En ce manque / je m’entends
Dans sa postface, Edith Masson dit l’essence même de METAPHYSIQUE, ce livre d’Hervé
Bougel qui rassemble 20 ans d’écriture(s), 20 ans d’expérience intime : c’est une traversée
(en solitaire ?) de l’être et de l’existence.
Aux yeux, chaque poème d’Hervé Bougel se présente comme une verticale faite de vers d’un,
deux, trois, voire quatre mots. Les vers plus larges existent, mais sont moins nombreux.
C’est une première certitude : c’est écrit sans superflu. Mais pas du côté du très peu, du chichiteux, plutôt du décapé.
Même si un titre pareil, METAPHYSIQUE, n’invite pas vraiment aux sensations matérielles, la verticalité des poèmes d’Hervé Bougel comme un empilement de vers, fait l’effet d’une colonne vertébrale (le jeu de sa mécanique sous la peau quand on regarde le dos de quelqu’un) :Si près du monde
j’en ai touché l’écorcej’ai cru
toucher l’écorcece n’était pas cela
pas encore celala feuille sèche
la durée … (p 19)Et ce montage du texte vertèbre par vertèbre tient l’être (l’homme-Bougel) debout :
Comme si
Tu étais
L’ombre de l’arbre
Maigre comme l’arbre (p 40)Mais bien sûr qui dit l’os dit la mort contenue dans le corps :
La mort omniprésente
Il ne pèse
vidé
pas plus que le poids de ses os (p 32)La mort et peut-être l’apaisement qui la suit. Qu’on espère ?
Son corps est à présent sans défaut
Un ange le protège et l’absoutL’ensemble serait désespérant s’il n’y avait, pour l’oreille attentive, le chant fragile, en douce « de la nature ». C’est peut-être ce que je retiens de ce livre d’Hervé Bougel : la fragilité des choses ; c’est notre fragilité même qui nous sauve :
Nous sommes là
Et nous rêvons
A la fragilité
De notre temps
Immuable
Ce qui de nous
Pousse en terre
Rejoint la cime
Et se mange
Les yeux oubliés
La pensée belle …/…
Comme si
Le monde fleurissant
Pensait aussi à nousMETAPHYSIQUE, Hervé Bougel, éd Bruno Guattari, 66 p, 12 €
Christian Degoutte