Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Patricia Cottron-Daubigné

samedi 15 juillet 2017, par Roselyne Sibille

Née à Surgères en Charente-Maritime où elle a vécu toute sa jeunesse, Patricia Cottron-Daubigné a fait ses études à La Rochelle puis à l’université de Poitiers où elle a vécu onze ans. Elle vit et travaille actuellement aux abords du Marais Poitevin.

Elle a publié des poèmes dans de nombreuses revues telles que Décharge, Friches, Ici è là, Triages, Contre-allées, N4728, La voix du basilic, etc. et sur les sites publie.net, Terre à ciel, Recours au poème et Secousse.

Rien ne vient dans la fournaise
des jours
parfois dans l’ovale
d’une étreinte
elle s’abandonne au berceau
des mots

ne batira pas l’élan
des lambeaux
et des recoins
juste le possible
de tenir

Extrait de Elle grenat noir
Editions Le dé bleu, 2002

Avec des mots qui semblent appartenir aux livres,
poésie d’enfance dont on a gardé seulement
calleuse
une main calleuse et la sensation
dans l’enfance aussi
laissait sur la paume la joue l’empreinte de ce qui a gratté
dans la tendresse
est-ce que trouver les mots pour cette main rugueuse donnerait l’amour qui tant manque
et chaque jour
ou peut-être chercher les images autour, une boite de fer, ronde rouillée, où tu prenais du savon, gris et rugueux aussi, je ne l’aimais pas,
le savon des ouvriers
qui décrocherait la suie
le cambouis, le goudron, le charbon
sous la peau déjà
une boite ronde
pareilles celles sous l’établi où tu entassais boulons pointes écrous cela pourrait toujours servir
boites pareilles que maintenant mes mains blanches
touchent
et tremblent
le vide autour

Extrait de Le Journal du houx vert et de la bruyère
Editions Gros textes, 2005

Elle dit qu’elle n’est pas sûre
que jamais la lumière
du matin suffise
elle dit que le corps
brûle l’esprit
qu’elle ne sait pas
jusqu’où

Il n’y a pas d’images
pas de mots
la chair heurte

Extrait de Des paniers de fruits dorés comme
Anthologie - Tarabuste, 2006

Je vous mentirai sans doute
prenez pourtant ce qui coule
de mon corps de ma bouche
des frôlements de soie
des lumières de chair
des draperies secrètes
je suis votre désir
l’or du plaisir à caresser
des couleurs de mots
sur la lèvre dans la langue
langue contre langue
prenez mes mensonges
des mandarines de ciel.

Extrait de Une manière d’aile
Editions Soc et foc, 2008

Mensonges mensonges
vous et moi
je me défais de tout
de vous et de moi
j’habite les orgies
de nos vies

je vis planté au ras du sol
les mensonges à plein
le nez
j’aspire j’aspire
je ne suis plus là
ni vous ni moi
je danse dans mon corps
et je m’éteins

Extrait de Croquisurbains, héro
Editions Contre allées, 2009

Je cherche les mots, la manière pour rendre compte du lieu. Aucune comparaison n’y réussit ; toutes semblent d’un autre siècle peut-être ; ici est un autre monde ; il faudrait une langue nouvelle ou simplement donner les mots bruts parce qu’ici le lieu est brutal. C’est du bruit et de l’enchevêtrement de métal et de l’odeur et des liquides qui giclent partout et puent. Cinquante mètres de machines, ça s’appelle une ligne, et répétée sur plusieurs rangées, machines attelées les unes aux autres par des courroies, machines arrimées à des semelles de fonte elles-mêmes fixées dans le sol, ça ne bougera pas, malgré la puissance du mouvement, cinquante tonnes bougent sans vibration. Les allées sont étroites. On voit peu d’hommes. Beaucoup ont déjà perdu ce travail ; les autres peut-être sont engloutis par la machine. Il reste des bouts de corps, des dos courbés ; la tête est comme avalée, les mains et les avant-bras aussi.
Dans le gueuloir énorme des machines, les hommes surveillent les circuits, surveillent les meules, le positionnement, surveillent la cadence, se taisent, pas le temps, l’homme est attelé à sa ligne. Il sait les signaux d’alerte, le feu du trop plein, la machine à éteindre avant la main, parfois c’est trop vite, la main attrapée, écrasée ; dans le gueuloir énorme des machines, l’homme guette et travaille. Au bout, le roulement est bon ; des milliers d’un travail millimétré.

Extrait de Croquis démolition
Editions de La Différence, 2011

Avec le visage de l’homme
dans la lumière la certitude de la lumière
j’invente mon visage et tout mon corps
et plus peut-être la manière dont je ris
je marche j’écris je ris dans le bruit des vagues
et c’est comme des houles
de langue dans le corps
votre voix votre visage.

Et même quand le temps s’est installé
c’est vous chaque lilas
son parfum de terre et d’amour secret
la couleur que l’on aime
les cernes qu’on ne pense pas

Extrait de Visage roman (Maintenant les roses sont uniques)
Ed. L’Amourier, 2014

On pourrait poser dans une vie
on verrait mieux sans doute
un homme son dos
le terrier des jours
l’arche son affaissement
l’écroulement comment il sera
s’il vient
l’épaule qui ne retient pas
on verrait mieux à regarder
le dos adossé à la masse
des jours

Extrait de Visage roman (L’homme je commencerai par le pull)
Ed. L’Amourier, 2014

Chant des robes légères

Et le ventre la bouche
les robes légères parfois sont le feuillage des arbres
l’amour danse dessous.

Chant des fruits rouges

A pleine main à pleine bouche
comme on mange les plaisirs gourmands
sur un chemin buissonnier des fruits rouges
avec des aubépines leur éclat
dans le retour nouveau des jours
on mêle les saisons
tout se gorge de salive
qui coule dans les mots
ô les mots comme les beaux jours
ça fait le corps plus grand
et de grands repos dedans

Extrait de Paysage avec Roms, fleur sauvage et chemin d’horizon
Ed. La biennale internationale des poètes en Val de Marne, 2015

Je viens pour vivre doucement
de Syrie on marche
on a son cœur et rien d’autre
pour tenir la route
Va pour mon petit-fils
marche pour lui vers les terres
d’Europe

nous marchons tous
pour nos enfants
loin de la guerre

Extrait de Ceux du lointain, Enée de Syrie, 3
Ed. L’amourier, 2017

et l’enfant
je le frotte
lui donne tout
ce qui me reste
de chaleur
et le pain
sa petite main
dans la mienne
et les chants
de sa mère
je chante
avec lui
nous venons
depuis des siècles
vous connaissez déjà
mon beau nom
Aeneas
mes descendants
franchissent les temps
je suis
Aeneas de Syrie
Ahmed ou Toufi
Je viens de tous les pays
et voici mon fils
Ilius
vos filles l’aimeront
c’est ainsi
ils s’aimeront

Extrait de Ceux du lointain, Enée de Syrie, 4
Ed. L’amourier, 2017

Rencontre XIII, chaussures

On dit belles voitures, comment tout cet argent,
on regarde mal les images la télé qui ne montre
pas souvent là ce qui s’étale sous mon regard,
paysage bidonville, d’autres terres, pourtant là,
sous mon regard, Paris centre, 20 minutes en
métro,

bidonville, tôles et bâches boue partout là recouvre,
mes paroles et mes pensées aussi,

on ne dit pas le mot bidonville, on ne dit pas l’eau
qui n’est pas là ni pour boire ni pour se laver
pour aller dans la ville comme si
on dit “ ils n’ont qu’à ”

on n’entend pas, on ne voit pas l’enfant qui montre
ses chaussures Roberto, 11 ans. “À l’école
madame”.

Extrait de Ceux du lointain, Brika de Roumanie
Ed. L’amourier, 2017


Poésie

Portraits pour ma mémoire - Editions Soc et Foc - 1996 (Prix littéraire des pays de Loire)
Elle, grenat noir - Le Dé bleu - 2002
Journal du houx vert et de la bruyère - Gros textes – 2005
Des paniers de fruits dorés, comme - Editions Tarabuste (anthologie 2006).
Une manière d’aile - Editions Soc et Foc, avec le peintre Patrick Sanitas - 2008
Croquis urbains, héro - Editions Contre-allée – 2009
Croquis-démolition - Editions de La Différence – 2011 (Prix de la voix des lecteurs en Poitou Charente, et Prix des collégiens du Val de Marne)
Visage roman - Editions de l’Amourier – 2014
Paysages avec Roms, fleur sauvage et chemins d’horizon - Editions de la biennale internationale des poètes du Val de Marne – 2015
Ceux du lointain - Ed. de L’Amourier - 2017

Récit
Adaptation de l’épopée de Gilgamesh à partir de la traduction de Jean Bottéro - Editions Gallimard - Folio plus – 2011

Notes de lecture sur des ouvrages d’Ariane Dreyfus, de Marie Huot, de Philippe Lacadée, de Sophie g. Lucas, d’Amandine Marembert, d’Antoine Mouton, de Pascal Quignard, de James Sacré lisibles sur remue.net, Terre à ciel, Recours au poème et Friches

<Lectures publiques, expositions, animation d’ateliers d’écriture, participation à des ouvrages collectifs et des anthologies.

(Page établie grâce à la complicité de Roselyne Sibille)


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