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Pierre Lepori, traduit de l’italien par Mathilde Vischer

samedi 15 juillet 2017, par Cécile Guivarch

Extraits de Qualunque sia il nome/Quel que soit le nom, Editions d’en bas

Ed ora ? In quale direzione
continuare. Prima
c’era almeno quel bosco, quella svolta
verso qualcosa che chiamava, una carne non coperta.
Adesso
è come un prate di sterpi in preda ad un sole che schiuma,
luce di norte querula, nel silenzio. Indolenzito
come se fosse l’alba di una notte di marcia forzata,
ma di un dolore a voltaggio moderato,
lungo, impensato
e nessun pensiero - più - a solcarlo
nessuna voce di deserto.

Et maintenant ? Dans quelle direction
continuer. Avant
il y avait au moins cette forêt, ce tournant
vers quelque chose qui appelait, une chair à vif.
Maintenant
c’est comme un pré de ronces en proie à un soleil qui écume,
lumière de mort plaintive, dans le silence. Endolori
comme à l’aube d’une nuit de marche forcée,
mais d’une douleur bourdonnante,
longue, imprévue
et pas une pensée - plus une - pour la traverser
pas une voix du désert.

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Non c’era giardino, solo case. Viveva
nella pena di essere viva, pena di essere
a colpi di bastone, schioccare di pietre,
in un angolo sconcio.
Senza voce tra i denti digrignati,
talvolta, ma solo allo stremo delle forze,
si arrampicava sopra l’asse del water
e in cima si affacciava dal bugigattolo
che dava sul cortile ;
fuori l’estate lenta e inconsapevole.

Il n’y avait pas de jardin, seulement des maisons. Elle vivait
dans la douleur de vivre, douleur d’être
sous les coups de bâtons, claquements de pierres,
dans un recoin sordide.
Sans voix, montrant les dents,
parfois, mais seulement à bout de forces désespérées,
elle se hissait sur le couvercle des toilettes
apparaissait en haut de la lucarne
qui donnait sur la cour ;
dehors l’été lent et inconscient.

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Lungo la valle potresti
aggrapparti all’idea ch’è la roccia a parlare,
sempre immutabile e disposta
al grido dello gneiss e del lichene.
Ma quanto il buio si fa fitto sulle cose
e attutito è il calore dell’istante
non resta che andare più a fondo
e nessuno ti accompagna, più a fondo
la montagna è senza nome.

Le long de la vallée tu pourrais
t’acrocher à l’idée que c’est la roche qui parle,
toujours immuable et prête à recevoir
le cri du gneiss et du lichen.
Mais quand l’obscurité s’épaissit sur les choses
que s’assourdit la chaleur de l’instant
il ne reste qu’à aller tout au fond
et personne ne t’accompagne, tout au fond
la montagne est sans nom.

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Solo a tratti una voce umana ti chiama,
vi riconoscete in un sussurro,
e la gioia vi cola sul viso come cera,
il mondo riprende a pulsare e pulsa di voce e dolore. E decifri
stasera, abbracciato allo specchio di un verso,
il dovere, senza articolo, del vero.

De temps à autre seulement, une voix humaine t’appelle,
vous vous reconnaissez dans un murmure,
et la joie coule sur votre visage comme de la cire,
le monde reprend sa pulsation, et pulse de voix et de douleur. Et tu déchiffres
ce soir, choyé par le miroir d’un vers,
le devoir de la vérité nue.

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Pierre Lepori (1968), vit à Lausanne, où il occupe le poste de correspondant culturel pour la Radio Suisse Italienne. Après des études de Lettres aux Universités de Florence et Sienne, il a obtenu un doctorat ès Theaterwissenschaft à l’Université de Berne ; il a dirigé la rédaction italienne du Dictionnaire du théâtre en Suisse (Chronos, Zurich, 2005). Il est traducteur, auteur de poésie et romancier. Il est rédacteur de la revue Viceversa Letteratura et fondateur de Hétérographe, revue des homolittératures ou pas

  • Qualunque sia il nome, introduction de Fabio Pusterla, Bellinzone, Edizioni Casagrande, 2003. Prix Schiller 2004 ; français : Quel que soit le nom, traduit de l’italien par Mathilde Vischer, Lausanne, Éditions d’en bas, 2010 ; english : Whatever The Name, translated from the Italian by Peter Valente, New-York, Spuyten Duyvil Publishing, 2017.
  • Vento, introduction de Stefano Raimondi, Faloppio, LietoColle Libri, 2004.
  • Di rabbia / De rage, version française par Mathilde Vischer, Bellinzone, Edizioni Sottoscala, 2010.
  • Grisù, roman, Bellinzone, Edizioni Casagrande, 2007 (français : Sans peau, adapté par l’auteur, Lausanne, Éditions d’en bas, 2013)
  • Alberto Canetta. La traversata del teatro, essai, Bellinzone/Bâle, Edizioni Casagrande/Theaterkultur Verlag, 2007.
  • Il teatro nella Svizzera Italiana, la generazione dei fondatori, essai, Bellinzone, Edizioni Casagrande, 2008.
  • Sexualité, Lausanne, Éditions d’en bas, 2011, version française ; Sessualità, Bellinzone, Edizioni Casagrande, 2011, version italienne (par l’auteur) ; Sexualität, Bienne, Verlag die Brotsuppe, 2011, traduction allemande par Jacqueline Aerne.
  • Strade bianche, poèmes, Novare, Interlinea, 2013.
  • Come cani, roman, Milano, Effigie, 2015 ; version française par l’auteur : Comme un chien, Lausanne, Éditions d’en bas, 2015.

Mathilde Vischer est traductrice littéraire (avant tout de poètes contemporains de langue italienne) et professeure à la Faculté de traduction et d’interprétation de Genève. Elle a notamment publié des traductions de Felix Philipp Ingold (De nature, éditions Empreintes, Lausanne, 2001), Fabio Pusterla (Une voix pour le noir, éditions d’en bas, Lausanne, 2001 ; Les choses sans histoire, éditions Empreintes, Lausanne, 2002 ; Histoires du tatou, Minizoé, Genève, 2010), Alberto Nessi (Algues noires, traduit en collaboration avec J.-B. Para, Meet, St-Nazaire, 2002) et de Pierre Lepori (De Rage, edizioni sottoscala, Bellinzone, 2009 ; Quel que soit le nom, éditions d’en bas, Lausanne, 2010), de Massimo Gezzi (In altre forme, En d’autres formes, In anderen Formen, Transeuropa, Massa, 2011), et d’Elena Jurissevich (Ce qui reste du ciel, Samizdat, Genève, 2012). Elle a également publié sa thèse de doctorat (La traduction, du style vers la poétique : Philippe Jaccottet et Fabio Pusterla en dialogue, éditions Kimé, Paris, 2009). Des extraits de Lisières sur Terre à ciel, livre paru aux éditions p.i.sage int.érieur.


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