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Petites notes de Ghislaine Lejard (octobre 2022)

samedi 1er octobre 2022, par Cécile Guivarch

Promesse du jour, Francis Gonnet - ed Alcyone, par Ghislaine Lejard

Un très beau titre qui rappelle le livre de Romain Gary La promesse de l’aube ; au cœur du livre comme au cœur du recueil, un hymne à l’amour qui aide à traverser toute nuit pour tendre vers la lumière.
En ce recueil, deux parties : lumière et silence et en exergue de chaque partie, une citation celle de Victor Hugo : Chaque homme dans sa nuit s’en va vers sa lumière ; et celle de Pablo Neruda : La parole est une aile du silence.
Chacune de ces citations contient l’essence même de chaque partie.
Le dernier vers du premier poème donne le titre à ce recueil : Que l’on accueille ton mystère dans la promesse du jour. Une expression qui sera reprise pour clore ce recueil dans le dernier vers : Alors j’avance vers la promesse du jour.
Ce recueil s’inscrit dans une belle lignée d’hommes et d’écrivains, chacune des sous-parties est introduite par une citation empruntée à Mahatma Gandhi, Martin Luther King, Yehudi Menuhin, Antoine de Saint-Exupéry…
Des poèmes qui s’inscrivent dans la tradition lyrique de Baudelaire, Victor Hugo, Paul Valéry ou de la poésie grecque.
L’écriture de Francis Gonnet est concise, les vers réguliers, le poète privilégie le distique et le tercet, la parole se déploie dans un aller et retour, entre le je et le tu, l’autre et son chant, l’autre et sa présence- absence :

« S’engager dans ta présence
………
Je ferme les yeux sur ton absence… »

Avancer dans la lumière de l’autre :

« Même dans le noir
je sais la profondeur de ta lumière
J’avance dans l’inconnu espérant ta rencontre »

L’autre est une source libératrice et le dialogue s’inscrit sur fond de communion avec la nature et ses éléments :

« Tu avances lentement dans la mouvance des sables
jusqu’au pas qui libère
………………….
Je déguste l’instant d’un frisson d’algue »
« Le soleil raccommode les plaines effilochées de pluie »
« La pluie griffe le visage des fenêtres closes »
« Le soleil frotte les tuiles du bout des doigts »

Faire partie des éléments, faire un avec l’univers qui nous entoure et qui se donne à voir car les éléments nous façonnent et nous font être :

« Tu trembles aux ramures de mes doigts
……………………………
Adosser ton regard au talus de mes bras »

Une nature qui a visage humain :

« Te laisser glisser dans le sourire des herbes
…………………………
les feuilles ont leur visage troué de lumière. »

Des poèmes pour un chemin d’intériorité qui mène du noir et de la cendre à la lumière de la virginité d’un matin où tout prend racine.
Dès la première partie, le silence accompagne ce parcours vers la lumière élément vital mais aussi spirituel.
A l’écoute de la nature et de sa fragilité, les mots du poème ouvrent le chemin pour inviter à marcher à hauteur de l’autre, à regarder en vérité ses désirs, ses rêves, à voir « la nudité du commencement ».
En la lumière née de l’obscurité des cendres, reconnaitre le silence quand l’autre s’estompe, et les mots pour essayer de traduire ce silence et le « calligraphier sur l’ardoise du ciel »
En ce silence, la joie de décrypter « chaque syllabe du jour » et de peindre avec le bleu des mots ce qui nous est donné à voir quand une aquarelle se fait aussi poème.
L’aube est vécue comme une résurrection où tout recommence et tout change à chaque retour du jour.
Francis Gonnet nous conduit en un itinéraire qui traverse la nuit dans le secret des jours, en quête de lumière et de silence.
Il est aussi peintre et entre les deux parties de ce recueil, deux reproductions de ses peintures ont leur place palpitation de lumière et couleur de ton chant. Des peintures de lumière qui autant que les mots traduisent les couleurs du silence et du jour.

Anthologie Florilèges ed Saisons de Culture / 29 poètes et un photographe
Préface Mylène Vignon initiatrice de ce recueil, né du confinement au printemps 2020

Les photos de Woytek Konarzewski sont des poèmes de silence, un silence habité par le regard de l’artiste. Ses photos de fleurs disent la vie, la mort, la fragilité et la beauté de l’éphémère. L’œil du photographe magnifie l’ordinaire, il sait en extraire la quintessence, comme une fragrance d’éternité.

Cette anthologie est le fruit du confinement, les poèmes comme les photos manifestent bien de la lumière de la création qui transcende l’ombre. Alors que nous étions assignés à domicile, le photographe a su résister en regardant la nature, en photographiant des fleurs, il témoigne de la force de la vie.

Les poèmes de ce recueil sont des voyages intérieurs, des rencontres avec soi-même pour rejoindre les autres, comme le dit Claude Yvans ce temps suspendu fut : « L’occasion calme entre les murs du confinement de faire ce que tu rêves depuis longtemps/ Avec ton médicament unique : La Création de ton temps dans le Cœur du Voyage » . L’esprit toujours libre des artistes, traverse les murs, abolit les contraintes, en une sorte de résurrection au sens étymologique de surgere : jaillir.
Ce florilège est bien l’expression de la force agissante qui jaillit de la poésie et de l’art et éclaire nos vies.

La confidente des astres, Mylène Vignon - éditions Unicité par Ghislaine Lejard

La citation de André Malraux : « Le vingt-et-unième siècle sera spirituel ou ne sera pas » mise en exergue de ce recueil, inscrit bien les créations de Mylène Vignon dans une quête spirituelle.

Une quête qui habite l’âme humaine depuis l’antiquité ; dans son acrostiche placé en préface, Alin A.Avila n’hésite pas à associer le prénom de Mylène au côté de celles qui savaient être les confidentes des dieux et des astres ; ces déesses qui ont su régner sur l’âme humaine, prendre soin de la terre et des hommes.

Ce recueil s’ouvre sur deux poèmes de silence que sont les collages, le premier en noir et or on y aperçoit une scène antique et champêtre sur un vase XVIIIème ; la feuille d’or et son caractère précieux trouve son écho dans le collage 2, car un fragment d’or recouvre avec pudeur le sexe féminin d’une femme dénudée. Une clef et une fleur pour ouvrir au mystère énigmatique de la beauté féminine, un collage en hommage à « un verrou » de Fragonard. L’essentiel des collages ont pour titre « portrait » : portrait à la collerette, portrait à l’empreinte, portrait à la langouste, portrait à l’enfant… des portraits tout en féminité. Comme autant de portraits qui renvoient à l’artiste, chacun d’eux révélant une facette de la personnalité de celle-ci, il n’est donc pas étonnant que l’un d’eux à la page 47 soit intitulé : autoportrait.
La collagiste Mylène Vignon est aussi poète, les poèmes de ce recueil donnent à découvrir l’itinéraire d’une évasion artistique et poétique en un temps confiné mais un temps aussi « donné / comme un cadeau du ciel », un temps propice à la méditation, un temps où l’instant présent se fait plus précieux, un temps où l’insignifiant révèle des pépites d’or ; un temps voilé qui dévoile tant de vérités. Un temps suspendu propice à l’écriture et à la création. Un temps qui ne peut effacer l’amour, elle est cette lumière que nul ne peut éteindre car même avec un « Noël sans la lumière// heureusement/ Il y a l’AMOUR ». Un recueil de rébellion pacifique, l’artiste et le poète sont bien ces femmes et ces hommes qui face aux fusils sont capables de présenter des fleurs…

Ces derniers vers du poème Le grand désert : Le monde est à l’arrêt /Mais je marche dans Paris/ Rebelle / Une fleur à donner, m’ont rappelé cette photo qui m’avait tant marquée à l’adolescence : La fille à la fleur de Marc Riboud réalisée en 1967 à Washington lors d’une manifestation contre la guerre au Viet Nam.
Des collages et des poèmes pour conjurer les masques, les interdits et faire de ce qui n’est pas essentiel, le sel du temps, le sel de la vie et de la liberté cette fleur de sel qui jamais ne sera confinée car toujours, tel le phœnix, elle renaît de ses cendres.

Octobre Carole Carcillo Mesrobian – Alain Brissiau PhB éditions, par Ghislaine Lejard

Les poèmes de l’une et de l’autre pour un échange poétique et épistolaire qui abolit le vide du temps et de la nuit. De questionnements en interrogations faire éclore l’essentiel, le poème.
Se donne à entendre la difficulté de se comprendre car l’essentiel est aussi dans ce qui ne peut se dire et qui se vit dans l’attente et l’absence :

Viendras-tu me chercher
il n’y a plus d’automne capable de tomber
les feuilles de ma peine
viendras-tu me chercher…
Cette quête de l’autre se fond dans les paysages arides de l’automne et habite le silence :
Partout ailleurs
subsiste opaque
la densité sépulcrale
du silence

L’automne cette saison de transition entre l’été et l’hiver, entre le ravissement jubilatoire de la vie, du désir et la froideur hivernale recouverte du silence.
Au-delà de la quête amoureuse, une quête existentielle et ce constat, le monde est souvent inhabitable, si peu traversé d’amour car « si fragile si pauvre est notre foi ». Le poète est bien « funambule de papier » ; les mots pour tenter d’effacer le vide.
La nuit est très présente, la nuit de l’amour, la nuit du doute et de l’absence et les mots et la poésie toujours pour conjurer cette absence et s’y désaltérer.

Ghislaine Lejard


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