Entretien avec Fabrice Feuilloley par Cécile Guivarch
Comment sont nées les éditions du Petit Flou ?
Les éditions du Petit Flou ont vu le jour en 2013. Elles sont la synthèse des différentes actions que j’ai pu mener précédemment dans les domaines de la poésie contemporaine et des métiers traditionnels du livre.
Je me suis toujours demandé : D’où vient ce nom, « Petit Flou » ?
Le « Petit Flou » est une chose bien connue... des myopes ! C’est à la fois un temps et un espace. C’est ce qui existe entre le moment où l’on regarde dans ses lunettes et celui où l’on regarde par dessus. C’est dans ce petit temps de doute et cet espace de tressaillement que se font les livres du Petit Flou.
Quelle poésie avez vous envie de défendre ?
Toute la poésie en général ! Si less éditions du Petit Flou ne sont représentatives d’aucune école, elles se consacrent exclusivement à la création poétique contemporaine. Avec, à ce jour, 21 titres au catalogue, elles souhaitent donner une large place au parler vrai, à la poésie ancrée dans une vie en marche.
Comment choisissez-vous les auteurs que vous publiez ?
Les auteurs que je publie, le sont parce que j’ai lu, ici ou là, des textes épars ou des ouvrages qu’ils ont publié précédemment dans des revues ou chez d’autres éditeurs et qui m’ont fait forte impression. Il m’est indispensable (et là, les échanges sont très importants) que chaque auteur trouve toute sa place dans l’une de nos collections, « Dans la cour des filles » ou « Le Coup de pied à la lune ».
Quel est votre meilleur souvenir d’édition ?
Un jour Thomas VINAU (que je n’avais jamais rencontré !) m’appelle pour me dire qu’il aimerait bien faire un livre pour le Petit Flou. Je souhaitais l’appeler pour lui demander de faire un livre pour le Petit Flou ! Quand une rencontre doit se faire, il y a « des signes » qui ne trompent pas, non ?
En tant que petit éditeur, rencontrez-vous des difficultés ?
Petit éditeur ? En tous cas, éditeur de petits livres, par la taille, puisque chacun d’entre eux mesure 10 cm X 8 cm ! Lors de la création des éditions du Petit Flou, je n’ignorais rien des difficultés inhérentes à l’édition de poésie. Aussi, pour cela, ai-je sciemment décidé de ne pas entrer dans la ronde des aides et subventions et d’auto - financer entièrement le projet. Aujourd’hui le Petit Flou n’a de compte à rendre qu’à lui même. Ce sont les ventes d’ouvrages d’une année qui permettent de faire les livres de l’année suivante. Il n’y a pas de bénéfices, mais derrière ça, il y a toute l’abnégation que la passion autorise !
Quels sont vos projets à venir, en terme de publications, salons, festival ?
Chaque année, en juin, le Marché de la Poésie de Paris est pour le Petit Flou le « temps fort ». C’est en effet à ce moment là que sortent nos parutions de l’année.
Quant aux prochaines publications, je suis un peu superstitieux et redoute de parler des projets !
En octobre, pour la première fois, le Petit Flou participe à Poésie Dans (e) La Rue à Rouen. On ne me dit que du bien de cette manifestation.
Vous fabriquez vos livres de A à Z et cela donne de magnifiques objets, de beaux écrins pour de très beaux textes. Pouvez-vous nous parler de la façon dont ces livres se créent ?
Pour chaque livre, je fais le papier, la composition typographique, l’impression, la couture, le façonnage etc. et c’est dans la complicité avec les auteurs que les livres voient le jour. Chaque auteur propose un texte original. Je fais le reste. Je tiens à ce côté « famille », à cette façon de travailler « ensemble ». Si cette famille est déjà nombreuse, elle ne va pas s’accroître indéfiniment. Je souhaite retravailler avec des auteurs figurants déjà à notre catalogue et renforcer ainsi ce « compagnonnage ».
C’est dans la réciprocité que nous avançons. Le Petit Flou contribue à faire découvrir ou mieux connaître des poètes contemporains qui eux, bien souvent dans des lectures publiques, mettent en avant sa démarche éditoriale.
Voilà un peu d’essences pour des parfums flous...
Mais il pourrait y en avoir tellement plus, avec aujourd’hui 27 auteurs pour 27 livres comme des flacons mystérieux et précieux.
Dans chaque livre au moins une pépite...
dans le tien :
« On ne savait pas que ça pouvait aller aussi vite
Cécile Guivarch
et puis dans d’autres livres :
« Un rêveur de chandelle dans sa solitude
ça peut refaire le monde en marge du fracas »
Marie HUOT
« Tes yeux posent un chapeau sur ma tête »
Amandine MAREMBERT
« On voudrait des visages sans nuits,
des yeux neufs pour tout »
Hélène DORION
« Reste à faire la lessive des morts
avec la cendre des vivants »
Sylvie DURBEC
« A l’aube
les griffes en or du printemps »
Thomas VINAU
« Nous sommes du matin
qui a besoin de nous »
Richard ROGNET
« Chacun écrit avec du sang retourné
de la salive qui refuse »
Dominique SAMPIERO
« C’est le mouvement
que la joie donne au corps
Rémi CHECCHETTO