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Notre morceau de planète, Slađan Lipovec par Hervé Martin

mercredi 4 octobre 2017, par Cécile Guivarch

Notre morceau de planète , Slađan Lipovec, Ères éditeur – Collection Po&psy

Dans la collection toujours inventive de Po&psy, les éditions Ères font paraître Notre morceau de planète du poète croate Slađan Lipovec. En édition bilingue, les textes sont accompagnés des photographies de Klavdij Sluban, toutes rassemblées en fin d’ouvrage. L’opuscule présente une trentaine de poèmes comme autant de petits morceaux de planète et de vie, glanés au fil des jours.

Sensible à la couleur et aux différents moments de la journée le poète se laisse guider par ses sens. le quartier grillé émerge / des containers puants où je jette la poubelle / le quartier grillé me salue /aujourd’hui enfin il est à moi
Les jours traversent ainsi les poèmes et un climat singulier s’installe.
Dans la chaleur de l’été des villes qui se mélange aux odeurs fétides des détritus,
où comme des abcès / éclatent les cris / des mouettes /...  ;
Sous l’orage qui menace,
la ville est un chaudron/ bouillonnant ouvert/ sous les tourbillons / des orages des éclairs quadrillent / le ciel du crépuscule/... ;
Ou dans l’automne qui soupèse le poids des jours qui passent,
comment concevoir / le poème comment / placer / en lui / les premières menaces/ de l’automne /...

Avec les poèmes Emily Dickinson dans ma ville, qui est aussi le titre d’un de ses livres paru en 2003, ou Les couleurs de Van Gogh, la poète et le peintre surgissent dans le livre comme des complices bienveillants.
Attentif aux plus simples faits Lipovec puise la matière du poème dans son quotidien. Tout semble nourrir dans son observation aiguë sa poésie. Les poèmes sur la page n’excèdent guère la dizaine de vers, courts, dont les césures contrariées révèlent peut-être la rythmique de sa voix dans l’air.

Tandis que l’écriture - la poésie !- le protège du monde à l’image des écureuils qui s’en abritent :
les écureuils sylvestres / s’abritent / de la malédiction de la réalité,
Slađan Lipovec tente d’ouvrir une brèche dans le réel :
entre les vides / qui se dilatent tu essayes / d’arrêter au moins un instant / ton corps de centaure cabré /...
Dans une vision anthropomorphique il donne vie au blé,
le blé / tournant ses têtes / au passage / de leurs ombres / lourdes / les regarde / angoissé

et révèle dans ce vers, l’angoisse qu’il porte aussi tout au bord de son être.
même si tu fermes / les fenêtres/ le vide commence/ déjà là où / le corps s’arrête/...

Hervé Martin


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