Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Philippe Leuckx

dimanche 23 février 2014, par Cécile Guivarch

Extraits de « Les provinces amères »

1
La langue de la nuit, quand elle touche l’arbre, que sait-elle du vent, de la mer proche, des doigts glacés du vagabond et de sa peine ?
Nous sommes tous des errants d’une lumière qui se cherche.
Nous allons vers les bords et la terre s’offusque un peu de nous voir vaciller.
Et les mots sont déjà plus loin, empreints de sel, ou empruntés, sans valeur.
Et nous marchons, à reculons dans des souvenirs graves, un rien gras sur la trame.
Au lieu de ça : regarde comme le jour est venu à bout de l’huile sombre et s’insinue en nous.

2
Pour un luminisme poétique
Manifeste

Les mots changent de lumière et d’âme.
Et nous changeons avec.
Il a suffi d’un grain d’ombre et notre poème a pris l’aile, un coup d’aile dans son éclat premier.
Le sol plein de soleil et les tropismes du vague à l’âme des errants.
Je vagabonde de soir en soir sur de maigres chemins.
J’en rapporte des vers pour les oiseaux qui me picoreront.
Je ne les prends pas pour des pigeons.
Non, je suis ramasseur de l’essentiel. Du rien tombé des broutilles. A la lueur des mots.

3
On ne demande pas au cœur
d’être un abri pour le vent
ni pour le tumulte
les doigts savent presque
les mots qu’il faut
pour aimer.

4

Le fleuve aussi est un poème
dès l’aube avec ses ponts
et ses passants
ses mots qui tressent l’eau
sombre
et tout son flux d’avenir
sans attaches.

5
Le soir venait vers des lampes peureuses, diamants d’un fleuve à peine entrevu. L’on ignorait encore la poignée de main et la chaleur des lèvres.
Rome avait l’haleine des fièvres et l’été toutes les profondeurs.

6

Parfois, le sommeil prend tout l’espace comme une prose ses phrases. Le rêve est pointu et les virgules et les mots et les images autant de miroirs
entre fenêtre et nuit, un rideau penche et le théâtre dégringole. On n’est presque plus soi dans cette soie rêvée. La barque déjà souligne sa fin et l’horizon tourne la page.


Mini entretien avec Cécile Guivarch

D’où vient l’écriture pour toi ?

C’est une nécessité depuis une vingtaine d’années. Elle est favorisée par mes nombreuses lectures et écritures critiques.
La mémoire, l’enfance, la terre natale, les voyages la nourrissent.

Comment travailles-tu tes écrits ?

Mes textes sont rarement retravaillés : ils viennent et s’ils tiennent la route (fluidité et densité), ils sont conservés tels quels.
A une époque éloignée, j’ai écrit et récrit durant 6 ans (1989-1995) trente-trois poèmes inspirés du tableau de Balthus (Jeune fille à la fenêtre - version de 1955) : « COMME UNE EPAULE D’OMBRES » (L’arbre à paroles, 1996). Mais c’est une exception !

Quelle est ta bibliothèque idéale ?

en poésie
Le discours du muet de Mimy Kinet
Les beaux miracles d’Henri Falaise
La Cité Montgol d’André Hardellet
Poésies 1946-1967 de Philippe Jaccottet
La fable du monde de Jules Supervielle
Tristia de Mandelstam
Lady Feltham de Zbynek Hejda
Une histoire de nous de Jean Miniac
L’ouïe fine de Lucien Noullez
Ici bas de Dominique Grandmont
Urbi d’Anne Bonhomme
Une ardente solitude de Sandro Penna
Epaisseurs de Fargue
Les prodiges ordinaires de André Schmitz
Où est ma patrie de Pasolini ...

en roman
Tempo di Roma de Curvers
La storia de Morante
L’horizon de Modiano
La conscience de Zeno de Svevo
Mademoiselle Else de Schnitzler
Le nom de la rose d’Eco
Combray de Proust
Le lac de Bourniquel
La terrasse des Bernardini de Prou
Dernier royaume de Quignard
Voyage en Avril d’Avril
Bonjour tristesse de Sagan
Des hommes de Mauvignier
A l’abri de rien d’Olivier Adam
Marin mon cœur de Savitzkaya
Germinal de Zola
Le petit Chose de Daudet
Colomba de Mérimée
L’amant de Duras
Mémoires d’une jeune fille rangée de de Beauvoir
La Cendre de Rose-Marie François
La désobéissance de Moravia
L’inconnu sur la terre de Le Clézio
Le petit prince cannibale de Françoise Lefèvre
Le ragazzi di vita de Pasolini
Le désert des Tartares de Buzzati
Suttree de Cormac McCarthy
Les raisins de la colère de Steinbeck
Sur la route (Le rouleau original) de Kerouac
De sang froid de Capote
Les mémoires d’Hadrien de Yourcenar
Kafka sur le rivage de Murakami...


Philippe Leuckx

Après des études de lettres et de philosophie, il a consacré son mémoire de licence à Marcel Proust avant d’enseigner au Collège Saint-Vincent à Soignies.
Poète, critique, il collabore à de nombreuses revues littéraires francophones (Belgique, France, Suisse, Luxembourg) et italiennes. Il a publié aux Dossiers L sept monographies consacrées à sept poètes belges. Il tient des rubriques habituelles dans plusieurs revues (Poésie Panorama du Journal des poètes ; Bleu d’encre ; Francophonie Vivante ; Diptyque ; revues électroniques Sources et Encyclopédie de la Francophonie), et a préfacé des plaquettes aux éditions Clapàs (ouvrages de Kiesel, Counard, Roland). Il a participé à diverses anthologies (Jeunes poètes francophones de Belgique, Mille poètes, mille poèmes brefs, Le Carnet et les Instants n°100, L’Arbre à paroles n°100, Le Non- Dit n°80...). Il commente la littérature et le cinéma sur des sites et blogues (pres loin, poezibao, la république des livres, clopineries,rien ne te soit inconnu, Les Belles Phrases...). En outre, on peut lire ses poèmes dans de nombreuses revues papier et sur différents blogues (lese-art reMue, etatscivils...).
Il a été choisi pour représenter les écrivains belges francophones aux Journées romaines de la francophonie à la Casa delle Letterature (mars 2007), aux côtés des écrivains Herménégilde Chiasson (Acadie) et Matei Vi ?niec (Roumanie) et son œuvre est étudiée dans le séminaire de littérature belge de La Sapienza à Rome (lectrice Corinne Bricmaan)1. Il présente régulièrement des poètes au cours de rencontres littéraires. Il est invité officiel du 5e Festival de poésie de Namur les 13 et 14 juin 2008.
Dans le cadre du Printemps des Poètes, il a été l’invité avec d’autres auteurs des Editions Tétras Lyre à Paris, au Centre Wallonie-Bruxelles, le 7 mars 2009.
Il a entrepris de nombreux voyages : Népal, Inde, États-Unis, Italie, Espagne, Tchéquie, Turquie, Portugal, Autriche, Allemagne, Pays-Bas...sources de son inspiration poétique.
Il est aujourd’hui traduit en italien, en croate.
(wikipédia)

Bibliographie

Une ombreuse solitude, 1994, L’arbre à paroles.
Poèmes d’entre-nuits, 1995, Le Milieu du jour (F).
Comme une épaule d’ombres, 1996, L’arbre à paroles.
Le fraudeur de poèmes, 1996, Tétras Lyre.
Et déjà mon regard remue la cendre, 1996, Clapàs. Préface de Philippe Mathy(F).
Une sangle froide au cœur, 1997, L’arbre à paroles.
Une espèce de tourment ?, 1998, L’arbre à paroles.
Nous aurons, 1998, Clapàs. Préface de Marcel Hennart (F).
Puisque Lisbonne s’écrit en mots de sang, 1998, Encres Vives (F).
Un obscur remuement, 1999, La Bartavelle (F).
Un bref séjour à Nad Privozem, 2000, Encres Vives (F).
La main compte ses larmes, 2000, Clapàs. Préface de Frédéric Kiesel (F).
Le fleuve et le chagrin, 2000, Tétras Lyre.
Poèmes de la quiétude et du désœuvrement, 2000, L’arbre à paroles.
La ville enfouie, 2001, Encres Vives (F).
Celui qui souffre, 2001, Clapàs. Préface de Georges Cathalo (F).
Poèmes pour, 2001, La Porte (F).
Touché cœur, 2002, L’arbre à paroles.
Sans l’armure des larmes, 2003, Tétras Lyre.
Faubourg d’herbes flottantes, 2003, La Porte (F).
Te voilà revenu, 2004, Les Pierres. Préface de Pierre Dailly.
Rome cœur continu, 2004, La Porte (F).
Errances dans un Bruxelles étrange, 2004, Encres Vives (F).
La rue pavée, 2006, Le Coudrier. Présentation de Jean-Michel Aubevert.
En écoutant Paolo Schettini, 2006, Encres Vives (F).
Résonances (en collaboration), 2006, Memor.
Photomancies (en collaboration), 2006, Le Coudrier.
L’aile du matin, 2007, La Porte (F).
Un dé de fatigue, 2007, Tétras Lyre.
Étymologie du cœur, 2008, Encres Vives (F).
Rome rumeurs nomades, 2008, Le Coudrier. Postface de Walter Geerts.
Résistances aux guerres (en collaboration), 2008, CGAL.
Périphéries, 2008, Encres Vives (F).
Terre commune (en collaboration), 2009, L’arbre à paroles.
Le cœur se hausse jusqu’au fruit, suivi de Intérieurs, 2010, Les Déjeuners sur l’herbe.
Le beau livre des visages, 2010, Bookleg n°67, Maelström.
Selon le fleuve et la lumière, 2010, Le Coudrier.
Passages,(en collaboration), 2010, L’arbre à paroles.
Piqués des vers, 2010, Espace Nord n°300.
Rome à la place de ton nom, 2011, Bleu d’encre.
De l’autre côté, (en collaboration), 2011, L’arbre à paroles.
Dans la maison wien, 2011, Encre Vives (F).
D’enfances, 2012, Le Coudrier.
Métissage, (en collaboration), 2012, L’arbre à paroles.
Un piéton à Barcelone, 2012, Encres Vives (F).
Au plus près, 2012, Ed. du Cygne (F).
Déambulations romaines,(en collaboration), 2012, Ed. Didier Devillez.
Quelques mains de poèmes, 2012, L’arbre à paroles.
Dix fragments de terre commune, 2013, La Porte (F).
Momento nudo, (en collaboration), 2013, L’arbre à paroles.
D’où le poème surgit, 2014, La Porte (F).
Carnets de Ranggen, Editions le Coudrier, mars 2015 (www.lecoudrier.be)

Photo : Christelle Dossche


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