Mini entretien avec l’éditeur Michel Foissier par Roselyne Sibille
Comment est née votre maison d’édition ?
Tout d’abord, il y eut la revue, propos de campagne. C’était en 1993. Je n’en suis pas le créateur, j’ai rejoint l’équipe (de l’époque) au deuxième numéro. Une revue qui avait et a toujours de belles ambitions, sur le fond, les qualités littéraires bien entendu, mais aussi sur la forme, mise en page travaillée, présentation et impression soignée. Elle continue de paraître.
Les livres, c’était autour de 2003. Recevoir des textes qui me parlent, mais incompatibles avec les critères de la revue était plutôt frustrant. La première collection s’est imposée en toute liberté, sans limites de pages dans un format s’adaptant au propos. Les autres collections ont suivi.
Quelles sont ses particularités ?
La revue a ouvert une brèche qui s’est vite imposée et a infusé cette attention particulière aux arts plastiques, et plus précisément à la peinture, aux autres collections. L’essentiel des publications est consacré à la poésie, mais l’exploration de l’espace entre le texte et l’image, entre le visible et l’énonçable, reste un sujet de réflexion majeur sur une partie importante du catalogue.
Quelle idée de l’écriture défendez-vous ?
Outre les auteurs que j’ai du bonheur à défendre depuis maintenant quelques années, je souhaite qu’une écoute soit offerte à des voix différentes, nouvelles, mais le souci d’écriture, son exigence, doit rester primordial.
Avez-vous plusieurs collections ?
Poésie, textes courts, sont publiés dans la collection Propos à demi, Itinérance est plus un « département » de la première qu’une collection et accueille les voyages (de toutes les sortes), les errances… La collection Le Mur dans le miroir (hommage à Ritsos) fait dialoguer textes et images et des Archives pour demain se réserve pour des essais (ce qui n’exclut ni qualité d’écriture ni poésie). Il y eut Petit à petit, des ouvrages de seize pages, actuellement en sommeil tout comme Livres en Live qui s’accompagne d’un CD audio. Et j’aime considérer la revue comme une collection, il y a donc Propos de campagne.
Comment choisissez-vous les textes que vous publiez ?
Je suis seul juge. Avantage ou inconvénient, je ne sais pas. J’aime faire partager mes coups de cœur, mes goûts, mes découvertes. Donc pas de stratégie (surtout pas éditoriale). Éditer, c’est le désir de partager, d’où la nécessité d’être avant tout un lecteur. Alors la rigueur de l’écriture certainement, l’émotion provoquée sans doute, mais sait-on vraiment pourquoi nous sommes touchés par un texte…
Quel est votre meilleur souvenir d’édition ?
Pleins de bons souvenirs bien sûr… mais avant tout et le gain n’a pas de prix, les rencontres dont certaines ont abouti sur des amitiés rares, profondes, sincères.
Et le pire ?
Peut-être quelques ruptures en amitié, mais c’est comme dans la vie.
Des projets, des publications à venir ?
Heureusement. Des projets jusqu’en 2017, après nous verrons. Pour 2015, de bien engageantes publications, Jean de Breyne pour deux ouvrages (comme tous les deux ans depuis quelques années), Michaël Glück, Syvie Durbec, Emmanuèle Jawad, Cécile Odartchenko, pour commencer…
Quelques extraits d’ouvrages parus en 2014
Frédérique de Carvalho
(journal du) cheminement parmi
chaque jour ressemble qui ne ressemble pas
la pâleur des gris jusqu’aux gris enfoncés les
fragments la
pliure
quelques feuillets l’à
peine
et jusqu’à la brillance par
l’en dessous les
silences
et puis
recommencer
l’instant léger bougé et
raccroché
et
détacher la feuille comme
séparé de quoi
Guillaume Boppe
TOI
une enfant s’en remet à toi
monte en toi de l’avenue
personne n’habite ici
d’où elle sort c’est le flou
l’enfant paie sa place
se loge dans une banquette
son dos grince vieille femme
à l’instant où te touche
son cou tu comprends
qui sont les habitants
de l’avenue derrière toi déjà
et des rues encore devant
Gilbert Casula
Chroniques de la fin du monde
Lundi 12/12/2011
Cela pourrait commencer
comme ça, une journée
de pluie, la première
depuis longtemps.
Mardi 13/12/2011
Mais les jours passent
Mercredi 14/12/2011
et rien ne vient,
Jeudi 15/12/2011
pas une ligne,
Vendredi 16/12/2011
un traître mot !
Samedi 17/12/2011
Dans le vacarme
de sept milliards
de voix humaines
où chacun perd
sa propre voix.
Claude Held
Nouvelles du XXIe siècle
DÉPLACEMENT
Celui qui marche à reculons dans une foule introduit une idée de déplacement continu auprès de tout spectateur immobile comme il advient quand un voyageur assis dans un train à l’arrêt voit un train parallèle s’éloigner peu à peu de l’autre côté du quai. Une variante consiste à marquer le pas pendant que la foule avance. Jusqu’au moment où, fascinée par cette démarche, elle se met à piétiner à son tour au nom du progrès.
Où est le progrès ? Dans celui qui recule ? Dans celui qui regarde ? Y a-t-il un manuel pour apprendre à marcher à reculons ? Y a-t-il un manuel du regard ? Et que se passe-t-il quand celui qui recule se met lui aussi à regarder ?
Danièle Faugeras avec des dessins de Martine Cazin
Éphéméride 03
Ainsi
de jour en jour
jour après jour
au jour le jour
la page
de chaque jour.
La page
ou
la fenêtre
– francs-bords
pour la vision.
Jour
comme unité
de lumière
pour scander
la vision
affranchie
de durée
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