Patricia Cottron-Daubigné, Parure pour un sein absent, éd. Les Lieux-Dits
Le titre nous donne d’entrée la thématique. Elle pourrait retenir, pour le moins, l’attention des 60 000 femmes françaises qui, chaque année, se découvrent un cancer du sein… mais ce livre n’a rien d’un traité d’épidémiologie ! Ni de l’autobiographie d’une femme diminuée.
Comme à son habitude, le ton de Patricia Cottron-Daubigné est vivant, alerte, sensible eux plaisirs. À la manière d’un Cyrano, elle décline son thème sur plusieurs tons :
Rugueux :sur la table il y a
les ciseaux l’aiguille
les pinces le scalpel le fil
sur la table il y a
est-ce encore la beauté
les ciseaux de sang
l’aiguille le fil
et le sein
avant la poubelleRebelle – et sans doute inquiet :
on pourrait vous les apporter
sur un plateau
les seins tranchés
à vous hommes
qui fuyez à grands pasJoueur :
que penserez-vous
de ce sein
plus petit
plus petit encore
et difforme un peu
fermerez-vous davantage les yeux
qu’importe
tétonnez baisotezRêveur – et réconcilié :
une broderie fine au point blanc
entoure le téton
si délicatement qu’on oublie
entoure le téton qui se dresseÀ lire ses poèmes, on se prend à penser que le sein vaut bien le phallus, il en est son pendant symbolique. Il se dresse, lui aussi, signifiant la montée de la vie. Et nous rappelle ce qu’il y a de plus archaïque, le premier érotisme que nous avons tous connu étant bébés. À tel point que, dans les fantasmes, on pourrait penser que l’homme allaite la femme quand ils font l’amour… le sein devenant alors le signifiant majeur !
Patricia fait quelque part du téton un « amoureux chaton freudien » miaulant de plaisir sous la langue. Après la grande peur de la castration, voilà les plaisirs revenus. Il lui reste à remercier Florence, la brodeuse de téton « au beau nom de printemps » :
Remercier
le peut-on plus fortement
que dire merci
quel poème offrir
à celles à ceux
qui portent nos corps vers la vie
quel poème offrir à FlorenceMais ce livre, bien sûr ! Revenant du bloc, il m’est arrivé d’avoir le même réflexe que Patricia, moi aussi j’ai offert un poème… Vivent les soignants !
Mathias Lair