Isabelle Lévesque écrit et lit des poèmes. Elle photographie beaucoup les fleurs aussi (nette prédilection pour le coquelicot).
Elle tient une rubrique Poésie dans le journal Quinzaine(s) (La Nouvelle Quinzaine Littéraire) :
Quinzaines – Articles (la-nouvelle-quinzaine.fr)
Elle a été membre du comité de rédaction de la revue Diérèse (du numéro 52 au 64) et a codirigé les numéros spéciaux de la revue sur Thierry Metz, figure tutélaire pour elle en poésie, Nicolas Dieterlé et Gérard Titus-Carmel en particulier. Elle écrit des articles pour plusieurs revues.
Elle est née en Normandie, près d’un château millénaire dont il subsiste la tour et des fragments du mur d’enceinte. On le voit s’élever en s’approchant des Andelys. Ces ruines et les encres de son père ont guidé l’écriture d’Ossature du silence (préface de Pierre Dhainaut – Les Deux-Siciles, 2012). Ce que fut ce château, difficile de le deviner tant ce qu’il est devenu a imprégné sa mémoire. Ses murs de calcaire gardent des fossiles, des histoires – des poèmes. Elle vit ce lieu comme le point d’origine de l’écriture, un point fragile que les fleurs vivifient ; la craie friable des falaises guide son écriture.
Ces paysages sont très présents dans Je souffle, et rien. (L’herbe qui tremble, 2022) dans lequel passé et présent s’entrelacent jusqu’à l’indiscernable. Les failles et manques minéraux sont à l’image de ceux de l’être, surtout quand se manifeste l’ombre du père en son absence même. Isabelle Lévesque considère ce livre comme déterminant.
Des rêves floraux sont nés Or et le jour (anthologie Triages, Tarabuste, 2011), Un peu de ciel ou de matin (postface de Pierre Dhainaut – Les Deux-Siciles, 2013) et Va-tout (éditions des Vanneaux, 2013). Ce qui unit ces perceptions minérale et florale, c’est aimer. Aimer entre toujours dans « écrire ». Ravin des nuits que tout bouscule, paru en 2014 aux éditions Henry, en témoigne comme Nous le temps l’oubli paru en 2015 aux éditions L’Herbe qui tremble, Voltige ! (L’herbe qui tremble, 2017 – Prix international de poésie francophone Yvan Goll 2018) ou Chemin des centaurées (L’herbe qui tremble, 2019).
Isabelle Lévesque aime particulièrement écrire en collaboration avec des artistes : Jean-Gilles Badaire, Christian Gardair, Colette Deblé, Marie Alloy, Gaetano Persechini, Caroline François-Rubino, Jean-Claude Pirotte, Raffaele Bonuomo, Catherine Sourdillon, Michel Remaud.
Son compagnonnage avec Fabrice Rebeyrolle dont des peintures originales accompagnent plusieurs de ses derniers livres à L’herbe qui tremble l’a conduite à écrire également pour des catalogues d’exposition, en particulier pour Fleurir encore (Vierzon, 2022) qui associait étroitement peintures et poèmes. Elles (éditions Mains-Soleil, 2022) rassemble des œuvres produites en pensant aux femmes de Kaboul. Cet ouvrage a obtenu le Prix Pierre Dhainaut du livre d’artiste, décerné par un jury de collégiens et de lycéens de Lille en 2023.
Isabelle Lévesque collabore également avec des poètes. Et d’abord Pierre Dhainaut pour La grande année (L’herbe qui tremble, 2018) et La troisième voix (L’herbe qui tremble, 2023), livre issu de leur correspondance ininterrompue. D’autres publications sont encore prévues. Pour Magie renversée (Les Lieux dits, à paraître en 2023-2024), l’échange a lieu avec Sabine Dewulf dont elle se sent proche.
Extrait de D’ici le soir (Encres vives, 2010)
Livre, triangle ouvert. Trois faces offertes,
vent sur le mur, n’effrite pas
la pierre, pénètre ce qu’on appelle
lierre.
Figure débattue des feuilles,
accrochant le calcaire ou le tuf, le temps fera
ce qu’il sait faire.
Crête ou creux, mouvement singulier,
l’usure imperceptible, perte menée de front.
Cadran du mur, témoin vert.
C’est,
impassible,
l’attente, le cheminement des attaques végétales
soumises au cours fatal
_– ce qui se lève bat cadence. Horizontale.Nul n’achève ___ dans le vent,
cours debout du temps.
Extrait de Or et le jour (Anthologie Triages, 2011)
Marcher le long, marcher pris dans le gris de pluie et le goudron des routes entravées creusées aux villes créées pour mordre
la poussière.*
Que dit le jour, il est blessé, perdant travée bleue des yeux du ciel, que dit le jour ?
Il pleut
sang noir, aveu d’encre.*
Le jour n’est pas certain, toute arrivée précédée de tes pas, ne se décide pas. C’est un espoir.
Le feu des braises assuré, silex morcelé, à frotter la pierre, attendre lumière où ce feu des eaux qui marcherait sur tes pas.
Ne souffrir qu’un retard, prison, mur de feu, silencieux départ. Et mes rêves.*
Si jour se fait,
ce sera toi.Une fois, cent fois, une heure, un jour, une retenue d’eau, tes doigts meurtris, mille ans de ciel fixé immobile, entre tes doigts, poussière de sable ne passant pas, le temps gardé, plus que l’éternité, les heures immobiles des forêts
l’été,
le temps vertueux dans sa prière, assis de face, épaule claire ou de miel touchée des lèvres – pas dû, cette grâce rendue possible.
Mille ans de jours d’été, la nuit beau fixe et le cœur, happé, rendu secret dans son murmure unique, nul mot encore, le frémissement des phrases jeté dans l’ombre où nous gardait soleil des arbres.
Entre tes doigts, plume gardant l’encre – racontera et sa mémoire aura redit souffle et rythme du jour pris dans le vide (si tout est jour, si ce toujours), toi au cœur du temps
perdant sauvé.
Tu as pris dans tes mains, je l’ignorais,
l’été.
Tu as écarté
la chute
____– les reins ce sont tes mains.*
Vidons la nuit du jour – coupe pleine et entière.
*
C’est l’instant ______ d’avant
le printemps.
Extrait de Ultime Amer (Rafael de Surtis, 2011)
Si peu prompt.
Sinueux écueil.Si sages alignés,
tu redoutes pire.
Silencieux, garde. Diminutif
où le murmure ignore ce qui cesse.
Sophiste retenue,
la ligne des phrases
agitée de sons nouveaux.
Inconnus. Dits d’une traite.
Heureuse trouvaille et
radical, saveur de noyau.Ajouter la chair. Sa tension
consume le sens. Nous arrivons.
Dépossédés. Heureux.Inventer nous laisse nus.
Extrait de Terre ! (éditions de l’atlantique, 2011)
Après minuit
le ciel n’est plus.Les étoiles ont beau jeu
(tremblent de cesser le monde).
Tu n’as pour te perdre qu’un murmure
______ nord/sud
le ciel n’existe plus. Source noire,
une équation balance ___ rien n’est plus
mystérieux que l’équilibre insensé
du silenceà minuit – tout a cessé.
Au regard tu inventes
une forme blanche, tissu
d’apparat (dentelles
et fastes à naître). Les vers
fomentent un hymne où courent
des insectes. La nuit augure sa finà minuit,
salve sauvage assoiffe
un bouquet dispersé.
Extrait de Ossature du silence (Les Deux-Siciles, 2012), préface de Pierre Dhainaut
frise
arête crénelée
poudroiementcraie d’école et
lumière du jour tournoyant
sur les particules
soumises incertaines
récitant___un poème oublié
___les horizons s’enfuient
___l’axiome de la pluie
___énoncé
___étrangement
___rebondit mon cœur
___épuise l’enfance___la pluie tombe infinie
___
___Les vers en italiques sont de Paul Fort
(Aux Andelys – Ballades françaises, 1913)
Extrait de Un peu de ciel ou de matin (Les Deux-Siciles, 2013), postface Pierre Dhainaut, peintures de Jean-Gilles Badaire
Je poserai naguère dans le soir :
au crépuscule
le soin
de couvrir
de terre
la braise de ce qui fut.
Extrait de Va-Tout (Les Vanneaux, 2013)
___pour Thierry Metz
Oh !
cette ombre a rejoint le poème,
la buée semble invisible
quelque chose a cédé.
Le continu d’une ligne.
Une silhouette a tordu
la pointe du triangle. Soir n’est plus
– coque féconde. Rêve a soustrait
le toit des lettres
(circonflexe).
Forêt se meurt en chant d’oiseau
(adieu).
Membres raidis.
Tout est
murmure : les vers n’ont plus de
rythme.
Dissipé, le monde a cessé
dans la buée : gouttes
de sel. Soif gardée.
À demeure.Poète sa gangue ses os.
Brindilles de l’ailleurs.
Sans arbre.
À feu blessé.
Extrait de Ravin des nuits que tout bouscule (éditions Henry, 2014), préface de Pierre Dhainaut
L’éveil est une courbe silencieuse. Nul n’ignore, nul ne profère, nul n’escorte plus amer le chemin. Encore les feuilles offusquées, même les vignes cachent nos pas et nous refusons la pénombre. Tes mots ne craignent ni d’épeler ni de rompre
un équilibre.
Tu sais les soirs escarpés précédant les retrouvailles. Nous connaissons la vie des murmures et faisons feuille de route pour la quête. Rien n’arrête. Le passé retenu écartera le soir. Rien n’évite, nous affrontons
chaque blessure.
Extrait de Nous le temps l’oubli (L’herbe qui tremble, 2015), peintures de Christian Gardair
Si tard.
Parenthèses – faux pas laissé,
dans la nuit ___ quelque chose ___ a disparu.Le repère des ombres tance la lumière. Laps
déchiré,
étoffe enfoncée dans le temps.
Tout recule et songe
la dispersion. Le feu
sourd ___ attend. Nul tour.
Quel silence traverser
pour renaître ?
Extrait de Chemin des centaurées (L’herbe qui tremble, 2019), peintures de Fabrice Rebeyrolle
Je te rejoins, je diffère la perte. Courage !
Très tôt, je t’appelle : où es-tu ?
Tu m’enlèves, me raccommodes
à grosse ficelle.Tes bras, j’ajoute et retiens.
Je scelle nos promesses à tiroirs secrets.Tu inventes.
À force tes bras remontent,
pas un seau, des armes de centaurées.
Pourquoi pas ?
Un souffle de vie.Je replante les coquelicots un à un
(pas simple en tige fragile)
pour l’an prochain.
Extrait de En découdre (L’herbe qui tremble, 2021), peintures de Fabrice Rebeyrolle
Questions au bout d’une corde sans fin : tout s’éloigne ou rejoint, on ne sait pourquoi le début la fin se fondent. L’interrogation tordue dans son point renoue ce soir me manque.
Sur la ligne à main levée le cri pose un point, il se répète, il se reprend pour ne pas céder. La clôture est entrée dans ce monde, elle réduit chaque fois les contours du texte que j’écris.
Elle saborde le présent impuissant,
le doute en sa boucle se tend.Elle ne touche ni le ciel ni la terre.
Extrait de Elles (éditions Mains-Soleil, 2022), peintures de Fabrice Rebeyrolle
Je dessinerai le visage bleu du ciel. Je dirai
qu’il pleut l’azur sur les contours
gagnés par la couleur sans tache
d’une parole secrète.
Je crierai les noms trois fois, corne de brume
sur la terre dévastée des Sans Visage.
Je ferai libre le poème bougé sur la feuille d’ombre
où les noms se bousculent. Visage !
Pour échapper, que soit nommée
la perte rouge du cri
par la grille du soupirail muet muré.
Extrait de Je souffle, et rien. (L’herbe qui tremble, 2022), peintures de Fabrice Rebeyrolle, postface de Jean-Marc Sourdillon
La métamorphose a cessé.
Fini les fées,
fini le bois du conte à Noyers.
Rompue, la coque,
coulée, la barque.Force
engloutie dans l’eau douce des rigoles du présent,
j’accroche à tes mains le mot fin.
Recueils
- D’ici le soir (Encres Vives, 2010)
- La Reverdie (Encres Vives, 2010)
- Trop l’hiver (Encres Vives, mai 2011, n° 394)
- Or et le jour dans Anthologie Triages, printemps 2011 (Éd. Tarabuste)
- Ultime Amer (Rafael de Surtis, 2011)
- Terre ! (Éditions de l’Atlantique, 2011)
- Ossature du silence, préface de Pierre Dhainaut, encres de Claude Lévesque (Éditions Les Deux-Siciles, 2012)
- Va-tout (Éditions Les Vanneaux, 2013)
- Un peu de ciel ou de matin, postface de Pierre Dhainaut, peintures et dessins de Jean-Gilles Badaire (Éditions Les Deux-Siciles, 2013)
- Ravin des nuits que tout bouscule, préface de Pierre Dhainaut – Prix des trouvères 2013 (Editions Henry, 2014)
- Nous le temps l’oubli (Éditions l’herbe qui tremble, 2015), peintures de Christian Gardair
- Le chemin des centaurées, livre d’artiste avec Fabrice Rebeyrolle (Mains-Soleil, 2017)
- Voltige !, peintures de Colette Deblé, postface de Françoise Ascal (L’herbe qui tremble, 2017) – Prix international de poésie francophone Yvan Goll 2018
Source et l’orge (Le Petit Flou, 2017)- Ni loin ni plus jamais suivi de Suite pour Jean-Philippe Salabreuil (Le Silence qui roule, 2018)
- La grande année, textes de Pierre Dhainaut et Isabelle Lévesque, photographies d’Isabelle Lévesque (L’herbe qui tremble, 2018)
- Le fil de givre, peintures de Marie Alloy (Al Manar, 2018)
- Chemin des centaurées, peintures de Fabrice Rebeyrolle (L’herbe qui tremble, 2019)
- C’est le vent, son secours, livre d’artiste, gravures de Marie Alloy (Le Silence qui roule, 2019)
- En découdre, couverture et frontispice de Fabrice Rebeyrolle, (L’herbe qui tremble, 2021)
- Elles, peintures de Fabrice Rebeyrolle (Éditions Mains-Soleil, 2022)
- Je souffle, et rien., peintures de Fabrice Rebeyrolle, postface de Jean-Marc Sourdillon (L’herbe qui tremble, 2022)
- La troisième voix, poèmes d’Isabelle Lévesque et Pierre Dhainaut, peintures de Fabrice Rebeyrolle (L’herbe qui tremble, 2023)
- Magie renversée, poèmes d’Isabelle Lévesque et Sabine Dewulf, peintures de Caroline François-Rubino (Les Lieux dits, 2023-2024)
en italien (livres d’artiste) :
- Neve, photographies de Raffaele Bonuomo, traduction de Marco Rota (EdizioniQuaderni di Orfeo, 2013)
- Le tue braccia saranno (Tes bras seront), poèmes inédits traduits en italien par Marco Rota (Edizioni Il ragazzoinnocuo, coll. Scripsit Sculpsit, 2015)
Anthologies
- Jacques Basse, Visages de poésie – Anthologie, tome 5 (Rafael de Surtis, 2011)
- Christophe Dauphin, Riverains des Falaises, Une anthologie des poètes en Normandie du XIe siècle à nos jours (Éd. Clarisse, novembre 2010)
- Il n’y a pas de meilleur ami qu’un livre (Voix d’encre, 2015)
- Poésie naissante, Une anthologie contemporaine inédite, Textes rassemblés par Mathieu Hilfiger (Le Bateau Fantôme, 2017)
- Anthologie : l’eau entre nos doigts, dirigée par Claudine Bertrand (Henry, 2018)
- Regards croisés en France, anthologie dirigée par Rocío Durán-Barba (Allpamanda, 2018)
- Quelque part, le feu, anthologie dirigée par Claudine Bertrand (éditions Henry, 2023)
Revues (articles) :
Diérèse, Europe, Poesibao, Recours au Poème, Terres de Femmes…Préfaces :
Thierry Metz, Carnet d’Orphée et Autres Poèmes (Les Deux-Siciles, 2011)
Thierry Metz, Terre (extraits), monotypes d’Yvonne Alexieff (Ce qui reste, 2017)
Angèle Paoli, Italies fabulae (Al Manar, 2017)
Thierry Metz, Le grainetier (Pierre Mainard, 2019)
Pierre Dhainaut, Transferts de souffles (L’herbe qui tremble, 2019)