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Sans hâte, un monde (Le Caire),
Philippe Longchamp, Michel Durigneux

mercredi 14 janvier 2015, par Cécile Guivarch

Un bleu variable mais ni roi,
ni cobalt, de Prusse ou Nattier,
ni lavande, marine, ni
des mers du Sud. (Je me souviens
d’un bleu des nuits d’Égypte vu
dans un roman - pas de mes yeux -,
un très sombre et chaud bleu violet
à s’émerveiller, mais peut-être
exclusivement littéraire… )

Là, un très réel bleu hésite
entre des turquoises divers
et des bleu ciel, du soutenu
au diaphane et au blanc. Posé
à grands coups de brosse depuis
longtemps sur le crépi grenu
des murs entiers. Bleu pas du tout
mélancolique. Lumineux
et gai. Sans doute le sont-elles
parfois aussi, hors la présence
du photographe, ces deux femmes
de profil en noir sur le bleu.
Sans doute sont-elles aussi
lumineuses et gaies selon
ce que dit le bleu de leur jour.

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Un air avec bruissement d’ailes.

La vie que la musique allume
porte tout, le fait en douceur,
le fait dans une ivresse douce.

L’avenir danse à l’avant-scène
à contre-jour. Toute la grâce
possible offerte comme rien,
comme d’avoir les pieds sur terre
mais la grâce avec. Ce qui fuse
d’entre les couleurs est docile
et délicat ; même les rouges
font violence avec retenue.

Au vif, devant ce mur de brique
à gros joints de ciment qui bavent,
sourdent les musiques allègres.
Si loin qu’on soit dans le silence,
on les entend par l’intérieur.

L’avenir danse à l’avant-scène,
et sourire y est un cadeau,
qu’on fait à soi autant qu’aux autres.

Princesses et princes de peu,
sans doute mais pleins du plaisir
d’être cette grâce qu’ils offrent.

Leur bruissement d’ailes dans l’air.

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Fugitivement venues de
l’enfance, des images : le long
d’un quai ralentit la loco
dans sa fumée, dans ses giclées
de vapeur. Un visage un peu
charbonneux est posé sur le
fond noir de l’ouverture, au flanc
de la machine ; le chauffeur
enfin abandonne au repos
son regard. Un large chiffon
maculé pend de sa main sale.
On croit voir dans ses yeux qui passent
sans hâte un monde, des sagesses,
des fatigues pas forcément
irréparables mais qui marquent.

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Grand théâtre, tréteaux de foire,
des pendillons sortent toujours
de beaux trompe-l’œil qui s’avancent,
d’emblée en jeu sur scène, même
inertes ou muets. Spectateurs
à savourer ces menteries,
on jouit d’y tenir la vraie vie…

Pas trop débordant du portail
de droite, en plan américain,
cheveux coiffés parfait au gel,
main en défense, et ses yeux jaugent.
D’autre manière il est en jeu
dans l’image, et moi à l’affût
de quelle vraie vie à saisir ?

C’est un losange. Il est posé
verticalement, mais ses droites
sont plutôt des courbes, ses angles
s’arrondissent, j’y verrais bien
une mandorle, même s’il
ne s’agit pas de majesté
divine, mais d’un homme jeune
à la peine usuelle et saisi
dans la gloire de son sourire,
dans sa gloire avec son possible,
son problématique et obscur
mais possible avenir. Les bras,
les mains, presque tout le visage
épanoui sont couverts d’un lait
gris sombre luisant qui mélange
avec l’huile de l’usinage
la poudreuse d’aluminium
de l’emboutisseuse ou du tour,
ou de la machine à polir.

Tête penchée dans la mandorle,
il porte la grande bassine
en alu penchée sur l’épaule
en pente inverse. Il offre dans
ses yeux, sa bouche, son visage
entier, un sourire si près
de rire, son bonheur peut-être
fugitif mais plein et radieux.

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