Isabelle Lévesque : « Parler peau », est-ce aussi parler poésie, parler beau ?
Sabine Huynh : « Parler peau » c’est parler peaux, « parler proche », peau contre peau, qui se touchent autant qu’elles sont interchangeables. C’est aussi parler peu, d’une certaine manière, en quantité, pas en intensité. Par ailleurs, en français, il existe ces expressions avec l’adverbe peu : c’est peu dire, et ce n’est pas peu dire. La première souligne l’insuffisance des mots pour décrire la force de quelque chose. La deuxième exprime que ce qui est dit est pleinement significatif. Dans une relation amoureuse, peu à peu on arrive au peau à peau et on ne trouve plus les mots, ou plutôt ce qui est vécu est au-delà des mots usuels. Pour pouvoir dire avec des mots, on tâtonne dans une zone de presque-dire. Le temps est venu d’inventer une autre langue. Appelons-la amoureuse, poétique, peu importe, pourvu qu’elle soit neuve, ne soit qu’à nous, aux êtres dont les peaux se sont rapprochées et qui se parlent nus. Cette langue peut être composée de mots, ou d’autre chose, de très peu même, mais qui reste pourtant pleinement significatif. Avec ce livre, Parler peau, j’ai essayé de coucher sur le papier une idée d’une langue d’amour que j’ai appris à parler au sein de mon rapport avec l’autre, mais il s’agit juste d’une représentation, puisque le tout est finalement assez mystérieux, comme l’amour.
Parler peau c’est donc aussi dire quelque chose par les peaux, la sienne et celle de l’autre, et c’est écrire nu.
Par ailleurs, une personne comprenant l’hébreu entendra dans « peau » le mot hébraïque « po », « ici » : parler peau c’est parler ici, là où nous sommes le plus en vie, ici maintenant ensemble, sur cette île qui n’appartient qu’à nous et qui est cet espace où nos peaux se parlent en se pressant l’une contre l’autre, en se frottant.
Parler peau ce n’est pas « parler beau », non, c’est plutôt « parler doux » : la peau de l’autre est toujours douce quand on aime. C’est « parler tendre », « parler bon », depuis et au-delà du désir et de la jouissance : s’accorder aux besoins et aux tremblements de l’autre.
I.L. : Les poèmes, sans ponctuation (sinon des tirets), se présentent comme des rectangles justifiés, avec des espaces variables entre les mots : il n’y a parfois que deux mots sur une ligne. Pourquoi cette forme ?
S.H. : Les poèmes de Parler peau sont effectivement des poèmes en prose très brefs non ponctués qui se présentent dans des carrés ou des rectangles de mots, sans ponctuation. Cette forme m’est venue d’une part d’un livre de la poète américaine Susan Howe, That This (New Directions, 2010), livre dont l’aspect visuel m’a fortement impressionnée. Sans trop entrer dans les détails, le travail de Susan Howe s’apparente au mouvement des « Language poets », ces poètes américains avant-gardistes (influencés par des modernistes comme Gertrude Stein et William Carlos Williams, entre autres) qui ont commencé à se faire remarquer dans les années soixante, soixante-dix et voient le poème comme une construction au sein du langage et faite de langage. La matérialité du langage est mise en avant et cela ne peut que plaire à l’ancienne linguiste que je suis. J’ai découvert le travail de Susan Howe en travaillant il y a deux ans sur la traduction d’un livre de Carla Harryman, une autre « Language poet » américaine (Sue in Berlin / Sue à Berlin, Presses Universitaires de Rouen et du Havre, coll. « To », 2018). Quelques-uns des poèmes de That This de Susan Howe forment des petits carrés ou rectangles de mots, qu’elle a tapés, ou qu’elle a assemblés à partir de découpages de textes photocopiés. Elle a composé ce livre juste après la mort de son mari, Peter H. Hare, et il lui est dédié. La ressemblance de Parler peau avec That This s’arrête à l’adresse à la personne aimée et à la forme en petits carrés/rectangles. Mon livre n’est pas aussi expérimental, hybride et novateur que le merveilleux livre de Howe, qui est une sorte de patchwork d’entrées de son journal intime, de collages, de photogrammes, de textes superposés...
D’autre part, la forme des textes de Parler peau m’est venue, inconsciemment je pense, de cette sculpture quadripartite de plus de trois mètres de haut de Robert Indiana, Ahava (1977), exposée au jardin des sculptures Isamu Noguchi du Musée d’Israël, à Jérusalem, et qui m’a fascinée quand je l’ai vue pour la première fois il y a vingt ans : quatre lettres en acier Corten posées l’une sur l’autre (deux par deux), les quatre lettres « carrées » (caractères d’imprimerie) du mot amour en hébreu, « ahava » : aleph א, heh ה, beit ב et heh ה. À l’époque, je ne connaissais pas encore l’hébreu, cette sculpture était donc à mes yeux un idéogramme synonyme de mystère, et c’était fabuleux. Je ne pouvais pas lire le mot formé par ces quatre lettres et pourtant j’y sentais la grande force expressive, signifiante, de la langue qui était derrière. J’ai trouvé cela puissant qu’un bloc de métal sculpté, monumental, dur, résistant, avec des côtés, des arêtes, pût de la sorte former l’image d’une langue, d’un souffle. Mais c’est parce qu’on voit le paysage et le ciel à travers, on y voit la terre et ses créatures, les créations humaines aussi, et le vent passe à travers. Ainsi, malgré l’importance de sa dimension et de son poids, cette sculpture est aussi faite d’air, de respir, de pensées, d’espoirs – tout comme une langue. Un coin de ma tête a couvé cet émerveillement pendant vingt ans, jusqu’à ce qu’il émerge à nouveau pendant ma lecture de That This et qu’il se matérialise tout naturellement dans le langage de Parler peau, né d’une relation amoureuse forte, solide et aérienne, qui donne des ailes, tire vers le haut, crée du langage.
Les poèmes brefs dénués de ponctuation m’accompagnent depuis plusieurs livres déjà (Les colibris à reculons, Voix d’encre, 2013 ; Kvar lo, Æncrages & Co, 2016...) et mes poèmes ont tendance à devenir de moins en moins bavards, d’une part parce que ces dernières années je relis de plus en plus souvent les poèmes de Paul Celan et d’Emily Dickinson, et d’autre part parce que les mots dont nous disposons sont à la fois précieux et insuffisants, et à mes yeux bien dire en poésie équivaut de plus en plus à peu dire, même s’il m’arrive aussi d’écrire des textes poétiques qui ressemblent à des textes narratifs et qui se déploient dans des formes plus étirées horizontalement (surtout quand j’écris en anglais).
J’ai emprunté le tiret cadratin (tiret long ; signe de ponctuation préféré de Dickinson) à la poésie anglophone : j’aime l’effet visuel qu’il apporte et comment il peut signifier plein de choses différentes – le vide, la séparation, la scission, la césure, ou le lien, la relation, mais aussi la durée, le temps, ou même des choses aussi physiques que s’allonger ou respirer. Et le fait de justifier les lignes permet aussi d’injecter des silences visuels, des blancs bien concrets et visibles dans les poèmes, qui expriment d’une certaine manière les tâtonnements amoureux des débuts, les hésitations, les moments en suspens, dus à l’étonnement, par exemple, mais aussi les fentes des corps, les ouvertures.
Évidemment, je n’ai pas fait tout cela sciemment, je l’ai fait en ne sachant qu’à moitié ce que je faisais, je m’aventurais, j’expérimentais, en suivant mon instinct ; je savais que c’était ce que je voulais faire qu’une fois arrivée à un résultat qui me semblait « juste », c’est-à-dire dans lequel la langue prédominait, car la poésie, l’écriture, ne sont-elles pas faites de langage, plus qu’elles ne sont faites des choses qu’elles décrivent ? Claude Simon a dit que « l’écrivain, c’est celui qui travaille sa langue ».
La forme finale des poèmes ne s’est pas du tout imposée d’emblée. Quand je regarde le tout premier brouillon de Parler peau qui se trouve dans mon ordinateur, qui est daté de décembre 2016 et qui s’intitule « Corps sur corps », je constate qu’il contient des poèmes bien trop bavards, s’étirant verticalement et horizontalement sur toute la page. De surcroît, il est en partie en anglais. J’ai beaucoup hésité avec la langue...
I.L. : Comme dans plusieurs autres de tes livres (je pense en particulier à Kvar lo ou à Les colibris à reculons), il est ici question de langues (celles que l’on parle). Tu écris en français, mais tu évoques aussi « un hébreu guttural qui allaite nos cœurs ». Et puis apparaissent en italiques des mots anglais : « us », « revel ». Quand tu écris : « notre lit est un palais secret […] où nos langues sont reines », comment doit-on entendre le mot « langue » ? Doit-on laisser opérer la polysémie ?
S.H. : Je crois que nous sommes la somme de nos expériences et que notre parole est la somme des langues que nous connaissons. La connaissance de plusieurs langues, fussent-elles « étrangères » (je pense à Paul Celan) ou « familières » (familiales – je pense à Natalia Ginzburg et à ses Mots de la tribu –, poétiques – à travers nos préférences de lecture –, etc.), finit par nous entraîner à nous exprimer dans une langue qui nous est propre, et même si elle paraît identique à celle qui est parlée par d’autres personnes, elle contient cependant des idiosyncrasies la démarquant : même le sens des mots s’en trouve modifié. Quand on passe plus de la moitié de sa vie à lire de la poésie anglophone dans le texte, ce qu’on écrit s’en trouve forcément marqué. Quand on a vécu presque vingt ans dans un pays et qu’on a fini par rêver dans sa langue, il va de soi qu’elle influence et modifie notre façon d’écrire et d’appréhender le monde. Pour moi, l’hébreu est une langue de cœur : je ne l’ai pas choisie dans le cadre d’études comme les autres langues que je connais, mais adoptée à l’âge adulte par amour et volonté de mieux comprendre une personne aimée.
Dans le contexte de Parler peau, il y a plusieurs langues superposées : les langues des poètes que j’affectionne et que je relis sans cesse – la poésie d’expression anglaise y tient une place de choix –, le français que j’ai appris en France, la langue vietnamienne – d’origine et perdue –, l’espagnol, l’italien, le suédois, le chinois – toutes ces langues apprises à l’école ou à l’université, par curiosité –, et l’hébreu adopté par amour il y a vingt ans ; ces langues se mêlent à la langue hybride née du nouvel amour, qui mêle elle-même les malentendus, les accidents, les imprévus, les inventions, les silences, les gestes, caresses, regards et toutes autres formes d’expression qu’une relation amoureuse peut engendrer.
Le petit poème de forme carrée ou rectangulaire est un îlot fait de ce langage composite, il est le lit ou le drap où les corps comme les mots sont couchés et où les langues jouent, dans le palais de l’amour et de la linguistique, ainsi que contre les palais des bouches des amants. Ce poème est également une étendue de peau, ainsi que la surface de la langue...
Bien sûr qu’il faut laisser opérer la polysémie, c’est même préférable en poésie, je crois, la polysémie, et l’homonymie aussi, et la paronomase... Les deux mots anglais que tu as repérés dans Parler peau, « us » et « revel », soulignent la variété du bagage linguistique avec lequel on écrit et sont comme tu l’as compris à entendre de différentes manières, tout comme de nombreux autres termes du livre, dont langue, vit, voix/voie, etc.
Finalement, comme l’a écrit Roland Barthes dans Fragments d’un discours amoureux (éditions du Seuil, 1977), que cet entretien (et la peur de ne pas arriver à répondre à tes questions, questions qui entre parenthèses sont très stimulantes et m’ont permis de réfléchir pour la première fois de façon consciente et approfondie à ce que j’ai fait avec Parler peau) m’a poussée à relire, « le signe est toujours vainqueur » (p. 53) : le fait d’avoir mis à l’écrit dans une langue qui m’est propre cet ébranlement amoureux que j’ai la chance de vivre révèle une volonté d’avoir des « spectateurs », et Parler peau est alors comme un petit théâtre où se prononce un monologue d’amour et d’émotion, et où se produit un corps à corps fructueux linguistiquement parlant.

Collage de Claire Perrin
I.L. : Les poèmes sont écrits au présent, sans nostalgie. Il y est plus question d’action que de contemplation, avec de nombreux verbes à l’impératif. Si beaucoup de poètes actuels évitent le « je », tu l’oses. Tu t’adresses aussi directement à la personne aimée. Le poème pour naître doit-il s’adresser à quelqu’un ?
S.H. : Les poèmes de Parler peau sont au présent car ils sont écrits de l’intérieur de corps et d’instants présents, au sein d’un présent comme d’un corps qui ignorent leur fin. Ils sont peut-être écrits au présent aussi à cause de l’influence de l’hébreu. Pour simplifier, l’hébreu est une langue qui ne connaît pas vraiment les temps tels qu’on les comprend dans les langues romanes ou germaniques par exemple (présent, passé, futur : quelque chose de linéaire). Par contre, elle connaît les aspects, accompli et inaccompli. Parler peau traite de quelque chose qui est inachevé, qui a commencé, qui commence et qui est donc en train de se dérouler : la langue de Parler peau s’apparente à un mouvement en fait, avec sa rythmique, et à une durée qui s’ouvre sur l’avenir, en quelque sorte. Nous sommes donc dans un présent qui engendre un autre présent et cela donne quelque chose qui est à l’œuvre. Cela s’exprime dans Parler peau par l’emploi d’un présent « progressif », en somme, comme le « présent » en hébreu, qui peut exprimer l’état et l’action instantanée (liée à l’instant présent), l’action répétée, ou l’action durative. Dans l’amour que font deux personnes, on retrouve toutes ces actions. Ainsi, Isabelle, tu as bien senti qu’il s’agissait d’action et non pas de contemplation, ou de nostalgie. Dans de nombreuses langues, ne dit-on pas « faire l’amour » ? Et le mode impératif n’est-il pas le mode utilisé par les amants quand ils se parlent en faisant l’amour ? Comme des maçons qui s’apostrophent en bâtissant ensemble : c’est le mode de l’exhortation et de la collaboration. Il participe ainsi au lyrisme des textes. Je pense aussi à la prière, et à Kafka qui parlait dans ses Carnets d’« écrire comme une forme de prière ». Avec la prière il y a également quelque chose de l’ordre d’un présent qui ouvre sur l’avenir, je vois ça plus comme quelque chose d’actif, qui met en branle, que quelque chose de contemplatif. Cela dit, je crois que le présent de Parler peau signifie également un refus de se projeter dans le temps futur, un refus de la fin, de la mort.
En ce qui concerne l’utilisation du je, je ne la vois pas comme quelque chose de risqué et que l’on doit éviter. « J’ai appris avec Shakespeare qu’il n’y a aucune règle, et que la cohérence se trouve dans le sujet » (Bernard Marie-Koltès, phrase entendue à la radio). Je en soi n’est pas un gros mot, même en poésie, il n’est pas égotiste, il ne renforce pas le moi, il participe à son expression naturelle, tout simplement. Parler peau est né au sein d’un vécu intime, comme tout ce que j’écris. Au début j’avais tenté une transposition à la troisième personne du singulier, mais cette distance m’a gênée, dans la mesure où les textes portent sur des instants charnels : non seulement la troisième personne, en me sortant de la situation, faisait de moi une voyeuse, ce qui faussait complètement la donne, mais en plus elle transformait l’écriture du corps en écriture sur le corps, ce qui allait à l’encontre de ce à quoi j’aspirais en écrivant. Le je de Parler peau est à rapprocher de celui de la poésie de l’intime, autobiographique (qui prend ses racines chez Walt Whitman, Parler peau cite d’ailleurs deux mots de lui), poésie de poètes américains que j’aime comme Allen Ginsberg, Robert Lowell, W.D. Snodgrass, John Berryman, James Wright, Sylvia Plath, et son amie Anne Sexton (que je traduis actuellement pour les éditions Des Femmes). En fin de compte, il s’agit d’un je universel, car il pose des mots sur des expériences qui concernent tout un chacun. Cela dit, il y a très peu de « je » dans Parler peau, deux ou trois peut-être, et principalement des « tu », des « nous », des « elle », et même des « on », au début. La langue, le corps, la peau et diverses parties du corps sont les « sujets » ou devrais-je dire les matériaux principaux de ce texte.
Le poème n’est-il pas toujours adressé à quelqu’un ? Ce quelqu’un peut être le poète lui-même, le mode est alors méditatif. Ici il s’adresse à la personne aimée, sur un mode lyrique donc, qui isole les amants dans leur monde et leur langue, dans l’ignorance du monde extérieur. L’adresse lyrique et l’emploi du présent « progressif » ou « continu » que j’ai évoqué plus haut me semblent aller de pair ici.
Barthes, au début des Fragments d’un discours amoureux (p. 7), a écrit ceci : « On a rendu à ce discours sa personne fondamentale, qui est le je, de façon à mettre en scène une énonciation, non une analyse », et, un peu plus loin : « C’est donc un amoureux qui parle et qui dit : » (p. 13).
J’aimerais ajouter que malgré son sujet et son adresse à la personne aimée, Parler peau n’est pas une lettre d’amour, son texte n’a rien à voir avec les codes du genre et n’attend donc aucune réponse (citons à nouveau Barthes : « quelqu’un qui parle en lui-même, amoureusement, face à l’autre (l’objet aimé), qui ne parle pas »). En fait, c’est un discours qui, alors qu’il demande à être lu, n’a nullement besoin de l’être par la personne aimée pour exister pleinement. Parler peau est un don inconditionnel qui embrasse la totalité de ses lecteurs. Et, pour conclure avec la question du je au tu : tout livre n’est-il pas le fruit d’une histoire de rencontres entre je et un autre, d’un rapport avec l’autre ?
I.L. : Tu cites trois mots d’un vers du poème Dieu, de Victor Hugo : « Est-ce un hermaphrodite, homme et femme, ange et nuit […] ? » Cet « hermaphrodite », peut-être Dieu, est-ce le « nous » de l’amour ? « Faire corps », un seul, pour mieux se défendre, « corps à corps » pour le combat ou l’amour, « à corps perdu », quand on se donne tout entier, ce sont des expressions que tu emploies. Mais tu évoques aussi une « double solitude »… Comment entendre cette contradiction ?
S.H. : Depuis le collège j’aime Victor Hugo et certaines de ses phrases sont restées gravées dans ma mémoire, comme celle-ci, de Ruy Blas : « Madame, sous vos pieds, un homme est là. Qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile ; qui souffre, ver de terre amoureux d’une étoile » ; ou encore ce vers extrait de Dieu : « Est-ce un hermaphrodite, homme et femme, ange et nuit ». Quand je dis, dans Parler peau, « tu – langues en moi – tu – êtres – en moi ange et nuit », je veux sans doute dire que les amoureux sont comme des anges quand ils font l’amour, qu’ils sont comme des créatures « supérieures », innocentes, rebelles, puissantes et androgynes. Quand on fait l’amour, les corps fusionnent et on ne sait plus qui a quoi, qui est qui, et c’est pourquoi l’amour charnel est tellement beau, et essentiel à l’épanouissement.
Je repense à l’immense sculpture Ahava, « Amour », de Robert Indiana, vue à Jérusalem (évoquée plus haut) : on peut la voir comme une représentation de la dimension spirituelle de l’amour. L’adresse lyrique à l’être aimé peut être rapprochée de l’adresse mystique. Sans compter que l’union charnelle peut aussi s’apparenter à une étreinte ou un « corps à corps » entre des dieux (enfant je vouais une certaine adoration aux dieux grecs et les récits mythologiques me captivaient, l’aspect érotique des corps s’empoignant ne m’échappait pas – Zeus et Léda, etc.).
En ce qui concerne la « double solitude » : les dieux, comme les écrivains et les artistes, ne sont-ils pas parmi les êtres les plus seuls au monde ? La solitude est un état nécessaire à l’écriture comme projet de vie. Il se trouve que la personne à qui s’adresse Parler peau est aussi écrivain. Ensemble, nous avons marié nos solitudes, et peut-être leur arrive-t-il de se phagocyter par moments. Trouver sa voix, dans l’écriture, c’est comme se trouver une maison. Trouver une voie dans le corps de l’autre au sein d’une relation amoureuse, c’est la même chose, à mes yeux, c’est se sentir enfin chez soi, libre, et un peu moins seul. Par ailleurs, trouver refuge, c’est pouvoir enfin se reposer, et dormir. Parler peau dit : « nous / sommes là nous aimant / nous endormant en vie / nous dormons à plein corps / innocents comme des / enfants ». L’amour sauve de l’exil, qui pour Hugo était « une espèce de longue insomnie » (cité par Barthes dans les Fragments).
Finalement, et permets-moi de revenir une fois de plus aux Fragments d’un discours amoureux de Barthes, parce que leurs clefs sont fort éclairantes, l’amoureux et son discours sont « d’une extrême solitude » (p. 5) d’une part, car l’amour-passion se trouve « ou ignoré, ou déprécié, ou moqué ». D’autre part, il y a mon discours face à celui de l’autre : ils restent deux systèmes distincts, à chaque personne sa voix. En fin de compte, il y a le désir entre les deux, que sous-tend le manque : la condition nécessaire pour le désir est le sentiment d’incomplétude, de solitude, et c’est paradoxal, car afin que le désir pour l’autre dure, il faut qu’on se sente profondément, intrinsèquement, seul, alors qu’on est avec l’autre. On n’échappe pas à la solitude.
Page manuscrite
I.L. : Dans le dernier poème de Parler peau, nous lisons « écrire comme on fait l’amour ». Est-ce réversible ? Peut-on aimer comme on écrit ?
S.H. : Bien sûr, puisqu’il s’agit de la même chose, la même énergie est employée, à mon avis, dans l’écriture et dans l’amour : la libido est une force vitale incroyable, force de création qui emporte tout avec elle et qui exige un abandon total de soi. On est aussi vulnérable et nu en écrivant qu’en faisant l’amour. Écrire c’est s’ouvrir, et c’est rouvrir ses plaies, les sonder, y tremper sa plume. Il faut beaucoup de courage pour vivre ainsi, continuellement, pour entretenir le passé comme un présent, faire du passé un « maintenant » éternel, en quelque sorte, et quand on fait l’amour, on est dans ce présent « progressif », ce « maintenant » qui dure et qui est répété, ce tâtonnement, cette recherche du frisson qui ne se produira qu’une seule fois et que l’on peut quand même répéter, ce sentiment d’urgence : le corps et l’esprit doivent être entièrement engagés, de concert, sinon cela ne coule pas, cela ne se produit pas. Dans Parler peau il y a un poème qui commence par les mots « parle-moi touche-moi écris-moi c’est pareil ton souffle à mon oreille ma salive sur ton buste ».
Au début de la pièce Par les villages de Peter Handke, le personnage de Nova, la voix des « vérités nouvelles », prononce un monologue lumineux : « Ne tais rien. Sois doux et fort. [...] Sois inébranlable. Montre tes yeux, entraîne les autres dans ce qui est profond, prends soin de l’espace et considère chacun dans son image. Ne décide qu’enthousiasmé. Échoue avec tranquilité. Surtout aie du temps et fais des détours. Laisse-toi distraire. Mets-toi pour ainsi dire en congé. Ne néglige la voix d’aucun arbre, d’aucune eau. Entre où tu as envie et accorde-toi le soleil. Oublie ta famille [...] Je te suis. » (Peter Handke, Par les villages, traduit de l’allemand (Autriche) par Georges-Arthur Goldschmidt, Gallimard, 1983, p.17-18).
Voilà, tout y est ; la force de l’union charnelle et de l’écriture ; la poésie dramatique des mots.
I.L. : « Nous lirons dans le même lit / Au livre de ton corps lui-même / – C’est un livre qu’au lit on lit », écrivait un Apollinaire joueur à Lou. Toi, tu écris qu’il y a « tant à lire dans l’alphabet des cicatrices ». Et aussi : « je – livre – mon corps – ouvert ». Les tirets semblent inviter à prendre chaque mot pour lui-même, et ainsi le mot « livre » y est à la fois verbe et nom. Mais jusqu’à quel point le « livre » de papier peut-il s’apparenter ou se confondre avec le « corps » ou le « je » ouverts ?
S.H. : Écrire c’est tremper sa plume dans ses blessures ouvertes, c’est aussi écrire ce que racontent les cicatrices laissées par les blessures, revivre ces dernières. Chaque cicatrice est comme une lettre de l’alphabet, ou un idéogramme, elle est porteuse de sens, elle attend d’être déchiffrée, durant l’acte d’écriture, ou l’acte d’amour. Écrire est un acte d’amour. Faire l’amour c’est frotter les peaux, les cicatrices, absorber plus ou moins violemment celles de l’autre, par identification et par compassion, et les histoires de vie aussi ; créer des étincelles avec tout cela, un peu de lumière.
Barthes, dans ses Fragments, a parlé de « l’union fruitive » de l’amour, de « la fruition de l’amour », « avec son frottis initial et son ruissellement de voyelles aiguës, la jouissance dont il parle s’augmente d’une volupté orale ; le disant je jouis de cette union dans la bouche » (p. 267). J’espère que Parler peau c’est cela aussi. Merci à Roland Barthes en tout cas.
Et pour répondre à la dernière partie de ta question, dans l’amour, dans l’écriture, nous sommes des livres ouverts, et nous nous abandonnons comme tels. Ainsi, « je » est à la fois sujet et objet, actif et passif, présent, passé et avenir.
I.L. : Dans son recueil Peau (Tarabuste, 2008), Antoine Emaz, qui liait lui aussi écriture et corps, écrivait : « Fatigue. Mot pour corps. En tas. » Plus loin il interrogeait : « on attend quoi // peut-être des mots / qui ouvriraient ». Peut-on lire Parler peau comme une réponse à cette attente ?
S.H. : Oui, tout à fait, les mots, comme l’amour (et plus précisément l’amour charnel), ouvrent le présent, lui donne une perspective, hissent vers un ailleurs, étirent le temps.
C’est drôle que tu mentionnes Peau d’Antoine Emaz, car il se trouve que j’ai relu ce livre en attendant la parution de Parler peau, pendant une résidence d’écriture à la Factorie (Maison de poésie Normandie), en avril 2019. J’ai partagé cette résidence avec la poète américaine Amy Hollowell et décidé qu’Emaz, parce qu’il venait de mourir, serait le poète qui veillerait sur nous pendant notre séjour là-bas : j’ai donc emporté Peau pour le relire, et Amy de son côté lisait Cambouis, que je lui avais offert.
I.L. : Dans l’une des épigraphes, Philippe Rahmy écrit : « Je guéris ». Dans tes poèmes, il est question de blessures, de cicatrices. On y trouve du vocabulaire religieux ou médical : une « transfusion d’émotions », une « chambre d’attrition » (surface blessée par frottement, lieu de remords ou regrets ?)… S’agit-il de guérison dans ou par l’écriture ? Dans ou par l’amour ?
S.H. : En tant qu’êtres humains, donc en tant qu’êtres vulnérables, nos corps, blessés, attaqués de toutes parts, par la maladie ou autre, sont au centre de nos vies. Kafka a écrit à Max Brod : « Être absolument bien portant, physiquement et psychiquement parlant, et mener une vraie vie spirituelle, aucun être humain ne le peut ».
Pour moi, vivre, écrire et aimer c’est la même chose, je veux dire par là que je pense qu’il est nécessaire d’y mettre la même intensité émotionnelle et physique, malgré le risque de combustion que cela implique. Dans la vie, une émotion, on la ressent, dans son corps : écrire pour moi c’est écrire depuis cette émotion, et non par sur elle, car ce serait la mettre à distance et l’affaiblir.
Mon très cher et regretté Philippe Rahmy-Wolff, que je cite en exergue de Parler peau (et qui avait postfacé Kvar lo, Æncrages & Co, 2016) est l’auteur du magnifique Mouvement par la fin, Un portrait de la douleur (Cheyne Éditeur, 2008), un texte qui m’a beaucoup fait réfléchir sur le lien indissociable entre le corps et l’écriture : « Et cette parole : que c’est là une clarté ou une ombre, selon l’heure du corps, portée au cœur de la cruauté. [...] l’orage est sonore comme la peau » (p. 45-46). Dans son livre on trouve aussi du vocabulaire religieux et médical. Personnellement, je n’avais pas conscience d’en avoir employé dans le mien avant de lire ta question, et c’est curieux qu’il y en ait car le religieux comme le médical sont des domaines auxquels je ne connais rien et qui me sont très éloignés.
Je ne sais si l’écriture peut procurer la guérison, mais je crois qu’elle peut temporairement donner un semblant d’apaisement, ce qui n’est pas rien, et c’est pareil pour l’amour.
Poursuivons la réflexion avec ces phrases de Philippe : « Je dis ces mots de l’intérieur de mon corps où la douleur décide l’œuvre à venir. Ma parole n’exprime pas mon mal, elle est mon corps malade » (Mouvement par la fin, p. 50). C’est grâce aux conversations avec Philippe que j’ai compris qu’écrire « de l’intérieur de [s]on corps » était peut-être la seule voie valable. Cette voix qui nous vient du plus profond de nous, elle naît de pulsions internes qui sont liées au désir et au plaisir, et c’est probablement pour cela que l’art de l’écriture ne peut pas vraiment être enseigné. J’ai repris ces mots de Philippe pour le compte de Parler peau, ainsi cela donne : je dis ces mots de l’intérieur de mon corps où l’émotion décide l’œuvre à venir. Ma parole n’exprime pas mon amour, elle est mon corps amoureux, ébranlé. Philippe a fait de la maladie son œuvre ; j’ai tenté de faire du langage de l’amour la matière de Parler peau.
Je te suis très reconnaissante d’évoquer Philippe, Isabelle, car son esprit éclaire et accompagne totalement Parler peau. Mon plus grand regret est qu’il soit parti avant d’avoir pu lire ce texte dont l’impulsion initiale est née de nos échanges autour de la notion d’écrire avec son corps. Les phrases de Philippe citées en exergue et tirées de notre correspondance de 2014 et 2015 sont « l’ars poetica » qui sert de colonne vertébrale à Parler peau.
I.L. : Tu cites une lettre de Kafka à son ami Oskar Pollak dans laquelle il affirme qu’« un livre doit être la hache pour la mer gelée en nous ». Pour toi, quels sont les livres qui peuvent répondre à cette exigence ?
S.H. : Cette phrase de Kafka est beaucoup invoquée, et pour cause, elle constitue un socle. Je l’avais moi-même citée en exergue à mon livre La sirène à la poubelle (E-Fractions Éditions, 2014), mon seul texte ouvertement politique, même si tout ce que nous écrivons est politique. « Toute poésie est engagée [...] les vrais poèmes traitent de la réponse humaine à la réalité, et la politique fait partie de la réalité, de l’histoire en train de se faire. Il s’agit de politique même quand un poète écrit qu’il boit du thé assis dans une maison de verre » (Yehuda Amichaï, poète israélien. The Paris Review, 1992). L’amour est politique. Faites l’amour, pas la guerre...
« Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous », écrivait effectivement Kafka en 1904 à Oscar Pollak : il faudrait probablement ne plus lire que des « livres qui nous piquent et qui nous mordent » (toujours Kafka), qui réveillent « d’un coup de poing sur le crâne », nous raniment, nous ouvrent les yeux, au lieu de perdre notre temps avec « la poésie « légère », vaine et sans vérité », qui « rend heureux » et tient plus de « la littérature du divertissement » (Kafka).
Les livres qui peuvent répondre à cette exigence sont ceux qui ont été écrits comme on fait l’amour justement : des livres honnêtes, absolus, sincères, passionnés, nus, impertinents et qui sont capables de changer leur lecteur, par leur langue qui pique et leurs dents qui mordent, et de changer le monde en somme. Il s’agit de textes qui remuent l’intime, des textes intimes donc. L’intime est politique, il est provocateur, il pousse au mouvement. En ce qui concerne l’insertion des mots « la mer gelée en nous » de Kafka dans un poème de Parler peau, c’est la plénitude chaude du corps et la langue (dans tous les sens du terme) qui fendent « la mer gelée en nous », car quand on se met à nu et qu’on se donne totalement sur la page ou sur le drap, le barrage cède, la bouche s’ouvre, ce que l’on croyait perdu resurgit dans la libération des corps et de la parole, et cette émancipation est politique dans la mesure où elle ouvre la voie à d’autres.
Pour finir, si je devais citer deux livres de la sorte parmi les derniers que j’ai lus, je citerais deux titres de l’écrivain américain d’origine vietnamienne Ocean Vuong : son dernier recueil de poèmes, Ciel de nuit blessé par balles, édité en français aux éditions Mémoire d’encrier en 2018 et traduit par mon ami canadien Marc Charron, admirable traducteur de poésie, et son premier roman, On Earth, We’re Briefly Gorgeous (Penguin Random House, 2019 — « sur terre nous sommes brièvement magnifiques »), que je rêve de traduire vers le français, si jamais un éditeur était intéressé...
I.L. : Tes poèmes sont accompagnés de peintures de Philippe Agostini, qui semblent des empreintes colorées sur la page blanche. Sont-elles venues avant les poèmes ou après ? Comment s’est opérée cette collaboration ?
S.H. : J’ai écrit, puis envoyé le texte à Philippe, qui a peint après avoir lu. Nous nous étions rencontrés au festival Poés’arts des éditions Æncrages à Baume-les-Dames en 2016 et j’avais beaucoup aimé le travail qu’il avait exposé et les gouaches qu’il avait réalisées pour accompagner le livre d’Armand Dupuy, Ce doigt qui manque à ma vue (Æncrages & Co, 2015). Le côté « franc » et très « physique » en quelque sorte de ses couleurs (on sentait bien la main derrière, le geste) m’avait frappée. Puis nous nous sommes revus l’année d’après lors d’une journée poésie et performance artistique à la Médiathèque Médialude, à Saint-Apollinaire, près de Dijon, et là nous avons émis le souhait de collaborer ensemble.
Voici ce que Philippe Agostini nous a généreusement confié pour compléter ma réponse...
P.A. : Pour Parler peau, j’ai travaillé à partir du tapuscrit. Plusieurs motifs s’imposaient à moi à la lecture, comme les fragments des corps, l’intérieur et l’extérieur, le paysage, le grain (peau/sable). Je voyais une palette plutôt chaude (d’où les jaunes, bruns, ocres et oranges), une matérialité assez mouvante avec des jeux de profondeur discrets… et un contrepoint de lignes plus sombres pour nouer la présence des motifs fugaces (le pli des draps, l’ondulation d’une ombre sur le sol, la courbe d’une hanche, d’une épaule ou d’un sein).
En somme, l’idée était de trouver une équivalence qui fasse flotter les plans, jouer sur un effet de zoom du/des corps (décor charnel) avec ses contacts, ses affleurements et ses griffures.
Il y a donc d’abord eu des études au pastel (une petite quinzaine), puis sont venus des essais de frottages sur un plan granuleux (textures et densités).


Lors d’un premier essai à l’atelier d’Æncrages, avec Roland Chopard, nous avons fait des essais de clichés-typo à partir d’insolations d’empreintes et de frottages au pastel gras sur rhodoïds.


J’ai retravaillé chez moi pour affiner les superpositions des différents films en attribuant une couleur pour chacun des passages (trois films par image).

Lors du second passage chez Æncrages je n’ai retenu que 2 films sur 3 pour garder de la légèreté.

J’ai pensé la séquence de quatre impressions comme un polyptyque, soit une autre vision de ces mouvements « corps-paysage » pliés (et donc dissimulés) dans les pages du livres.
Photos : Philippe Agostini
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Sabine Huynh, Parler peau
Peintures de Philippe Agostini
Æncrages & Co, coll. Voix de chants, 2019 –56 p., 18 €
Sur le site d’Æncrages & Co :
https://www.aencrages.com/2019/11/13/parler-peau/
Sur Terres de Femmes :
https://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2019/12/sabine-huynh-parler-peau-par-ang%C3%A8le-paoli.html
Sur le site Les pas perdus :
http://www.lironjeremy.com/lespasperdus/parler-peau/
Le site de Sabine Huynh :
presque dire

Sabine Huynh est née en 1972 à Saïgon, au Viêt-Nam. Elle a grandi dans la banlieue lyonnaise avant de partir vivre à Lyon puis en Angleterre. Elle a aussi vécu à Londres, à Leicester, à Oxford, à Cambridge, ainsi qu’aux États-Unis (à Boston), au Canada (à Ottawa), et en Israël (à Jérusalem et à Tel Aviv).
Elle a fait des études de langues et de littératures d’expression anglaise, et de F.L.E. aussi, à l’Université Lumière Lyon 2. Elle détient un P.G.C.E. de l’Université de Cambridge et un doctorat en linguistique de l’Université hébraïque de Jérusalem, où elle a enseigné, et a été boursière post-doctorale au Laboratoire de sociolinguistique à l’Université d’Ottawa. Elle a longtemps enseigné l’anglais et l’espagnol dans des établissements d’enseignement primaire et secondaire, ainsi que le français à l’Alliance Française et dans des Instituts Français.
Elle vit à Tel Aviv, écrit (notamment de la poésie publiée aux éditions Æncrages & Co, Voix d’encre...), traduit (surtout de la poésie, notamment hébraïque et américaine, et actuellement toute l’œuvre poétique d’Anne Sexton pour les éditions Des Femmes), donne des cours et anime des ateliers d’écriture.