Née le 22 janvier 1925, Heather Dohollau passe son enfance au sud du Pays de Galles. Elle commence très jeune à lire et à écrire, consciente d’un possible des mots. Grâce à la bibliothèque publique de Penarth, elle découvre Hölderlin, Rilke et Rimbaud, entre autres.
Survient la guerre, et le départ de son père (qui travaille pour la Air Ministry) pour Londres. En 1942, à dix-sept ans, Heather Lloyd se rend à Cardiff, malgré les bombardements de la ville. Le 23 septembre 1946, sa mère meurt, ce qui pousse sa fille à partir pour Paris (en juin 1947).
À Paris, elle s’inscrit à l’École des Beaux-Arts. C’est le début de deux années de solitude et de deuil, mais de fortes découvertes également : sa rencontre avec l’Existentialisme marque le début d’une pensée de la liberté que nourriront Dostoïevski et Chestov.
Au cours d’un bref séjour en Bretagne, sur l’île de Bréhat en juin 1950, elle rencontre son futur mari Yves Dohollau. Ils s’installent à Bréhat. La peinture imprégnera et marquera fortement l’œuvre poétique de Heather Dohollau. L’été, elle s’occupe avec son mari d’une galerie d’art breton dont des créations de Pierre Toulhoat. C’est à Bréhat qu’elle rencontre le poète Louis Guillaume qui y séjourne régulièrement. Il lui fera découvrir plusieurs écrivains européens.
Heather Dohollau et sa famille viennent habiter Saint-Brieuc en janvier 1958, mais continuent de vivre à Bréhat l’été jusqu’à la vente inévitable de la maison (et galerie saisonnière) en 1969. Elle commence à écrire dans sa langue d’adoption, le français et fait rapidement la connaissance de Louis Guilloux.
En 1978, son premier recueil, Seule enfance, paraît dans la revue Solaire. Il attire l’attention d’Yves Prié, son futur éditeur, qui publiera tous ses écrits en français aux éditions Folle Avoine. Les années 1970 sont également des années de grands voyages, en particulier vers l’Italie (Venise et la Toscane se retrouvent dans de nombreux recueils), mais aussi en Iran et en Russie.
Heather Dohollau a été promue Chevalier de la Légion d’honneur en 2000. C’est le poète Lorand Gaspar qui lui remettra cette distinction à la Mairie de Saint-Brieuc. Sa poésie a été traduite en anglais, italien, allemand, polonais, arabe et hongrois.
Elle est décédée le 30 avril 2013.Source : Wikipédia
Extrait de Matière de lumière, Folle Avoine (1985)
Ici parlait l’indicible
Je vivais dans un corps dédoublé
La mer derrière le verger
S’ouvrait comme une fenêtre
Sur le ciel des cheminsL’île est une langue
Porteuse précaire du possible
Dans ses limites abruptes et douces
Des trèfles de l’improbable
Je comptais les fleurs de bonheurLes mots venaient du vent
Par le creux des arbres
Entre les pierres
De la traversée
D’une chair de silence*
Matière de lumière les murs
Dans le retournement du soleil
Comme la mer éclate ses limites en écume
La clarté presse la clarté
Au bruit d’une main
La fleur s’ouvre en elle-même
Sans faille l’épaisseur est de surface
Les pierres saignent l’or du soleil
La contre lumière recèle le jour
Hors de toute prise
Intact dans les ténèbres claires
De sa finalité
Extraits de Un regard d’ambre, Folle Avoine (2009)
Ce soir les mouettes volent vers la mer
laissant le soleil aux lèvres de l’ombre
à l’est le ciel a pressé toutes ses couleurs
et deux nuages oranges suspendus dans le bleu
errent lentement vers la nuit
les mouettes descendent la vallée de l’estuaire
pressentant le point invisible où tout repose
des cris épars ayant étalé le silence
elles s’endormiront du côté de l’aube*
Sur un banc face à la maison
dans le vide de l’attente
devant la porte ferméedu piano du salon vient une musique
vite bue par le cheminô beauté béance du lac
pourquoi n’as-tu pas su me retenir
près de cet œil mort
comment me laisser partir
vers l’envers de la montagne
Extraits de La terre âgée, Folle Avoine (1996)
Ici au bord du lac est le seul espace
Où partir sur une mer bordée de terre ?
Le soleil et la lune grandissent les heures
En hautes frondaisons bleues aux tiges absentes
Les pentes des jardins hésitant en marches
Etirent le ciel sur une couche mouvante
Surface sans substance réelle où brillent en leurre
Les ailes miroitantes d’un vol suspendu*
Une photographie prise cet été
Montre une femme aux cheveux blancs
Dans une chaise longue
Pieds nus au paradis
Et là dedans dehors
Je la rejoins
Au soleil d’un matin
Où la terre
Un instant se retourne
Et prend encore
Sa jeunesse dans ses bras*
Le soleil sur la place une cruche se verse
L’eau de la lumière court de verre en verre
Les jaunes les roses embrasés sur les murs
N’existent que par ce centre grand comme la main
Levée au bout du bras contre ses feux
Pour redonner à l’ombre droit de regard
Car ici c’est une présence qui se meut
Et passe en robe claire entre les tables
Extrait de Seule enfance, Solaire (1978)
Il y avait une lumière fraîche sur la route
Le croisement restait vide
Ici et là se balançaient doucement.
Le soleil incrustait dans toutes les vitres
Ses diamants fervents.
Sur la pelouse devant la maison
Une petite fille en robe verte
Tenait une poupée par la main.
Souhaitant l’ombre,
Elle souriait vers celle qui tirait
Les traits de feu.*
Des choses si simples
Une chambre, un lit
quelqu’un qui dort
ou qui ne dort pas
une respiration de mots
jamais dits
entre les murs
qui abritent ailleurs
maintenant
Extrait de Pages aquarellées, Folle Avoine (1989)
Sur le papier tout dort
Mais la main éveille
Oiseau qui passe
Détachant dans le jour
La présence pure
Neige de l’être
Qui fond
Où les couleurs affleurent
Errements de l’œil
Sur les pentes du visible
Bleu du ciel
Se posant dans un souffle
Sur le corps de la beautéCézanne
Extrait de Les portes d’en bas, Folle Avoine (1992)
L’automne sait-il qu’il n’est pas le printemps
Dans la merveilleuse lenteur des choses avant la chute
Quand l’herbe est très verte et la lumière poudrée d’or
et les champs inondés piègent les oiseaux du cielVivre entre les bords du temps comme dans une coupe
où la feuille sèche et courbée comme une voile
Est le fragile bateau d’une fleur de mai
Qui sait en quelle direction souffle le vent
Extrait de Une suite de matins, Folle Avoine (2005)
Bird writing
Là, sur les vitres de ma chambre, tracée
à la pointe d’argent, est la calligraphie
d’un moineau qui jour après jour pendant
des heures venait frapper du bec avec ardeur
et/ou désespoir. Je lui ouvrais la fenêtre
mais alors il partait à l’étage au-dessus
comme si ce qu’il cherchait était moins
une entrée qu’une traversée. Un Narcisse
ailé, reflet ou retour ?Reste la lecture de cette langue
de l’entre-deux qu’un soleil oblique illumine.Tout livre vrai est un
comme cette écriture d’oiseau
sur la vitre que le soleil révèle
nous avons besoin de tracements
sur nos transparences et d’une
certaine lumière à la fenêtre
Bibliographie
• La Venelle des Portes, 1981 (frontispice Tanguy Dohollau) ; réédition en 1996 avec Seule Enfance, publié initialement aux éditions Solaire en 1978.
• La Réponse, 1982 (frontispice Tanguy Dohollau)
• Matière de lumière, 1985 (frontispice Tanguy Dohollau)
• Dans l’ile, 1985, réédition 1988 (frontispice Tanguy Dohollau)
• L’Adret du jour, 1989 (frontispice Tanguy Dohollau), Prix Claude Sernet
• Pages aquarellées, 1989, éditions Folle Avoine
• Les portes d’en bas, 1992 (frontispice Tanguy Dohollau), éditions Folle Avoine
• La Terre âgée, 1996 (frontispice Tanguy Dohollau)
• Les cinq jardins et autres textes, 1996. (essais sur Rilke, Segalen et Trakl)
• Le point de rosée, 1999
• Le dit des couleurs, 2003
• Une suite de matins, 2005
• Un regard d’ambre, 2009
Page proposée par Valérie Canat de Chizy