Les éditions La Porte offrent de la poésie, de l’art et de la littérature sous la forme de plaquettes, ou livrets (format : 10 x 24 cm), cousus main par Yves et Monique Perrine, dans leur atelier à Laon, en Picardie. Plusieurs raisons font que nous sommes, chez Terre à ciel, des inconditionnels de cette maison exigeante, sans parler du fait que la plupart d’entre nous sont fiers d’y avoir vu leur travail publié avec soin.
Tout d’abord, La Porte est un micro-éditeur de poésie assez confidentiel (pas de site web consultable en ligne, les titres sont toutefois référencés par la BnF, plus de cent à ce jour), mais dont les livres se sont tout de même fait connaître, par le bouche à oreille, grâce à leur qualité. Depuis au moins une douzaine d’années, cette maison publie, chaque trimestre, des recueils de poètes confirmés tout comme de découvertes.
Les élégants livrets de couleur ivoire, qui comportent jusqu’à 24 pages, sont édités en général dans la collection “Poésie en voyage” et tirés à deux cents exemplaires, numérotés.
Le fief des éditions La Porte à Laon abrite aussi des archives uniques : Yves et Monique Perrine invitent chacun de leurs auteurs à leur envoyer leurs poèmes écrits à la main, une fois ceux-ci publiés.
Finalement, les abonnés reçoivent dans leur boîte aux lettres, en accompagnement aux recueils, des cartes et des photographies exquises, en petit format, confectionnées par les éditeurs eux-mêmes, avec toujours un petit mot personnel au dos, et quelquefois, un des minuscules livrets, dont les éditeurs disent : « Les minuscules livrets sont pour nous une façon d’accommoder les restes (de papier) et surtout de faire plaisir aux amis de La Porte ».
Cette maison a donc tout pour plaire. Voici un florilège des textes qu’elle publie.
(4 € le livret. Abonnement : 6 livrets 22 € port compris pour la France. Règlement à envoyer à : Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin, 02000 Laon.)Sabine Huynh
je t’envoie des cartes
de feuilles d’arbres et de mots mêlés
tu les accroches au mur de ta chambre
pour faire à tes rêves un lit de mousseCécile Glasman
Une autre manière de ciel
2011
1.
Une fois franchie
la porte nous a laissé derrière nous -
et d’un seul pas nous sommes devenus futurspoussant droit dans son mystère
on s’en remet à l’ombre
qui nous attendait alorsvoici que s’ouvre d’un coup
une épaisseur d’inconnu
encore à fendreGérard Titus-Carmel
La Porte
2012
toiles de mots
tisses pour nousje voudrais qu’elles brillent
comme les fragiles entonnoirs
des araignées dans les buissonsle temps s’y accumule
sans laisser de poussière.Christian Garaud
La cigale bien attachée
(plus ou moins) - 3
2012
des compte-rendus d’échographie on vous demande tout sur lui sur vous, si vous disposez de films vidéos de votre enfant dans les premiers mois & années de vie non vous n’en avez pas, il nous serait très utile que, dans le cadre des recherches que nous menons, cette angoisse avec le soir qu’écarte votre fils souriant battant des mains comme si de rien
Romain Fustier
Comme si de rien
2013
elle revient
avec le vent
et les hirondellespousse l’air sur son passage
je m’écarte de tant de clartéCécile Guivarch
Du soleil dans les orteils
2013
Si loin en avant
Il n’y a plus de lisièresLa flèche n’atteint pas
Parce qu’il n’y a plus de cibleIra-t-il jusque là
Le scarabée en attente dans la poussière
Dos luisant pattes arquéesLes mots tiennent le passage
Françoise Hàn
Scarabée en attente
2014
le soleil d’aube à aube nous trompe ô Virgile
l’attente d’un roi errant ressemble à la mer
Pénélope se noie dans la nuit décousue
les doigts de pluie lui tissent une robe d’eau
tandis qu’un mendiant parle au chien de la mémoire
l’île tourne au vent d’un beau songe d’hierHubert Haddad
Glossaire de la pluie
2014
Ciels de fils invisibles
tendus
par-delà les miroirs
et la rumeur des villeslent charroi des ans
un milan plane
candeur du vol en majesté
cercles luminescents
aux avant-postes
du désirvertige
Angèle Paoli
La montagne couronnée
2014
Humble dans mon corps, le matin se glisse :
l’odeur du café, du pain grillé
tout ce temps entre nos mains
et je songe aux pommes de Cézanne
sur la table, sereines, impérissables.Le vent commence à froisser le jour
et pendant que je retourne à l’intérieur
de moi, des volées de mots s’agitent, bientôt
se posent sur des lignes compactes.Je vois surgir le reflet de ton visage, la vie
– tout ce temps entre nos mains –
s’ancre, comme un bateau enfin prêt
à affronter le voyage.Hélène Dorion
Comme livres d’amour
2005
Et je me lève, c’est la chaleur. La poussière
Tarde à tomber sur les buissons du bord de la route.
Le temps cherche ses marques. Je compte, mais j’ai perdu
Les nombres. Les voix qui chuchotent font dans l’ombre
Comme une clarté bougeante. J’ouvre les bras, je déplie
Mes jambes. Je me dresse avec peine. Le monde ne m’a jamais paru aussi étroit.
Jacques Ancet
Debout, assis, couché
2014
La leçon de Balthus :
Peindre pour
Faire tomber la vie dans la vieMais dans la vie originelle
Qui est le frémissement
D’un presque silence
Contenant pourtant tout l’espace
Peindre comme un geste
Infini :Peindre comme l’eau de source bute
Sur les syllabes
Comme elle échoue à trouver
Une fin à son poèmePeindre comme vivre
Matthieu Gosztola
Rencontre avec Balthus
2013
Marcher devient source d’énergie ; vivre au jour le jour c’est aller à l’encontre du hasard. Tout est sens, dessus dessous ? Tu ne marches plus dans le monde, un monde somnambule marche au-dedans de toi. Vers qui te tourner ? Le froid et la faim te rappellent la réalité du corps : un corps emmuré au silence, égaré, ballotté, rejeté, un corps qui doit se forger de nouvelles clefs pour vivre.
Joseph Pacini
Chemins d’errance
2014
Heures volatiles éternisées
Les fol avoines tapotent patiemment la lumière
Pourtant le soir vient
caresser les flancs secs des vallons
les immenses gradins en rubans
autrefois cultivésAmplitude majestueuse de tout un paysage
Roselyne Sibille
Chaque jour est une page
2014
le manche du couteau
tu me dis
c’est de l’or
sous son chapeau
de paille
un homme sème
des graines
de magiela lame du couteau
s’enfonce
dans le pain
et taille des sifflets
disparaît
dans son antre
et blesse la poche
du pantalon
de toilebleuie
Clara Regy
Ourlets
2015
je connais des perles qui sont des larmes
et des passantes de lentes palombescette nuit je l’ai vue timide ma vie – recluse dans l’odeur du papier
pareille à un arbre amoureux à côté d’un autre arbre
avec des cerfs aux bois pleins
d’aurore
le front lourd d’une terreur qui est la plus belle ombre
et qu’on appelle une phrase
je l’ai vue – debout regardant droit dans l’astre crasseux
promenant ses ballades d’une bouche à l’autre
le daim noir d’un caniveau
venir sur la mer aux racines âpresSylvie-E. Saliceti
Et quand tu écriras
2015
Le chemin commence
par l’œil qui crisse
du fond de la mémoire
par l’attente d’aller
au-delà des ramures
légères comme un voile
sur une image de défuntchaque instant se forme du fond de l’exil
allée muret sous-bois
rencontre
avec le bruissement de soi
avec la roche ronde
_- le récif et la vague -Gilles Lades
Une source au bout des pas
2014
de quelques mots
tu as allongé
l’ombre des arbres
alourdi mes semelles
tu m’as traversée
le corps
du petit cri pointu
de longs ciseaux d’acierAmandine Marembert
Neige tremblée
2012
au nuage venu manger dans votre main
et à la note inespéréeau givre qui fleurit les vitres
au feu sonore de la cheminéeau fleuve qui se fait du mauvais sang
au vent plus vaste que la mer
à la criée des mouettesGilles Baudry
Votifs
2010
On se repasse en boucle
La même histoire
Cela n’a pas de fin
Les rêves resurgissent
Chaque nuit
On se demande ce qui
Finalement prédomine,
Le présent ou le passé,
Le passé dans le présent.Valérie Canat de Chizy
La chambre des parents
2012
Elle est
n’est pas
ce corps pur composé
où j’essaie de te dire
les espaces intriqués
de langues entre-croisées
les ponts de signes
qui s’élancent
hors du tohu-bohu
des désirs sur pilotiselle est ce corps-capharnaüm
de poubelles et d’îles grecques
dans une assourdissante fureur
allègre
qui transcende les grues
grignotant inlassablement
l’horizonSabine Huynh
Ville infirme, corps infini
2014
il est des gens portant des
petites cloches de vent pur.Il est toujours temps de s’entretenir
avec l’herbe sur l’herbe, de
laisser danser les grillons.Plie les doigts.
Couvre-toi d’eau douce dans l’eau
Israël Eliraz
Il doit sûrement en être ainsi
2006
Ma main ne vit
que pour se poser sur toi,
dans une caresse
qui serait
un murmure du satin,
un aveu
du satin.Matthieu Gosztola
Klimt, nos rendez-vous viendront comme viendra la neige - « monologue »
2015
de mon salon sous les pins
j’observe les moineaux picorer
le pain du déjeuner et partir
repus dans les cieux le bec
blanc de mie en avant transpercer
l’air en forme de ballon de baudruche
c’est ainsi que la mélancolie
naît
à moitié oiseau
à moitié neigeThierry Radière
Juste envie de souligner
2015
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