Il dit :
il n’est pas de chaque coucher de soleil un même coucher de soleil.
pareil avec tes yeux,
et leur magie à dissoudre
avec l’envie de les voir tes yeux à chaque printemps.
il n’est pas chaque coucher de soleil de même coucher de soleil
__
Elle dit :
Je t’aime, une façon de nager, de perdre la respiration,
de se noyer
en toi
__
Je nagerai de toutes mes forces
sans objectif clair, nagerai en amont
sur les deux côtés de la rivière
jusqu’au bord de l’éternité
vers toi je nagerai
__
l’air était dans la bouche et la brûlure
dans les profondeurs du corps.
demain je le ferai.
bonsoir cœur
__
Je le ferai de très loin,
dans un endroit évadé
où je serai belle
ou rebelle,
loin du regard qui n’est pas toi.
Je bascule
__
dans tes gémissements profonds,
voix cachées dans ton souffle,
Je deviendrai aussi claire que ton regard
__
Je ne suis pas l’amour qui soulage
mais c’est vérité très certaine
quand les objets nous regardent
Nous ne sommes pas toujours visibles
__
Moi aussi te regarde
nue sous mes paupières,
nue sous ta peau,
nue dans ma vie
__
depuis bien longtemps
Nous avons un vieux chien
quand nous sommes entrés
Il a ourlé ses larmes sur nos visages
__
Elle dit :
Je marche plus lentement que mes pas
pour découvrir d’autres lieux
__
J’ai fréquenté des visages,
adopté le temps passé à l’ennui et la douleur
tendus jusqu’au noir,
et toi est le visage du dedans
__
Personne ne regarde la sueur comme la pluie,
gros plans dépareillés de nuits d’amour
__
la rencontre assouplie de nos corps,
énergie durable d’un monde crispé,
arrondit sa circularité
s’accumule sur les draps
et notre lait sur le sol
__
Elle dit :
vouée à toi pour toujours
__
impressionnée par les gens qui
orange et fraise de plaisir avant,
après, se pressent de jaune et bleu chaud,
comme lui
__
Ils ont dit :
Vous trouverez la maison au sommet de la montagne
quand nous sommes arrivés
nous n’avons pas trouvé la maison,
nous avons regardé en arrière
et trouvé la montagne
__
juste au milieu de l’espace
Je n’avais que toi
pour sentir en communion le silence
et parfois même
entendre l’ombre de mes bruits intérieurs
__
mille et trois fois parfumée
comme toi
la montagne qui déroule ses pentes
est une source de textes sans fin
__
ci-dessous, ci-dessus
Je suis mot pour mot, chasse battue de ton odeur
sous le lobe de l’oreille
__
pas transparent mais brillant de quelque chose d’oublié
transformé en vie,
laissez-moi monter au ciel voir la pluie tomber
__
et peut-être encore ici éclairer le close-up,
le cou un peu vers l’intérieur, sans présentation
pousse mon corps.
Tu as ouvert ta robe, desserré tes membres,
et glissé comme dans l’eau
__
J’ai grandi pour être rivière en abondance,
soulever un navire que je veux tous les jours sur mon lit
réveiller d’autres eaux aux pieds des rocs
devenir une mer à en chavirer
Je serai océan
__
laissez-moi.
Je vous embrasse avant le départ.
privé du souffle
laissez-moi respirer votre sexe
et me porter fou blessé, livré
au bout de tes dents
__
Elle dit :
dans l’expérience des montagnes,
les rivières qui coulent vers le bas de la terre
changent la forme des nuages.
dans la formation de l’espace vide,
les hidden hills contiennent une imagination infinie
__
à l’envers de l’histoire
encore une fois se glissent
les crinières
des archipels
__
Je ne connais pas le comment
ni le chemin
mais pas grave,
près de toi on me trouvera
__
caresser dans le sens des couleurs
pour maintenir en vie
jour et nuit
la peau des identités
__
dans le paysage de ton image,
les gens demandent
si tu es œuvre d’art
__
plus tard nous avons quitté le chien
en regardant l’arbre s’enraciner
autour de ses traces
__
sables et pierres se chargent d’arrêter ta course.
les serrures se chargent des punitions
__
Tu aurais voulu jeter une brique de jade,
aurais voulu sur moi jeter
une pierre lapidaire,
une pierre de verre
sur mon existence,
du long de ta jalousie
de partout te creuse de l’intérieur
de plus en profondeur
__
Il dit :
pour combien fort
tu m’aimes ?
parfois cela peut durer plusieurs jours,
parfois une vie entière
parfois pas du tout
__
Il dit aussi que
si tu pars la lune ne pourra plus soutenir le ciel
et s’écrasera sur nous
__
mettons des milliers d’années lumière entre nous
avant même de se séparer
quand l’impossible de rester près de l’autre
__
alors le photographe
a demandé de joindre nos visages
en guise de souvenir
__
Elle dit :
la toile tranquille au tissage dense
autour de l’encre du pinceau pue.
Tes mensonges aussi
__
la glace fond
sans penser à l’inconstance des courants.
dans mes poumons
Mes noyades seules
peuvent l’oubli de ton nom
__
masquer le calcul du temps
__
Ils disent de moi
Je suis partie d’où habite
Ton corps coulé au mien
ou l’inverse
__
avec toi, les mots s’enfuient dans des horizons
très divers
comme les villes qui changent de nom
ont beaucoup voyagé
__
comme des gens désactivés
Je marche égarée
avec des souvenirs de sexe
aux centres d’érections sensibles
effleurés du bout de ma langue
__
Elle dit :
Je regarde le paysage indéfini des torrents
lieu des ressorts aux lèvres ouvertes du paysage.
Tes sentiments ne sont pas comme ça
mais d’un corps frileux
__
le silence du Nord dépasse les 170 parallèles
ma petite vie, longue road-movie sur la route
que je pousse devant moi
au milieu d’un vent froid qui souffle
où la lumière est
le plus souvent autrement
qu’embarrassée
__
un jour
une sensation de brûlure
se fera
dans les profondeurs de la terre
où vivent les immortels
__
Il a dit :
Je suis ce qui de l’eau prend le tout de moi.
__
c’est là que je comprenais ce que j’ai vécu
effrayée par la peur des autres qui appuient fort sur ma poitrine,
occupent une place de trop
à tout moment du jour et de la nuit,
ne permettant pas le moindre risque
__
c’est le froid du cap du silence
__
Elle dit :
laissez-moi rester là-bas, au milieu d’un blanc au nord
où rien ne me dérangerait
ne suis-je pas la propriétaire
du sourire immortel qui peint les rêves
__
Il s’est nourri là aux impasses de ma vie
__
dans ce temps-là
son corps aux tremblements de ma terre
s’est déformé, au figuré aussi,
de-ci, de-là
__
Nos histoires de vie se sont perdues
virtuelles ou réelles
ouvertes à l’air
__
J’ai vu pleurer à cause d’une seule personne
Je ne sais plus si elle était à côté
ou bien loin déjà de l’autre côté
__
Nous sommes morts un nombre incalculable de fois
pourtant revenons toujours à la même table
pour parler d’autres langues
pour essayer de nous aimer à nouveau
__
en pointe de miel
__
Tu passes plus de temps à surmonter
de halte en relais les peurs passées
__
intimité intermittente
ne pars pas.
perçons le temps
entrons dedans
s’y cacher tous les deux
__
Je sais, mais dans mon coin
il me faut entendre des rêves de bonheur
et tricoter sur un autre écran
l’espoir de nos enfants
__
approcher le rêve,
le prendre en embuscade
le renverser
le mettre sur le dos et recommencer par étapes
balbutiantes
__
les mains regardent de travers
couvent une brûlure légère
pour savoir
Je suis parti ou je reviens ?
__
une question doit être épaisse,
interne
avec 24 heures sur 24 dans la tête
sans raccourcis,
en la tenant bien
__
contre la saison des larmes
les doigts au-dessus de la tête
une main sur la tête
la tête sous les mains
vers l’avant des gouttes
Il pleure
__
dessiner un couple
avec leur bras autour
de leur tendresse
les laisser
se laisser faire
__
moitié-nue vers le bas,
porte entrouverte
poids léger
vent caressé
me tourne vers l’inconnu et crie,
c’est toi
__
difficile d’y croire
peut-être
mais qu’importe
c’est si simple,
ferme les yeux
fermons les yeux
__
Elle dit :
Je regarde
et cela nécessite plus de temps à sentir,
à éprouver
l’encre
aux milliers de couleurs
__
Elle dit :
un paysage ne peut être peint avec un noir d’encre.
ajoute :
colorie le foyer de la vie
avec l’obsession de la lumière et de l’ombre,
copie le paysage,
autoportrait de l’âme
__
Elle dit :
habiter la texture des images riches
pour montrer l’esprit des choses
aux compositions harmonieuses des tentations personnelles
__
Ce n’est pas n’importe quel voyage raconté
où va la pointe du crayon
qui devient ravin, meule, sein, arbre, orteil,
brume de brouillard que sécrète la terre
__
avec le même roulage vécu hier
se poursuivent d’étranges étés
__
plus tard nous avons promené le chien
loin devant nous
__
rencontrée ailleurs
dans une année au cœur battu fort.
Te voici à la verticale
entre les arbres peignés de près
__
neige venue goutte à goutte
que j’ai senti un hiver petit.
peu de neige cette année
__
et à t’aimer,
Je jette d’incroyables malédictions sur tes amants futurs
et m’installe comme un fou de parler
__
Je vais brûler quelque part
avec comme brève distraction
la photo du monde à effacer
away de mon regard
__
mais aucun miracle ne surviendra
pour retrouver le chemin de la maison
__
Moi maintenant vieux chien éraflé
au renfoncement d’une rue
Je brûlerai très lentement quelque part
devenir aveugle pour oublier
__
Alphabets du corps, Colette Leinman , 2015
Entretien avec Roselyne Sibille
D’où vient l’écriture pour toi ?
En relisant mon entretien avec Sabine Huynh lors de ma précédente publication, j’ai compris qu’il ne pouvait y avoir une seule réponse à cette question, comme à n’importe quelle autre d’ailleurs.
J’avais alors raconté un souvenir d’enfance – la transformation de l’encre noire en signes mystérieux posés sur le papier aussitôt transformés en sons . Aujourd’hui j’ajouterai quelques mots : geste, image, mystère, désir, partage, magie...
Comment travailles-tu tes écrits ?
Je disais « l’écriture commence par le tarabuste », mais elle ne peut être séparée de « la situation » qui la déclenche ou qu’elle crée.
Quelle part occupe la poésie pour toi au quotidien ?
Ligne de fracture, ligne de survie.
Que t’apporte l’écriture ?
Me sentir en flagrant délit de bonheur.
Quel auteur est fondateur pour toi ?
Michaux qui écrit l’angoisse de l’expérience humaine et les secrets oubliés des mondes, et dessine la plasticité de l’informulable. Tentative d’un dialogue au rythme de l’errance, mais où ma démarche se veut dans un espace de jouissance.
Quelle est ou quelle serait ta bibliothèque idéale ?
Une bibliothèque ouverte à l’imprévu.
Née à Mont Saint Aignan, Colette Leinman est arrivée en Israël à l’âge de dix-huit ans. Elle a étudié dans une Ecole d’art et poursuivi son parcours universitaire jusqu’à la thèse de troisième cycle.
Colette Leinman a publié des recueils de poèmes et a participé à des publications poétiques dans de nombreuses revues.
Elle expose régulièrement en Israël et en Europe et ses œuvres font parties de collections muséales et privées.
Bibliographie :
2015. Bas de soie, petits bas cousus, chaussettes, éd. La Porte, France.
2012. Le Cycle des N’Hommades, Paris, Le Scribe-L’Harmattan
« Cinquième version de mon horizon » dans pas d’ici, pas d’ailleurs. Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines, éditions Voix d’encre
Site personnel : colette-leinman.com
Poèmes inédits dans Terre à ciel.
« Un saut dans le vide », poème, dans Terre à ciel.
« Montgolfière », poème, The Ilanot Review.
Expositions personnelles :
2015.« Mondes invisibles », Galerie Haorgim, Holon, Israël.
2014. « Pris dans le réseau,... ou Café Botz », Beit Hecht, Haifa, Israël.
Publications académiques :
2015. Les catalogues d’expositions surréalistes à Paris entre 1924-1939, Rodopi-Brill, Amsterdam - New York, coll. « Faux titres ».
2014. « La place du Symbolique en art, New-York et Paris après la seconde guerre mondiale », in Etats du Symbolique, Editions in Press, Paris , pp. 659-677.
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