Photo : Brigitte Fumery. 2021.
Philippe Fumery est né en 1955. Il réside près de Dunkerque.
Ses poèmes sont publiés par les éditions Henry, l’Arbre à Paroles, La Porte.
Il est également l’auteur d’un roman paru aux Impressions Nouvelles en 2003, Les Voies Navigables.
Il donne des notes critiques pour les sites Poezibao ou Terre à Ciel.
Extrait de Caïeux. Éditions Henry, 2009.
Le vent frémit,
les feuilles de tremble
s’essayent à la pluie.Le babil des étourneaux,
le cliquetis des feuilles sèches,
présagent cette averse
qui les fera taire.
Extrait de Lune Douleur, suivi de Carlux. Éditions Henry, 2016.
Novembre,
une bande de corbeaux
de goélands
en mélange,
sur une parcelle malmenée
damée par les averses.Le vent fort
depuis le canal,
les tubes tintent
frôlés
endiablés,
le parapet
sur le pont Lefol.Tu reviens du front de mer
tête baissée,
l’orage monte,
n’en mènes pas large.Tempête en décembre,
les vagues dans les darses
se souviennent de la pleine mer.
Extrait de Saule abattu. Éditions Henry, 2011.
L’homme âgé
au bord du champ de blé
dans les premiers rangs avancé,
les épis à la taille
leurs barbes déployées
en éventail,
frotte un épi entre ses mains
en croque les grains.Le blé est mûr,
les mains lui démangent.
Lui sait
depuis la montaison
que ses bras ne pourront le faucher.
Extrait de À portée. Éditions La Porte, 2016.
Il a rejoint le bout de la pâture, dans un recoin fermé par la haie et quelques ormes malades,
il a ouvert le passage dans le grillage tendu pour les vaches, juste le temps de regarder ses pièges,
mais le temps s’est arrêté dans ce coin obscur, comme s’il tenait un pan de la nuit à l’abri du vent,
il cherche un repos connu de lui seul, fermant sur soi la barrière, pour se mettre en retrait, retrouver un peu des mouvements furtifs, des errances des nuisibles, des coulées entre les buissons, d’une quête feutrée de nourriture se rapprochant des habitations.Il marche à grand peine, s’appuyant sur sa canne, le fusil à l’épaule,
il n’arpente plus les parcelles, mais sort quand il entend des coups tirés, observe les chasseurs dans les jumelles et se poste contre un arbre, guettant le passage d’un lièvre débusqué, fuyant à travers la plaine, ici resserrée entre la forêt et la Lys, venant à sa portée,
il achève sa course d’un tir net, redoublé, le clouant sur place,
cela résonne vers les bois, à rebours.
Extrait de Face aux Maisons. Éditions Henry, 2021.
Les briques maçonnées à chant
ne dansent pas
sur ce pignon rouge
à l’entrée du hameau,
la lumière rasante de novembre
les aligne au cordeau
comme autant d’à-plats.Au coin de ce corps de ferme
la tempête pousse
des groupes sombres de joncs,
les ploie par à-coups,
forme des silhouettes accourant
se mettre à l’abri du froid
de la misère,
l’hiver à la porte.La bande d’étourneaux peine
à se reformer à la cime
des grands frênes dégarnis,
chahutée par la bourrasque
comme une nappe secouée
sur le pas de la porte.La bâtisse un peu en retrait de la route,
une fenêtre à demi éclairée,
la lumière vient de la pièce du fond,
pour l’heure ces gens occupés aux bêtes.
Extrait de Trois poèmes pour Sixt. Revue « Écrits du Nord », n° 31-32, 2017.
la pluie tend des nappes
sur les pentes
la paroi du cirque
elle voile la valléeles chalets de Nambride
le long du torrent
posés sur un replat
les greniers isolésmaisons de piémont
alignées
laissent la place à la plaine
pour le fourragedes hérons
sept ou huit
posent
en jalonsl’auvent allonge les toits
l’eau s’égoutte plus bas
la pluie bruisse à peine
dans le matin
Extrait de Lugar de la Luz. Andalousie, poèmes inédits.
Le soir décline, des ombres s’élancent
sur la montagne pelée,
rien n’arrête la course des paumes
aux doigts ronds,
les rangées de roches parcourues
de veines bleu sombre.Quelques arbres isolés en silhouette
sur la crête,
leur file s’amenuise
au plus haut point.Les ombres semblent
remonter les pentes,
regagner leur enclos.
Extrait de Berbère. Éditions L’Arbre à Paroles, 2013.
Berger perdu
sans mouton
au milieu de nulle part
ne sait où donner de la têtetroupeau évanoui
il enverra les chiensdeux mules à mi-pente
immobiles
côte à côte
tête baisséeau bord de la route
un arbre isolé
un homme assis
de dos
goûte son ombre
ne se retourne pas
à ton passageà sa manière
chacun salue l’autre
personne ne songe
à s’arrêtervaquer à autre chose
Extrait de La Vallée des Ammeln. Éditions L’Arbre à Paroles, 2016.
assise seule
au détour de la route
la vallée immense devant elle
vallée des ammeln
drapée de noir
sous un chapeau de paille
elle suit l’ombre
par vagues
dans les fonds
contre les versants opposés
sa charge déposée
contre son flanc droiten cet endroit
sorti de terre
sous le granit rose
que ta fin s’accomplisse
les derniers jours
dont le décompte t’importe
que tes restes deviennent pareils
à la cendre
et se dispersentles femmes sont drapées de noir
leur corps trois fois entouré
une ganse argentée
suit les plis de la toile
elles tiennent le compte
des nuits d’agonie
elles se cachent la bouche
en portant une pleine poignée
de leur voile
elles te guident
ne veulent pas entendre
elles savent ces choses
que tu guettes
Bibliographie
- Les Voies Navigables, roman, les Impressions Nouvelles, 2003.
- Caïeux, éditions Henry, collection « La main aux poètes », 2009.
- Déchaussé, in « Re Pon Nou, anthologie de poésie contemporaine », éditions Le Corridor Bleu, 2010.
- Saule Abattu, éditions Henry, collection « La main aux poètes », 2011. Ce recueil est paru aux Pays-Bas, sous le titre Gevelde Wilg, Editions Leskimo, traduit par Johan Everaers.
- Berbère, éditions l’Arbre à Paroles, 2013.
- Haro, éditions le Cadran Ligné, 2014.
- La Vallée des Ammeln, éditions l’Arbre à Paroles, 2016.
- A portée, éditions La Porte, 2016.
- Lune douleur, suivi de Carlux, éditions Henry, collection « La main aux poètes », 2016.
- Face aux maisons, éditions Henry, collection « Les Écrits du Nord », 2021.
D’autres textes sont parus dans les revues
Nord’, Ecrit(s) du Nord, Lieux d’Être, Première Ligne, Romaneske (B), Ballustrada (NL), Re Pon Nou, Catastrophes.
Page réalisée avec la complicité d’Isabelle Lévesque