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Le Centre de Créations pour l’Enfance – Maison de la poésie de Tinqueux

jeudi 5 mai 2022, par Cécile Guivarch

Entretien avec Mateja Bizjak Petit par Cécile Guivarch

 
Cécile : Chère Mateja Bizjak Petit, à l’occasion du printemps des poètes à Dijon, nous avons pris le temps d’échanger autour du travail que tu accomplis, notamment en tant que directrice du Centre de création pour l’enfance de Tinqueux. Parle-nous un peu de ce centre, comment et pourquoi il a été créé ?

Mateja : Le Centre de Créations pour l’Enfance – Maison de la poésie de Tinqueux est une magnifique association que j’ai découverte grâce à Valérie Rouzeau en 2003 quand je suis venue vivre à Tinqueux. A cette époque Valérie était poète associée de la structure et Michel Freard son directeur.

Il s’agit d’une structure avec un enracinement local et un très large réseau de partenaires (artistes, structures) en France et au-delà des frontières. Le but de l’association étant : de favoriser l’accès au plus grand nombre – et en particulier aux enfants – aux pratiques artistiques et culturelles, à travers la rencontre régulière avec des artistes et leurs œuvres.

L’histoire de l’association commence bien avant, et très exactement en 1960, l’année de la création de l’association. Dans un premier temps, il s’agit d’un espace culturel municipal. Ensuite, et grâce au projet d’éducation artistique précurseur et ambitieux mise en place par Michel Freard, l’association devient le Centre de Créations pour l’Enfance. Elle reçoit en 1998, le Grand prix national de l’innovation culturelle décerné par le Ministère de la Culture et de la Communication.
En 2001 l’association continue de se développer et propose de plus en plus d’actions autour de la poésie (des auteurs en résidence, la revue Dans la lune, des soirées Dithyrambes) et devient Maison de la Poésie. Valérie Rouzeau et Jean-Pascal Dubost auront été les partenaires marquants de cette période, proposant régulièrement des lectures, des rencontres et des ateliers d’écriture.

En 2011 Michel Fréard part à la retraite et je reprends les rênes.
Aujourd’hui le Centre est identifié comme centre de ressource dans le domaine de l’éducation artistique, de la poésie jeunesse, des expositions interactives et du spectacle pour la petite enfance.

Au niveau de la poésie, la structure propose régulièrement des actions poétiques pour la jeunesse et pour tout public sous forme de résidences, lectures, ateliers, éditions et événements. Il s’agit chaque fois d’inscrire l’art et la poésie dans un projet au long cours et d’œuvrer pour leur transmission dès le plus jeune âge.

Chaque année un nouveau poète est reçu en résidence tout au long de l’année scolaire. Les poètes participent à la réflexion sur la médiation et la diffusion de la poésie contemporaine, tout particulièrement dans le domaine de la jeunesse. Ils sont invités à proposer et à développer des actions en lien avec leur écriture et en cohérence avec le besoin du territoire. Deux poètes associés participent activement au développement des actions liées à la poésie. : Fabienne Swiatly, pour la revue VA ! et le tout nouveau Gustave Junior et Pierre Soletti pour la collection Petit VA ! et la désormais Fête de la Poésie-Jeunesse qui prépare déjà sa 10e édition.

Cécile : Tu as créé, avec Fabienne Swiatly, la revue Va !, une revue qui succède à la revue Dans la lune, que dirigeait Valérie Rouzeau. Une revue de poésie destinée essentiellement aux enfants (mais pas que). Alors comment une revue destinée à la jeunesse se construit-elle par rapport à une revue pour adultes ? Quelles attentions particulières faut-il apporter afin que les enfants adhérent à la poésie ?

Mateja : La revue VA ! est née de ma rencontre avec écrivaine Fabeinne Swiatly et plasticienne et typographe Nicole Pérignon. Notre idée était de proposer aux jeunes lecteurs et leurs accompagnateurs une sorte de pochette surprise poétique une fois par an. La revue Dans la lune était géniale. Mais elle s’est arrêtée. Nous avions envie de continuer de propager cette ambition de donner aux enfants le goût de la poésie d’aujourd’hui. Revue VA ! s’adresse à la jeunesse mais elle n’est pas enfantine. Elle mêle joyeusement poésie contemporaine, inventions typographiques, récits du terrain, écrits collectifs... Et les jolies traces données par le ou la poète en résidence et les auteurs invités. Elle offre aussi un entretien avec un acteur de la littérature d’aujourd’hui et permet de découvrir des poèmes d’enfants sous forme de restitution des ateliers menés avec les poètes durant l’année. Chaque numéro se décline non pas par numéro mais par couleur par exemple.
Chaque numéro est accompagné d’un mot de la rédactrice en cheffe qui s’adresse directement aux enfants, et je crois que c’est là le moteur de la revue. Elle ne promet pas aux jeunes lecteurs une lecture facile ou adaptée, mais plutôt une lecture courte, et pleine de surprises. Elle leur parle sérieusement, elle les invite à être curieux et libres, elle leur propose de picorer dans les pages et d’écrire entre les pages. Parfois elle les invite même à couper quelques pages conçues expressément pour cet effet par Nicole Pérignon qui invente pour chaque numéro pleins de surprises typographiques.
Je dois te prévenir qu’aujourd’hui nous préparons le dernier numéro de la revue VA ! Ce sera le 11e numéro. Il clôt une belle aventure qui continuera de vivre sous forme de coffret / anthologie. Ce sera un outil de médiation haut en couleur et riche de découvertes.
D’ailleurs il n’est pas inintéressant de savoir que nous diffusons toujours la revue Dans la lune aussi.

Cécile : En plus de la revue, est née la collection Petit VA !. Ce sont de petits carnets à spirales qui proposent l’édition d’un texte d’auteurs qui n’écrivent pas pour la jeunesse, mais les livres sont proposés aux jeunes. Collection, dirigée par Pierre Soletti, maintenant riche de quelques dizaines de titres. En quoi cela prolonge-t-il le travail de la revue et quel accueil en font les jeunes ?

Mateja : Avec Pierre Soletti nous avons lancé en 2014 une impertinente collection de poésie résolument d’avant garde : La collection Petit VA ! Une collection de poésie contemporaine pour la jeunesse qui interroge le monde et son temps, les gens et leurs rapports à l’ordre établi. Une collection tendre bien qu’assez éloignée des clichés clinquants accrochés trop souvent aux idées reçues. A ce jour, 31 titres tantôt frondeurs comme La northographe me rend malade d’Edith Azam, Rage dedans de Rascal ou encore Je travaille pas de Pierre Soletti… citons également Ce petit nuage a l’air bête de Julien Blaine (Prix Lire et faire lire 2015).

L’idée première était de donner à lire aux plus jeunes, de la poésie « d’avant-garde », un champ restreint, voire inexistant à l’époque pour le jeune public. Pierre disait : présentant aux enfants ces poètes qui font du bruit, qui dérangent, qui bousculent la langue, qui font rêver, imaginer des issues joyeuses, qui contestent espièglement, pétaradent fougueusement, qui ouvrent des voies et permettent de se sentir moins seuls dans un monde normalisé qui peut paraître effrayant pour un jeune enfant.
Et je suis absolument d’accord avec lui !
L’idée est que chaque ouvrage de la collection puisse être un compagnon de route.
L’idée est simple : offrir.

D’autres auteurs comme Serge Pey, Laurence Vielle, Fabienne Swiatly, Frédéric Forte, Zéno Bianu, Albane Gellé, Dorothée Volut, Lucien Suel, Maram Al Masri, Christian Garaud, Jacques Canut viennent élargir nos horizons. Et même, dernièrement un recueil de poèmes graphiques du musicien Patrice Soletti...
(www.petitva.com)

Cécile : Cette collection réunit des poètes tels que Thomas Vinau, Albane Gellé, Dorothée Volut, Bernard Bretonnière, Fabienne Swiatly, Pierre Soletti, etc. Comment choisissez-vous ces textes ? A quelles exigences doivent-ils répondre ?

Mateja : Les auteurs sollicités, toujours par Pierre Soletti, nous confient un texte inédit, spécialement écrit pour la collection. Aucune thématique, aucune commande précise. Une seule indication : le texte va intégrer une collection jeunesse. L’idée n’est pas d’écrire pour la jeunesse. L’idée est de se « présenter » aux jeunes lecteurs avec sa propre écriture. Donner à voir la poésie tel qu’elle s’écrit aujourd’hui. Les textes sont ensuite confiés à un artiste qui va accompagner les poèmes d’un geste graphique plus que d’illustrations à proprement parler. L’artiste-illustrateur laisse s’exprimer sa créativité. Tous les recueils de la collection sont en noir et blanc pour redonner aux mots leur poids de lettres, sous forme de carnets à spirales de 11 x 15 cm.
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Cécile : Il y a aussi un journal gratuit, GUSTAVE JUNIOR. Comment se présente-t-il ? Cette question de gratuité, et même de petit prix pour la collection petit Va ! et la revue Va !, qu’est-ce que cela représente ?

Mateja : GUSTAVE JUNIOR est le premier journal gratuit de poésie pour enfants. Il est distribué chaque trimestre exclusivement en numérique, après inscription par mail, sous la forme d’un fichier
Volontairement modeste et peu intimidant, GUSTAVE JUNIOR s’inspire du journal naturaliste La Hulotte et se présente sous la forme d’un petit magazine de 8 pages format A5 (soit 2 pages A4 recto-verso pliées).
Il est ainsi facilement photocopiable par l’enseignant pour chaque élève de sa classe sans entraîner un coût trop important chaque mois, ni financier, ni en temps passé, les élèves pliants eux-mêmes leur magazine, premier contact ludique avec l’objet.
Il est donc plus particulièrement destiné à l’utilisation en classe et médiathèques. Il s’adresse, au premier chef, aux bibliothécaires et aux enseignants de cycle 2 et 3 et à leurs élèves.
GUSTAVE JUNIOR est le fruit de la rencontre de deux équipes désirant apporter la poésie au plus grand nombre, dans une démarche forte et assumée : celle du mensuel de poésie gratuit. Car oui, même si la revue VA ! coute que 5€, même si les ouvrages de la collection Petit Va ! sont accessible à 5€ cela reste toujours un frein pour l’achat dans les structures.
Les membres de la rédaction : l’auteur et journaliste Stéphane Bataillon coproducteur du projet et fondateur du grand frère GUSTAVE, la poétesse et rédactrice en chef Fabienne Swiatly et jeune et talentueu graphiste Léo Righini Fleur.
Tous ces supports (collection Petit VA !, revue VA ! , GUSTAVE JUNIOR), très complémentaires, poursuivront ensemble leurs chemins pour constituer un dispositif d’édition complet et encore plus visible au service de la poésie jeunesse.

Cécile : Et la fête de la poésie jeunesse de Tinqueux ? Quelques mots ?

Mateja : Un autre point fort, depuis presque 10 années maintenant, est la Fête de la poésie « jeunesse ». Précédemment appelé Marché de la poésie jeunesse, imaginé et créé par Pierre Soletti et moi-même, et soutenu depuis le début par Vincent Gimeno Pons (délégué général du Marché de la Poésie de Paris). Il s’agit d’une Fête de la poésie « pour les tout-petits-grands que nous sommes finalement tout au long de l’existence (c’est pour ça que tout le monde est invité !) ». Pendant quatre jours, la Fête de la Poésie jeunesse propose aux enfants, à leur famille mais aussi aux professionnels de l’éducation, de l’édition et plus largement aux passionnés, de venir rencontrer des éditeurs, des libraires, des poètes... pour un bain de poésie, l’espace de quelques heures... mais pour toute une vie peut-être… Chaque année, nous proposons un thème car nous sommes joueurs ! C’est aussi ce qui explique en partie le succès de cette rencontre annuelle. Cette année le thème était « S’accorder ». Pour la 10e édition qui aura lieu du 8 au 12 février 2023, nous vous préparons plein de surprises ! Ce sera une grande Fête sous le signe de la thématique : ON Y VA !


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