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Catherine Andrieu

samedi 13 avril 2024, par Cécile Guivarch

Née à Metz en 1978, Catherine Andrieu grandit au bord de la Méditerranée. Enseignant brièvement la philosophie, elle s’installe finalement à Paris en 2004 pour préparer l’agrégation mais abandonne toute pratique professionnelle suite à un grand bouleversement intérieur lié au suicide de son ami d’enfance et de cœur. Consacré à Spinoza, son premier livre paraît en 2009 chez l’Harmattan. Désormais tournée vers la poésie, la peinture, la jeune femme expose dans plusieurs galeries dans la capitale comme en province et publie une vingtaine de recueils, d’abord aux éditions du Petit Pavé, où elle a été découverte par Jean Hourlier, principalement aujourd’hui aux éditions Rafael de Surtis, dirigées par Paul Sanda. Catherine Andrieu vit depuis peu à Royan où elle poursuit son œuvre singulière tout en s’adonnant au piano. Ses chats ont une place privilégiée dans son cœur et dans son œuvre.
https://www.catherineandrieu.fr/

Extrait de Le Cliquetis des Mâts, Rafael de Surtis, 2023, préface André Ughetto

Tu es l’horizon et moi je suis la mer
Qui vient mourir sur le sable
Tu es le souffle léger et moi je suis la Terre
Tu es les étoiles et moi l’Univers
Tu es libre comme l’astre dont tu portes le nom
Nos libertés précèdent la possibilité de tout Amour
Lune, tu es la petite âme filante que j’ai prise sous mon aile
Comme la mouette portée par le vent que tu regardes
Depuis la terrasse où s’échoue l’Océan

Extrait de Piano sur l’eau, Rafael de Surtis, 2021, préface Eric Chassefière

A l’âge de quatre ans je voulais devenir
Danseuse sur cheval
Puis je me suis aperçue que je n’avais pas de corps
Et j’ai voulu devenir poète
Pour écrire sur les danseuse à cheval
La nuit j’entendais les vagues se fracasser sur les vitres
De la Maison-Bateau c’était Collioure
Sur les flots déchaînés nous tanguions au risque de tomber
A l’eau et nous noyer le petit oiseau vivait en liberté
Se cachait dans ma bouche j’essayais de ne pas l’avaler
J’avais peur
A présent c’est ma petite chatte que je protège
Je la camoufle dans le ventre du piano à queue
Chez nous c’est le port la mer et la grande conche
Je vis sous les toits où nichent les mouettes.

Extrait de Poèmes de la Mémoire oraculaire, Editions du Petit Pavé, 2010

XIV

Un matin, le bord d’un canal.

Elle dit qu’il pleut tellement qu’à présent c’est la mer.
Que la ville, c’est la mer.
La mer qui gronde, recouvre tout.

Elle reconnaît ça, la mer. Les odeurs. Elle y a grandi.
La mer comme quand elle était petite.
La ville sous les eaux, elle la voit... Quel désastre... Tous ces gens noyés...

Elle murmure : « Quelle vision, il faudrait se réveiller... » Crie.

Ses cheveux pleins d’écume. Montre ses cheveux d’écume recouverts, blanchis.
« Tu le vois, Corée, tu le vois que c’est la mer !... Et goûte... ce sel, sur la langue, dans mes cheveux. »

Cette vision terrible, la mer. En proie à cette vision.

Elle s’affole, se jette dans le canal.

Corée veut la retenir, tente de la retenir.

Elle échappe.

Emportée par les eaux noires ondoyante Ophélie.

Elle rêve un hôpital, elle rêve une rivière.

Rêve qu’on la sauve.

Se demande si elle rêve.

Se noie.

Elle pense un pays, Corée.

Un voyage.

Les courants l’emportent vers le fond.

Sur le canal un oiseau d’argent déploie ses ailes.
S’envole.

Extrait de Amours, & jeux d’ombre, Rafael de Surtis, 2022

Il y a des étoiles filantes et il y a toi, sur la voie blanche de l’éternité. J’habite désormais la nuit où je te peins un visage d’encre. Et s’il n’y avait rien que le néant ? Tu entraînerais l’étoile dans sa chute. Mais toute ma vie transfigurée par ce Signe Céleste dans un souffle sur une Orchidée. Me mettre en boule et te garder vivant au-delà de la vie. J’ai trop mal j’ai cinq ans soudain. L’occurrence de ta mort ne la rend pas plus probable. Quelque chose a donc eu lieu. Entre chat et loup. Te reconnaître encore qui peuple le vent. Dehors si tu meurs ou si tu meurs pas. Faudrait savoir des fois. Je veux ton corps dans la poussière d’étoiles. Tu ne miauleras plus.

Extrait de Des nouvelles du Minotaure ?, Rafael de Surtis, 2019

(...)
Il y a cette poupée dont j’ai arraché la tête avant de la jeter à l’eau, offrande à ce petit oiseau qui s’est perdu dans les abysses de ma mémoire poétique. j’ai dix ans, mon oiseau est mort, pour toujours mon oiseau est mort, j’ai envie de hurler et me rouler par terre, j’ai mal à crever et, au lieu de ça, je suce du sucre en cristaux qu’on me tend, sagement. Cette poupée, je lui ai dessiné une vulve avant de la démembrer. C’était mon premier crime symbolique. Si j’interroge honnêtement mon enfance, je dois admettre que j’étais en colère. J’aurais voulu être triste alors que j’étais un bloc de colère. Du coup, je n’arrivais pas à pleurer.
(...)

La Danse de Lune - Texte inédit

I. La Pluie des Ancêtres

La pluie tombe en un doux murmure, caressant la terre assoiffée. La femme solitaire, vêtue de lin blanc, danse parmi les arbres centenaires. Ses pieds nus s’enfoncent dans la boue, et ses cheveux dénoués s’entremêlent aux gouttes d’eau. Lune, sa chatte mystique, l’observe avec des yeux d’ambre.
Elle invoque les dieux anciens, les ancêtres oubliés. Leurs noms se perdent dans le vent, mais leurs présences se font sentir. Ils murmurent à travers les feuilles, tissant des sortilèges dans l’air humide. La femme danse pour eux, pour son amour disparu, pour la mémoire des temps révolus.

II. La Forêt des Secrets

La forêt s’éveille à son appel. Les arbres se penchent vers elle, leurs branches formant une voûte sacrée. Les étoiles percent le feuillage, comme des lucioles éternelles. La femme tournoie, ses bras levés vers le ciel, invoquant la magie des lieux.
Lune danse à ses côtés, sa fourrure noire et blanche brillant sous la pluie. Elle est la gardienne des mystères, la compagne silencieuse. Ensemble, elles réveillent les esprits endormis, les esprits qui murmurent dans le vent, les esprits qui connaissent les secrets du monde.

III. Le Feu Intérieur

La pluie ne peut éteindre le feu qui brûle en elle. La femme danse plus vite, ses pieds s’enfonçant toujours plus profondément dans la terre. Les éclairs zèbrent le ciel, illuminant son visage extatique. Elle est à la fois mortelle et immortelle, une créature de chair et de songe.
Lune la suit, sa fourrure luisant d’une lueur surnaturelle. Elles sont deux âmes en fusion, deux êtres liés par la mélancolie et la passion. La femme chante des incantations anciennes, invoquant le feu des étoiles, le feu des ancêtres, le feu de son propre cœur.

IV. La Lune des Amours Perdus

La lune se lève, pleine et ronde. Elle éclaire la clairière d’une lueur argentée. La femme danse maintenant avec une ferveur désespérée. Son amour est parti, emporté par les vents, mais son âme reste prisonnière de ce lieu sacré.
Lune miaule, sa voix mélodieuse se mêlant au chant de la femme. Elles sont deux âmes en deuil, deux amantes séparées par la mort. La lune sait tout, elle a vu les étreintes passionnées, les promesses échangées. Elle veille sur cette danse funèbre, sur cette quête de rédemption.

V. L’Éternité des Éléments

La pluie continue de tomber, inlassable. La femme danse jusqu’à l’épuisement, jusqu’à ce que ses jambes fléchissent et que son souffle se mêle à celui du vent. Lune reste à ses côtés, immuable, sa fourrure trempée, ses yeux brillants d’une sagesse millénaire.
La sorcellerie opère. La femme est à la fois la pluie et la terre, le feu et les étoiles, la lune et les ancêtres. Elle danse pour l’éternité, pour l’amour perdu, pour la mémoire des dieux. Et dans cette clairière sacrée, elle devient une légende, une histoire murmurée par les arbres, portée par le vent, gravée dans la pierre.

Bibliographie

  • Des nouvelles de Léda ?, Rafael de Surtis, 2024
  • Les ailes du papillon, L’Altérité, 2024
  • Le Cliquetis des Mâts, Rafael de Surtis, 2023.
  • Les Vies Antérieures et Intérieures de Catherine Andrieu (Entretiens), Rafael de Surtis, 2023.
  • Alors je jouai Antigone, Rafael de Surtis, 2023.
  • Refuge, journal de l’oubli, Rafael de Surtis, 2022.
  • Amours et jeux d’ombre, Rafael de Surtis, 2022.
  • Piano sur l’eau, Rafael de Surtis, 2021.
  • Parce que j’ai peint mes vitres en noir, Rafael de Surtis, 2020.
  • À fleur de peau, V.Rougier, 2020.
  • J’ai commencé à dessiner des Anges, Rafael de Surtis, 2020.
  • Des nouvelles du Minotaure ?, Rafael de Surtis, 2019.
  • Correspondance Catherine Andrieu-Daniel Brochard, Petit Pavé, 2019.
  • Très au-delà de l’irréel, Rafael de Surtis, 2018.
  • Hawking ; étoile sans origine, Rafael de Surtis, 2018.
  • Ce monde m’étonne, Rafael de Surtis, 2017.
  • J’avais bien dit Van Gogh, Rafael de Surtis, 2017.
  • Seuls les oiseaux sont libres, Petit Pavé, 2016.
  • Nouvelles lunes, Petit Pavé, 2014.
  • Poèmes de la Mémoire oraculaire, Petit Pavé, 2010.

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