Cette anthologie éditée aux éditions l’Harmattan, regroupe des poèmes parus dans des plaquettes de poèmes publiées chez Encres Vives et Hélices de 2004 à 2009 ; elle est composée de 6 parties : Ecriture, Enfance, Le langage du temps/la parole du monde, Epsilon, À la charnière du provisoire et Mise en abyme.
Le premier poème de la première partie Écriture, donne le titre à ce recueil : le Cahier. En ce poème, l’écriture se présente comme un chant nécessaire, vital :
« On écrit pour coucher des mots ___________________ pour coucher avec
pour se coucher ____________ et dormir avec l’amour »
Un cahier toujours avec soi pour y déposer les mots, les poèmes, les signes qui ont pouvoir sur les choses et sur les hommes. Les mots sont « eau vive » et « feu » quand on écrit pour toucher l’âme. Le poète est un chercheur d’étoiles qui sait « la Poésie partagée/ par les humbles ».
Eric Dubois écrit pour tracer un chemin qui va de l’univers de l’un à l’univers de l’autre. Depuis ses cahiers d’écolier, ses mots, ses phrases avancent pour atteindre cet « art poétique » qui est « dans l’économie et les silences ». L’écriture est comme une danse, un chant. Le dernier poème de cette partie donne aussi le sous-titre au recueil : chant sémantique.
À la source des mots, il y a l’enfance, il lui faut revenir à ses racines, aux premières sensations visuelles, olfactives et remonter le temps en une « mémoire profane » ; dire les bords de la Marne et les jardins disparus, comme autant de sanctuaires propices au recueillement.
Le langage est pour Eric Dubois pain partagé, communion fraternelle, ils puisent leur sève dans les saisons qui traversent et les rêves et les peines. Une saison en appelle une autre comme une promesse et les mots sont là pour en révéler la charge poétique. Ce lyrisme a parfois des accents mélancoliques ; il se fait aussi réflexion sur le temps. Il est souvent difficile de trouver le mot juste et il arrive nous dit le poète que « à chaque été je manque de vocabulaire » pourtant, « avec des mots et des silences/ dans le mouvement des choses » naît le poème dans « le souffle du temps ».
Epsilon ouvre la quatrième partie, comme une ode à la vie :
Un enfant
Comme une
Transfiguration
Et le cœur de ténèbres
Est remplie de roses
Un enfant naît
Au jour
Une vie entre extase et énigme d’être là : « au bord du temps » être là, à essayer de « dire toujours le recommencement »
La poésie est aussi dans des images surprenantes :
« je suis un épouvantail
crucifié par le climatiseur »
et des intonations qui rappellent certains vers des Complaintes de Jules Laforgue…
Dans la partie À la charnière du provisoire, la nuit est très présente, mais une nuit où n’est pas absente la lumière, ne serait-ce que celle des néons qui portent les mots jusqu’aux « rêves crépusculaires »
La poésie est cette « passagère de l’âme » que parfois l’on ne reconnaît plus. Minuit, c’est l’heure où la belle fuit, où les mots sont absents. Mais chaque matin, le jour renaît et avec le jour, les mots et les poèmes.
La poésie est salvatrice, elle aide à vivre mais aussi à mourir :
La poésie gagne à être connue
disais-tu parfois quand le temps
se faisait plus menaçant
et qu’on menait l’âme sur la colline
pour y mourir
Il faut se laisser porter par ce chant sémantique qui nous accompagne et par les mots du poème, conjurer le temps qui passe et la solitude pour essayer de redonner vie à ce qui se consume.
Dans le jour consumé extraire de l’instant l’éclat
chanter les eaux et les forêts
planter les mots dans la terre du langage
suspendre le temps dans l’acte de dire
L’écriture est toujours un enfantement et le poète accouche de mots parfois dans la douleur, donner la vie comme faire naître un poème peut ne pas être simple.
Écrire est un acte de vie
il faut parfois écrire
dans l’ignorance
de la Langue
des doutes faire table rase
les mots au forceps du Langage.
La fin du recueil tend vers plus de plénitude, car jusqu’au bout de la nuit ou de la vie, les mots s’offrent et le chant sémantique alors se fait chant d’amour.
Dans l’accomplissement de l’être
les rêves au bord des lèvres
se prononcent comme des chants d’amour
Ghislaine Lejard