2012 aux Editions du Cygne ; A Contre murailles, Les Editions du Littéraire, 2013 ; La Choucroute alsacienne, Editions L’âne qui butine, 2016 ; Le Sursis en conséquence, Les Editions du Littéraire, 2017 ; Qomme questions, de et à Jean-Jacques Tachdjian, Editions La chienne Edith, 2018 ; Aperture du silence, PhB éditions, 2018 ; A Part l’élan, La chienne Edith, 2019 ; Ontogenèse des bris, PhB éditions, 2019 ; Fem mal, illustré par Wanda Mihuleac, les éditions Transignum, 2019 ; Agencement du désert, collection La Diagonale de l’écrivain, Z4 éditions, 2020 ; Octobre, avec Alain Brissiaud, PhB éditions, 2020. nihIL, Unicité, 2021, L’Ourlet des murs, Unicité, 2022, De nihilo nihIL, Tarmac, 2022, Femme ductile, Transignum, 2023.
Elle participe aux anthologies et ouvrages collectifs Dehors, Editions Janus, 2016, Apparaître, Terre à ciel, 2018 ; De l’humain pour les migrants, Editions Jacques Flamand, Paris, 2018 ; Esprit d’arbre, Editions PVST ?, Nice, 2018, Le Courage des vivants, Jacques André éditeur, Anthologie de Poésie des Editions du Cygne, Les Editions du Cygne, 2020, Voix de femmes, Plimay, 2020, Dire oui, Terre à ciel, 2021, Le désir de la lettre, une anthologie établie par Dominique Sampiero, Bernard Chauveau, 2021, Transes, éditions Garnier, 2021, Mots de paiX et d’espérance, 2022.