Né en 1949. Poète, écrivain, traducteur. Enseignant-chercheur et directeur de recherches au Japon (université Aoyama Gakuin Tokyo) puis à l’université de Franche-Comté. Son œuvre est largement orientée vers la poésie avec une vingtaine de titres et de livres d’artiste, avec des récits, des ouvrages de prose poétique et d’autres mettant en dialogue différentes expressions artistiques (sculpture, peinture, gravure, musique, mises en résonance avec ses textes). Son travail porte aussi sur des Démolitions en prise critique sur le discours « communiquant » de l’époque. Par ailleurs il est l’auteur d’essais critiques et de traductions.
Parmi les ouvrages récents, on trouvera :
Avant l’éclipse, Éditions Virgile, 2004 (nouvelles) ; Le Poids de l’air, Éditions Virgile, 2006 (nouvelles) ; Moires, Éditions Empreintes, 2007 (poèmes) ; Chant des Poussières, L’Atelier du Grand Tétras, 2010 (poèmes) ; Derrière les yeux, l’Atelier du Grand Tétras, 2012 (poèmes) ; Clair-Obscur, l’Atelier du Grand Tétras, 2013 (poèmes adossés à l’op. 116 de Brahms) ; Trois poètes vénézuéliens, Murmure, 2014 (traduction) ; Portée des ombres, pour une poétique de la lecture, Presses Universitaires de La Méditerranée, 2015 (essai) ; Matarile n’est pas un jeu, 2016, l’Atelier du Grand Tétras (traduction d’un récit de S. Barreto Ramos) ; Ambrosio, Éditions Corlevour, 2017 (récit) ; Traces, L’Atelier du Grand Tétras, 2017 (poèmes en dialogue avec des encres d’Isabelle Proust) ; Des voix à travers les feuilles (poèmes à l’écoute de Claude Debussy), L’Atelier du Grand Tétras, 2018, avec des aquarelles originales de Bern Wery ; Au fil des falaises (Poèmes en dialogue avec le tableau de Courbet Un enterrement à Ornans), L’Atelier du Grand Tétras, 2019. Au cœur de l’instant, Pierre Bonnard, (Poèmes en dialogue avec l’œuvre de Bonnard). L’Atelier du Grand Tétras, 2021.
Extrait de Descente de voix / Pour un tombeau de Pierre
Prix Ilarie Voronca 1993, Éditions Jacques Brémond[…]
Le dehors est sorti de ta main ouverte[…]
Père
dernier garde-corps
entre moi et la mort[…]
Front au mur
l’après-midi
guettesilence
aux fenêtres crevées
ton regard
est pendu[…]
Sous le brouillard qui se relève
ton visage a disparu
Extrait de Moires, Éditions Empreintes (2007)
Encore la nuit
Alors
sans raison
sans un regard
le soleil sort de tableIl entraîne la nappe de lumière
encore couverte des reliefs
C’est l’heure
claires-obscures
les hirondelles
tournent d’un cri
les serrures du ciel
Extrait de Chant des poussières, L’Atelier du Grand Tétras (2010), Lenteur des foudres
À Judith, lent éclair
Ô vigne en vain mince filet de mains jeté sur le présent Sur le bois vendangé pas un mot ne reste de l’été Après le cri de la lumière le ciel efface lentement les ombres
Les jours si longs que les couleurs usées jusqu’à la trame tout l’air respiré toute la chaleur
Puis un jour on ne sait pas quand ferme la porte grise de l’hiver à l’embrasure de l’horizon Le jour jeûne du matin au soir La colline perd la tête dans les brumes Seul le coteau tient encore au texte déserté des vignesLe sang tarde au bout des mains l’ombre reste nouée à la nuit en retard le paysage à quai en attente de départ
Cépages suspendus le silence le froid inutile de prier Les derniers coups de fusil ont dispersé les bois Seul le coteau tient encore au texte déserté des vignes
La journée tombe en plein vol à grands traits de corbeaux Au bâillon des nuages
les oiseaux perdent leur cri À genoux dans la poussière seul le coteau tient encore au texte déserté des vignesPlus un mot entre les lèvres du jour et de la nuit Nul n’entre nul ne sort Les routes hésitent dans la sourdine Les chemins suspendus presque immobiles dans la phrase qu’ils reprennent la terre les porte un peu moins vers l’absence d’issue
La lumière tombe des murs elle n’a plus de prise lâche le dehors laisse les places au brouillard sans geste Alors le lieu ne tient qu’aux cuisines au feu du gaz aux ampoules nues qui veillent depuis les fenêtres
Le froid scelle les portes L’étrave des toits mouillés à la pointe de l’averse Seul le coteau tient encore au texte déserté des vignesLa rue n’a plus de voix elle brûle ses derniers pas le ciel la touche de son œil blanc qui tourne autour des clochers vides La terre est sourde La cloche inutile personne ne garde l’horizon Seul le coteau tient encore au texte déserté des vignes
On avance à tâtons on dépense son corps en s’usant aux trottoirs Il est vain d’accrocher les mots à notre chute Et pourquoi écrire son âme si le ciel ne lit pas ?
Hélas l’œil passe et n’a pas de caves Seul le coteau tient encore au texte déserté des vignes il tient à la virgule des ceps où s’est tenu le souffle aux nœuds de silence où commence le lent éclair des vins
Il reste le bois des foudres au bout de nos cendres La prière des fûts survit à la chair défaite Et le temps s’en va au bout des membres au bout du regard dans les plis de la terre il passe la main au sortir des lignes de notre lopin de temps
Il faut laisser les vignes à l’infinitif du moment laisser d’autres conjuguer le printemps Lâcher prise et laisser le vin penser au-delà de nos corps Le vin le vin qui seul sait vieillir
Extrait de Traces, L’Atelier du Grand Tétras (2017), (Avec des encres d’Isabelle Proust)
Assis dans les marges
le sous-bois
nous regarde passerLe soleil
suspendu
dans la guipure des branchesL’éternité posée
sur la trame de l’instant
N’était la mer étale
des feuilles mortes
et le sillage des pas
où craquent les regretsLà-haut
nuagesOmbres blanches
de nos pensées
qui marchent
Extrait de Des Voix à travers les feuilles / À l’écoute de Claude Debussy, L’Atelier du Grand Tétras (2018), (Avec des aquarelles originales de Bern Wery)
Soirée dans Grenade
BattementLe pouls de la marche
ou celui de la danse
Sourdement un tambourqui soulève l’oreilleEst-ce un cœur qui approche
ou le soir qui descend
ou la nuit qui cortège
plus dense à chaque pas ?Et soudain on devine
sur la crête des lointains
la clameur assourdie d’une ville
sa silhouette de lueurC’est là-bas
l’autre face de la nuitArrivés aux confins du présent
on piétine le moment de ténèbreOn devine par-delà l’horizon
la danse du rêve et ses flambeaux de prélude
l’ombre tournoyant là-bas
des femmes guitare
leur robe de mystère
et les feux du bonheur
qui campe pour la nuitDe la gorge des montagnes
comme l’haleine d’un chantOn dirait Grenade entrouverte
et des corps qui palpitent
au revers de la nuiton avance
on écoute immobile
aux prémisses de la fête
dans l’ourlet des guitaresEt soudain épuisée
la nuit soulève les paupièresDéjà le jour grand ouvert
Et Grenade éteinte
se retire pour dormir
dans ses draps de soleil
« Fluide », Démolitions
Hey !
Cool, ça coule
je suis le fluide
le nouveau genre humain
l’avenir de l’espèce
main stream
Hermès et Aphrodite …
« Affreux » vos dites ?
Mais non la messe est dite
avec les blinder studies
ça crève les yeux
l’avenir de l’humain
c’est moi
entre Hermès et Aphrodite
entre les dieux
il y a plus le grand écart
il y a moi l’escargot
je baise avec moi-même,
c’est comme les selfies
j’en bave de plaisir
le matin Oscar et le soir Margot
je suis il et elle
ça me donne des ailes
et ça fait la père
Je suis jeune ou vieux
comme je veux,
et mourir ? si je veux ! même pas peur !
On ne naît pas mortel on le devient
comme noir et blanc, c’est pas plus clair ?
Le matin je suis Wagner
et le soir la Reine d’AngleterreFéminin masculin c‘est has been
vive la langue permissive
Plus de nom de pronom
libérez le nom ! déchaînez les sujets
dézinguez les verbes !
Transsespèce, transsrègne,
escargot, araignée,
Je suis chêne, je suis noyer— Eh Oscar, eh Margot, à propos
si t’es fluide comment tu fais pour pas te noyer ?
— T’es qui toi ? Je te trouve un peu queer ?
— Oh Margot, Please, pas d’argot avec moi.
Alors qui je suis mon joli ? On m’appelle Anubis, Osiris,
camarade, la Camarde si tu veux,
et si tu veux un scoop,
fluide ou pas fluide,
il faut que je te liquide !Page réalisée par Florence Saint-Roch
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